Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux La société Pierre Andriel Pajol et Cie Le Margery (l’Élise)
Je prends toujours un réel plaisir de découvrir comment des entreprises au 19e siècle se sont constituées et quelle problématique s’est posée pour leur constitution, leur fonctionnement et… leur déclin. Depuis quelques mois je vous propose d’étudier en détail celles initiées par Pierre Andriel qui fut tour à tour : négociant, armateur et même corsaire en Allemagne, homme d’affaires en France et en Italie. Nous avons vu dans le dernier article qu’Andriel et Pajol avaient constitué une société pour exploiter un brevet d’importation de quinze ans, obtenu en janvier 1815, pour des procédés de construction de bateaux à vapeur. En attendant la construction et la mise en service de ses propres bateaux, la société acquit à Londres le Margery, qui deviendra par la suite l’Élise, pour une exploitation sur la Seine. Avant d’être acheté, ce bateau avait déjà une histoire, c’est l’objet de cet article.
Positionnement de nos propos dans la chronologie du développement des navires à vapeur en France
Fig. F-1 – Le Margery (future Élise) dans la chronologie des expériences de propulsion des bateaux (extrait) Dessin Michel-C Mahé
Le Margery (L’Élise)
En février 1816, Pierre Andriel s’associa avec le lieutenant- général Pajol *, soutenu par MM. Perregaux, Lafitte et compagnies banquiers à Paris, pour exploiter les brevets d’importation et de perfectionnement des bateaux vapeur obtenus par la première société Andriel, Perrin et compagnie.
*) Voir articles : « Les protagonistes : Pierre Andriel (1782-1869) » et « Les protagonistes : le général Pierre Pajol ».
Mi-janvier 1816, Pierre Andriel partait pour Londres pour choisir et acheter l’un des trois bateaux à vapeur qu’il savait s’y trouver. Deux ingénieurs français l’accompagnaient pour étudier les derniers perfectionnements apportés par les Anglais dans la construction des machines à vapeur. *
*) L’un s’appelait M. Ferry, ami de Gaspard Monge (mathématicien et homme politique). Il était examinateur à l’école de Metz.
Pierre Andriel acquit le Margery *, construit aux chantiers Archibald Mc Lachlan à Dumbarton (Écosse) et lancé en juin 1814.
*) Diminutif de Margaret.
Fig. F-2 – Le Margery (L’Élise) à son arrivée à Paris – Crédit BNF-Gallica
Le Margery
Le Margery a été construit à Dumbarton (Écosse) et lancé en juin 1814. C’était un bateau en bois s’apparentant à un bateau de pêche, sans superstructures avec une propulsion vapeur à haute pression de 10 chevaux actionnant deux roues à aubes.
Caractéristiques :
Constructeur : Archibald McLachlan à Dumbarton. Le certificat de construction, daté du 5 novembre 1814, était au nom de William Denny. Il était vraisemblablement à cette époque le gérant de McLachlan.
Coque * : -) en bois ; -) jauge brute : 39 bm ; -) longueur : 63 ft 0 in (19.2 m) ; -) largeur de la coque : 12 ft 0 in (3.66 m) ; -) largeur hors tout ; ? ; -) tirant d’eau : 5 ft 6 in (1,68 m).
*) Les dimensions sont données en pied anglais égal à 30,48 cm.
Emménagements : Selon un chroniqueur, le navire est très spacieux et peut accueillir 300 personnes.
Machine : -) constructeur, James Cook, Glasgow, en Écosse ; -) « SL1cyl 22″x24″ » mécanisme à levier latéral, d’une puissance nominale de 10 hp (7,46 kw) ; 1 cylindre de 22 in. (0,56 m) de diamètre par 24 in. (0,61 m) de course.
Historique des propriétaires : -) décembre 1814 : William Anderson & John McCubbin (Glasgow) et Thomas Hall, James Huntley, John Cathcart & Anthony Cortis (London Steam Engine Packet Co) ; -) avril 1815 : Anthony Cortis & autres (London Steam Engine Packet Co), Londres – reg Londres ; -) 1816 : Andriel Pajol et Compagnie, Paris.
Historique du navire : -) juin 1914, lancement aux chantiers Archibald McLachlan à Dumbarton, Écosse ; -) novembre 1814, il est acheminé à Londres via le canal de Forth & Clyde dans lequel il est remorqué, car les roues et leur protection ont dû être retirées pour qu’il soit dans le gabarit du canal ; -) 23 janvier 1815 (?), mise en service passagers entre Londres et Gravesend ; -) juin 1815, son service est suspendu par une action en justice des bateliers de la Tamise ; -) novembre 1815, il reprend son service Londres et Gravesend ; -) 9 au 15 mars 1816, voyage de Londres à Newhaven ; -) 17 au 18 mars 1816 premier bateau à vapeur à traverser la Manche de Newhaven au Havre ; -) 20 mars au 29 mars 1816, il remonte la Seine, sous le nom de L’Élise, jusqu’à Paris avec une escale à Rouen ; -) 17 avril 1816, il commence son service de passagers, sur la Seine, entre Elbeuf à Rouen.
Fig. F-3 – Le premier voyage du Margery – Dessin Michel-C Mahé
Ce bateau avait déjà fait ses preuves en mer puisqu’en novembre 1814, à sa livraison, il gagna Londres via le canal de Forth & Clyde dans lequel il fut remorqué, car les roues et leur capot ont dû être retirées pour qu’il puisse passer au gabarit du canal. Il fit le reste du trajet par ses propres moyens. Il arriva sain et sauf à Londres le 24 décembre 1814. Un chroniqueur anglais écrivait à propos de ce voyage : « Il est arrivée en toute sécurité après un voyage très rapide ; une preuve convaincante que les bateaux à vapeur peuvent prendre la mer en toute saison de l’année ». Il fut mis en service entre Londres et Gravesend.
Fig. F-4 – Service de passagers entre Londres et Gravesend (Milton) du Margery – Dessin Michel-C Mahé
Il semble que c’est à partir de mi-février * que le Margery, capitaine Cortis, démarra son service de passagers entre Londres et Gravesend (environ 41,8 km). Il est parti à 10 heures, de Wapping Old Stairs, près des docks de Londres, pour Milton, un village situé à environ un mile en aval de Gravesend, et en est reparti le lendemain.
*) D’autres sources indiquent 23 janvier.
Il a effectué son voyage inaugural en deux heures et quart. La distance étant de 41,8 km soit 22,5 nautiques parcourus en 2,25 h sa vitesse était donc d’environ 10,5 nœuds.
Il a consommé, durant le voyage, un « demi-chaldron » * de charbon soit 610 kg soit 244 kg par heure.
*) La valeur généralement donnée pour le « chaldron de Newcastle » est de 53 Cwt, et celle du « chaldron de Londres », 27 Cwt sachant que Cwt vaut 50,8 kg , le « chaldron de Newcastle » correspond à un poids de charbon d’environ 2692 kg, celui du « chaldron de Londres », 1372 kg. (Voir : Documentation – Comparaison des mesures anglaises avec les poids et mesures du système métrique)
L’annonce publiée dans la presse précisait : « Ledit paquebot étant parfaitement équipé, les passagers et leurs bagages seront transportés avec plus de rapidité et de sécurité que tout autre moyen de transport, par voie maritime ou terrestre, et dans des conditions de sécurité optimales. Les passagers sont priés d’être ponctuels à l’heure indiquée. »
Le Margery partait tous les matins, sans exception, à neuf heures de Wapping Old Stairs, arrivait à Milton vers une heure et repartait régulièrement à trois heures pour arriver à Wapping à sept heures. Le prix du billet est de 4 shillings pour la meilleure cabine et de 2 shillings pour les autres.
Le débarquement des passagers se faisait sans l’aide de barques, une plateforme latérale était déployée jusqu’au quai, évitant ainsi non seulement tout danger, mais aussi les extorsions pratiquées par les bateliers.
En juin 1815, son service était suspendu par une action en justice des bateliers de la Tamise. Une loi du parlement, votée sous le règne d’Élisabeth première, accordait un monopole aux bateliers de Gravesend ; de ce fait, ceux-ci, refusant ce nouveau progrès, faisaient tout leur possible pour entraver le service de la Margery. Il faut noter que leurs bateaux à voile pouvaient mettre jusqu’à vingt-quatre heures pour ce court trajet.
Le Margery reprenait son service en novembre de la même année.
Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux Service commercial de navires à vapeur Les sociétés Andriel & Perrin et Cie, Andriel & Pajol et Cie et Pajol et Cie
Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, Pierre Andriel et ses différents associés souhaitaient introduire en France un nouveau système de navigation accéléré en employant les bateaux à vapeur. Ces derniers étaient largement développés aux États-Unis, en Angleterre et en Écosse. Plusieurs sociétés se succédèrent au gré des difficultés rencontrées : Andriel & Perrin, Andriel & Pajol et Pajol et Cie. Ceci sur une courte période : quatre années, un feu de paille, mais, à mon sens, elle fut déterminante pour le développement des bateaux à vapeur sur notre territoire.
Fig. E-1 – Chronologie des sociétés Andriel Perrin et Cie et Andriel Pajol et Cie Dessin Michel-C Mahé
La société, Andriel Perrin et Cie
La première société, Andriel * Perrin ** et Cie, était composée de MM. Pierre Andriel *, Nicolas Perrin, de Verdun, et Samuel Phalys, un Anglais ***. Le siège était alors à Paris, au n° 8 rue Thiroux.
*) Article « Les sociétés Andriel Perrin et compagnie et Andriel Pajol et compagnie – Les protagonistes – Pierre Andriel ». **) Perin sur certains documents. ***) En janvier, 1816, la société est répertoriée dans l’Almanach de 25,000 adresses comme suit : « Andriel, Perrin et comp., inventeurs des procédés de construction de bâtiments de navigation combinés avec des machines à vapeur, rue Thiroux. 8. »
Le 27 janvier 1815, un brevet d’importation de quinze ans leur fut délivré « pour des procédés de construction de bâtiments de navigation combinés avec des machines à vapeur et organisés pour marcher, quels que soient les courants ». Les documents qu’ils ont fourni alors à l’administration concernaient une barque à rames.
Fig. E-1 – Bateau à rames actionnées par une machine à vapeur – Société Andriel Perrin et Cie Principe de fonctionnement – Coupe transversale du bateau. Source : Archives historiques de l’INPI – Dessin Michel-C Mahé
Le brevet fut modifié, le 2 juin 1815, pour adapter des bateaux remorqueurs articulés à leur système de navigation accélérée.
Fig. E-2 – Bateau remorqueur articulé de la société Andriel Pajol et Cie – Source : Archives historiques de l’INPI
Par curiosité, j’ai coté le schéma initial à partir de l’échelle indiquée sur le document fourni à l’administration. Je me suis rendu compte que leur bateau remorqueur articulé était de très modestes dimensions.
Le bateau remorqueur articulé
Ce projet consistait à former un train de bateaux, avec un remorqueur et plusieurs petites barques, assemblées entre eux par une rotule formée par deux demi-cylindres, convexe à l’avant et concave à l’arrière, permettant une articulation de l’ensemble du train. Dans une ligne droite, il se comportait comme un bateau normal, cependant la mobilité des éléments du train était censée lui permettre de suivre les courbes d’un canal. Les avantages qu’Andriel et Pajol mettaient en avant étaient de rendre les chargements, les déchargements et les réparations plus faciles, car toutes ces opérations pouvaient se faire séparément et simultanément pour chacune des barques et en des lieux différents. Son exploitation sera retardée d’une part par la recherche des capitaux et crédits qu’elle exigeait, et d’autre part les événements politiques avec la fin des Cent-Jours, la chute définitive de Napoléon Ier et du Premier Empire, le retour des Bourbons au pouvoir. Le projet fut abandonné au profit de bateaux conventionnels.
Fig. E-3 – Situation du Quai Voltaire où se trouvaient le siège de la compagnie au domicile du général Pajol Source Gallica-BNF
La société Andriel Pajol et Compagnie
Pour exploiter les brevets obtenus en 1815, Pierre Andriel s’associait avec le lieutenant-général Pajol * le 28 décembre 1815, par devant Me Bellanger et son collègue, sous la raison sociale P. Andriel Pajol et Compagnie. Les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Le général Pajol apportait son activité, sa fortune et l’appui de son nom. Ils obtinrent le soutien de Jacques Laffitte, régent de la Banque de France et chef de la maison Perregaux, Laffite et Cie. L’administration de la société fut établie au n°1 quai Voltaire, à Paris, chez le général Pajol.
*) Article « Les sociétés Andriel Perrin et compagnie et Andriel Pajol et compagnie – Les protagonistes – Le général Pajol ».
De la première société, M. Samuel Phalys a cédé ses droits à MM. Pierre Andriel et Nicolas Perrin, et ce dernier a cédé les siens au comte Pierre-Claude Pajol, général en retraite. C’était une société à commandite * par actions au porteur. Le fonds de l’entreprise était de 2 400 000 fr, réparti en 2 400 actions de 1 000 fr. chacune. Jacques Laffitte était président du conseil d’administration.
*) Ce type de société était courant à l’époque. « La société en commandite est celle qu’un marchand contracte avec un particulier pour un commerce qui sera fait au nom seul du marchand , et auquel l’autre contractant contribue seulement d’une certaine somme d’argent qu’il apporte pour servir à composer le fonds social, sous la convention qu’il aura une certaine part au profit, s’il y en a, et qu’il portera, dans le cas contraire, la même part des pertes, dont il ne pourra, néanmoins être tenu que jusqu’à concurrence des fonds qu’il a apportés en la société. »
Les actions étaient frappées de deux timbres : l’un représentait un bateau-coureur, entouré des mots « Honneur à Fulton » ; l’autre, Neptune et Éole enchaîné par Vulcain, entourés des mots « Prospérité du commerce ». Un manifeste de présentation détaillé fut édité le 18 janvier 1816 pour les futurs actionnaires. Ils exposaient leur projet initial en se positionnant sur deux types d’exploitation : -) Principalement, la construction et la vente des « bateaux conducteurs », destinés à remorquer les bateaux ordinaires des voituriers par eau, supprimant de ce fait les attelages de chevaux de trait sur les chemins de halage. -) La construction de « bateaux coureurs » qui remonteront les fleuves ou les rivières les plus rapides, en faisant environ deux lieues par heure et en assurant une grande régularité.
Le 13 janvier 1816, le brevet fut cédé au général Pajol puis à Moulard et consorts le 13 mai 1816. Deux changements ont été apportés à celui-ci : un nouveau concept de machine à vapeur et un de chaudière.
L’épopée du Margery
Mi-janvier 1816, Pierre Andriel partait pour Londres pour choisir et acheter l’un des trois bateaux à vapeur qu’il savait s’y trouver. Deux ingénieurs français * l’accompagnaient pour étudier les derniers perfectionnements apportés par les Anglais dans la construction des machines à vapeur.
*) L’un s’appelait M. Ferry, ami de Monge, il était examinateur à l’école de Metz.
Pierre Andriel acquérait le Margery *, construit aux chantiers Archibald Mc Lachlan à Dumbarton (Écosse) et lancé en juin 1814. Ce bateau avait déjà fait ses preuves en mer puisqu’il avait déjà effectué le voyage de Glasgow à Londres. Un chroniqueur anglais écrivait à son sujet : « Il est arrivée en toute sécurité après un voyage très rapide ; une preuve convaincante que les bateaux à vapeur peuvent prendre la mer à n’importe quelle saison de l’année ».
*) Diminutif de Margaret.
Il tenta d’assurer sa vie et le Margery auprès des principales compagnies d’assurances, mais la défiance qu’inspiraient les bateaux à vapeur d’alors était-elle qu’aucune n’y consentit.
Le samedi 9 mars 1816, le bateau étant à Londres, Pierre Andriel, entreprit de traverser la Manche pour l’emmener au Havre * ; il y arrivait après une traversée épique le 18 mars. Puis, rebaptisera le Margery : L’Élise ** et le 19 mars, il lui fit reprendre sa route pour Paris où il y arrivait triomphalement le 29 mars.
*) Article « La société Pierre Andriel Pajol et Cie – L’Élise, la première liaison, faite sur le même bateau, d’une capitale à une autre ». Parution prévue en décembre. **) En l’honneur de la fille du Maréchal Oudinot, femme du Comte Pajol.
En mars 1816, la presse faisait état de la construction à Rouen, dans les chantiers de la compagnie, d’un bateau à vapeur La Henriette *, de 140 pieds ** (46,6 m) de long et de deux pieds (0,66 m) de tirant d’eau en charge. D’une capacité de trois cents passagers, il était destiné à servir de coche sur la Seine.
*) On ne trouve plus de trace par la suite de ce navire sous ce nom. Peut-être est-ce l’Espérance. **) Un pied égal à un tiers de mètre selon le décret du 12 février 1812 par Napoléon 1er.
Par une ordonnance du Roi, du 19 avril 1816, Andriel et Pajol obtinrent un brevet d’additions et de perfectionnement au brevet d’importation et de perfectionnement du 27 janvier 1815. Il consistait à adapter les bateaux remorqueurs articulés à leur système de navigation accélérée. L’affaire fonctionna immédiatement. Ils s’étaient assuré la collaboration de M. Louis Martin, ingénieur-mécanicien, connu par la conception de la pompe foulante et aspirante qui a remplacé l’antique machine de Marly qui fournissait l’eau à la ville de Versailles.
En juin 1816, Andriel se sépara de Pajol, il tentait sa chance ailleurs.
La presse mentionnait, en juin 1816, que L’Élise continuait son service passager entre Rouen et Elbeuf et que la compagnie Andriel Pajol poursuivait la construction de bateaux remorqueurs dans ses chantiers de Compiègne et de Saint-Dizier. * On assurait alors qu’elle se proposait de placer un de ces bateaux sur la Meuse, au-dessus de Verdun. En juillet 1816, on fait état que la compagnie Pajol et Andriel fait construire à Compiègne deux bateaux à vapeur pour la navigation de l’Oise et de la Seine.
*) De ces nouvelles constructions, on ne connaît qu’un seul bateau à vapeur : L’Espérance. (Voir Article « La société Pajol et Cie – L’Espérance, les premiers essais de remorquage sur la Seine. ». Parution prévue en janvier 2026)
La société Pajol et Compagnie
Au mois d’août (?) 1816, le général Pajol devint gérant de l’entreprise *, par acte passé devant M. Bellanger, notaire à Paris. Il y investira toutes ses ressources personnelles.
*) En 1817, Andriel & Pajol., sont toujours répertoriés dans l’Almanach des 25 000 adresses des principaux habitants de Paris comme : « Inventeurs des procèdes de construction de bâtiments de navigation combinés avec des machines à vapeur, quai Voltaire n°1 ».
Au début, les résultats de l’entreprise furent très satisfaisants, mais on les vit se dégrader pendant les années 1817 et 1818. Le général Pajol perdit alors une grande partie de sa fortune dans cette affaire. * Pour éviter de tout perdre, il se « retira » de l’association.
*) Les biens suivants furent vendus : l’hôtel de Besançon, près de la porte Noire, en face l’archevêché ; la terre d’Audeux et ses dépendances ; les fermes de Grange-Chérie et les morceaux de terre qu’il avait dans les environs de Nozeroy.
À la demande de Mme Pajol, affectée par le décès de leur fille Anne-Victorine en juillet 1817 et la vision permanente, quai Voltaire, de l’objet responsable de l’engloutissement d’une partie de leur fortune, la famille transporta son domicile rue Caumartin, en face du collège Bourbon. Il écrivait à un ancien camarade de régiment de Saintonge, Guillot de la Poterie, en mai 1819, : « Fatigué de la guerre et de ses suites, depuis quatre ans j’ai pris ma retraite, et, comme vous, je serais très content, si je n’avais pas eu la sottise de vouloir entrer dans des spéculations, qui ne m’ont pas réussi. Ces maudits bateaux à vapeur, que j’ai introduits en France, m’ont complètement ruiné, et j’ai tout perdu, fors l’honneur. » La société Pajol et compagnie cessa ses activités à la fin de l’année 1818 *. Une vente à l’amiable fut organisée le 1er novembre 1819 où furent vendus les bateaux à vapeur l’Élise et l’Espérance ainsi que deux pompes à feu (machines à vapeur), venues d’Angleterre, à haute pression.
*) Hypothèse : Il semble que la faillite ne fut pas prononcée, juste une cession d’activité. Les bateaux et tout le matériel annexe furent vendus à l’amiable. Dans le communiqué de la vente, il est précisé : « La Société des bateaux à vapeur, connue sous la raison de commerce de Pierre Pajol et Cie, étant venue à terme, ne se renouvellera plus par le seul fait de son expiration ».
Mises à jour : 21/11/2025 – Schémas du principe de fonctionnement et coupe tranversale du bateau à rames.
Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux Service commercial de navires à vapeur Les sociétés Andriel Perrin et compagnie et Andriel Pajol et compagnie Les protagonistes : le général Pierre Pajol
Pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de cette timide tentative française de 1816 pour mettre en place, avec les sociétés Andriel Pajol et Cie et Pajol et Cie, un service commercial de navires à vapeur, il me semblait important d’appréhender qui étaient les protagonistes de cette affaire. Après avoir abordé dans le dernier article Pierre Andriel, vient le tour du co-gérant : le général Pierre Pajol.
Cet illustre personnage ayant fait l’objet de moult écrits, je me suis demandé comment appréhender, pour notre petite étude, sa carrière militaire exceptionnelle. Il m’a semblé judicieux de me référer aux écrits de son fils aîné Charles Pierre Victor Pajol * avec les trois tomes de son livre : « Pajol, général en chef » édités en 1874. Dans un souci de clarté, j’ai choisi de lister simplement les grades dans leur chronologie (en y adjoignant des schémas) et d’indiquer dans une annexe les faits d’armes les plus significatifs de leur période respective.
*) Charles-Pierre Victor Pajol (1812 – 1891), son fils, est un général français. Historien, il a écrit des ouvrages tels que : « Pajol, général en chef » (1874) ; « Kléber, sa vie, sa correspondance » (1877) ; « Les guerres sous Louis XV » (1881). Sculpteur, il est l’auteur de plusieurs monuments : la statue du général Pajol (1864) à Besançon ; celle de Napoléon Ier à cheval (1867) à Montereau-Fault-Yonne ; le tombeau du général Pajol (1878) à Nozeroy.
Fig. D-1 – Pierre Claude, Comte de Pajol (1772- 1844) Collection Michel-C Mahé
Pierre Claude, Comte de Pajol *, d’une famille de la bourgeoisie bisontine, embrassa la carrière militaire et en gravit tous les échelons.Volontaire au régiment national de Besançon en août 1789 à 17 ans, il termina comme général en chef en 1815 à 43 ans. Il s’illustra dans la cavalerie pendant les guerres napoléoniennes **.
*) Il fut nommé comte de l’Empire le 25 novembre 1813. C’est le maréchal Oudinot, duc de Reggio, son beau-père, qui intercéda auprès de l’Empereur pour obtenir ce titre. **) Il fut nommé pair de France par décret impérial le 2 juin 1815.
Pierre Claude Pajol, est né « Pajot » le 3 février 1772 à Besançon et est décédé le 20 mars 1844 à Paris.
Il est le fils de : -) André Joseph Pajot né le 11 août 1746 à Nozeroy, Jura, Franche-Comté, France ; décédé le 01 février 1811 à Besançon, Doubs, Franche-Comté, France. Procureur au parlement de Besançon puis commissaire à la poste aux lettres sous le Premier Empire. -) Elisabeth Nodier, née (?), décédée (?), fille de Joseph Nodier, né le 12 novembre 1695 à Ornans et décédé le 1er janvier 1776 à Besançon, maître entrepreneur de bâtiment à Besançon et d’Anne Claude Cotton, née (?), décédée (?).
Il épouse Marie Louise Élise Oudinot de Reggio, née à Bar-le-Duc le 21 août 1790 et qui décède à Paris du choléra, le 18 avril 1832. Elle est la fille de Nicolas Charles Oudinot, maréchal et duc de Reggio. Le mariage a lieu le 31 mars 1808 à Pont-Saint-Maur (Seine). Elle avait 18 ans et lui 36 ans.
De cette union, sont nés trois enfants : Charles Pierre Victor Pajol (7 août 1812 – 2 avril 1891) ; Anne-Victorine Pajol (1814 ; 17 juillet 1817) ; Louis Eugène Léonce Pajol (vicomte) (13 novembre 1817 – 18 avril 1885).
Fig.. D-2 – Chronologie de la carrière du général Pajol de 1789 à 1819 – Dessin Michel-C MahéFig. D-3 – Chronologie de la carrière du général Pajol de 1820 à 1844 – Dessin Michel-C Mahé
Carrière militaire de 1789 à 1815 (voir annexe 1 pour plus de détails)
-) Volontaire au régiment national de Besançon ; août 1789 ; (17 ans) ; -) Sergent-major, 21 août 1791 ; (à 19 ans) ; -) Sous-Lieutenant, 12 janvier 1792 ; (à 20 ans) ; -) Lieutenant de grenadiers, 7 mai 1792 ; (à 20 ans) : -) Capitaine, 12 mai 1794 ; (à 22 ans) ; -) Chef de bataillon, 9 février 1796 ; (à 24 ans) ; -) Chef d’escadron, 18 juillet 1796 ; (à 24 ans) ; -) Chef de brigade, 10 juillet 1799 ; (à 27 ans) ; -) Colonel, 24 septembre 1803 ; (à 31 ans) ; -) Général de brigade, 1er mars 1807 ; (à 35 ans) ; -) Général de division, 7 août 1812 ; (à 40 ans) ; -) Général en chef, 29 septembre 1813 ; (à 41 ans) ; -) Lieutenant général, juin 1814 ; (à 42 ans) ; -) Général en chef, 19 mars 1815 ; (à 43 ans) ;
Pajol fut nommé pair de France, le 2 juin 1815.
Admis, sur sa demande *, à la retraite lors du licenciement, 31 décembre 1815 (à 43 ans). Il se retira dans ses terres.
*) En réalité, la raison profonde est sa fidélité aux idéaux de la Révolution et à l’Empereur qui ne lui permettait plus de poursuivre.
Fig. D-4 – Statue du général Pajol à Besançon œuvre de Charles-Pierre Victor, son fils aîné – Fondu par Thiébaut – Collection Michel-C Mahé
Entrepreneur dans la navigation à vapeur, janvier 1816 (à 44 ans)
Il s’associait avec Pierre Andriel en janvier 1816 avec le projet d’introduire en France un nouveau système de navigation accéléré en employant les bateaux à vapeur. Ce fut la naissance de la société Andriel Pajol et compagnie. Au début, les résultats de l’entreprise furent très satisfaisants, mais on les vit se dégrader pendant les années 1817 et 1818. En juin 1816, Andriel se sépara de Pajol ; en août 1816, Pajol devint gérant de l’entreprise ; fin 1818, il liquida la société. Le général Pajol perdit alors une grande partie de sa fortune dans cette affaire. Comble de malheur, ce fut aussi à cette période qu’il perdit sa fille Anne-Victorine âgée de 3 ans. *
*) Cet item fait l’objet d’un article plus détaillé : « Les sociétés Andriel Perrin et Cie, Andriel Pajol et Cie et Pajol et Cie ». Parution prévue début octobre.
Il écrivait à un ancien camarade de régiment de Saintonge, Guillot de la Poterie, en mai 1819 : « Fatigué de la guerre et de ses suites, depuis quatre ans j’ai pris ma retraite, et, comme vous, je serais très content, si je n’avais pas eu la sottise de vouloir entrer dans des spéculations, qui ne m’ont pas réussi. Ces maudits bateaux à vapeur, que j’ai introduits en France, m’ont complètement ruiné, et j’ai tout perdu, fors l’honneur. »
Fig. D-5 – Tombeau du général Pajol à Nozeroy, œuvre de Charles-Pierre Victor, son fils aîné – Fondu par Thiébaut & Fils – Collection Michel-C Mahé
Remis en activité militaire le 28 juillet 1830(à 58 ans)
Commandant en chef, gouverneur de Paris, commandant la 1ère division militaire ; 3 septembre 1830. Mis en disponibilité, le 29 octobre 1842 (à 70 ans), le ministre de la Guerre le relevait de ses mêmes fonctions.
Il décéda, le 20 mars 1844 à Paris (à 72 ans) et reposa un temps au Père-Lachaise puis ses restes furent transférés dans un tombeau réalisé par son fils aîné Charles-Pierre Victor. Il représente, selon son fils, protégeant le Général, « un vieux housard endormi, roulé dans les plis de son manteau ». Le tombeau porte pour épitaphe la seule mention : PAJOL.
Annexe 1
Fig.. D-2 (rappel) – Chronologie de la carrière du général Pajol de 1789 à 1819 – Dessin Michel-C Mahé
Carrière militaire du général Pierre Pajol de 1789 à 1815
Volontaire au régiment national de Besançon ; août 1789 ; (17 ans) ;
Sergent-major aux grenadiers du 1er bataillon de volontaires du Doubs ; 21 août 1791 ; (à 19 ans) ;
Sous-Lieutenant au 82e d’infanterie (ex-régiment de Saintonge) ; 12 janvier 1792 ; (à 20 ans). Faits d’armes : « En 1791 il obtint une sous-lieutenance au régiment de Saintonge, et l’année suivante il était lieutenant dans Spire, où il pénétra le premier et reçut sa première blessure. Sorti de Mayence à la tête de sa compagnie, il marche à une redoute que défendent 150 Hessois, les culbute et enlève trois pièces de canon : il eut le bras cassé par un biscayen. »
Lieutenant de grenadiers au 82e d’infanterie ; 7 mai 1792 ; (à 20 ans).
Capitaine (à 22 ans) : -) au 82e régiment d’infanterie ; 12 mai 1794 ; -) aide de camp de Kleber, détaché du 82e d’infanterie ; 20 mai 1794 ; -) aide de camp de Kleber, détaché du 6e bataillon d’infanterie légère ; 16 février 1795. Faits d’armes : « Devenu aide-de-camp de Kléber, il se trouva à Fressigily, à Fleurus, au passage de la Roër, au siège de Maestrich, au passage du Rhin, qu’il franchit le premier à la tête des grenadiers. Sa brillante valeur dans ces différents combats lui valut, avec le grade de capitaine, l’honneur de présenter à la Convention les drapeaux pris à l’ennemi. »
Chef de bataillon (à 24 ans) : -) aide de camp de Kleber, détaché de la 6e demi-brigade d’infanterie légère ; 9 février 1796.
Chef d’escadron : -) aide de camp de Kleber, détaché du 4e hussards ; 18 juillet 1796 ; -) à la suite du 4e hussards ; 2 février 1797. Faits d’armes : « À Altenkirchen (4 juin 1796 et 19 septembre 1796), il chargea l’ennemi avec intrépidité, ramena 3 000 prisonniers et 12 pièces de canon : il fut fait chef d’escadron sur le champ de bataille. »
Chef de brigade, commandant (à 27ans) : -) le 23e de cavalerie ; 10 juillet 1799 ; -) le 6e hussards ; 21 juillet 1799.
Colonel, commandant le 6e hussards ; 24 septembre 1803 ; (à 31 ans) Faits d’armes : « Ce fut à Winthertur (Suisse) qu’il obtint le grade de colonel : il venait de sabrer quelques escadrons de Barco, lorsque son cheval ayant été tué, il fut fait prisonnier. Le 4e de hussards qu’il commandait le délivre ; il monte un cheval de prise, charge de nouveau, et fait de nombreux prisonniers. »
Général de brigade, commandant (à 35 ans) : -) la 1re brigade de cavalerie légère de la division Lasalle ; 1er mars 1807 ; -) la 1re brigade de la division Montbrun ; 2 avril 1809 ; -) une brigade de cavalerie légère à Danzig ; 20 mai 1811 ; -) la 1re brigade de cavalerie légère du 1er corps de la grande armée ; 29 février 1812. Faits d’armes : « De nouveaux services élevèrent ce brave officier au grade de général de brigade. Il pénétra en Prusse en 1806 avec ce grade ; Heilsberg (10 juin 1807) et Friedland (14 juin 1807) furent les champs de son illustration. » « En 1809, après avoir commandé toute la ligne sur les frontières de Bohême, il rejoignit la grande armée et brilla à Eckmulh (21 et 22 avril 1809) où il eut deux chevaux tués, à Ratisbonne (23 avril 1809) où il obtint sur le champ de bataille, des mains de l’Empereur, la croix de commandant de la Légion d’Honneur. Le premier, il déboucha sur la rive gauche du Danube le jour de la bataille de Wagram (5 et 6 juillet 1809), et il gagna le combat de Znaïm (10 et 11 juillet 1809). »
Général de division, commandant (à 40 ans) : -) une division de cavalerie légère du 2e corps de réserve de cavalerie ; 7 août 1812 ; -) une division de cavalerie légère d’avant-garde en Saxe ; 30 juin 1813 ; -) une division de cavalerie légère du 14e corps d’armée ; 4 août 1813. Faits d’armes : « En 1812, devenu général de division, il passa le Niémen, ouvrit la campagne en balayant les Russes dans les plaines de Kowno, ce fut lui qui s’empara de Wilna. Minsk lui ouvrit ses portes, et, après avoir passé la Bérésina, il enleva le grand parc d’artillerie de l’aile gauche des Russes. » « À la bataille de la Moskwa (7 septembre 1812) sa division occupait le centre : les plus grands efforts de l’ennemi furent dirigés contre la position qu’il occupait. Le soir, à la tête d’une division de cavalerie, il chargea la cavalerie qui cherchait à illustrer sa défaite en terminant la journée par un brillant exploit : toujours trahie par la victoire, elle n’échappa à une entière destruction que par une prompte fuite. » « Avant d’entrer dans Moscow, il eut le bras cassé par une balle. » « Dans la déplorable retraite qui suivit cette aventureuse expédition, le général Pajol ayant perdu ses équipages et ses chevaux fit à pied une route longue et pénible. Il ne rentra en France qu’avec les blessés dont sa grande âme partagea toutes les souffrances, et auxquels il ménagea un retour moins désastreux., facilité, par l’étude qu’il avait faite des localités en entrant dans le pays. »
Général en chef, commandant (à 41 ans) : -) le 5e corps de cavalerie de réserve de la grande armée ; 29 septembre 1813 ; -) le corps d’observation de l’Yonne, de la Seine et du Loing ; 17 janvier 1814. Faits d’armes : « À Lutzen (2 mai 1813) et à Bautzen (20 et 21 mai 1813) il reparut parmi les braves ; ce fut au premier rang. Lors de l’affaire de Kulm (30 août 1813), il recueillit les débris du corps du général Vandame, et, bientôt après, il prit le commandement du 5e corps de cavalerie. En conduisant cette brave cavalerie au combat, il reçut le contrechoc d’un obus qui, ayant éclaté dans le poitrail de son cheval, le lança à plus de 25 pieds. Ayant eu un bras cassé et les côtes enfoncées, il resta longtemps parmi les morts ; ses aides-de-camp allaient le faire enterrer, lorsqu’ils s’aperçurent qu’il respirait encore. »
Lieutenant général, commandant (à 42 ans) : -) une division de cavalerie tenant garnison à Paris ; juin 1814 ; -) la 2e subdivision de la 1re division militaire, à Orléans ; 17 janvier 1815. Faits d’armes : « En 1814, il commanda l’armée d’observation de la Seine, et gagna la bataille de Montereau (18 février 1814). Pour la seizième fois, il eut un cheval tué sous lui, et sa chute ayant rouvert ses blessures, il se vit forcé de se retirer à Paris, où il resta jusqu’à l’abdication. »
Général en chef, commandant (à 43 ans) : -) la cavalerie de l’aile droite de l’armée de la Loire ; 19 mars 1815 ; -) l’armée de la Loire ; 24 mars 1815 ; -) le 1er corps de la réserve de cavalerie ; 3 juin 1815. Pajol fut nommé pair de France, le 2 juin 1815. Faits d’armes : « II était à Orléans lors du retour de Bonaparte ; il se hâta de se ranger sous ses aigles, devint pair, rejoignit l’armée, entra le premier à Charleroi, combattit à la tête du premier corps de cavalerie dans les plaines de Fleurus, et se retira derrière la Loire après la capitulation de Paris. » Admis, sur sa demande, à la retraite lors du licenciement, 31 décembre 1815 (à 43 ans). Il se retira dans ses terres.
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Je vous propose de continuer la série d’articles sur le développement de la propulsion motorisée des bateaux, en allant à la découverte de la timide tentative française de 1816 pour tenter de mettre en place un service commercial de navires à vapeur avec la société Andriel Pajol et cie et Pajol et cie.
Quels étaient les acteurs de ces affaires ? Commençons par l’initiateur du projet : Pierre Andriel, un industriel, un précurseur, un homme d’affaires oublié.
Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux Les sociétés Andriel Perrin et compagnie – Andriel Pajol et compagnie – Pajol et compagnie Les protagonistes – Pierre Andriel (1782-1869), un homme d’affaires et un précurseur oublié
Positionnement de nos propos dans la chronologie du développement des navires à vapeur en France
Fig. C-1 – MM. Andriel et Pajol dans la chronologie des expériences menées pour utiliser les bateaux à vapeur – Dessin Michel-C Mahé
Rappel : le développement de la vapeur Après l’utilisation de la machine à vapeur pour le pompage de l’eau dans les mines et la propulsion des véhicules terrestres, beaucoup de contributeurs ont œuvré pour utiliser la force de la vapeur pour propulser des bateaux. Nombre de projets ont été abandonnés après essais *.
*) Vous trouverez plus de détails de ces expériences dans le texte de la conférence disponible en PDF dans l’onglet « Biblio » : « La Loire, le premier navire omnibus à vapeur sur la Loire ».
Fig. C-1 – Le Clermont de Fulton (États-Unis) tel qu’il sera reproduit par la commission de célébration Hudson-Fulton en 1909 *
*) Ce plan est le résultat d’une étude minutieuse et approfondie réalisée par la commission de célébration Hudson-Fulton à New York de 1909. Un siècle après sa construction, elle n’avait qu’une idée peu précise de son apparence. Il n’existait aucun plan de la coque, cependant ceux de la machine étaient en sa possession.
Le premier succès commercial fut réalisé par Fulton, en 1807. Aidé de son expérience et des conseils de Watt, il construisit le Clermont de 45 mètres de long, 3,9 mètres de large, et portant deux roues de 5 mètres de diamètre mises en mouvement par une machine de 20 chevaux produite en Angleterre dans les ateliers de Watt. Il accomplit la traversée de New York à Albany sur l’Hudson, 120 milles (222 km), en 30 heures, soit 7,4 km/h. Après cette expérience, les bateaux à vapeur continuèrent leur essor et firent merveille sur les rapides et immenses fleuves de l’Ohio, du Mississipi, du Saint-Laurent. Ils firent leur entrée au Royaume-Uni en 1812. Bien que l’invention et les premières expériences se firent sur son sol, la France avait pris un retard considérable dans ce domaine. Il faudra attendre 1816 pour voir, très timidement, et c’est un euphémiste, l’introduction de la navigation à vapeur.
Pierre Andriel (1782-1869) – Un homme d’affaires et un précurseur oublié
Pierre Andriel est né vers le 17 février 1782 à Montpellier (34), et est décédé le 19 avril 1869 à Paris, à l’âge de 87 ans. Il était issu de Benoit Andriella (Confiseur), décédé en 1824, et Elisabeth Marie Ollivier, décédée le 5 septembre 1848 à Montpellier.
Marié le 12 mars 1805 avec Sophia Wilhelmina « Henrietta » Geiseler 1784-1832 dont sont nés cinq enfants : Rosalie Andriel 1806 ; Jean Andriel 1808-1809 ; Joséphine Andriel 1809-1897 ; Pauline Andriel 1810-1811 ; Augustine Gustava Andriel 1811-1859.
-) 19 novembre 1817, séparation avec Sophia Wilhelmina « Henrietta » Geiseler ; -) 24 décembre 1833, Mariage avec Marie Hyacinthe « Henriette Joséphine » d’Hormieux ; – )16 mars 1843, mariage avec Hyacinthe d’Orelmieux.
Armateur et négociant en Allemagne
Je n’ai pas d’information comment et pourquoi il quitta la France pour l’Allemagne, mais on sait qu’à 24 ans, il était déjà bien établi comme armateur à Dantzig * avec les sociétés Andriel & Geiseler (xxxx) et Andriel & Wolff en 1811, basée à Dantzig.
*) Peut s’écrire aussi Dantzick.
Le 20 décembre 1806, le consul français à Dantzig, M. Févelat, fut fait prisonnier par les Prussiens. Pierre Andriel le remplaçait en qualité de Vice-Consul. Ce titre lui fut confirmé en raison de ses services par M. de Talleyrand par une lettre de recommandation mais lorsqu’il se présenta devant le Sénat de la ville de Dantzig avec celle-ci, en septembre 1807, Champagny avait succédé à Talleyrand, en août 1807, au ministère des Relations extérieures, sa nomination était donc caduque.
La Guerre de course
Pendant les guerres de l’Angleterre contre la France révolutionnaire et napoléonienne (1793–1815), les navires anglais dominaient les mers. La France adapta une stratégie de guerre de course en autorisant des corsaires civils à s’emparer des navires britanniques. L’Angleterre soudoyait de nombreux contrebandiers dans la Baltique. Andriel fut le premier à faire la guerre au commerce anglais dans ces parages. Il se fit de nombreux ennemis parmi les contrebandiers. Il arma le Tilsitt *, de 12 canons, de Dantzick
*) Selon les documents consultés Tilsitt ou Tilsit Le 14 juin 1808, le Tilsitt, capitaine Desmolands, prit sept navires *, dont l’un était sur lest et les six autres chargés de sucre, café, indigo, cochenille, coton, rhum, etc… La prise était évaluée à 5 à 6 millions de francs. Ces navires en convoi étaient escortés par plusieurs bâtiments de guerre anglais, qui, le croyant en sûreté, l’avaient quitté quatre heures avant la visite du Tilsitt. *) Le Robert, capitaine Alene ; Le Daniel et Frédéric, capit. David ; L’Océan, capit. Kahn ; L’Entreprise, capit. Rode : L’Amitié, cap. Reimer ; La Couronne, de Varel, cap. Gerder ; un navire de Dantzick sur son lest.
Deux autres prises nous sont connues : Les Trois-Soeurs, patron J. Reinders, et Les Deux-Soeurs, maître Hans Rosemberg, pris le 16 avril 1809 par le Tilsitt, capitaine Fredérick Kahn.
En 1809, les Autrichiens, qui étaient entrés à Varsovie, menaçaient Dantzig par la Vistule. Sans y être requis, il arma et prit le commandement d’une de ses corvettes qu’il embossa en amont de la Vistule * ceci jusqu’à la victoire de Wagram qui força les Autrichiens à évacuer la Pologne.
*) Les équipages des corsaires, armés à Dantzig par Pierre Andriel, ont sollicité en sa faveur la décoration de la Légion d’honneur. Il obtint cette récompense par « le désintéressement et de la scrupuleuse loyauté qu’il a montrés dans toutes les opérations relatives au partage de ses prises avec les braves marins qui les faisaient ».
Il était alors suffisamment riche pour refuser le remboursement de ses frais d’armement que lui offrait le Gouverneur. Il avança de l’argent, sans intérêt, à plusieurs généraux et aussi pour l’approvisionnement et l’armement de Dantzig. Il avança six millions, trois millions seulement lui furent remboursés. On le voit armateur avec la société Andriel & Wolff, basée à Dantzig en 1811.
En mars 1811, à l’occasion de la naissance du roi de Rome, il distribua vingt mille florins aux pauvres.
Après les désastres du premier Empire, Pierre Andriel revint en France après la pacification générale.
Il devint Maire de Villedieu-sur-l’Indre entre 1812 et 1817. Il dépensa deux millions dans la fondation d’une raffinerie de sucre indigène et d’une fabrique de porcelaine célèbre, celle de Villedieu.
Conflit avec l’État
Lorsqu’il était négociant à Dantzig, il avait importé une quantité considérable de produits coloniaux. La direction des douanes françaises les a soumis à un tarif excessif et au dixième pour la subvention de guerre. Il contestait ce fait, arguant que le Gouvernement n’avait pas le droit d’établir des perceptions dans la ville de Dantzig puisqu’elle avait été reconnue indépendante. Il réclama en 1814 et 1817 la restitution de 316 114 fr. et en 1819, il renouvela cette demande. Toutes trois furent rejetées par le ministre et le Conseil d’État, attendu que la ville de Dantzig était sous domination française et ce fait supprimait ses privilèges.
Andriel avait formé plusieurs demandes pour qu’on lui restitua 2 300 000 fr., montant de droits injustement perçus. Cette requête fut rejetée en septembre 1820.
C’était un entrepreneur et négociant dans l’âme et il fit partie prenante dans de nombreuses affaires très variées, à son nom propre ou avec d’autres associés. On peut citer :
1816 – Le système de navigation accéléré
Fig. C-2 – Bateau à vapeur l’Élise – Crédit BNF-Gallica
Pierre Andriel souhaitait introduire en France un nouveau système de navigation accéléré en employant les bateaux à vapeur. Il s’associait alors avec le lieutenant-général Pajol (le comte) * en janvier 1816 et ils créèrent la société Andriel Pajol et compagnie **.
*) Article « Les sociétés Andriel Perrin et compagnie et Andriel Pajol et compagnie Les protagonistes – Le général Pajol ». **) Article « Les sociétés Andriel Perrin et cie, Andriel Pajol et cie et Pajol et cie ».
En 1815 (?), Pierre Andriel acquérait le Margery, construit en Angleterre en 1814, qu’il rebaptisa L’Élise. En mars 1816, Il fit une traversée épique de la Manche où il risqua sa vie et celle de son équipage et remonta la Seine jusqu’à Paris. Là, il fit quelques démonstrations en face du palais des Tuileries, entre autres devant Louis XVIII et sa cour.
Il assurait ainsi la première liaison, faite sur le même bateau, d’une capitale à une autre *.
*) Article « La société Pierre Andriel Pajol et Cie – L’Élise, la première liaison, faite sur le même bateau, d’une capitale à une autre ».
Au début, les résultats de l’entreprise furent très satisfaisants, mais ils se dégradèrent pendant les années 1817 et 1818. En juin 1816, Andriel se dissociait de Pajol. Il tenta sa chance ailleurs. Au mois d’août 1816, le général Pajol devint gérant de l’entreprise. Il y investira toutes ses ressources personnelles. La société fit faillite à la fin de l’année 1818.
Fig. C-3 – 1818 – Le Ferdinando Primo, premier bateau à vapeur à naviguer sur la Méditerranée
1818 – Navigation à vapeur dans le Royaume des Deux-Siciles – Società Napoletana Pietro Andriel
Pierre Andriel réussit à intéresser à la navigation à vapeur Ferdinand 1er, roi des Deux-Siciles, qui lui donna le 14 janvier 1817 la concession du monopole de la navigation à vapeur dans le royaume *.
*) Le décret royal était conçu en ces termes : « Pietro Andriel, originaire de Montpellier, se voit accorder un privilège privé pour une durée de quinze ans pour la navigation accélérée au moyen de pompes à feu, dite navigation à vapeur, dans les eaux qui baignent la côte et les fleuves de notre royaume des Deux-Siciles, quel que soit le système de construction des mêmes pompes. »
Il forma une nouvelle société, la Società Napoletana Pietro Andriel, et mit en exploitation le Ferdinando Primo, le premier navire à vapeur qui ait navigué sur la Méditerranée *.
*) Article « 1818 – Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux – Navigation à vapeur dans le Royaume des Deux-Siciles – Società Napoletana Pietro Andriel – Le Ferdinando Primo ». Parution prévue en décembre 2025.
1824 – Les manufactures royales de Guadalajara et de Bribuéga
Les manufactures royales de Guadalajara et de Bribuéga, qui occupèrent 30 000 personnes, avaient cessé leur activité en 1823. Elles étaient situées à environ douze lieues de Madrid : à Sau-Fernando, pour les draps fins ; San Carlos, pour les serges ; Brihuéga, située à six lieues de Guadalajara, pour les draps ordinaires, les shawls et les tapis. Elles ont été concédées par S.M. le roi d’Espagne à M. le marquis Auguste de Croy, à partir du 5 septembre 1824, pour une durée de quarante ans. Le marquis de Croy avait admis MM. Jean-Marie Laperrière, Ferdinand Jordan et Pierre Andriel à la jouissance, en commun avec lui, de la concession royale sous la forme d’une société collective et solidaire. Cette Société avait son siège principal à Madrid et avait un comptoir à Paris, rue Montmartre, n° 137.
1843 – La culture du coton dans les départements méridionaux
Après un séjour en Louisiane, où les hivers sont plus rigoureux que dans nos départements méridionaux, il se convainc que la culture du coton était possible dans ces départements et de l’importer en lieu et place de la vigne qui n’assurait plus un revenu suffisant aux cultivateurs. Il avait demandé qu’on lui concède un vaste terrain pour organiser une plantation modèle et montrer que cette culture était possible sur notre sol. Le gouvernement plus préoccupé par la difficile question du sucre ajourna sa demande.
1843 – Exploitation de la graine de coton égyptien
Sous la raison commerciale Pierre Andriel compagnie, une société en commandite fut formée, le 14 janvier 1843, entre M. Pierre Andriel, demeurant à Paris, n° 7 rue de Londres et M. Jean-François Mery, négociant, demeurant à Marseille, n° 10 rue du Jeune-Anacharsis. Le siège principal était à Alexandrie (en Égypte), mais il existait un comptoir sous la même raison commerciale, à Marseille. Cette société avait pour objet : 1er – L’exploitation d’un firman * accordé le 28 septembre 1842 à M. Andriel par le vice-roi d’Égypte, qui lui assurait pendant sept ans le privilège exclusif de la décortication de la graine de coton en Égypte ; 2e – La conversion de la graine de coton en huile et en tourteaux oléagineux à Marseille ; 3e – La vente de ces huiles, des tourteaux oléagineux qui en proviendront ; 4e – L’exploitation du brevet de machines à décortiquer, dites décortiqueurs, délivré en France à M. Andriel et toutes les opérations commerciales qui pourraient se rattacher à l’opération principale.
*) Firman : ordonnance promulguée par un souverain musulman oriental.
Il fonda une usine au bord du canal Mahmoudieh, aux portes d’Alexandrie, pour la décortication des graines de coton. Ces dernières étaient nettoyées puis brisées et envoyées à Marseille, où en extrayait une grande quantité d’huile à brûler et pour faire du savon.
1845 – Chemin de fer de Creil à Saint-Quentin par Ham et Chauny
Pierre Andriel fut membre du conseil d’administration de cette société lorsqu’elle se forma.
1849 – L’Union tutélaire
En février 1849, on le voit prendre des parts dans l’Union tutélaire, une société d’assurances mutuelles immobilières contre l’incendie, établie à Paris. Il demeurait alors à Paris, n° 9 rue Neuve-Saint-Georges.
1849 – Compagnie des engrais de la Gironde
Le 6 novembre 1849, Pierre Andriel forma avec MM. François-Bazile Peyronny, Hyppolite Agis, Pierre Lemarchand et Bedu, comme associés en nom collectif, une société pour l’exploitation d’un service de vidanges et fabrication d’engrais, la Compagnie des engrais de la Gironde, sous la raison sociale Andriel, Agis et Compagnie. Sa durée avait été fixée à vingt années. Elle fut dissoute le 17 septembre 1850.
1851 – Polythermes de la Gironde Le 21 novembre 1851, sous la raison commerciale P. Andriel et compagnie une société en commandite fut formée. Elle avait pour but la construction à Bordeaux et l’exploitation d’étuves sous la dénomination de Polythermes de la Gironde. Pierre Andriel, qui demeurait alors au 9 impasse Benate à Bordeaux, et Jean-Jacques-Edmond Mouru Lacoste, propriétaire, demeurant à Bordeaux, au 10 rue de la Trésorerie, en étaient les gérants responsables. Le premier établissement et le siège étaient dans une maison faisant l’angle des rues Franklin et Montesquieu à Bordeaux. Sa durée était fixée à quinze ans.
Et la vie devint plus difficile…
Le 10 décembre 1868, il formulait une requête à l’attention de Monsieur Rouher, ministre d’État en ces termes « … j’ai l’honneur de demander à votre Excellence, qu’il soit fait droit, après enquête vérificative sur tous les faits que j’avance, et qu’ensuite, il me soit accordé par l’État, une rente viagère réversible sur l’épouse dévouée qui a partagé mon mauvais sort. Dans ma longue carrière toujours laborieuse, au temps de mon opulence, j’ai largement secouru mes semblables en détresse. Me laissera-t-on, sous Napoléon III, mourir sans étendre la main vers moi et sans réconforter ma vieillesse ?
Fig. C-4 – Extrait d’une requête à l’attention de Monsieur Rouher, ministre d’État le 10 décembre 1868
Il s’éteignit dans la pauvreté, le 19 avril 1869, dans une modeste maison aux Batignolles à Paris *, laissant sa compagne démunie.
*) Peut-être rue Saint-Louis, n° 26
Le vicomte de Létorière écrivait dans une chronique annonçant le décès de Pierre Andriel : « Le nom de Pierre Andriel n’est-il pas de ceux qu’il faut ajouter à la triste liste des inventeurs et des propagateurs qui ensemencent le champ qu’ils ne doivent pas moissonner !
Service d’État et Mandat -) Vice-Consul de Dantzig ; -) Maire de villedieu sur l’Indre (1812-1817).
Distinctions -) Chevalier de la Légion d’Honneur le 22 janvier 1815, récompense par le Roi pour son zèle et son dévouement. -) Croix de Juillet le 11 juin 1831.
Publications -) Coup d’œil historique sur l’utilité des bâtiments à vapeur dans le Royaume des Deux Siciles, lu à l’Institut royal d’encouragement de Naples le 6 février 1817.- Naples, de l’Imprimerie du Ministère de la secrétairie d’Etat, 1817.- 70 p. -) A… P… [ANDRIEL Pierre] Polythermes de la Gironde. Recherches sur les bains d’étuve à vapeur, orientaux, russes, médicamenteux, etc. Bordeaux, 1851.
Brevets -) Machines à décortiquer, dites décortiqueurs, délivré en France sous le n° 13904. -) Un jeu de société déposé le 1 décembre 1856 au secrétariat de la préfecture du département de la Seine.
Mises à jour : 05-09-2025 ajouts de paragraphes : « Il fonda une usine au bord du canal… » « Guerre de course » 11-12-2025 Modification image « Chronologie du développement des expériences… » ; Ajout note « peut-être rue saint-Louis » ; ajout note « Un jeu de société déposé… »
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Oups ! mon article concernant les ports de la compagnie transatlantique, initialement prévu pour août, n’est pas terminé. Mes yeux me font quelques difficultés et m’obligent à diminuer mes temps d’écran, donc de recherche. Dans le cadre d’une étude sur la propulsion motorisée des bateaux, je vous propose de continuer par une série d’articles (en version longue) issus de mes notes constituant la base de la conférence : « La Loire, le premier navire omnibus à vapeur sur la Loire » (en PDF et référencé) que vous trouverez dans l’onglet Biblio. Je vous emmène, avec Denis Papin, à la découverte des prémices de l’utilisation de son piston et du tout premier bateau à vapeur.
Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux
Denis Papin et son ensemble cylindre/piston à vapeur – Le premier bateau à vapeur
Se situer dans la chronologie des expériences
Fig B-1 — Chronologie des expériences de propulsion des bateaux (extrait) Denis Papin – Dessin Michel-C Mahé
Fig B-2 – Denis Papin
Denis Papin est né en août 1647 à Chitenay, un petit village aux environs de Blois. Il était issu d’une famille de notables protestants. Ce qui lui valut quelques difficultés pour le déroulement de sa carrière du fait de la révocation de l’Édit de Nantes. Il dut s’exiler en Angleterre et dans le land de Hesse (Allemagne). Esprit fécond, il est surtout connu pour ses travaux sur la vapeur. En 1690, Denis Papin publia son mémoire en latin dans les Acta eruditorum de Leipzig : « La nouvelle méthode de Denys Papin pour obtenir les moteurs les plus puissants à bas prix ». Puis en français en 1695, dans le « Recueil de diverses pièces touchant quelques nouvelles machines » Dans ce mémoire, il décrit le premier ensemble cylindre/piston à vapeur et il fait déjà état, entre autres, de la possibilité d’appliquer sa machine pour la propulsion des bateaux grâce à des roues à aubes. Cette invention est cruciale pour le développement de la machine à vapeur.
Fig B-3 — Acta eruditorum de Leipzig – 1690.
*) Les Acta Eruditorum (à partir de 1732 : Nova Acta Eruditorum) sont une revue scientifique mensuelle allemande publiée de 1682 à 1782 à Leipzig par les savants Otto Mencke et Gottfried Wilhelm Leibniz. Créés à l’imitation du Journal des savants, les Acta Eruditorum sont la première revue scientifique en Allemagne (alors Saint-Empire romain germanique).
Fig B-4 – Le cylindre de Papin.
Laissons le grand homme nous décrire son expérience dans le français de l’époque : « AA est un tuyau égal d’un bout à L’autre & bien fermé par en bas : BB est un piston ajusté à ce tuyau : DD est le manche attaché au piston : EE une verge de fer qui se peut mouvoir autour d’un axe qui est en F. G un ressort qui presse la verge de fer EE : en forte qu’elle entre dans l’échancrure H, sitost que le piston avec son manche est élevé assez haut pour que la ditte échancrure H paroisse au-dessus du couvercle II. L est un petit trou au piston par où l’air peut sortir du fond du tuyau AA lorsque l’on y enfonce le piston pour la première fois.
Pour se servir de cet instrument on verse un peu d’eau dans le tuyau AA jusques à la hauteur de trois ou quatre lignes * ; on y fait ensuitte entrer le piston & on le pousse jusqu’au bas en sorte que l’eau qui est au fonds du tuyau regorge par le trou L. Alors on ferme ledit trou avec la verge MM & on y met le couvercle II qui a autant de trous qu’il en faut pour entrer sans obstacle : ayant ensuitte mis un feu mediocre soubs le tuyau AA il s’échauffe fort viste parce qu’il n’est fait que d’une feuille de métal fort mince, & l’eau qui est dedans se changeant en vapeurs fait une pression si forte qu’elle surmonte le poids de l’atmosphaere & pousse le piston BB en haut, jusques à ce que l’échancrure H paroisse au-dessus du couvercle II, & que la verge de fer EE y soit poussée par le ressort G, ce qui ne se fait pas sans bruit. Alors il faut incontinent éloigner le feu, & les vapeurs dans ce tuyau leger se recondensent bien tost en eau par le froid & laissent le tuyau absolument vuide d’air; alors il n’y a qu’à tourner la verge EE autant qu’il est nécessaire pour la faire sortir de l’échancrure H & laisser le piston en liberté de descendre, & il arrive que le piston est incontinent poussé en bas par tout le poids de l’atmosphære & produit le mouvement qu’on veut, avec d’autant plus de force que le diamètre du tuyau est grand. »
*) Une ligne est égale à 2,256 mm. Ce qui laisse supposer que les valeurs sont données dans le système du roi de France.
Le tuyau faisait deux pouces * et demi (68 mm) de diamètre et était capable d’élever soixante livres * (29,4 kg). Le corps du tuyau ne pesait pas cinq onces * (153 gr). Une minute suffisait pour chasser le piston jusqu’en haut avec un feu qualifié par l’expérimentateur de « médiocre ».
*) Les valeurs en système métrique ne sont données qu’à titre indicatif. Elles ont été calculées avec les valeurs communément utilisées en France à cette époque. Le pouce français d’ancien régime vaut : 2,707 cm. Le pied français d’ancien régime vaut 12 pouces soit 12 × 2,707 = 32,483 9 cm exactement, qu’on arrondit à 32,5 cm. La livre de Paris, livre de poids de marc valait 489,5 g. Elle était divisée en 16 onces de 8 gros, chaque gros valant 72 grains.
En 1690, Denis Papin, le premier, proposa d’appliquer ce principe à un bateau muni de rames tournantes (des roues à aubes ). Celles-ci sont fixées à un essieu. Le piston communique à l’essieu un mouvement circulaire au moyen d’une crémaillère et d’une roue dentée. Après avoir montré tout l’intérêt de remplacer l’équipage des galériens sur un bateau, en les comparant à sa machine : -) ils prennent de la place, la machine n’en prendra pas ; -) ils chargent la galère et la rendent difficile à manœuvrer, la machine sera plus légère ; -) il est difficile de trouver des galériens, qu’il faut nourrir, la machine une fois au port ne consommera plus de bois. Il avait conscience que son système ne pourrait pas faire fonctionner des rames ordinaires et qu’il faudrait employer des rames tournantes sur un essieu (les roues à aubes) comme il en avait vu fonctionner sur la machine du Prince Palatin Robert *.
*) Elle était équipée d’un essieu, muni de rames aux extrémités, actionné par des chevaux. La barque du Roy, équipée de seize rameurs, était restée loin derrière cette machine.
Un ensemble de cylindres judicieusement calés, les uns en position haute, les autres en position basse, assurerait un mouvement continu. Pas de chaudière, mais un feu dans un fourneau en plaques de fer que l’on déplacerait d’un cylindre à un autre.
Fig. B-5 – Système de crémaillères à dents mobiles utilisées par Jouffroy d’Abbans en 1783. Dessin Michel-C Mahé
Pour transmettre le mouvement, les « manches » des pistons seraient dentés * (les crémaillères). Elles feraient tourner des roues dentées fixées sur l’essieu assurant sa rotation à la descente du piston et libres de tourner à la montée du piston (des roues libres). Denis Papin avait déjà imaginé le système d’entrainement des roues à aubes. C’est ce même système de crémaillère qui sera utilisé sur le « Pyroscaphe » de Jouffroy d’Abbans en 1783 un peu moins de 100 ans plus tard.
*) On attribue à Jonathan Hulls, vers 1736, l’idée de convertir le mouvement rectiligne de va-et-vient de la tige du piston en un mouvement de rotation continu au moyen de la bielle et de la manivelle.
Voici donc les bases de la machine à vapeur ainsi énoncées par son inventeur en 1695. L’idée va faire son chemin.
Le premier bateau à vapeur
Fig B-6 – Allemagne actuelle – Situation de la Fulda
Vers 1695, persécuté en France, il se réfugia dans le land de Hesse. L’université de Marbourg, à laquelle il était rattaché, l’accueillit sans enthousiasme. Pendant son séjour, il a multiplié les expériences et notamment construit un bateau à vapeur à roue(s) à aubes. Nul ne sait à quoi ressemblait sa machine à vapeur, ni son bateau. Bien que Denis Papin fût le protégé du Landgrave de Hesse *, il fut l’objet d’une cabale de ses nombreux détracteurs, notamment ses collègues de l’Université où il professait. Seule la fuite vers la Hollande ou l’Angleterre lui sembla la seule planche de salut.
*) Charles Ier de Hesse-Cassel, landgrave de Hesse-Cassel de 1670 à 1730.
Fig B-7 – Papin descend la Fuelda jusqu’à Münden – Dessin Michel-C Mahé D’après la Carte de Schropp, Simon – Date d’édition : 1793
En 1707, Denis Papin prit la résolution de s’embarquer avec sa famille sur le bateau à vapeur qu’il avait fait construire et de descendre au-delà de Münden, jusqu’à l’endroit où la Fulda se jette dans le Weser, à la limite du land de Hesse. On lui fit moult tracasseries pour obtenir la permission de naviguer. À la fin, il passa outre et le 24 septembre 1707, il réunit sa famille, chargea son bateau des minces débris de sa fortune et leva l’ancre. Là où commence le Weser, les membres de la corporation des bateliers accoururent et déclarèrent qu’en vertu des privilèges de la Ghilde le bateau était devenu leur propriété. La chaloupe fut tirée immédiatement sur la berge. Papin et sa famille furent dépossédés de leurs bagages, de leurs ustensiles de ménage et le bateau mit en pièces. Il se réfugia en Angleterre où il continua à travailler sur son projet.
Fig. B-8 – En 1707, les bateliers du Weser mettent en pièces le bateau à vapeur de Papin. C’est une vue d’artiste du XIXe siècle, car nul ne sait à quoi le bateau pouvait ressembler.
Mises à jour : 02/08/2025 – Ajout du schéma du système de crémaillère de Jouffroy d’Abbans.
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Nous avons vu dans le dernier article les généralités sur les routes allant de la Vera-Cruz à Mexico. Il n’y en avait que deux, l’une passant par Orizaba, l’autre par Jalapa. C’est cette dernière que je vous propose de parcourir en découvrant ce que notre voyageur pouvait découvrir, admirer. « T’es zinzin » m’a dit mon ami Clovis du Tillou, mon plus fidèle lecteur devant un Schweppes cognac bien frais, « À quoi ça sert de décrire ces routes puisque tu travailles sur la Transat ? Tu vas soûler tes lecteurs. » Et moi de lui répondre : « Tu n’as pas tort, mais cette démarche était nécessaire pour mieux appréhender les difficultés qu’un voyageur embarqué à Saint-Nazaire pouvait rencontrer : traverser l’Atlantique (promiscuité, tempête etc.), séjourner à La Vera-Cruz (le climat tropical, la maladie, etc.), puis aller à Mexico (inconfort du voyage, les attaques de bandits, etc.) ». J’ai découvert à travers cette étude qu’il fallait avoir un tempérament d’aventurier pour entreprendre un tel périple, sachant que des femmes et des enfants faisaient le voyage pour retrouver leur père, leur mari en poste pour l’État, pour des maisons de commerce ou simplement pour chercher fortune. Nous allons en rester là pour Vera-Cruz malgré qu’il y a tellement de choses intéressantes à dire, notamment l’intervention française au Mexique que j’ai quelque peu étudiée mais volontairement occultée dans mes articles pour ne pas m’éloigner un peu plus de mon sujet : l’étude sommaire des ports d’escales de la Compagnie générale transatlantique.
La route de Vera-Cruz à Mexico par Jalapa (aussi Xalapa)
AM-1 – Les étapes de la route La Vera-Cruz à Mexico par Jalapa. Dessin Michel-Claude MahéAM-2 – Altitude des étapes de la route La Vera-Cruz à Mexico par Jalapa. Dessin Michel-Claude MahéAM-3 – Route de Vera-Cruz à Perote. Dessin Michel-Claude Mahé
La Vera-Cruz à Jalapa
Nous l’avons vu, Vera-Cruz était le seul port du Mexique de la côte Est qui était relié avec l’intérieur du pays par une route carrossable. De 1800 à 1810, au temps des Espagnols, le Consulado de Vera-Cruz, une institution municipale, avait construit une route de Vera-Cruz au sommet des montagnes. C’était une très belle voie réalisée tantôt en pavés réguliers du basalte des montagnes de trente pieds de large, tantôt par une chaussée maçonnée. Pendant la guerre de l’indépendance, elle fut rompue en plusieurs points, particulièrement aux endroits les plus difficiles, pour barrer le passage aux convois, aux troupes espagnoles qui venaient au secours de celles de la métropole. Depuis lors, le pays n’était jamais sorti de l’anarchie et des révolutions et d’aucuns ne s’inquiétèrent de la remettre en état. En 1862, de ce qui semblait en rester, les voyageurs faisaient état de la chaussée pavée de Saint-Miguel, qui débutant non loin de Jalapa, s’élevait sur les montagnes et serpentait à travers les forêts jusqu’à 2000 m. Ils notaient qu’elle n’était pas entretenue et avait besoin de réparations.
AM-4 – Le Puente-Nacional (Le Pont Nation). BNF-Gallica
De la Vera-Cruz à Jalapa, la végétation est pauvre, la terre est aride. On traverse le Puente-Nacional, un pont franchissant un profond ravin au fond duquel coule le Rio de la Antigua. Parvenu à la hauteur d’environ 1200 mètres, le voyageur était rassuré : il avait dépassé la limite du royaume de la fièvre jaune.
Pour éviter de dénaturer l’impression qu’elle leur a faite, laissons les voyageurs nous décrire leur arrivée à Jalapa : « Dans les environs de Jalapa, la nature commence à se couvrir d’une riche végétation. La chaleur y est moins grande que sur la côte, la rosée plus abondante, l’atmosphère plus humide. Les forêts s’élèvent riantes et embaumées, les lianes grimpent, s’entortillent aux branches et semblent jeter des guirlandes de verdure d’un arbre à l’autre ; l’orchis parasite décore le vert du feuillage de l’éclat de ses couleurs, et l’abondance des fleurs attire des milliers de colibris qui voltigent de l’une à l’autre. Les chemins sont bordés de haies de daturas, d’hibiscus et de rosiers ; la fleur de l’oranger remplit l’air de son parfum. On y voit aussi les plantes des pays tempérés croître à côté de celles des tropiques ; le pêcher mêle ses branches à celles du goyavier, et le pommier arrondit ses fruits non loin de l’avocat. La terre y est prodigue de ses dons. » Un autre témoignage : « Les haies sont couvertes d’un liseron aux fleurs d’un bleu éclatant, qui serpente au milieu des ronces épineuses : c’est le fameux convolvulus jalapa, dont la racine fut communiquée par les Indiens aux Européens comme un des purgatifs les plus énergiques, et qui est généralement connu sous le nom de jalap. Cette plante est d’une abondance extraordinaire, et forme un des plus beaux ornements de la vallée à laquelle elle a donné son nom. * »
AM-5 – Hutte indienne dans la Tierra Caliente – Source Library of Congress.AM-6 – Famille d’Indiens des environs de Jalapa (Croquis de M. Raymond, capitaine au 62e) Source Gallica-BNF.
De loin en loin, on pouvait voir les huttes des Indiens avec leurs murs à claire-voie et sur la route des hommes à pied ou à cheval. Les cavaliers sont vêtus de leur sarape et d’un pantalon avec par-dessus celui-ci un second pantalon plus large et ouvert sur les côtés.
AM-7 – Jalapa, siège du gouvernement de l’État de la Vera-Cruz. – Source Gallica-BNF.
Notre voyageur atteignait Jalapa, maintenant Xalapa, (92km ; 22 lieues mexicaines de Vera-Cruz). Elle est à 1 300 mètres au-dessus de la mer et bâtie sur une des terrasses par lesquelles le plateau central s’abaisse sur le golfe du Mexique, dans la zone des terres tempérées (tierra templada). La ville était jolie dans son ensemble et pittoresque par la disposition et la distribution étagée de ses bâtiments. En 1862, sa population ne dépassait guère dix à douze mille habitants. Ses édifices principaux étaient : le couvent de Saint-François, l’église San-José, la caserne Saint-Ignace et la chapelle du Calvaire. Les riches habitants de la Vera-Cruz y allaient chercher la fraîcheur et son environnement agréable. Les voyageurs parlaient d’elle comme « un paradis terrestre au printemps perpétuel où le sol donnait en abondance une variété de productions sans pareille ». Son commerce s’exerçait sur les productions des environs : maïs, légumes, fruits, canne à sucre, miel. Elle possédait des fabriques de faïence, des corroieries et des tanneries.
*) Corroierie : bâtiment où l’on effectue les opérations de finissage du cuir brut (corroyage) effectuées après le tannage.
De Jalapa à Perote
AM-8 – Route de Vera-Cruz à Perote. Dessin Michel-Claude Mahé
À mesure qu’il montait vers Pérote, il voyait se succéder les différents panoramas de la végétation tropicale, ceux des zones tempérées et même boréales, avec leur ciel, leurs plantes, leurs habitants et les cultures auxquelles ils se livraient. En un jour, il pouvait passer du niveau de la mer, où régnaient en été des chaleurs suffocantes, aux neiges éternelles. Il voyait ainsi défiler : les caféiers, les plantations sucrières, les bananeraies, les agaves, les arbres de nos contrées, ceux du nord puis les lichens des régions polaires. À La Vigas (121 km ; 39 lieues mexicaines de Vera-Cruz), il se trouvait sur le plateau à 2 400 m au-dessus de la mer.
AM-9 – Le fort et le Cofre de Perote – Source Gallica-BNF.
La petite ville de Perote, située à 2 380 mètres au-dessus du niveau de la mer, au début d’une une longue plaine aride et inculte, offrait un climat froid qui contrastait avec celui de la côte. Elle était dominée par une montagne avec un large sommet que les indigènes ont appelé Nauhcampatepctl (montagne carrée) et les Espagnols, le Cofre.
AM-10 – Route de Perote à La Puebla. Dessin Michel-Claude Mahé
De Perote à La Puebla de los Angeles
Entre Perote et la Venta del Pinal (2 500 mètres d’altitude), la route traverse quelques plaines marécageuses alimentées à la saison des pluies par des eaux descendant des hauteurs environnantes. À Amozoc, les deux routes de la Vera-Cruz, celle passant par Jalapa et l’autre par Orizaba se réunissent. C’était un gros bourg où transitaient les productions des haciendas ou fermes des environs. Lorsque notre voyageur s’approchait de La Puebla de los Angeles, la route devenait plus fréquentée, plus animée et la circulation des arrieros (muletiers), des mules, des chariots de transport devenait plus difficile.
AM-11 – Vue de Puebla de los Angeles et des monts, de gauche à droite, Papacatepetl et Iztacihuatl (la femme blanche) – Source Gallica-BNF.
La Puebla de los Angeles, fondée en 1531 était la principale étape de la route de la Vera-Cruz à Mexico. Elle doit son nom « Cité des Anges », pour les uns, a une croyance des habitants qu’elle fut bâtie par des anges, pour d’autres à la beauté de son climat. Avec ses 70 000 habitants, elle était considérée comme la seconde ville en importance de la république mexicaine. Ses rues, bien pavées et très propres, étaient tirées au cordeau et bordées de larges trottoirs. Elle était alimentée par quarante-quatre fontaines publiques. Ses principaux édifices étaient : la cathédrale, le palais épiscopal, celui du gouvernement civil, l’hôpital, le musée, 5 églises paroissiales, 71 temples ou chapelles, 20 couvents ou communautés religieuses, 3 casernes d’infanterie et 2 de cavalerie. C’était une place commerciale importante et elle possédait des établissements industriels tels que des filatures, des savonneries, des verreries et des fabriques de faïence.
De La Puebla à Mexico
AM-12 – Route de la Puebla à Mexico – Dessin Michel-Claude Mahé
À la sortie de Puebla, notre voyageur traversait les plaines fertiles de San-Martin de Tesmelucan. Elles s’étendent de Tlascala au nord, jusqu’à Cholula au sud. Le terrain devient ensuite plus accidenté dans la direction de Mexico. Il apercevait la cime enneigée de l’Iztaccihualt (la Femme Blanche), ancien volcan de 4,780 mètres au-dessus de la mer (voir fig. AM-11). Il doit son nom à la forme de son sommet formée de quatre pics représentant la tête, la poitrine, les genoux et les pieds d’une femme couchée. À ses côtés, le volcan Popocatepetl, 5 410 mètres, du cratère duquel s’échappent des fumerolles.
AM-13 – Rio Frio – Dessin de E. de Bérard d’après Dauzas – Source Gallica-BNF.
La route monte jusqu’au petit village de Rio-Frio dépendant d’une ferme située au milieu d’une forêt. Dans son voisinage, elle atteint là son point culminant, 3 302 m. Puis on amorce la descente vers la vallée de Mexico située à environ 2 300 m. La route serpente alors à travers des forêts de pins résineux dégageant une odeur agréable.
La vallée de Mexico – Mexico
AM-14 – Vue de Mexico prise depuis la tour de Sn. Agustin entre 1840 et 1845 * – Pedro Gualdi – Source Bibliothèque du Congrès.
*) Cette vue plongeante sur la ville de Mexico montre la cathédrale au centre gauche dominant le paysage et aussi une rue avec des piétons en bas à droite.
Notre voyageur, en descendant le versant sud-est des montagnes, commençait à découvrir la vallée de Mexico située à 2 277 mètres au-dessus du niveau de la mer et entourée de toutes parts de montagnes. Ce plateau central est occupé sur une grande partie par six grands lacs. On distingue, du sud vers le nord : le lac Chalco séparé de celui de Jochimilco par une chaussée ; le grand lac Tezcuco, près duquel est assise la capitale ; le lac San-Cristoval, au nord-est de celle-ci ; et les lacs Jaltocan et de Zumpango. L’eau de ces lacs est douce, sauf celle du lac Tezcuco, qui est salée. Depuis la conquête, ces nappes d’eau se sont considérablement rétrécies.
La dernière étape de notre voyageur fut Ayotla, un joli petit village sur les bords du lac Chalco encadré d’une nature verdoyante ; puis il atteignit la seule chaussée de l’est qui subsistait sur les quatre construites sur le lac et menant à la capitale des Aztèques.
De l’avis de voyageurs, Mexico était la plus belle ville du Mexique. Sa population dépassait 200 000 habitants. Ses rues, orientées vers les quatre points cardinaux, étaient parfaitement alignées, bien pavées, munies de trottoirs et bordées de belles maisons peintes de couleurs assez crues qui avaient généralement deux étages. De beaux ouvrages en serrurerie ornaient les balcons et les fenêtres de rez-de-chaussée. Elle avait en son sein, une soixantaine d’églises, une quarantaine de couvents, des établissements civils ou militaires parmi ceux-ci s’élevaient sur un vaste quadrilatère, la plaza Mayor : la cathédrale et le palais national, siège du gouvernement, avec tous les ministères, le sénat, la chambre des députés, la cour suprême de justice, la commanderie générale, la trésorerie, l’hôtel des monnaies, l’hôtel de la poste, le jardin botanique et trois casernes. Sur les deux autres côtés des bâtiments à galeries couvertes et l’hôtel de ville.
Ma curiosité m’a poussé à regarder ce qu’étaient les routes entre Vera-Cruz et Mexico en consultant les récits de voyages au Mexique autour de 1862. Faut-il rappeler notre fil rouge : « Le chantier Scott et les navires exploités par la Compagnie générale transatlantique / La ligne du Mexique et ses ports ». Je m’en suis éloigné comme d’habitude. Mais nous allons y revenir, comme Thésée et le fil d’Ariane ; au bout du bout, il nous servira à revenir en arrière. Ce comportement, je le dois à un de mes maîtres et ami ; il m’avait dit il y a bien longtemps : « Pour discuter d’un sujet, il faut toujours le connaître dix fois sinon… abstiens-toi ». *
* Merci Roger !
Alors, il m’a semblé utile de voir les conditions rencontrées par les voyageurs qui quittaient Vera-Cruz pour Mexico. Pour voyager de Saint-Nazaire à Mexico, sans nul doute, il fallait un tempérament d’aventuriers, car les routes étaient dans un état déplorable et présentaient tous les dangers (chariots embourbés pendant plusieurs heures, essieux cassés, roues brisées, attaques de brigands).
Les routes de La Vera-Cruz à Mexico
AL-1 – Topographie simplifiée de la région entre et Mexico et Vera-Cruz – Les routes vers Mexico. Dessin Michel-Claude Mahé
Généralités Autour de 1862, Vera-Cruz était le seul port du Mexique lié avec l’intérieur du pays par une route carrossable. Tous les autres ports de la côte Est n’étaient accessibles que par des sentiers où deux mulets ne pouvaient passer de front. Pour se rendre à Mexico à partir de Vera-Cruz, on pouvait prendre la route de Jalapa et La Puebla (392 kilomètres ; 93 1/2 lieues mexicaines *), la seule carrossable, ou bien la route d’Orizaba qui rejoignait la précédente à Amozoc. Elles se confondaient ensuite jusqu’à Mexico. L’une et l’autre de même longueur présentaient les mêmes difficultés.
*) La lieue mexicaine est de 5,000 varas ; la vara vaut 5 pieds mexicains, le pied mexicain vaut en moyenne 0,278636 m ; la lieue mexicaine vaut donc 4179,54 m.
AL-2 – Muletiers – Source Library of CongressAL-3 – Auberge entre Jalapa and Puebla – Source Library of Congress.
Les transports de marchandises se faisaient à l’aide de caravanes formées de mules et muletiers ou de lourds chariots tirés par des mules. * Les routes étaient dans un état déplorable et présentaient tous les dangers : chariots embourbés pendant plusieurs heures, essieux cassés, roues brisées, attaques de brigands ou de guérillas. À partir de Vera-Cruz, pour traverser les dunes (meganos) emprisonnant des marécages, la voiture était mise sur un chemin de fer dont les wagons étaient tirés par des mules sur quatre lieues.
*) Les transports entre Mexico et La Vera-Cruz occupaient environ 70 000 mules. Les chariots du roulage mexicain étaient très lourds. Montés sur quatre roues énormes, ils portaient en moyenne 3 500 kg et étaient tirés généralement par un attelage de douze mules voire seize. Dans les régions soumises à la saison des pluies, de mai à octobre, on cessait de les utiliser, les routes devenant alors impraticables pour ce type de matériel. Celui des voyageurs se faisait par un mauvais service de diligences généralement tirées par huit mules et, dans de bonnes conditions, il fallait 3 ou 4 jours pour parcourir les 392 km. Construites aux États-Unis, elles étaient particulièrement robustes pour résister à ces routes chaotiques.
AL-4 – Une attaque de voleurs de grands chemins – Source Library of Congress.
Les voleurs de grands chemins étaient très redoutés ; les points les plus fréquents où ils œuvraient se situaient aux environs de Perote, de la Puebla et de Rio-Frio. À l’approche de ceux-ci, l’apparition d’un homme armé mettait en émoi les voyageurs non aguerris. Ceux qui ne se défendaient pas étaient rarement assassinés, les voleurs se contentaient de les voler. Il ne fallait pas emporter beaucoup d’argent, juste le nécessaire, pour éviter d’être arrêté les mains vides. Posséder au moins une cinquantaine de francs évitait de mettre les voleurs de très méchante humeur et de subir des traitements fâcheux. Ceux qui n’avaient pas pris cette précaution l’ont regrettée *.
*) Quelques années auparavant, on lut affiché dans les rues de Mexico l’avis suivant : « Le général des bandes, ayant été informé que les voyageurs se dispensent d’emporter une somme raisonnable avec eux, les prévient que ceux qui ne seraient pas trouvés porteurs de douze piastres seront bâtonnés. » Sinon, les voyageurs pouvaient prendre le parti de se défendre, mais seulement dans le cas où ils étaient tous bien armés ; ils étaient alors rarement attaqués. Mais si seulement un ou deux étaient armés, ils faisaient prendre beaucoup de risques à leurs compagnons de voyage. Il était utile d’avoir une escorte bien qu’elle arrivât souvent au grand galop après que les voleurs avaient fait leur coup. Renseignée par les aubergistes, elle était de mèche avec les voleurs mais rappelait tout de même à ces derniers qu’il ne fallait pas toujours arrêter les voyageurs qu’elle était censée protéger.
« Yo Ho Ho et une bouteille de rhum ». (rire) Un nouveau record pour le blog sans prétention « Estuaire et patrimoine » avec 3 585 vues (1745 visiteurs) pour le mois d’avril. Il a patiemment pris sa place dans le monde des passionnés de l’histoire de la Basse-Loire et d’ailleurs. Mais tout ceci c’est d’abord grâce à vous : un grand merci, fidèles lecteurs !
Je vous propose de nous balader dans La Vera-Cruz telle qu’en 1862 un voyageur en provenance de Saint-Nazaire pouvait la découvrir.
La Vera-Cruz – La vie quotidienne
AK-1 – Plan de La Vera-Cruz – Dessin Michel-Claude Mahé
Cette ville importante, riche et populeuse sous domination espagnole n’était plus, en 1862, que l’ombre d’elle-même. Elle offrait plus que l’aspect d’une cité déchue.
Organisation administrative de la ville en 1854
Ce paragraphe n’est qu’une ébauche dans l’attente de renseignements complémentaires.
La ville était divisée en quatre quartiers principaux notés sur la figure AK1 : I, II, III, IV. Le premier quartier était sous la responsabilité du premier maire ; le second, du deuxième maire ; le troisième, du troisième maire ; le quatrième, du premier syndic. L’ensemble des quatre quartiers intra-muros était redivisé en 9 secteurs, délimitées sur la même figure, par les lignes pointillées. Elles étaient sous la responsabilité des neuf conseillers municipaux. Les maisons étaient numérotées.
Une journée dans La Vera-Cruz
Notre voyageur avait débarqué la veille du steamer venant d’Europe, de Saint-Nazaire pour être précis, pour affaires, et ses compagnons de voyage lui avaient, dans les longues soirées passées au fumoir du bord, prodigué quelques conseils, habitués qu’ils étaient à séjourner à Vera-Cruz. Ils avaient plusieurs fois parlé de l’hôtel « La casa de Diligencias » sur la place d’Armes, en face du palais du gouverneur et en avaient fait une description des plus élogieuses, et c’est tout naturellement qu’il s’y était rendu. C’était vrai, l’hôtel était un véritable palais : les appartements étaient dallés, vastes et hauts de plafond, et tout était d’une propreté exemplaire. La cour était entourée d’une double rangée de cloîtres superposés à colonnes de marbre.
À l’hôtel, on déjeunait entre neuf et dix heures et on dînait entre quatre et cinq. En attendant, il profitait de la fraîcheur du lever du jour, en buvant un café et en contemplaient la place d’armes qui s’animait peu à peu.
AK-2 – Aguadors, transporteurs d’eau ou vendeurs d’eau avec des ânes chargés à Guaymas Sonora Mexique. 1862.
Les porteurs d’eau, (aguadores), chemise blanche, pantalon de toile et sombrero, s’en allaient remplir les deux outres, parfois des barils, portés par leur mule aux rares réservoirs disséminés dans les quartiers ; ils iront la vendre à travers la ville. En général, celle qui était bue était recueillie dans des citernes à la saison des pluies. Plus loin, Les forçats (presidios), la chaîne au pied et munis de balais, nettoyaient les rues sous la surveillance d’un argousin. Ils étaient aidés pour cette tâche par des bandes de zopilotes, une espèce de vautour noir qui se disputaient avec les chiens, devant les maisons, les immondices et les débris d’animaux. Des Indiens de Medellin, un village voisin, poussaient leurs ânes, chargés de légumes (verduras), et se dirigeaient vers le marché. Ils étaient vêtus du sarape, une pièce d’étoffe munie d’une fente dans la longueur par où passait la tête, tombant en avant et en arrière du corps. Les femmes (mujeres) allaient faire leurs provisions. Elles étaient habillées simplement d’une chemise très blanche et d’un jupon d’indienne et portaient le reboso, une écharpe recouvrant les épaules et les bras. Pour la chevelure, les unes laissaient leurs longs cheveux noirs descendre dans le dos presque jusqu’à leurs pieds nus en deux tresses ornées de faveurs à leur extrémité ; les autres les enroulaient en chignon tenu par un peigne doré de grande dimension. Parfois, pour recouvrir la nuque, le reboso était fixé au peigne qui retenait le chignon. Des enfants (niños) jouaient nus devant les portes. Les mères avaient un œil sur eux en préparant la tortilla *, une crêpe de maïs qui était le pain ordinaire des Créoles et des Indiens. Les Français l’avaient adopté et souvent ils le préféraient au pain de France. Cette préparation était la grande occupation des Indiennes.
*) La recette de la tortilla, je cite : « Les Indiennes font cuire le maïs égrené dans une certaine quantité d’eau, à laquelle elles ajoutent un peu de chaux vive. Au bout d’une heure environ d’ébullition, chaque grain de maïs acquiert un volume à peu près double de celui qu’il avait avant la cuisson. On lave ensuite le maïs cuit à grande eau et on le réduit en pâte sur une pierre granitique à l’aide d’un rouleau de la même substance. Les Indiennes ajoutent à la pâte une quantité d’eau suffisante pour la rendre plastique et en formant des galettes de 4 à 5 pouces de diamètre sur 6 lignes d’épaisseur (environ 13,5 mm), qu’elles font cuire sur une plaque d’argile cuite chauffée légèrement. La tortilla se mange chaude ; elle est dépourvue de cette âpreté qu’on remarque dans presque toutes les préparations du maïs. »
AK-3 – Situation du marché – Dessin Michel-Claude Mahé
Nous possédons une excellente description du marché (mercado) par un voyageur. Je cite : « Le marché,d’assez belle apparence, est intelligemment construit. C’est un monument carré, muni de larges ouvertures au milieu de chacune des faces. Le rez-de-chaussée est occupé par des magasins d’épicerie, s’ouvrant, d’un côté, sur la rue, de l’autre, sur une cour ou patio, entourée d’une galerie intérieure (portales). C’est sous ces arcades et dans la cour que les vendeuses, accroupies près de leurs marchandises, attendent le chaland, en fumant la cigarette ou le cigare. Ici, un Indien impassible, assis à la turque, ombragé par un immense sombrero, enveloppé du sarape national, expose en vente les produits des Terres-Chaudes. Les fruits, les légumes, les volailles viennent à dos de mulets, d’un village voisin, appelé Medellin. Les œufs se vendent ici un réal pièce (soixante centimes environ), et le reste, à l’avenant. Les poissons sont étalés ailleurs, dans des halles spécialement consacrées à leur usage. Peu ou point de gibier, si ce n’est quelques palomitas (espèce de tourterelles), et quelques échassiers sentant fort le marécage. » « L’assemblée est très-bruyante. Les pièces lizas sont un interminable sujet de discussion. Ce sont de malheureuses pièces qui ont eu leurs beaux jours, sans doute, mais qui sont maintenant réduites à l’état de fragments métalliques, auxquels il ne reste plus figure humaine, tant elles ont été polies et rongées par un trop long usage ; cela peut être tout aussi bien un bouton de culotte qu’un medio, à l’aigle mexicaine. Ces pièces sont fort nombreuses dans la République, qui a autre chose à faire que de les retirer de la circulation. Ce qui ne facilite pas non plus les transactions, c’est l’absence complète de billon, qui, cependant, me dit-on, existe dans l’intérieur. Le quartillo, (en argent, et qui vaut 15 centimes), est la plus basse subdivision monétaire dont on fasse usage ici. Viennent ensuite le medio (30 centimes), le réal (60 centimes), et la piastre ou peso, que le gouvernement français nous donne pour 5 francs 37. Le medio peso, ou demi-piastre, est aussi très-usité. La monnaie d’or est représentée par l’once, valant 16 piastres, la demi-once et l’escudo, valant 4 piastres et demie. L’argent américain est reçu dans tous les marchés. »
Au milieu du jour, pendant les fortes chaleurs, les us et coutumes voulaient que l’on fît la sieste. Alors les rues se vidaient et on n’y rencontrait que quelques portefaix noirs, vêtus d’une chemise en batiste *, d’un pantalon blanc et d’un chapeau.
*) La batiste est une sorte de toile blanche, très fine et très serrée, qui forme le plus fin de tous les tissus de lin.
AK-4 – Cargador – Source : BNF – Gallica
Les occupations de la journée étant accomplies, notre voyageur allait faire une promenade sur le môle : c’était là que se concentrait toute l’activité de la ville. Là, défilaient les cargadores indiens (portefaix) portant sur leurs dos des poids énormes, retenus au front par une large sangle.
Mise à jour : 04-05-2025 – Ajout illustration Cargador
Dans le fumoir du paquebot de la Compagnie générale transatlantique, en route pour Vera-Cruz, mes compagnons de voyage m’avaient mis en garde : “Les voyageurs fraîchement débarqués à Vera-Cruz se voient confrontés aux aléas d’un climat tropical qui peut, selon la saison, présenter quelques difficultés.” Et chacun de raconter les anecdotes, les histoires, entendues ou vécues lors de leurs précédents voyages. Je vous propose, dans ce nouvel article, de survoler ces principaux “aléas” : le vent du Nord, la qualité de l’eau, la fièvre jaune. Vera-Cruz était le royaume de la fièvre jaune et elle était redoutée des voyageurs non acclimatés. Lorsqu’elle sévissait, ils s’empressaient de quitter la ville. Et il est dit que parfois, juste en la traversant, ils pouvaient être contaminés.
Les ports de la ligne du Mexique autour de 1862
La Vera-Cruz – Les conditions environnementales
AJ-1 – Modèle de climat de La Vera-Cruz Graphe et fièvre jaune – Dessin Michel-Claude Mahé
Le Climat
Le graphique AJ-1, ci-dessus, montre l’intensité des différents paramètres climatiques et la période où la fièvre jaune sévissait. C’est un modèle général, il n’est pas lié à une année particulière. On distingue en général : -) une saison sèche avec de faibles températures et des précipitations quasiment nulles de décembre à avril. -) une saison humide avec de hautes températures et de très fortes précipitations entre juin et octobre. -) entre novembre et mars, les jours peuvent être frais et venteux. Lorsque le vent du Nord souffle, la température peut descendre à 10°C la nuit et autour de 20° le jour. -) de juin à novembre, avec une probabilité plus élevée d’août à octobre, le vent peut être d’une violence extrême.
Fuyant les fortes chaleurs, les riches habitants, non retenus par des affaires importantes ou des intérêts majeurs, quittaient la ville pour aller chercher la fraîcheur et les charmes de Jalapa *. Selon M. de Humboldt **, « Pour arriver à Vera-Cruz, il faut choisir entre .la saison des tempêtes et la saison de la fièvre jaune. »
*) Jalapa, maintenant Xalapa, à 1 300 mètres au-dessus de la mer, est bâtie sur une des terrasses par lesquelles le plateau central s’abaisse sur le golfe du Mexique, dans la zone des terres tempérées (tierra templada). Les voyageurs parlaient d’elle comme un paradis terrestre au printemps perpétuel où le sol donnait en abondance une variété de productions sans pareille. **) Alexander von Humboldt (1769-1859), naturaliste, géographe et explorateur allemand, membre associé de l’Académie des sciences française et président de la Société de géographie de Paris.
Le Norte
Il ne m’est pas dans mes habitudes d’utiliser les citations, cependant celle-ci me semble si bien écrite pour décrire ce fameux vent du nord : « Ici, la tempête, c’est le vent du nord, et quand il souffle, rien ne peut donner une idée de sa violence. Il accourt par terribles rafales, soulevant des tourbillons de sable qui pénètrent les habitations les mieux closes ; aussi, dès les premiers symptômes, tout se forme, les barques rentrent, on les enchaîne ; les navires doublent leurs ancres, le port se vide, tout mouvement est suspendu, la ville paraît déserte et inhabitée. Un froid subit envahit l’atmosphère ; le cargador * s’enveloppe, grelottant dans sa couverture ; le paletot de laine remplace la jaquette de toile : on gèle. Le môle disparaît sous les vagues énormes que soulève la tempête ; les vaisseaux se heurtent dans le port, et les vapeurs se hâtent de prendre le large pour éviter un naufrage. ».
Alors les habitants barricadaient leur porte. Dans la rue, la force du vent était telle que les passants, rasant les murs, luttaient de toute leur force contre lui ou, soulevés par les rafales, ils faisaient des pas de géant puis l’instant d’après perdaient le bénéfice du chemin accompli avec difficulté. Un paradoxe ! le climat devenait bon pour les voyageurs non acclimatés et il était alors considéré comme l’un les plus sains du Mexique.
*) Cargador : porte-faix, celui qui porte des charges.
AJ-2 – Le réservoir au pied d’un meganos connecté à la Noria. Fragment de carte de la côte de Vera-Cruz probablement réalisée en 1846. Source : Bibliothèque du Congrès
La qualité de l’eau
Avant la mise en place de l’aqueduc qui amenait l’eau du Rio Jamapa dans les fontaines de Vera-Cruz, les habitants buvaient celle des ruisseaux collectée au pied d’un meganos et acheminée à la noria qui élevait l’eau et la répandait dans tous les quartiers. En 1862, elle n’était plus qu’une ruine. On utilisait aussi des citernes dans lesquelles était précieusement collectée l’eau qui tombait en grande quantité à la saison des pluies. Les plus riches en possédaient dans leur maison. Elle était mauvaise mais meilleure que celle des ruisseaux viciés par le mélange de celle des marais. La garnison du château de Saint-Jean de Ulúa jouissait de citernes remarquables par leurs dimensions colossales, bien construites et entretenues, ce qui n’était pas toujours le cas de celles en ville. Les citernes du château ont souvent suppléé à l’alimentation de la ville entière pendant les sécheresses.
Les porteurs d’eau (los aguadores), chemise immaculée, pantalon de toile, large sombrero sur la tête, approvisionnaient les quartiers avec leur mule chargée de deux barils. Ils prenaient leur eau à l’un des rares réservoirs disséminés par les rues de la ville.
La fièvre Jaune
La proximité des marécages, l’étouffante chaleur produite par la réverbération des rayons d’un soleil brûlant sur les meganos embrasant l’atmosphère, généraient un climat des plus malsains que l’on connaisse. Ces conditions, accentuées par un manque d’eau potable, étaient propices à rendre la fièvre jaune endémique. Elle était connue sous le nom de vomito negro *. Un chroniqueur n’écrivait-il pas : « Ce fléau des ports de l’Amérique équinoxiale semble depuis longtemps avoir choisi Vera-Cruz pour son quartier-général ».
*) Un chroniqueur écrivait en 1863 : « Ce n’est pas seulement la mort qu’on redoute dans cette maladie, ce sont les souffrances qui la précèdent. La vie semble se réfugier dans le cerveau, et on ne la sent que par les douleurs aiguës qui l’accompagnent. Le malheureux qui est atteint de la fièvre jaune commence par ressentir de violents maux de tête, d’yeux et de reins. Bientôt son corps entier s’affaisse et semble brisé, comme celui d’un homme torturé ; puis arrivent les vomissements. Un sang noir sort de la bouche, du nez, des oreilles ; il ne reste plus d’autre sentiment que celui de la douleur ; la voix s’exhale en cris déchirants… C’est encore un bonheur quand la force du mal absorbe entièrement les facultés du malade ! Celui qui conserve toute sa connaissance souffre doublement. »
Au milieu des épidémies, les natifs et les étrangers déjà acclimatés depuis quelques années jouissaient d’une parfaite santé. L’intensité des épidémies augmentait ou diminuait au rythme de l’apparition des vents du Nord. Lorsqu’ils commençaient à souffler en novembre, la température se trouvait alors considérablement refroidie. La fièvre jaune était toujours présente mais faisait très peu de malades. Fin avril, lorsque les vents du Nord se taisaient, elle devenait d’une violence extrême et faisait alors des ravages. Son apparition était liée à trois causes principales : une forte chaleur, le voisinage de lieux marécageux et un apport de personnes non acclimatées. Si l’un des facteurs manquait, elle diminuait et même quasiment disparaissait.
Lorsqu’elle sévissait, il arrivait fréquemment que des voyageurs qui simplement traversaient la ville, pour un embarquement ou à l’inverse quittaient le môle pour aller dans les terres, contractaient la maladie. Ils mouraient alors en mer ou sur la route. L’équipage entier d’un navire en rade, dès lors qu’il passait la nuit sur le pont pour profiter de la relative fraîcheur de la nuit des tropiques, pouvait être contaminé par les effluences pernicieuses apportées par le vent de terre.
Lors de l’intervention française du Mexique, les soldats occupant Vera-Cruz furent décimés par la fièvre jaune. On les remplaça par des bataillons de noirs qui résistaient mieux que les Européens.
Mises à jour : 25/04/2025 – Ajout paragraphe et note sur Alexander von Humboldt
Mon ami Jacques Hédin en retraite du Parc Régional de Brière, viens de faire paraître un très beau livre où il rend hommage à Jean-Pierre Saliou, photographe animalier : « LES MARAIS BRIERONS vus par un chasseur d’images complice ». Une promenade au cœur du marais faite de magnifiques photos pour ressentir l’âme et les richesses de notre mystérieuse Brière.
Me transporter par la pensée parmi les voyageurs ; découvrir ce que ce voyage allait nous offrir ; être confronté aux difficultés rencontrées ; appréhender les motivations de mes compagnons de voyages, ces aventuriers débarquant à la recherche de la fortune, de négoces lucratifs, de découvertes scientifiques inédites ; comprendre les enjeux économiques du moment sous fond de politique. Pour cette étude, il m’était nécessaire de contextualiser, de poser le décor. Les choses maintenant me paraissent un peu plus claires. J’espère qu’elles le seront pour vous aussi. Un effet immédiat, un romancier utilise mes données pour installer ses personnages dans le Vera-Cruz de l’époque…
La Vera-Cruz – La ville
Le 21 avril 1519, Fernand Cortès débarqua à très peu de distance de La Vera-Cruz actuelle où il y fonda, sur le territoire des Totonèques, le premier établissement espagnol sur cette côte. Il le dénomma Villa-Rica de la Vera-Cruz. Lui et ses compagnons étaient animés par la soif de l’or d’où sa dénomination « Ville riche » et c’était le vendredi saint, pour cette raison il y attacha « de la Vraie Croix ». La ville actuelle fut fondée par le vice-roi comte de Monterey en 1580 pour servir de base au pouvoir espagnol. Elle reçut son privilège de villa en 1615. Elle a la forme d’un quadrilatère allongé. Emprisonnée dans ses remparts, elle était donc isolée à la fois de la mer et de la terre, elle était le bastion du pays contre les assauts venant de la mer.
Emprisonnée dans ses remparts, entourée d’un désert malsain, Vera-Cruz avait de la peine à retrouver sa prospérité d’avant la révolution qui sépara le Mexique de l’Espagne *.
*) Les Espagnols furent chassés de Vera-Cruz en 1821.
AI-1 – Vera-Cruz vers 1860 de Francisco Garcia lithographie Decaen, published in 1862 David Rumsey Map Collection
Infrastructure et bâtiments militaires 1- Baluarte de Santiago ; bastion Saint-Jacques ; 2- Escuela Práctica y parque de Artilleria ; Ecole Pratique et Parc d’Artillerie ; 3- Baluarte de S. José ; bastion Saint-Joseph ; 4- Baluarte de S. Fernando ; bastion Saint-Ferdinand ; 5- Puerta de la Merced ; porte de la Merci ; 6- Cuarteles y Galera ; caserne ; 7- Baluarte de Sta Barbara ; bastion Sainte-Barbara ; 8- Baluarte de Sta Gertrusis ; bastion Sainte-Gertrude ; 9- Puerta Nueva ; porte Neuve ; 10- Baluarte de S. Javier ; bastion Saint-Xavier ; 11- Baluarte de S. Mateo ; bastion Saint-Mathieu ; 12- Puerta de México ; porte de Mexico ; 13- Baluarte de S. Juan ; bastion Saint-Jean ; 14- Baluarte de Conception ; bastion Conception ; 15- Castillo de S. Juan de Ulúa ; château de S. Juan de Ulúa ; 16- Hospital militar ; hôpital militaire ;
Infrastructure et bâtiments civils A- Isla de Sacrificios ; île Sacrificios ; B- Isla Verde ; île Verde ; C- El Rastro ; D- Los Hornos ; E- Camino de la Laguna de los Cocos y Mabóran ; chemin de la Laguna de los Cocos y Mabóran ; F- Camino de Mexico ; chemin de Mexico ; G- El Composanto ; le cimetière ; H- Río Tenoya ; rivière Tenoya ; I- Plaza de Toros ; arènes ; J- Alameda ; promenade Alameda ; K- Estacion del Ferro-carril ; Vera-Cruz a San Juan ; gare ferroviaire Vera-Cruz à San Juan ; L- Muelle ; môle ; M- Porte du Môle ; N- Comisaria ; la trésorerie ; O- Aduana ; la douane ; P- Plaza Caleta ; Place de la Caleta ; Q- Carniciera ; la boucherie ; R- El Mercado ; le marché ; S- Place d’Armes ; T- Palais du gouverneur ; U- Theatro ; théâtre ; V- Hospital Civil ; hôpital civil ; W- La casa de Diligencias ; hôtel des Diligences ; X- La Noria. Depósito de agua ; la Noria, réservoir d’eau ; Y- Almacenes de la Aduana ; nntrepôts de la douane ; Z- Las Californias ; entrepôts construits entre 1847 et 1848 pour abriter les muletiers et enfermer les mules et leurs équipements.
Bâtiments religieux a- Capilla des St del Buen viage ; chapelle Saint du Bon Voyage ; b- Capilla de la Pastora ; chapelle de la bergère c- Convento de San Agustín ; couvent Saint-Augustin ; d- Convento de San Francisco ; couvent Saint-François ; f- La Parroquia ; église cathédrale paroissiale ; (aujourd’hui appelée cathédrale Notre-Dame de l’Assomption). Sa construction a été achevée en 1731. g- Convento de Santo Domingo ; couvent Saint-Dominique ; h- Convento de la Merced ; couvent de la Merci ; i- Covento de Belén y Hospital de San Sebastian ; couvent de Belén et hôpital de Saint-Dominique
Autres α- La Guaca * ; La Guaca.
*) Lieu ou construction consacré au culte des dieux de certaines cultures précolombiennes américaines.
La population de Vera-Cruz en 1863 était évaluée entre 12 000 ou 15 000 âmes. Les voyageurs la trouvaient assez jolie dans son ensemble. Il y avait quelques beaux quartiers et quelques belles maisons mais d’autres fort laids et malpropres. Les défenses, les murailles et la plupart des maisons étaient construites en pierre issue de roche madréporique, dite de mucara, la seule dans l’environnement immédiat *.
*) Seule la courtine de San Fernando est en pierres dures. On dit qu’elles furent apportées d’Espagne, à l’époque de la construction du fort, par les navires de commerce, le gouvernement leur imposant un certain nombre à titre de lest.
Les rues, tirées au cordeau, se coupant à angles droits, étaient larges et bien pavées. Les principales étaient munies de trottoirs faits de plâtre battu et bien nivelé sur lesquels, selon un chroniqueur, il était agréable de marcher. À partir de 1797, l’éclairage public était constitué de lanternes alimentées à l’huile puis en 1855, les rues et les maisons se sont vues éclairées au gaz *.
*) Ce service, comportant plus de 3 000 points lumineux, avait été créé à titre privé par le Dr. Gabor Naphegyi, avec un contrat de 15 ans avec la municipalité de Veracruz, mais celle-ci a pris possession des installations en 1857. La centrale était installée dans un ancien fortin à l’extérieur des murs.
Du fait de la configuration du terrain, les rues de La Vera-Cruz manquaient cruellement de pente pour évacuer les eaux vers la mer ; elles croupissaient dans l’unique ruisseau établi en leur milieu. On tentait bien d’assuré leur propreté par des forçats (presidios), la chaîne au pied, balai en mains, sous la surveillance d’un argousin, mais cette tâche était tout de même le domaine exclusif de puissants auxiliaires : des bandes de zopilotes, une espèce de vautour noir qui abonde dans le Mexique et que les habitants laissent croître et se multiplier. Ils se disputaient avec les chiens, devant les maisons, les immondices et les débris d’animaux jetés par les habitants à même la rue. Leur zèle pour le nettoyage était récompensé par une tolérance absolue. Tout individu qui en tuait un se voyait infliger une amende de vingt-cinq piastres. Ils avaient envahi la ville et ne se dérangeaient à peine à votre passage. La nuit, ils se perchaient sur les corniches des maisons, les monuments publics et sur les dômes des églises. Lorsque la situation était trop critique, la municipalité faisait répandre du chlorure de chaux par les rues.
AI-2 – Une vue de Vera-Cruz, porte et place du Môle, et du château de San Juan de Ulúa
Débarquant sur le môle, le voyageur passait la porte du Môle * pour pénétrer dans la ville. Un chroniqueur la décrivait ainsi : « Une sorte d’arc de triomphe dont le portique principal est flanqué de quatre portes basses, rectangulaires, surmontées d’écussons ou bas-reliefs et séparées par des pilastres qui supportent l’entablement ». Elle reliait les bâtiments de la douane à ceux de la trésorerie, constructions basses et uniformes, ornées de portales. Il pénétrait sur la place du Môle, un endroit des plus animés de la ville.
*) Porte de la Mer dans certains ouvrages.
Se loger Vis-à-vis de la porte du môle se trouvaient l’hôtel San Carlos ou gran sociedad, la fonda des commercio et quelques habitations particulières. À l’angle occidental s’élevait le clocher du Convento de San Francisco (Couvent Saint-François), le plus beau et le plus riche de la ville. Il pouvait aussi se loger à l’hôtel « La casa de Diligencias » sur la place d’Armes, en face du palais du gouverneur. L’hôtel était un véritable palais : une double rangée de cloîtres superposés, à colonnes de marbre, environnaient la cour. Les appartements étaient dallés, vastes et hauts de plafond ; tout était d’une propreté exemplaire.
AI-3 – Vera-Cruz en 1836 –La place d’Armes, au centre, le palais du Gouverneur, à droite La Parroquia BnF- Gallica.
Les maisons étaient généralement vastes, élégantes, bien aérées, alignées et surmontées de terrasses sur lesquelles, le soir, on respirait un air frais. Quelques-unes étaient richement ornementées avec des balcons couverts de légères galeries cintrées, soutenues par de gracieuses colonnettes. Sur les bords des balcons et des toits en terrasses donnant sur la rue, des gargouilles gigantesques étaient installées pour déverser, bien au-delà du trottoir, les eaux très abondantes de la saison des pluies. Elles servaient naturellement de perchoirs aux zopilotes *. On y voyait plusieurs églises monumentales et remarquables parmi lesquelles : La Parroquia (l’église paroissiale), Saint-Dominique, Notre-Dame-de-la-Merci et des édifices de belle facture : le palais du gouverneur, la douane, le théâtre, les grandes casernes, les arènes. Vera-Cruz possédait plusieurs hôpitaux toujours pleins de malades et une promenade (Alameda) toujours déserte et mal entretenue.
AI-4 – Promenade Alameda (entre 1865 et 1895) – Briquet, Abel, Photographe français Cornell University Libraryer paragraphe.
Mises à jour : 08-03-2025 ; ajouté La Guaca sur fig AL1. 14-03-2025 ; modifié transposé par transporté.
Mon ami Jacques Hédin en retraite du Parc Régional de Brière, viens de faire paraître un très beau livre où il rend hommage à Jean-Pierre Saliou, photographe animalier : « LES MARAIS BRIERONS vus par un chasseur d’images complice ». Une promenade au cœur du marais faite de magnifiques photos pour ressentir l’âme et les richesses de notre mystérieuse Brière.
En réalisant cette petite étude sur la Compagnie générale transatlantique, sur les trois domaines : historique, technique, économique, et plus particulièrement, pour l’instant, sur la ligne Saint-Nazaire – La Vera-Cruz, il m’a semblé indispensable de parler des ports. Nous reviendrons un peu plus tard sur le chantier Scott et les navires de la Compagnie ; j’ai encore beaucoup de choses à vous dire. La Vera-Cruz, La Vera-Cruz… ce vocable hante depuis un bon moment mes articles et je me suis demandé à quoi cette ville pouvait ressembler en 1862 *. Quoi de mieux que de se référer aux témoins de l’époque avec leurs précieuses observations, empreintes de la situation, de leur vécu du moment et de leur sensibilité. C’est l’objet des trois articles à venir qui traiteront sur : la situation géographique ; la ville ; la vie quotidienne et économique à la Vera-Cruz.
*) 1862 correspond au début de l’intervention française au Mexique et de facto à l’inauguration de la ligne Saint-Nazaire – La Vera-Cruz afin que le gouvernement puisse obtenir plus fréquemment des nouvelles du corps expéditionnaire et donner ses directives. Voir l’article : « 1862 – Compagnie Générale transatlantique – La Ligne du Mexique ».
La Vera-Cruz * – Situation géographique
*) Graphie de l’époque
AH-1 – Situation de Vera-Cruz – Dessin Michel-Claude Mahé
La côte de l’état de Vera-Cruz avec ses nombreux replis s’étend sur 670 km (160 lieues mexicaines), cependant les mouillages étaient difficiles et peu sûrs à cette époque, Celui de Vera-Cruz était mauvais et n’offrait aucune sécurité. Ceux de Boca del Rio, Antigua, Juan Angel, Tuxpan, Chuchalacas, Tampico et Guasacualco étaient un peu meilleurs mais barrés par des bas-fonds. Tampico et Alvarado pouvaient être abordés à marée haute, Guasacualco à marée basse, mais la plupart des autres n’étaient accessibles qu’avec de petites embarcations et le plus souvent à la saison des pluies.
AH-2 – Situation de Vera-Cruz – Dessin Michel-Claude Mahé
La Vera-Cruz était et reste le port le plus important de la côte orientale du Mexique, au fond du golfe du même nom, entre Tabasco et Tampico. Elle est à environ 392 km (93,5 lieues mexicaine *) par la route ordinaire, de Jalapa et de Puebla, à l’Est de la capitale Mexico.
*) La lieue mexicaine est de 5,000 varas; la vara vaut 5 pieds mexicains, le pied mexicain vaut en moyenne 0,278636 m; la lieue mexicaine vaut donc 4179,54 m.
AH-3 – A l’approche de Vera-Cruz – Crédit photo Google Earth
Quelques heures avant de voir la côte mexicaine, après une traversée d’environ vingt-cinq jours, les passagers en provenance de Saint-Nazaire apercevaient le pic d’Orizaba, premier signe que la fin de leur voyage était proche. Bientôt le navire mouillera dans la rade de Vera-Cruz délimitée par la ville, le château San Juan, l’île Sacrificios et l’île Verde, où les navires pouvaient relâcher. C’était la seule sur la côte orientale et elle n’offrait aucune sécurité. L’abri du château San Juan était leur seule défense contre les vents du Nord. Ces derniers amenaient avec eux de très violentes tempêtes qui, très souvent, même en doublant leurs ancres, faisaient déraper les navires et les poussaient à la côte. Dès lors que les conditions météorologiques se dégradaient, les vapeurs s’empressaient de prendre le large pour éviter tout désastre.
*) Il est dit que l’île de Sacrificios, doit son nom aux sacrifices humains dont elle était le théâtre sous le règne des empereurs Aztèques, adorateurs du dieu sanguinaire Mexitli.
AH-4 – Vera-Cruz et la route vers Mexico. N. Currier, 1847 – Library of Congress
Le long de la terre ferme, s’étendait une plage sablonneuse sur laquelle s’échouaient quelques troncs d’arbres et où croissaient quelques pieds de cactus. La plaine dans laquelle était située Vera-Cruz était parsemée de meganos, de très petites dunes serrées les unes contre les autres et composées de sable fin déplacé par la violence extrême des vents du nord. Elles lui donnaient l’air d’une région sablonneuse *, d’un désert. Elles accumulaient la chaleur et pendant la saison chaude transformaient l’air ambiant en fournaise. Ces dunes interceptaient le cours des ruisseaux, permettant l’installation de terrains marécageux couverts de mangliers et de broussailles. Ces eaux dormantes, où des matières végétales et même animales, entraient en putréfaction, altéraient la qualité de l’eau consommée par la population et étaient propices au développement de maladies dont le typhus et surtout la fièvre jaune, véritable fléau de la région.
*) La configuration de ces dunes est souvent comparée, à l’époque, à celle des départements français de la Gironde et des Landes.
AH-5 – Une vue originale : (1) le château de San Juan de Ulúa ; (2) la rade ; (3) La Vera-Cruz ; (4) le pic d’Orizaba (5 380 m) ; (5) le Cofre de Perote. La représentation des hautes montagnes, au dernier plan, n’est qu’une vue d’artiste, elle n’est pas du tout réaliste du point de vue des altitudes des pics et de l’étendue du massif – Crédit : Library of Congress
Le château de San Juan de Ulúa *
Le château de San Juan de Ulúa, s’élève en face de Vera-Cruz, sur le bas-fond de la Gallega. Il a été édifié à partir de 1565, lors de la colonisation espagnole du Mexique, pour protéger la ville qui de ce côté ne possédait que de petites redoutes. Du fait de sa position, il commandait le port et tous les navires obligés de se tenir entre lui et la ville. Les bâtiments de guerre s’amarraient à des anneaux fixés à la muraille du château. Il comprenait de vastes magasins et des citernes établies à grand frais pour assurer à la garnison une eau plus salubre que celle que les habitants de Vera-Cruz tiraient des ruisseaux environnants.
*) Juan de Grijalva, le premier Espagnol qui ait débarqué au Mexique, précédant Cortès d’un an, avant d’aborder sur la terre ferme, mit pied à terre sur un îlot où fut construit plus tard le château. Il y trouva les restes de victimes qui venaient d’être sacrifiées. Il s’enquit auprès des indigènes du pourquoi d’un tel sacrifice. On lui répondit que c’était un ordre des rois d’Acolhua *. Présumant que c’était ainsi que s’appelait l’ilot, il le consigna comme Ulua ou Ullea.
Mises à jour : 04-02-2025. Complété Carte AH1 avec les mouillages 05-02-2025. Ajouté paragraphe les mouillages sur la côte ; Modifié couleur mer carte AH2 ; Complété carte AH1 : Etat de Vera-Cruz. 14-02-2025. Ajusté quelques tournures et expressions.
Mon ami Jacques Hédin en retraite du Parc Régional de Brière, viens de faire paraître un très beau livre où il rend hommage à Jean-Pierre Saliou, photographe animalier : « LES MARAIS BRIERONS vus par un chasseur d’images complice ». Une promenade au cœur du marais faite de magnifiques photos pour ressentir l’âme et les richesses de notre mystérieuse Brière.
Je vous présente mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année. « Qu’elle soit de lumière », comme le dit mon professeur de langue. 13 années déjà que je vous envoie mensuellement un petit mot. Je vous remercie de votre fidélité, de votre assiduité au blog. Cette année, je ne compte pas les moments d’échanges intéressants avec vous : étudiants, chercheurs, généalogistes, journalistes, écrivains de France et d’ailleurs. Je sors très peu et à chaque fois vous m’avez ouvert une fenêtre sur le monde.
Pourquoi étudier les voyages de ces navires en route pour Vera-Cruz ? Voilà une excellente question ! Collecter des informations introuvables, vérifier certains chiffres, éliminer certaines idées reçues et surtout appréhender tout ce qui gravite autour de ces navires du point de vue technique, sociologique, commercial voire politique. Je vous emmène aujourd’hui à la découverte des marchandises débarquées à Saint-Nazaire le 10 juillet 1865, et par la même nous toucherons du doigt les négociants qui en ont opéré les transactions ou en ont fait l’acquisition. Un nom apparaît qui a éveillé ma curiosité : Haentjens. Il est lié à de grandes figures du commerce et de la politique nantaise. Encore un sujet intéressant pour les longues soirées d’hiver (si Dieu le veut).
Un petit rappel : Les textes, cartes et dessins du blog ne sont pas libres de droits. Une demande gentiment formulée et je vous envoie un PDF avec toutes les références liées à l’article.
Paquebot Impératrice-Eugénie, ligne du Mexique du 16 mai au 10 juillet 1865 Route Vera-Cruz – Saint-Nazaire
Les marchandises débarquées le 10 juillet 1865 à Saint-Nazaire et leurs provenances
AG-1 – Provenance des marchandises du second voyage de l’Impératrice Eugénie du 16 mai au 10 juillet 1865 – Dessin Michel-Claude Mahé
L’Impératrice Eugénie a apporté 2884 colis, 200 tonneaux de marchandises pour environ 2 millions et demi de colis valeurs.
On notera dans les tableaux, ci-dessous, AG2 et suivants, les marchandises débarquées à Saint-Nazaire de l’Impératrice Eugénie les produits manufacturés locaux : curiosités, figures en cire et échantillons. On retrouve les produits agricoles : café, cacao, vanille, cochenille, Jalap, etc *. Pour ce voyage, le cacao (1828 sacs) ; le coton (315 balles) ; le dividivi (205 fûts) ; les bagages (383 caisses) sont prépondérants.
*) Voir article : « Principaux termes liés à la cargaison des navires au milieu du 19e siècle »
Les négociants
Les tableaux AG3 et suivants nous montrent que les négociants sont implantés à Nantes ; Saint-Nazaire ; Paris ; Bordeaux ; Le Havre. Des noms connus apparaissent : -) De Vial, agent de la Compagnie générale transatlantique à Saint-Nazaire ; -) J-B. Andrieu et Cie., négociant, 7, rue Jean-Jacques à Nantes ; -) Haentjens frères * négociant-armateur, 6, rue de Bréa à Nantes, agent de la Compagnie générale transatlantique à Nantes, de ce fait, ils commercent avec l’ensemble des ports de la ligne.
*) La famille Haentjens originaire de Cologne s’est établie à Nantes pendant la dernière décennie du 18e siècle. Ses membres se sont distingués dans le négoce, l’armement et la politique au 19e siècle. Jusqu’à 1815, Mathias Haentjens, en tant que négociant, commerce essentiellement avec la Hollande (fromage, harengs etc.) À partir de 1816, père et fils se tournent vers Cayenne, d’où ils importent du coton, du rocou, de la cannelle, etc. Autour de 1818, l’entreprise prend le nom de Haentjens frères. En août 1818, ils deviennent armateur avec le brick le Courrier de Cayenne de 180 tonneaux, transportant marchandises et passagers. En 1822, ils font partir pour le long cours : le Pilote, goélette de 77 tonneaux ; le Victory, de 293 tonneaux ; Industrie, goélette de 77 tonneaux. (Cette section digne d’intérêt sera complétée dans les semaines à venir.) En 1865, l’année de notre étude, ils étaient domiciliés au 6 rue de Bréa. Ils armaient et expédiaient pour le long cours le trois-mâts Tangore, de Nantes, 479 tonneaux, appartenant à M. Hermann, rue de Bréa à Nantes. F. Hermann était aussi négociant-armateur, sa compagnie était située au 88 quai de la Fosse. Il possédait les trois-mâts Celinie, 420 tonneaux et Reine-Blanche, 470 tonneaux ; par ailleurs, il possédait une Compagnie d’assurances maritimes située, elle aussi, au 88, quai de la fosse à Nantes.
Les paquebots transportaient les valeurs monétaires rapatriées par les banques françaises et anglaises ainsi que par les commerçants (monnaie ou pièces comptables). Une d’entre elles était spécialisée dans l’or et l’argent : la maison Veuve Reneaume. À défaut de documents commerciaux identifiant parfaitement les transactions, il semble que cette bijouterie spécialisée dans l’or était située au 11 rue des Prètres à Saint-Germain-l’Auxerrois.
AG-2- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz-Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 Marchandises débarquées à Saint-Nazaire toutes provenances Dessin Michel-Claude Mahé
Les emballages
Du point de vue des emballages, les mêmes tableaux nous montrent que les plus importants sont les sacs (1828), les balles (315) et les fûts (205). La plus grosse partie des caisses concernent des bagages.
Marchandises en provenance de La Vera-Cruz
AG-3- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz-Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 Marchandises débarquées à Saint-Nazaire en provenance de La Vera-Cruz Dessin Michel-Claude Mahé
Marchandises en provenance de Santiago-de-Cuba
AG-4- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz – Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 Marchandises débarquées à Saint-Nazaire en provenance de Santiago-de-Cuba Dessin Michel-Claude Mahé
Marchandises en provenance de la Trinidad
AG-5- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz – Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 Marchandises débarquées à Saint-Nazaire en provenance de La Trinidad Dessin Michel-Claude Mahé
Marchandises en provenance de La Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
AG-6- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz – Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 Marchandises débarquées à Saint-Nazaire en provenance de La Pointe-à-Pitre Dessin Michel-Claude Mahé
Marchandises en provenance de Saint-Pierre (Martinique)
AG-7- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz – Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 Marchandises débarquées à Saint-Nazaire en provenance de Saint-Pierre Dessin Michel-Claude Mahé
Marchandises en provenance de Fort-de-France (Martinique)
AG-8- Impératrice-Eugénie, route Vera-Cruz – Saint-Nazaire du 16 mai au 10 juillet 1865 – Retour Marchandises débarquées à Saint-Nazaire en provenance de Fort-de-France Dessin Michel-Claude Mahé
C’est en étudiant d’un peu plus près les marchandises débarquées à Saint-Nazaire de l’Impératrice Eugénie en provenance de Vera-Cruz (graphie de l’époque) que j’ai découvert certains produits qui, je vous l’avoue, m’étaient inconnus. Outre : le coton, le tabac, la vanille, etc., que l’on retrouve dans les publications, me sont apparus : la cochenille, le jalap, la salsepareille *, le dividivi, etc. Vous connaissez ma curiosité ; j’ai donc regardé de quoi il s’agissait et la manière dont elles étaient expédiées. Il m’a semblé utile d’établir un petit lexique. Il nous servira pour les prochains articles.
*) Je la connaissais comme la plante préférée des Schtroumpfs (rires).
Principaux termes liés à la cargaison des navires au milieu du 19e siècle
Les emballages Suivant les marchandises expédiées et les usages des contrées d’où elles provenaient, les emballages pouvaient prendre des noms, des formes, des matériaux, des contenances différentes. Voici ceux principalement utilisés :
BALLE : « Paquet de marchandises enveloppé de grosse toile (chanvre, lin, coton) et fortement ficelé pour être transporté plus aisément. Exemples : balle de laine, de coton, de café, de cacao, sucre, poivre, etc. » On rencontre aussi la dénomination sac pour le sucre, la farine, le poivre. Leur poids 50 à 100 kg.
SURON : « Ballot couvert de peaux de bœuf ou de vache. On met toujours le poil en dedans et on coud le ballot avec des filets ou des lanières de la même peau. Les surons viennent ordinairement de l’Amérique méridionale ou du golfe du Mexique. » Suron d’indigo, de coton, etc.
CAISSE : « Grande boîte généralement en bois dans laquelle on enferme des objets, des marchandises pour les conserver ou pour les transporter. Exemples : caisse de cannelle, d’indigo, d’oranges et citrons, de sucre du Brésil mais aussi caisse de quincaillerie, bijouterie, mercerie, etc. » Elle est définie en caisse, 1/2 caisse, 1/4 de caisse. Pour le thé : caisse ordinaire, 1/2 caisse ,1/4 de caisse, 1/8 de caisse, 1/16 de caisse. Pour la liqueur caisse de 24 litres, 12 litres et 6 litres.
FUTAILLES : « Récipient de forme sphérique, généralement en bois, pouvant contenir du vin, du cidre, de l’eau-de-vie ou d’autres liquides. Synonymes : tonneau, fût. » Exemple : Futaille d’indigo de 120 à 125 kg.
TIERÇON : « Nom donné à certaines futailles. » Leur contenance équivalait au tiers d’une mesure entière. On trouve aussi un demi-tierçon.
BARRIQUE : « Gros tonneau de capacité variant selon les régions (entre 136 et 400 litres) qui sert à expédier les vins, les huiles, les eaux-de-vie et des marchandises solides (morue, etc.). »
BARIL : « Petit tonneau de contenance variable selon les places, utilisé pour le transport et la conservation de liquides, d’aliments ou de matières sèches. » On trouvait aussi des barils d’acier de 75 kg et de 50 kg.
BOUCAUT : « Baril de bois blanc très léger servant à transporter des marchandises diverses. Le boucaut de quercitron, de tabac, etc. »
Les marchandises
Mes connaissances en botanique étant très limitées, j’ai repris et parfois adapté les définitions de certains auteurs de l’époque, notamment : M. Bainier, Pierre avec sa géographie appliquée à la marine, au commerce, à l’agriculture, à l’industrie et à la statistique (1877-1878) et ceux du Dictionnaire universel théorique et pratique, du commerce et de la navigation (1859-1861) (BNF-Gallica).
COCHENILLE : « La cochenille, insecte vivant (notamment) sur le nopal, est produite par le Mexique, le Guatemala, le Honduras, les Canaries, principal centre de production, Java et l’Espagne méridionale. On distingue dans le commerce quatre sortes de cochenilles, dont quelques-unes offrent plusieurs variétés ; ce sont : les cochenilles du Honduras, les cochenilles de Vera-Cruz, celles des Canaries et celles de Java. » « Recueillies, tuées et desséchées, elles ont l’aspect de petites graines dont la couleur pourpre est nuancée de gris. C’est ainsi qu’on la trouve dans le commerce. La cochenille fournit la plus belle couleur rouge que l’on connaisse. Aussi est-elle encore très recherchée par les teinturiers. Elle est souvent employée sous forme de carmin. »
AF-1 – Libidibia coriaria By Vinayaraj – Own work, Wikimedia commons
DIVIDIVI : « Libidibi ou dividivi, ou bablah de l’Amérique (gousses tinctoriales). C’est la gousse du caesalpinia coriaria ou libidibia (famille des légumineuses). On l’a divisé en deux espèces : le libidibi du Pérou et celui de l’Orénoque. Celui de l’Orénoque, qui vient, non seulement de l’Amérique méridionale, mais aussi des Antilles, est utilisé, par les habitants de ces contrées, pour teindre en noir les tissus, et pour tanner le cuir. »
AF-2 – Convolvulus jalapa
JALAP : « Le jalap est la racine d’une convolvulacée appelée exogone officinal ou tubéreux, qui croît en abondance au Mexique ; le nom de jalap vient de Xalapa, ville du Mexique. Cette racine a été apportée en Europe vers 1570. Elle est tubéreuse, arrondie, plus ou moins irrégulière, blanche, charnue, remplie d’un suc lactescent et résineux. Son odeur est nauséabonde, sa saveur âcre et très-irritante ; c’est une substance purgative, qui agit principalement sur les intestins grêles. » « Les jalaps nous sont généralement expédiés en balles ou surons de toile, d’un poids de 50 kg. »
ROCOU : « Le rocou est une matière tinctoriale qui, sous la forme d’une pulpe gluante, d’un rouge vermillon, entoure les graines du rocouyer (bixa orellana), arbrisseau des contrées méridionales de l’Amérique, principalement du Mexique, du Brésil, des Antilles (Guadeloupe) et surtout de Cayenne. Le rocou est une pâte homogène, d’une consistance butyreuse *, d’un toucher gras et onctueux et d’une couleur rouge terne. Il sert à la teinture et à la coloration des vernis. »
*) Butyreuse, qui a l’apparence ou les caractères du beurre.
SALSEPAREILLE. « La salsepareille officinale, la seule qui entre dans le commerce, a de très longues racines composées de fibres nombreuses, grêles, d’un blanc cendré, entremêlées les unes dans les autres. Elle croît dans les contrées méridionales de l’Amérique et au Mexique. On l’emploie comme sudorifique, comme ayant la propriété de purifier les humeurs, et on en a fait un grand usage pour la guérison des maladies syphilitiques. » « La salsepareille nous arrive en majeure partie du Mexique ; le Brésil et le Honduras nous en fournit aussi. » Celle du Brésil, bien plus estimée que les autres, croît surtout dans les provinces septentrionales à Para et à Maranham *. Elles sont liées en paquets et parfois mises dans des boîtes, mais le plus souvent on se borne à remplir d’un certain nombre de paquets en surons ou en balles. »
*) Le prix sur la place du Havre en 1861 était de : Brésil, 5 fr. le kg. ; Honduras, 2 fr. à 2 fr. 10 ; Mexique, 1 fr. 30. à 1 fr. 35.
TAFIA : « Cette liqueur provient de la distillation des gros sucres, écumes et mélasses de la canne à sucre. La plus grande quantité des tafias importés en 1861 en Europe provient des Antilles anglaises et françaises, et presque tous sont à la destination de la Grande-Bretagne. La fabrication de l’eau-de-vie de betterave en France l’a presque exclue de notre marché. »
VIN D’ORANGE : « Le vin d’orange *, comme son nom l’indique, provient du jus fermenté de l’orange, et il a une richesse alcoolique naturelle de 12 à 15 degrés. Il entre comme les vins ordinaires dans la préparation des vins médicinaux (quinquina, etc.) ; il tend à se substituer dans la consommation aux vins apéritifs, tels que le madère, le malaga, etc. »
*) Mes amis du comité de lecture m’ayant demandé la recette du vin d’orange, la voici dans le texte en 1872 (BNF- Gallica) – “L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération” :
« Vin d’oranges Quand on a fait choix d’oranges de Portugal, les plus fines et les plus mûres, on les coupe transversalement *, en deux parties ; on pose un tamis de crin * sur une terrine de grès; on prend ces parties d’oranges l’une après l’autre; on les tient d’abord entre le pouce et l’index d’une main, et de l’autre on exprime ; puis on les place entre les deux paumes des mains, et on exprime en sens contraire, jusqu’à ce qu’il ne sorte plus de suc; on rassemble les pépins dans le coin du tamis ; car si on exprimait sur ces pépins, l’acide du suc d’oranges en détacherait des parties qui communiqueraient à la liqueur une amertume désagréable; et quand il y a une certaine quantité de ces pépins, ainsi que les ligaments qui se sont détachés en exprimant ces parties d’oranges, on la rejette comme inutile. Lorsque cette opération est finie, on verse la liqueur dans de grosses bouteilles de verre qu’on tient bien bouchées, et on laisse reposer jusqu’à ce que le dépôt se soit précipité au fond du vaisseau; on soutire avec un siphon, on passe le marc au travers de la chausse de drap, on mesure la liqueur, à laquelle on ajoute une neuvième partie de bonne eau de fleurs d’oranger, et on y fait fondre 370 grammes de sucre par litre, et quand le sucre est bien fondu, on verse le liquide dans les mêmes vaisseaux, qu’on tient ensuite bien bouchés et qu’on a soin d’agiter pendant quinze jours, au moins une fois par jour; puis on mesure encore et on ajoute un litre d’esprit-de-vin ** pour chaque dix litres de liquide; on agite fortement le mélange et on le met en réserve dans un tonneau quand on a une suffisante quantité de liqueur, mais au moins dans un vaisseau qui soit assez grand pour contenir la totalité, et on laisse reposer. »
*) Il faut éviter de se servir de fer ou d’acier pour les couper. Cela dénature le jus. On recommandait à l’époque de prendre des couteaux de bois.
**) Voir la réglementation sanitaire actuelle.
« Le vin d’oranges est peut-être la liqueur la plus agréable et la plus salubre de tous les vins de liqueurs connus ; mais il a le même inconvénient que les vins d’Espagne de la meilleure qualité, qui ne sont vraiment potables que quand ils ont plusieurs années de vétusté. »
Second voyage de l’Impératrice Eugénie du 16 mai au 10 juillet 1865 – Voyages et passagers
Une auditrice, lors d’une restitution de travail à la Médiathèque de Montoir-de-Bretagne, m’avait dit tout l’intérêt qu’il y aurait à connaître les passagers des paquebots partant ou revenant à Saint-Nazaire. L’idée a fait son chemin et la presse de l’époque, publiant les listes de ceux-ci, m’a permis d’extraire quelques éléments intéressants. Par curiosité, je vous propose cette nouvelle enquête, toute relative et toute simple, pour découvrir d’où ils venaient et comment étaient constitués les groupes familiaux (couples, hommes seuls, femmes seules) présents à bord du paquebot Impératrice-Eugénie à Saint-Nazaire, le 10 juillet 1865, lors de son retour de Vera Cruz. Dans un prochain article, nous verrons, lors d’une même voyage, quelles marchandises il a ramenées dans ses cales à Saint-Nazaire.
La ligne (rappel)
AE-1 – Second voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 mai au 10 juillet 1865 Dessin Michel-Claude Mahé
Temps de navigation théoriques et distances parcourues (rappel)
AE–2 – Ligne Saint-Nazaire à Vera Cruz en 1865 – Les temps de navigation prévisionnels Dessin Michel-Claude MahéAE-3 – Second voyage de l’Impératrice Eugénie – Aller – Dessin Michel-Claude Mahé
De Saint-Nazaire vers Vera-Cruz (graphie de l’époque)
(1) 60 passagers dont 13 passagers pour la Martinique : MM. Lemerle, Huber, Nardi, Martin, Le Pennee, Xavier Savanne, Peu Duvallon et son fils, Mazinion, Julie Georges, Laporterie, son fils et sa demoiselle ; 47 passagers en transit. (2) 660 tonneaux de marchandises diverses nationales. (3) Presse locale métropolitaine : « Le steamer-poste français Impératrice-Eugénie, capitaine Laurent, parti de Saint-Nazaire le 16 mai, au soir, a mouillé à Fort-de-France (Martinique), le 30, à 7 heures du matin, après une belle traversée de 13 jours 1/2. L’Impératrice-Eugénie a quitté Fort-de-France le 31 mai, à 5 heures de l’après-midi, et mouillait à Santiago-de-Cuba le 4 juin, au matin. » (4) La presse locale antillaise publiait : « L’Impératrice-Eugénie nous a surpris ; elle nous a même étonné, pourrions-nous dire, en arrivant ce matin (30 mai) à Fort-de-France, après une traversée de 13 jours ».
AE-4 – Second voyage de l’Impératrice Eugénie – Retour – Dessin Michel-Claude Mahé
De Vera-Cruz vers Saint-Nazaire
(1) Le 24 juin, Impératrice-Eugénie, capitaine Laurent, venu de Vera-Cruz, avec diverses marchandises. Passagers : en transit, 61. Pour la Martinique : 2 passagers, MM. F. Agrelle et Constantin. (2) 160 passagers pour Saint-Nazaire (voir chapitre « Les passagers »). (3) L’Impératrice Eugénie a apporté 200 tonneaux de marchandises, environ 2 millions et demi de colis valeurs » *.
* Voir article : « Second voyage de l’Impératrice Eugénie du 16 mai au 10 juillet 1865 – Les marchandises. (Parution prévue : novembre 2024).
(4) L’impératrice-Eugénie était le 6 juillet à 130 lieues (390 milles) des côtes de France, il aurait dû entrer à Saint-Nazaire le 8 au plus tard. Le 10 juillet à 1 h 25, il était aux Charpentiers * et devait rentrer sur rade vers les 3 heures.
* Les Charpentiers : plateau rocheux au large de l’estuaire de la Loire.
Les passagers débarquant à Saint-Nazaire le 10 juillet 1865
Leur provenance
AE-5 – Provenance des passagers – Situation des ports – Dessin Michel-Claude Mahé *
* La route suivie entre Fort-de-France et Vera-Cruz m’est encore inconnue. Passe-t-il par le détroit du Yucatan pendant l’intervention française au Mexique ? Là est la question.
AE-6 – Second voyage de l’Impératrice Eugénie – Provenance des passagers – Dessin Michel-Claude Mahé
Les passagers viennent principalement de la Martinique, 32 % ; de la Guadeloupe, 28 % ; de Santiago-de-Cuba, 25%, viennent ensuite Vera-Cruz 12% et la Trinidad 3%.
Nombre de passagers en fonction des différents groupes familiaux
AE-7 – Second voyage – Retour – Nombre de passagers selon les groupes familiaux. Dessin Michel-Claude Mahé
Les listes de passagers sont issues de la presse et peuvent comporter des erreurs de transcriptions, d’omissions ; néanmoins, elles nous permettent d’appréhender, de comparer les éléments spécifiques, les particularités qui différencient les voyageurs présents à bord.
On détermine ainsi que sont du voyage : – 20 femmes ; – 102 hommes ; – 26 enfants, dont 2 (12 et 6 ans) semblent voyager seuls. La plus jeune passagère est une petite fille de 2 mois ; – 7 domestiques (6 hommes et une femme). Si on en croit la liste ci-dessous, les hommes seuls et les couples semblent avoir à leur service un homme*. Une veuve seule a une servante.
* À l’époque, selon l’état de la fortune, la base de la domesticité dans une maison était de trois personnes : une cuisinière, une femme de chambre et un domestique homme. Les fonctions de ce dernier étaient multiples et essentielles pour le fonctionnement général de la maison. Il devait s’occuper des vêtements de son maître, l’aider dans ses différentes toilettes, nettoyer et frotter l’appartement, arranger les flambeaux et les lampes, approvisionner les coffres à bois, allumer les cheminées, les poêles. Il avait en charge les cristaux, l’argenterie, les couteaux. Il devait mettre le couvert pour les différents repas, ranger les salons et la salle à manger, faire les commissions à l’extérieur pour Monsieur et Madame, etc. Qu’il accompagne son maître, lorsqu’il voyage seul ou en couple lors de périples aussi importants, semble une évidence pour une certaine société. Ses occupations devaient être moindres, mais là aussi multiples (toilettes, rangement, nettoyage, bagages, port de billets etc.). La présence du domestique était aussi un gage du statut social de certains passagers.
Pour opérer une classification, nous avons défini la notion de groupe familial défini comme suit : – un couple ; – un homme seul ; – une femme seule ; auxquels sont adjoints, pour chacun des trois groupes, les éventuels enfants et domestiques.
Les « hommes seuls » représentent 58 % des passagers suivis par les « couples », 37% puis les « femmes seules », 15 %.
Couples Sur les 12 couples : 5 voyagent sans enfant ; 4 couples ont 1 enfant ; 1 couple a 5 enfants ; 1 couple a 2 enfants avec 1 domestique ; 1 couple sans enfant avec 1 domestique.
Hommes seuls 90 hommes voyagent seuls parmi ceux-ci : 1 religieux ; 1 homme avec 1 enfant et 1 domestique ; 4 hommes avec 1 enfant ; 1 homme avec 6 enfants ; 3 hommes avec chacun 1 domestique.
Femmes seules 8 femmes voyagent seules, réparties ainsi : 5 femmes sans enfant dont 1 avec une servante ; 3 femmes avec 1 enfant.
Liste des passagers
Nota : Les indications entre parenthèses montrent les différences entre deux listes parues dans la presse.
Vera-Cruz : MM. Albert H. Veun ; Jactan ; Préciat (Gréciat) et son fils ; J. Basagoiti ; E. Grunaler ; Dalcour ; Pasmalvilla (Pasmal-Villa) ; G. Tardi ; Husson ; Beltran, sa dame et un enfant ; Aston ; Chaix ; Azé ; Caffarel ; Frelon ; Grelly.
Santiago-de-Cuba : MM. Cortel ; Henri Reed ; Langard ; Ducasse ; Simon Le Guen ; Salvador Alberni ; un enfant ; (Cassimasson, Christina Ruiz et un enfant) ; Macagnat ; Corominat ; A. Tucto ; Carbonell ; Martinez ; Ayapito Garcia ; Ad. de la Casada et six enfants ; Geromino April ; Facondo April ; L. Gaillard ; (Gaillard, sa dame et un domestique) ; (M. Puillond, sa dame et un domestique) ; MM. Durive ; Villac ; G. et F. Vincent ; Del Manol et son domestique ; Perrodin ; Ferustino ; Cortel.
La Trinidad : MM. de La Peyrouse et sa dame ; Eugène Lange, un enfant et un domestique.
La Basse-Terre : MM. Moufflet ; de Foucault ; Martin ; Deflès (Deffis), sa dame et leur fille (2 mois) ; MM. Leger ; Eggimann ; Ledentu ; Eggimann; Beleurgey ; Mme (Melle) Juliette Jean-Bart et Melle Bertille Senega (6 ans).
La Pointe-à-Pitre : M. A. Nicolas et sa dame ; Mlles Amélie Jerusson et Marie Idria (11 ans) ; M. Pernelle ; M. Veillon Capitaine et sa dame, Georges, Eugène, Louis, Clara Capitaine, E. Capitaine, Arm. Capitaine * ; Mlles Laurence, Berthe et Suzanne Mateo et Mariette Thionville ; MM. Adnesse ; Fiéron, sa dame et un enfant ; Dormoy ; Espanet ; D. Bousquet (12 ans) et E. Bousquet (8 ans) ; Ydrac ; Coste Junior ; Coste, Léon ; De Keratry et un domestique ; Bailhac.
* Famille Capitaine 8 personnes.
De Fort-de-France : MM. Carroy ; L’Héritier ; Bouvier ; Cravin et sa dame ; Briais ; Chantelse (Chantehe) ; Olmeta (Almeta) ; Frémoreau (Prémoreau) et un enfant ; Didier et sa dame, deux enfants (7 ans ½ et 6 ans ½) et un domestique ; MM. Julio ; L’Ange de Pimon ; le frère (père) Grasser ; Lamotte ; Lahon ; Bourrouet ; Seguin ; Desain et un enfant (7 ans) ; Laugier ; du Riveau ; Maugée ; Feur (Peux) ; Puiblet (Guiollet) ; Mouchel ; Favre, sa dame et un enfant ; Bouvier et un domestique ; Dapy ; Rogues ; Bequée (Bequie).
De Saint-Pierre : MM. Mauvert (Mauvert) ; Dufait fils ; Thariès (Charier) ; Deravin ; Edouard Salle ; Mme veuve Riboul et sa servante ; MM. de Lattifardière ; Brunet ; Roger et sa dame.
Je vous invite à une nouvelle conférence : « Le développement du cyclisme en Loire-Inférieure 1861-1939 », le samedi 12 octobre 2024 à 10 h 30 à la médiathèque municipale Barbara, 7, rue du Berry à Montoir-de-Bretagne. Cette étude a été menée, il y a quelques années, sous la forme d’articles et c’est avec plaisir que je l’ai compilée pour créer ce voyage dans le cadre de la Semaine bleue organisée par le CCAS de Montoir-de-Bretagne et la médiathèque. C’est un moment privilégié de rencontre et de partage. Je peux, de visu, répondre aux questions et les discussions sont toujours riches d’enseignements.
Premier voyage de l’Impératrice Eugénie du 16 février au 15 avril 1865
La navigation et les escales
Continuons à nous intéresser au paquebot Impératrice Eugénie de la Compagnie générale transatlantique. Il m’a semblé judicieux, après avoir vu les hommes et les femmes constituant son équipage (si, si, quelques-unes étaient présentes à bord), de décrire ses deux premiers voyages. À défaut de journaux de bord, il m’a fallu patiemment reconstituer ces données à travers la presse locale, nationale voire internationale. Un travail de bénédictin éminemment intéressant, car toutes les informations baignaient dans leur environnement : les ports, les différents trafics, les entrepreneurs et politiques locaux et surtout les remarques que ces derniers formulaient sur les problèmes économiques du moment. Précieuses informations pour avoir une vue d’ensemble du problème.
La ligne (rappel)
AD-1 – Premier voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 février au 15 avril 1865 – Dessin Michel-Claude Mahé
La situation politique
La guerre de Sécession est officiellement terminée. L’intervention française au Mexique est en cours. Les nouvelles du conflit et les directives du gouvernement étaient transmises par courrier par les navires de la Compagnie générale transalantique.
Temps de navigation théoriques et distances parcourues
AD-2 – Ligne Saint-Nazaire à Vera Cruz en 1865 – Les temps de navigation prévisionnels * Dessin Michel-Claude Mahé
(Amusons-nous !) Je ne dispose que de quelques jours de départ ou d’arrivée théoriques * et la durée des différents trajets (tableau AD-2). Si on fusionne ces données, on vérifie une bonne adéquation entre celles-ci. On peut donc en déduire grosso modo les temps d’escales. Il restait à quai juste le temps nécessaire, au mieux environ 24 heures à Fort-de-France, pour le réapprovisionnement en charbon ; environ 12 heures à Santiago de Cuba, pour le débarquement des passagers et des marchandises. Il était prévu 5 jours d’escale possibles à Vera-Cruz.
*) Les jours d’arrivée et de départ étaient nécessairement très fluctuants du fait des aléas de la navigation, principalement les conditions de mer. Un entrefilet dans le Moniteur de la Martinique nous donne une indication pour ce premier voyage : « Il passera à Fort-de-France du 1er au 3 mars prochain, et y reviendra prendre, du 25 au 26 du même mois, ses passagers pour l’Europe. » Il était donc attendu à Fort-de-France dans une plage de 3 jours en provenance de Saint-Nazaire et 2 jours en provenance de Santiago de Cuba.
Voyage aller
AD-3 – 1er voyage de l’Impératrice Eugénie – Aller – Dessin Michel-Claude Mahé
(1) La Direction générale des postes a avisé le public que l’Impératrice-Eugénie qui devait partir de Saint-Nazaire, pour le Mexique, le 16, ne partira que le 17. Le départ a eu lieu à 18 h. (2) 107 Passagers dont 20 pour la Martinique : MM. Roques ; Rimmer ; Melhié ; Brosseau ; Métois ; Saint-Omer Roy fils ; de Caillebot Lassalle ; Blanchard, conseiller à la cour impériale ; Demange * ; Trouvé ; Guichotte ; Phelipot ; N. Montès ; L. Hachard ; M. et Mme Casadavant ; M. et Mme E. de Monthemer ; Melle Louise Larry et un domestique.
*) Un nom bien connu à Nantes, simple coïncidence peut-être
(3) 850 tonneaux de marchandises diverses. (4) Arrivé à Fort-de-France le 4 mars, à midi, il a continué sa route pour le Mexique le 6, à six heures du matin, après avoir reçu, en 27 heures, 1,210 tonneaux de charbon *, ainsi que les vivres et les provisions nécessaires à sa traversée.
*) (Amusons-nous !) En supposant que la totalité du réapprovisionnement de 1,210 tonneaux soit dépensée pendant les 15,5 jours de voyage à 10,2 nœuds, sa consommation aurait été de 78,1 t/j pour 83,5 t/j prévues.
AD-4 – Fort-de-France en 1870 – Les quais des transatlantiques, le bassin de carénage et le parc à charbon pour l’approvisionnement des navires – Dessin Michel-Claude Mahé
(1) Le paquebot est entré à Santiago de Cuba le 24 mars. Il repartira le lendemain matin, 25 mars, pour la Martinique et Saint-Nazaire. Il a été retenu à la Vera-Cruz, jusqu’au 19 mars, par une tempête du Nord qui ne permettait aucun mouvement sur rade. (2) 7 Passagers embarquant à Fort-de-France pour Saint-Nazaire : MM. Bonnin, enseigne de vaisseau ; Kératry, sous-lieutenant d’infanterie de marine ; Wagner ; Manuel Molina ; Pierre Follain ; Ernest Follain ; Mme Caroline Follain. (3) 147 passagers en transit pour Saint-Nazaire. (4) 204 passagers ont débarqué à Saint-Nazaire. (5) La cargaison comportait 180 000 piastres et 150 tonneaux de marchandises diverses. (9) Le paquebot Impératrice-Eugénie est arrivé à Saint-Nazaire le 15 avril à 7 heures 30 du matin.
On peut déduire les temps suivants : Départ Vera-Cruz le 19 mars 1865 ; arrivée à Saint-Nazaire le 15 avril 1865 ; il s’est écoulé 27 jours. Entre son départ de Saint-Nazaire le 17 février 1865 et son retour le 15 avril 1865, il s’est écoulé 57 jours soit 1 mois et 26 jours. On en déduit que le voyage Saint-Nazaire à Vera-Cruz a duré 30 jours et qu’il est arrivé probablement à Vera-Cruz le 15 mars en adéquation avec le tableau AD2.
Le voyage s’est bien passé. Son arrivée le 19 avril au lieu du 15 à Saint-Nazaire est imputable à la tempête de Vera-Cruz qui a bloqué tout mouvement sur rade. Il existe une différence entre les passagers annoncés embarquant à Fort-de-France (147) et ceux débarquant à Saint-Nazaire (204). Peut-être des militaires embarqués à la dernière minute.
Après une belle carrière dans la Marine nationale, le capitaine Laurent fut de la grande aventure des paquebots de la ligne du Mexique de la Compagnie générale transatlantique à Saint-Nazaire. On le vit commander le Floride puis l’Impératrice Eugénie, le premier paquebot de la même compagnie construit aux chantiers Scott à Saint-Nazaire. Cette belle figure de marin m’a interpelé, peut-être en premier lieu son lieu de naissance : l’Angleterre, et vous me connaissez ma curiosité m’a poussé à en savoir plus. Aussi, j’ai patiemment réuni les pièces du puzzle de sa vie, celles déjà collectées et celles de mes recherches, Il en manque encore quelques-unes… Voilà encore des sujets d’étude pour les longues soirées d’hiver !
Notice biographique du capitaine Laurent Pierre, Michel, Albert *
*) Les données sont issues des travaux généalogiques de M. Alexandre Mihailovitch et des archives de l’École navale. Grand merci à eux pour tous ces renseignements.
État civil
Laurent Pierre, Michel, Albert est né le 13 septembre 1815 à Cheltenham (Angleterre).
Il est le fils de Pierre, Michel, né le 22 mars 1769 à Nancy (Paroisse de Saint Roch) et décédé le 25 février 1841 à Paris (Xie, ancien arrondissement), lieutenant de vaisseau émigré en Angleterre, Chevalier de Saint Louis, et d’Eleanor Elisabeth Cheshire, née le 17 avril 1778 à Minstead (Angleterre), décédée le 11 février 1840 à Paris (Xe, ancien arrondissement).
Il épouse, le 21 juillet 1849 à Morlaix (Finistère), Adèle Bonne Aline Le Bozec, née le 26 septembre 1821 à Morlaix.
Pierre Joseph, naît le 24 janvier 1852 à Brest et décède le 6 décembre 1924 – Il entre à l’École Navale en 1869. Le 25 novembre 1889, il prend un congé sans solde et hors cadre, pour servir à la Compagnie générale transatlantique.
Notre capitaine décède le 4 avril 1888 à l’hospice Saint-Jacques à Nantes (Loire Atlantique), il était domicilié sur la commune du Croisic.
AC-1 – Carrière dans la Marine Nationale de Laurent Pierre – Dessin Michel-Claude Mahé
Autour de 1915 – Le Borda – Collection Michel-C Mahé
Carrière dans la Marine nationale
– 1830, il entre dans la Marine ; – 20 octobre 1831 ; élève de 2ème classe (Aspirant) – 22 janvier 1836 ; enseigne de vaisseau ; port de Brest ; – Au 1er janvier 1841, sur la corvette « Coquette » ; station de Lisbonne ; – 26 avril 1845 ; Lieutenant de vaisseau ; – Au 1er janvier 1847, 9ème Cie sur la frégate de 50 canons « Cléopâtre » ; station de l’Inde et de la Chine ; – Au 1er janvier 1849, sur le « Borda » ; École navale en rade de Brest ; – 14 juillet 1852, transport « la Girafe » ; – Au 1er janvier 1857 ; port de Brest ; – 2 décembre 1857 ; à cette date un décret impérial lui accorde sa pension de retraite sur les bases suivantes : – Service effectif : 26 ans, 6 mois et 21 jours ; – Campagnes : 13 ans et 22 jours ; – Total : 39 ans, 7 mois, 13 jours. La pension a été réglée sur le grade de Lieutenant de vaisseau (5e en sus pour plus de 12 ans d’activité dans ce grade). Elle était à cette date de 1791 francs.
AC-2 – Carrière dans la Marine de commerce de Laurent Pierre – Dessin Michel-Claude Mahé
Carrière dans la Marine de commerce
– Nommé par brevet du 16 mai 1862 ; – Embarque à Saint-Nazaire le 13 juin 1862. Capitaine sur le steamer Floride. Débarque le 15 janvier 1863 – 7 mois 3 jours ; – Embarque à Saint-Nazaire le 16 janvier 1863. Capitaine sur le paquebot La Floride. Débarque à Saint-Nazaire le 22 sept 1863 – 8 mois 7 jours ; – Embarque à Saint-Nazaire le 23 septembre 1863. Capitaine sur le paquebot La Floride. Débarque à Saint-Nazaire le 24 mai 1864 – 8 mois 2 jours ; – Embarque à Saint-Nazaire le 23 mai 1864. Capitaine sur le paquebot La Floride. Débarque à Saint-Nazaire le 30 septembre 1864 – 4 mois 6 jours ; – Embarque à Saint-Nazaire le 1er janvier 1865. Capitaine sur le vapeur Impératrice Eugénie. Débarque à Saint-Nazaire le 3 février 1865 – 1 mois 3 jours ; – Embarque à Saint-Nazaire le 4 février 1865. Capitaine sur le vapeur Impératrice Eugénie. – Embarque à Saint-Nazaire le 1er septembre 1866. Capitaine sur le vapeur Panama. Débarque à Saint-Nazaire le 30 juin 1867 (?) – 8 mois payés (?) ; – Représentant à la Compagnie Générale Transatlantique * ; – Agent principal à Saint-Nazaire au 1er septembre 1879.
* Quelques interrogations planent sur cette période et des recherches sont encore nécessaires.
Publication et invention
AC-3 – Octant de nuit du capitaine Laurent vers 1870
À cette époque, à la mer, on se servait du sextant de l’octant et du cercle à réflexion pour mesurer les distances angulaires. Le sextant et l’octant sont construits de la même manière, et servent aux mêmes usages. On peut avec le sextant mesurer des angles entre 0 et 120 degrés, tandis que l’octant ne les donne que de 0 à 90 degrés.
Octant du capitaine Laurent
Avec l’arrivée de la vapeur, les observations de nuit prirent une grande importance pour la recherche du plus court chemin par nécessité d’économie et de vitesse. Il fallait déterminer la position du navire de jour comme de nuit. Les observations de soleil sont les plus précises, cependant elles sont limitées à certaines heures et à certains azimuts et parfois impossibles selon l’état du ciel. Cependant, dans le courant de la nuit, il n’est pas rare d’apercevoir entre les nuages, une étoile, une planète placée perpendiculairement à la route à tenir. Le calcul de sa hauteur par rapport à l’horizon permet alors de déterminer la position du navire. Dans les appareils de réflexion, faire coïncider l’image de cette étoile avec l’horizon est la seule méthode, ou presque, qu’on puisse employer à bord des navires. Avec les appareils munis d’une lentille sphérique, ordinairement employée, les rayons sont concentrés vers un foyer circulaire très petit. L’image d’une étoile vue dans l’instrument est petite, tremblotante, agitée d’un mouvement continuel. La ligne de l’horizon, quand il n’y a pas de lune, est obscure. Ramener l’image de cette étoile à coïncider avec l’horizon est presque impossible. Plusieurs tentatives avaient été menées pour mesurer les hauteurs en se passant de l’horizon de la mer, mais aucune n’avait véritablement abouti.
D’une manière simple et ingénieuse le capitaine Laurent a rendu possibles, faciles et exactes les observations de nuit *. Il a placé entre les deux lentilles d’une lunette de Galilée une lentille cylindrique. L’image s’allonge alors dans le sens de l’axe du cylindre sous la forme d’une bande lumineuse longue et étroite. On peut alors faire coïncider cette ligne bien visible avec celle de l’horizon, et déterminer avec précision les hauteurs d’étoiles à la mer, et connaître à toute heure de la nuit la latitude ou la longitude du navire.
*) Cela a fait l’objet d’une publication : Notice sur une modification aux instruments à réflexion, permettant de mesurer avec précision les hauteurs d’étoiles à la mer, par M. Albert Laurent. — Nantes, imprimerie Charpentier. — 1865.
Il obtint une médaille à l’Exposition Universelle de Paris en 1867 libellée ainsi : Laurent, Pierre, Michel, Albert, rue de Tournon, 5, Paris. « Pour l’addition d’une lentille cylindrique facilitant les observations de nuit. » Il existait à bord du Jean-Bart (1871-72-73) plusieurs octants Laurent.
Mises à jour : 22/09/2024 – Ajout du numérotage de l’image de l’octant.
Info : Le texte de la conférence « La traversée de la Loire, des origines au pont de Saint-Nazaire » est en ligne dans la rubrique Biblio – « Estuaire et Patrimoine.
Dans l’article précédent, nous nous sommes attachés à décrire l’Impératrice Eugénie, ses caractéristiques et ses performances. Je vous propose d’évoquer maintenant son équipage lors de son premier voyage en considérant leur nombre à bord, leur âge, leur salaire, d’où ils venaient selon leur lieu de naissance.
Premier voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 février au 15 avril 1865
La ligne du Mexique
AA-1 – Premier voyage de l’Impératrice Eugénie – 16 février au 15 avril 1865 Dessin Michel-Claude Mahé
Rappel *
La loi du 3 juillet 1861, confirma la concession des services postaux de New York et des Antilles faite à la Compagnie générale maritime représentée par M. Émile Pereire. Cette dernière, en vertu du décret impérial du 22 juillet 1861, approuvant ses nouveaux statuts, prit le nom de Compagnie générale transatlantique. À partir de janvier 1862, la France envoya un corps expéditionnaire au Mexique pour mettre en place un régime favorable à ses intérêts. Pour obtenir plus fréquemment des nouvelles de celui-ci et donner ses directives, le gouvernement demanda à la Compagnie générale transatlantique d’ouvrir immédiatement la ligne entre Saint-Nazaire et Vera-Cruz (graphie de l’époque) via la Martinique et Santiago de Cuba. Elle fut inaugurée le 14 février 1862 par le paquebot à hélice la Louisiane. Le 16 février 1865 à 18 h 00, l’Impératrice Eugénie, premier navire construit dans les chantiers Scott à Saint-Nazaire prit le départ pour Vera-Cruz via Fort de France et Santiago de Cuba.
* Voir l’article : « 1862 – La Compagnie générale transatlantique – La Ligne du Mexique ».
AA-2 – Rôle d’équipage de l’Impératrice Eugénie (extrait) Source archives départementales de Loire-Atlantique
Le rôle d’équipage
Toutes les données que nous allons traiter sont issues du rôle d’équipage de l’Impératrice Eugénie lors de son voyage du 16 février au 15 avril 1865. Le rôle d’équipage est, je cite : « l’état certifié de toutes les personnes qui se trouvent à bord d’un navire, obligatoire pour tous bâtiments ou embarcations, exerçant une navigation maritime, que le navire soit à voiles ou à vapeur. » « Il s’applique à tout bâtiment ou embarcation naviguant sur la mer, dans les ports, sur les étangs ou canaux où les eaux sont salées, el jusqu’aux limites de l’inscription maritime sur les fleuves et rivières affluant directement ou indirectement à la mer. Le capitaine doit avoir son rôle à bord, de manière à pouvoir l’exhiber immédiatement à la réquisition de qui de droit.» « Le rôle d’équipage est renouvelé à chaque voyage pour les bâtiments armés au long cours, et tous les ans pour ceux armés au cabotage ou à la petite pêche. Il contient les noms, prénoms, domiciles et professions de toutes les personnes, matelots ou passagers, embarquées sur le navire, et la qualité en laquelle elles s’y embarquent.» « À l’arrivée dans un port, le rôle d’équipage doit être remis au commissaire de l’inscription maritime ou au consul. » « Les actes de naissance, disparition, décès sont inscrits sur le rôle d’équipage, de même que les testaments et tout acte touchant à l’état civil. Le débarquement d’office, la remise des effets du décédé ou malade au consulat, l’engagement en cours de voyage, le remplacement d’un homme d’équipage ou du capitaine, etc. sont autant de circonstances de la navigation à insérer sur le rôle. » « Mais, au point de vue commercial, l’importance du rôle se manifeste surtout en ce qui concerne l’engagement des gens de mer. Il doit, en effet, contenir la déclaration des salaires du capitaine et de l’équipage. » « Enfin, la mention des salaires sur le rôle est très importante en ce qui touche la retenue à opérer par la caisse des invalides. »
Les conditions des engagements à la Compagnie générale transatlantique en 1865
« L’Équipage s’engage envers la Compagnie Transatlantique, pour un temps qui reste indéterminé, à naviguer indifféremment sur l’un des quatre Paquebots faisant la ligne du Mexique ; cependant, comme cet engagement ne peut se prolonger indéfiniment, l’Équipage pourra demander son débarquement ou être congédié d’office par la Compagnie après chaque voyage effectué. A cet effet, il sera procédé comme suit : à l’arrivée de chaque Paquebot, tout l’équipage devra rester à son poste pendant les huit jours qui suivront l’entrée au bassin, si la Compagnie le juge nécessaire, afin de pouvoir faire la propreté générale et le débarquement des marchandises et des vivres. Cette opération terminée, la Compagnie remettra au Commissaire de la Marine la liste des hommes qu’elle désirera débarquer d’office ; le même jour, c’est-à-dire la veille du paiement des gages, les hommes de l’équipage qui désireront quitter la Compagnie, le feront connaître à leur capitaine, qui les interrogera à cet effet, et en remettra la liste au Commissaire de la Marine. Ceux des hommes qui n’auront pas demandé leur débarquement le jour ci-dessus indiqué, seront considérés comme engagés pour un nouveau voyage et pourront, au gré de la Compagnie, être passés sur l’un des trois autres Paquebots faisant la ligne du Mexique. Ces conditions ne sont point applicables au personnel Officier ni au premier Maître-d’Hôtel (graphie de l’époque), qui pourront débarquer ou être débarqués par la Compagnie, à quelque moment que ce soit, lorsque le bâtiment sera en France. La Compagnie entend ne payer aucune conduite aux hommes débarqués pour quelque motif que ce soit, à moins de conventions spéciales ; elle se réserve, en outre, la faculté, lorsqu’elle ne pourra ou ne voudra pas nourrir l’équipage, de lui accorder une indemnité de nourriture, pendant le séjour du bâtiment dans les ports de France ; cette indemnité est fixée comme suit : Officiers : 4 fr. Sous-officiers : 2 fr. Marins : 1 fr. 50 Par mesure administrative, le Rôle d’équipage sera renouvelé tous les six mois, mais cette disposition n’ayant lieu que par ordre, elle n’influe en rien sur la durée de l’engagement de l’équipage. Les gens de service débarqués pour quelque motif que ce soit perdent droit à leur part, dans leurs gratifications de la Compagnie et celles des passagers.
L’Agent de la Compagnie. Vial »
L’équipage embarqué à Saint-Nazaire le 16 février 1865
AA-3 – Composition de l’équipage embarqué à Saint-Nazaire le 16 février 1865 Dessin Michel-Claude Mahé
Analyse du tableau AA-3
L’équipage complet était composé de 160 personnes (pont : 50 ; machines : 62 ; service des passagers : 46 ; santé : 2).
Âge Les fonctions sont hiérarchisées pour les quatre services. Les plus hautes sont confiées à des hommes d’expérience donc, en général, plus âgés que leurs subordonnés. L’âge du personnel du pont et machines n’excède pas 40 ans. Le cuisinier, 64 ans et un garçon, 65 ans sont les plus âgés du service des passagers. Le plus jeune du bord est le mousse avec 12 ans.
Salaires
Les salaires, à quelques exceptions près, pour le pont et les machines étaient prédéfinis à l’embauche. Ceux du personnel de service étaient négociables. Le salaire était mensuel et était sujet à un prélèvement pour la Caisse de prévoyance. L’équipage recevait un mois net d’avance à l’embarquement. Le solde était payé à un débarquement ou au désarmement du navire. L’agent des postes n’était pas rémunéré par la compagnie.
Officiers de pont et machines :
– le capitaine, le chef mécanicien, le docteur avaient les plus hauts salaires (500 francs) et étaient les plus âgés. – Les rémunérations diminuaient lorsque l’on descendait en grade et passaient de 350 à 150 francs pour les lieutenants et de 90 à 120 francs pour les élèves mécaniciens.
Personnel du pont :
– le maître d’équipage avait le plus haut salaire 140 francs et les premiers charpentiers pas moins de 100 francs ; – les matelots et les novices avaient respectivement 60 et 40 francs. Les mousses 25 francs.
Personnel des machines :
– les premiers chauffeurs et les graisseurs touchaient 100 francs ; les chauffeurs 80 à 90 francs, les soutiers de 60 à 70 francs. Ces hommes de base étaient mieux payés que leurs collègues ponts ; – hormis les mousses et les novices, les hommes des deux premières catégories ne touchaient pas moins de 60 francs.
Personnel au service des passagers :
– les meilleurs salaires étaient dans l’ordre : le premier cuisinier 225 francs, l’économe 200 francs, les seconds cuisiniers 125 à 100 francs. ; – hormis les aides de cuisine et le laveur de vaisselle, les salaires des personnels oscillaient entre 70 et 100 francs. Ils étaient mieux payés que leurs collègues du pont ; – il y avait deux femmes de chambre à bord payées 70 francs. On devine l’importance de la cuisine et les soins prodigués par ce personnel auprès des passagers.
D’où venaient-ils ?
Continuons notre étude pour voir, par curiosité et pour ce seul voyage, d’où venaient ces marins. J’ai conscience que les chiffres les plus importants sont probablement significatifs cependant, pour les autres, il est difficile de tirer des conclusions avec si peu de données. Une étude sur plusieurs voyages serait certainement intéressante. Voilà de quoi occuper les longues soirées d’hiver. Le rôle d’où nous avons extrait ces données porte rarement l’adresse du domicile lors de l’engagement. On sait que certains logeaient à Saint-Nazaire, des indications sur les dettes contractées en sont la preuve.
AA-4 – Membres de l’équipage selon leur lieu de naissance Dessin Michel-Claude Mahé
Carte AA-4. Ensemble de l’équipage.
L’équipage était de 160 personnes, mais une femme de chambre (Leroux Eugénie, Jeanne, Yvonne) n’a pas d’état civil (date et lieu de naissance inconnus) les calculs ont été faits sur 159 personnes. Les départements bretons : Loire-Inférieure (42, 26 %) ; Morbihan (32, 20 %) ; Côtes-du-Nord (11, 7 %) ; Finistère (9, 6 %) ; Ille-et-Vilaine (5, 3 %) apportaient 62 % de l’équipage.
AA-5 – Membres de l’équipage pont selon leur lieu de naissance Dessin Michel-Claude Mahé
Carte AA-5. Équipage pont
C’était des hommes venant de départements ayant essentiellement un accès avec la mer : Morbihan (21, 13 %) ; Loire-Inférieure (16, 10 %) ; Côtes-du-Nord (5, 3 %).
AA-6 – Membres de l’équipage machines selon leur lieu de naissance Dessin Michel-Claude Mahé
Carte AA-6 Équipage machines
Les quatre départements bretons : Loire-Inférieure (15, 9 %) ; Morbihan (6, 4 %) ; Finistère (8, 5%) ; Côtes-du-Nord (4, 2,5%) apportaient les contingents les plus élevés.
AA-7 – Membres de l’équipage service passagers et santé selon leur lieu de naissance Dessin Michel-Claude Mahé
Carte AA-7. Équipage services passagers
Le personnel de la Loire-Inférieure (11, 7 %) ; Morbihan (5, 3 %) était le plus important. On peut supputer l’influence de la ligne de chemin de fer Paris-Orléans-Saint-Nazaire qui a certainement facilité les déplacements dans les départements traversés.
Mises à jour : 03/08/2024 : Ajout : « Le salaire était mensuel et était sujet à un prélèvement pour la Caisse de prévoyance. »
Le mois dernier, faute de temps, je n’ai pu vous fournir qu’un article issu d’une série déjà écrite consacrée à l’histoire de la propulsion à vapeur. Conséquence imprévue : quelques lecteurs me demandent la suite ! Mon principe de travail, en général, étant de faire une chose, puis une autre, puis une autre, je vous propose de terminer la série consacrée au chantier Scott et à ses navires et de nous lancer ensuite vers cette nouvelle aventure. Je vous propose dans ce nouvel article de vous rapporter ce que je sais des caractéristiques et des performances de l’Impératrice Eugénie. Le salon des dames de ce navire était décoré par des céramiques d’un artiste très connu à cette époque : Michel Bouquet. Il m’était inconnu et je dois dire que j’ai pris grand plaisir à découvrir son oeuvre.
Ligne Saint-Nazaire à Vera-Cruz en 1865
Notre propos dans cette sous-série d’articles portera sur les premiers voyages de l’Impératrice Eugénie, premier steamer construit au chantier Scott à Saint-Nazaire. Nous y traiterons : 1) de l’Impératrice Eugénie (ses caractéristiques et performances) ; 2) de son équipage (le nombre, l’âge, leur solde, d’où viennent-ils ?) ; 3) de ses premières traversées (les passagers et les marchandises). Il me semble qu’avant tout, nous devons rappeler, préciser quelques termes pour bien appréhender les explications qui vont suivre.
Petit lexique de termes de marine en usage autour de 1860
Paquebot : (de l’anglais packet-boat, de packet, paquet, et boat, bateau) bâtiment destiné à porter les lettres, les dépêches et les voyageurs. — Paquebot à vapeur (steamer) ; on dit aussi steamer en français. Au XVIIe siècle, on trouve le terme : « Paquebouc » avec comme définition : « sont vaisseaux de passage qui trajectent ordinairement de Calais a Douures en Angleterre pour les passans et Messagers ». (E. Cleirac, Explication des Termes de Marine dans Us et costumes de la mer, Rouen, 1647)
Capitaine : titre de toute personne qui commande un bâtiment de mer d’une certaine grandeur. — Tout capitaine prend à bord le nom de commandant. — Le commerce a des capitaines au long cours et des capitaines au cabotage.
Second capitaine : l’officier suivant immédiatement en rang au capitaine d’un navire marchand.
Maître d’équipage : matelot expérimenté qui, sous les ordres des officiers d’un navire, a une autorité directe sur les matelots, mousses, etc.
Matelot : marin qui a navigué pendant plusieurs années et qui possède une connaissance pratique de toutes les branches du service de bord. Signifie littéralement ” marin capable ”.
Novice : terme par lequel on désigne un marin dont le temps de service n’a pas été suffisamment long pour le mettre au courant de tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un matelot ; terme moyen indiquant le rang entre un matelot et un mousse.
Mousse : jeune homme d’un âge au-dessous de seize ans et au-dessus de huit, qui est embarqué sur un vaisseau pour commencer l’apprentissage de l’état de matelot.
Chauffeur : homme employé à bord d’un steamer pour allumer et entretenir les feux des chaudières.
Soutier : un des hommes employés à bord d’un steamer pour amener les charbons des soutes à portée des chauffeurs, par lesquels le combustible est jeté dans les foyers des chaudières, et pour arrimer, c.-à-d. répartir les charbons lorsqu’ils sont mis dans les soutes.
Graisseur : un des hommes employés à bord de grands steamers, dont la fonction est d’huiler et de graisser les machines.
AA-1 – L’impératrice Eugénie (source : web)
L’Impératrice Eugénie
L’Impératrice Eugénie était un paquebot (en fer à roues), construit à Saint-Nazaire (France) dans les ateliers de MM. Scott et compagnie, lancé le 23 avril 1864, mis en service le 16 février 1865.
Jauge en douane : 3 200 tonneaux.
Ingénieurs de la Cie Générale Transatlantique : MM. Forquenot, en charge de la direction technique, et MM. Audenet et Noël, en charge de la surveillance de l’exécution des travaux.
Coque : longueur de l’arrière de l’étrave à l’étambot du premier pont : 105.30 m ; longueur de la flottaison en charge moyenne : 105 m ; largeur hors membres : 13,36 m ; largeur hors tambours : env. 22 m ; creux compté du dessous de la quille : 9,50 m ; profondeur de carène à la flottaison en charge moyenne : 6,0 m ; émersion du navire : 1,10 m ; déplacement au départ : 5 630 t.
Machines : Schneider & Co. constructeur au Creuzot (graphie de l’époque) ; puissance : 900 ch ; deux cylindres ; diamètre : 2 m 50 m ; course : 2 m 64 ; nombre de révolutions aux essais : 16,6 tours/minute.
Chaudières principales : surface de chauffe, non compris les cendriers et la boîte à fumée : 1 465 m2 ; surface des grilles : 48 m2 ; consommation moyenne de combustible en service : 83,5 tonnes/jour.
Houille en soutes : 1350 t. L’Impératrice-Eugénie devait parcourir 3,650 milles (de Saint-Nazaire à la Martinique) sans renouveler son approvisionnement de combustible.
Propulsion : diamètre des roues hors pales : 10,80 m ; hauteur de l’axe des roues sous quille : 8,50 m ; vitesse : 13 nœuds.
Equipage : pont ; 50 ; machines : 50 : services pour les passagers : 50.
Passagers : 300.
Marchandises : 900 t.
Le prix : le prix traité en 1862 par bateau complet, pour le type des Antilles, avec MM. Scot et Cie était de 2 850 000 francs, 1 950 000 francs pour la coque et 900 000 francs pour la machine.
Emménagement
À l’heure où j’écris, je ne dispose pas du plan d’emménagement du navire. Ce que je sais, c’est qu’il était à spardeck, un pont apparenté à un pont supérieur de construction plus légère régnant de bout en bout du navire. Dans cet espace consacré au logement des passagers, l’air et la lumière dans cette partie supérieure pouvaient être facilement distribués. Les cabines à ouverture extérieure, établies jusqu’à présent en petit nombre sur les steamers anglais, étaient munies d’un hublot pouvant s’ouvrir. Elles étaient considérées comme des cabines privilégiées et le voyageur payait un surplus sur le tarif. À cette époque, le spardeck était généralement employé parce que son pont dégagé d »habitacles se défendait mieux à la mer, mais pour les paquebots lorsque le creux était réduit, il avait pour inconvénient, trop près de la mer, de n’être pas tenable pour les passagers et pour l’équipage dans les gros temps.
AA- 2 – Michel Bouquet (source : BNF-Gallica)AA-3 –Marine, peinture sur faïence de Michel Bouquet (source : BNF-Gallica)
Décoration intérieure
Le salon des dames était orné de tableaux de paysages peints sur faïence au grand feu, par M. Michel Bouquet *. Selon un chroniqueur : « Le pinceau de M. Bouquet est gracieux autant que facile ; ses motifs sont bien choisis, et par exemple dans les tableaux qu’il a exécutés pour l’Impératrice-Eugénie, l’inspiration lui est venue de mettre à bord, en contraste avec la vue imposante de l’Océan, avec les agitations de la mer, le spectacle de la vie des champs, qui rappellera aux passagers tourmentés par le roulis, pendant les longues heures de la traversée, ce tranquille et doux plancher des vaches qu’a chanté Virgile. »
*) Michel Bouquet, né le 17 octobre 1807 à Lorient, décédé le 18 janvier 1890 à Paris dans sa quatre-vingt-troisième année. « Tout jeune, il entra dans l’administration de la marine, à Lorient, qu’il quitta bientôt pour la peinture. Il a été beaucoup plus connu par ses faïences que par ses tableaux. Il peignit surtout la faïence sur cru. Le travail exige une grande légèreté de main. Il y excellait plus que ses imitateurs. Il fit ainsi de 900 à 1.000 pièces, dont de son propre aveu, la moitié environ a été parfaitement réussie, car dans cet art, il faut compter avec le feu. Bouquet aimait à voyager. Il passa plusieurs années dans les provinces Danubiennes et en Italie. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur à l’occasion de l’Exposition de Melbourne.
Tous ceux qui pratiquent la recherche dans des archives connaissent ce phénomène : dans un document apparaît un nom, une invention, un courant de pensée et l’on ressent le besoin irrésistible d’en savoir un peu plus. Alors on passe des heures à collecter des renseignements (je ne travaille qu’avec les documents d’époque) et peu à peu on en extrait toute la substance.
C’est ce qui s’est passé pour le peintre Michel Bouquet pour lequel, le travail accompli, une notice biographique me semblait indipensable. Pour vous en parler, j’ai choisi l’article qui lui est consacré dans l’ouvrage de référence de l’époque : le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse publié de 1866-1890 (BNF – Gallica). Je me suis permis d’effectuer quelques annotations (sacrilège) pour compléter telle ou telle paragraphe.
Notice biographique de Michel Bouquet (1807-1890)
Michel Bouquet (source : BNF-Gallica)
« BOUQUET (Michel), peintre français contemporain, né à Lorient en 1807 *, élève de M. Gudin, commença à peindre des marines et débuta, au Salon de 1835, par une Vue prise à Lorient. Il s’adonna ensuite à la peinture du paysage proprement dit, choisissant de préférence ses vues en Bretagne, et il remporta une médaille de 3e classe en 1839.
*) Rue des Fontaines, dans la maison qui fait l’encoignure de la rue d’Orléans (maison Jacob). Il est décédé le 18 janvier 1890 à Paris dans sa quatre-vingt-troisième année. Tout jeune, il entra dans l’administration de la marine, à Lorient, qu’il quitta bientôt pour la peinture. Il se fixa à Paris vers l’âge de 30 ans. Il n’y revint que de loin en loin. Son dernier voyage eût lieu à l’occasion des fêtes d’inauguration de la statue du Lorientais Victor Massé, en 1887.
Après cette exposition, il se décida, comme beaucoup d’autres jeunes artistes de son temps qu’avaient séduits les œuvres de Decamps et de Marilhat, à faire un voyage en Orient. Il visita successivement la Sicile, la Grèce, l’Asie Mineure, Constantinople, la Moldo-Valachie, la Hongrie, l’Algérie, et rapporta de ces divers pays des croquis d’après lesquels il a exécuté des tableaux à l’huile et des pastels qui ont été très-remarqués; il nous suffira de citer : la Petite mosquée d’Ourlac (près de Smyrne) et la Vue de Monreale, en Sicile (Salon de 1841); la Vue de la rade de Smyrne; en Souvenir du cap Sunium et un effet de Soleil couchant sur les hauteurs du Bosphore, trois pastels du plus brillant coloris, exposés en 1844; la Vue de Jassy (1845); les Portes-de-Fer en Algérie (1846); une Vue prise aux environs de Palerme et les Bords du Danube, pastel (1847); le Soir dans les steppes de la Moldo-Valachie (1848); une Rue de Nicomédie (1857) (?), M. Bouquet a parcouru aussi l’Ecosse, dont il a exposé des vues au pastel d’une fraîcheur exquise (1850). Il n’avait pas renoncé, d’ailleurs, à représenter les sites de sa province natale ; en 1845, il fut chargé par le ministre de l’Intérieur de peindre la Vue de Lorient, et, de 1853 à 1856, il n’a guère exposé que des paysages bretons ou normands. Il a obtenu des médailles de 2e classe en 1847 et en 1848.
Doué d’une facilité peu commune, il réussit particulièrement à saisir les impressions fugitives de la nature, les accidents éphémères de lumière et d’ombre. A dire vrai, il ébauche plutôt qu’il n’achève ; aussi certaines parties de ses paysages manquent-elles de fermeté ; mais il rend bien la transparence des eaux, la légèreté des ciels, la fraîcheur de la verdure. Coloriste brillant, mais sans profondeur, il s’est surtout distingué comme pastelliste.
Il a publié aussi d’intéressants recueils de lithographies, entre autres un album de douze planches représentant des vues prises dans les Principautés danubiennes (Paris, 1840)(?) et deux ouvrages sur l’Ecosse, dont l’un (The Tourist’s Ramble in the Highlands) a paru à Londres en 1850, et l’autre à Paris en 1852. Il a adressé en outre à l’Illustration plusieurs dessins et quatre lettres sur l’Ecosse.
Depuis quelques années, il se livre à peu près exclusivement à des travaux de céramique *: il exécute, sur faïence cuite au grand feu de four et peinte sur émail, des paysages, marines et décorations diverses. Les résultats auxquels il est parvenu dans cet art difficile sont des plus remarquables. Plusieurs de ces faïences ont figuré avec succès aux Salons de 1863, 1864, 1865 et 1866, et aux expositions des beaux-arts appliqués à l’industrie. Parmi les salons aristocratiques qui ont admis ce genre de décoration, nous citerons celui du duc de Montebello, à Paris. »
*) Il fit de 900 à 1.000 pièces, dont de son propre aveu, la moitié environ a été parfaitement réussie .
Doux Jésus Marie Joseph ! Voilà 13 ans que ce blog existe et ce n’était jamais arrivé : mon article de ce mois n’est pas tout à fait prêt, une carte à finaliser, des données à contrôler. C’est la conséquence de modifications dans ma dernière conférence qui me semblaient mineures et qui m’ont pris un temps fou. Il m’a fallu choisir entre les deux. Mais j’ai fait le bon choix, car les auditeurs de Saint-Brevin étaient de qualité. Merci à l’Association de généalogie brévinoise d’avoir organisé cet excellent moment. Heureusement, je dispose dans mes cartons d’une série d’articles réalisée, il y a quelque temps, pour une association amie. Je vous propose de découvrir un projet de navire propulsé par des roues à aubes… au IVe siècle après J.C. Nous reprendrons le cours de notre étude sur l’impératrice Eugénie le mois prochain.
Petite histoire de la propulsion motorisée des bateaux
En termes savants, on dit que l’évolution des techniques est un processus cumulatif : chaque nouvelle découverte engendre une autre découverte et ainsi de suite. Dans notre cas, deux techniques vont évoluer chacune de leur côté puis se rencontrer : – le développement de la propulsion avec la roue à aubes puis l’hélice. – l’amplification de l’utilisation de la vapeur. Après son application pour le pompage de l’eau dans les mines, son utilisation dans l’industrie puis les véhicules terrestres, elle devait inévitablement s’appliquer aux bateaux. Nous verrons que dans chacun de ces deux domaines beaucoup de contributeurs ont apporté leur pierre à l’édifice.
Dans cette nouvelle série d’articles, je vous propose de faire une rapide rétrospective de la propulsion des bateaux. Les différentes expériences réalisées furent nombreuses pour arriver à un réel succès de ce mode de transport. Nous ne pourrons pas toutes les étudier, je mettrai l’accent sur quelques-unes qui me semblent intéressantes ou déterminantes. La toute première connue est une liburne automotrice zoolique imaginée par un illustre inconnu au IVe siècle après JC.
Fig A-1 — Chronologie des expériences de propulsion des bateaux (extrait) – Dessin Michel-C Mahé
La liburne zoolique
Fig A-2 — Illustration de la liburne dans les manuscrits du De rebus bellicis (Oxford, Manuscrit C : Oxon. Canonicianus 378, XVe siècle)
Fig A-3 — La Dalmatie, La Liburnie au IVe siècle après J.C. – Dessin Michel-C Mahé
Un traité anonyme du IVe siècle après Jésus-Christ, le « De rebus bellicis », « Des affaires militaires », décrit, parmi d’autres nouveautés en matière d’ingénierie militaire, une liburne automotrice. La liburne est un navire de guerre léger et rapide utilisé par les Romains qui en avaient emprunté le modèle aux habitants de la Liburnie *. Ce navire est équipé de trois paires de roues à aubes, dont l’énergie motrice de chacune est fournie par un manège d’animaux.
*) Province de la Dalmatie, région littorale des Balkans, le long de la mer Adriatique, aujourd’hui partagée entre la Croatie, le Monténégro et l’Herzégovine.
Une étude a été menée par l’Université de Caen (Basse-Normandie) afin de vérifier si la machine aurait pu être construite et fonctionner. La conclusion laisse entendre que c’eût été possible avec les techniques de l’époque, mais sans affirmer qu’elle eût été vraiment construite.
Plus près de nous…
L’idée d’utiliser les animaux comme force motrice est une idée récurrente jusqu’à la fin du XIXe siècle. Plus près de nous, on citera P. A. Guilbaud, qui a établi, en novembre 1821, un service journalier sur l’Erdre entre Nantes et Nort, aller et retour, avec un bateau, dit zoolique, dont les chevaux agissaient sur un plancher incliné mobile. Il couvrait 3 500 m à 1,9 nœud (4 km/h) ; les chevaux fournissaient, presque sans repos, un travail effectif de huit heures par jour. Il pouvait contenir trente-six à quarante personnes avec leurs effets. Le bateau comportait une seule roue à aubes qui se mouvait dans un espace en son centre. Elle était actionnée de chaque côté par un plancher incliné mobile. Un frein maintenait ces derniers à l’arrêt. Sur le plancher, des chevaux étaient attachés de telle manière qu’ils restassent en place. Le frein desserré, le poids des chevaux mettait l’appareil en route. Sentant le plancher se dérober sous eux, instinctivement, ils piétinaient et imprimaient un mouvement qui continuait jusqu’à ce que le frein fût actionné.
Internet c’est bien, mais se voir « en vrai » c’est mieux ! (Dixit mon copain Clovis du Tillou). Je vous propose de nous rencontrer lors de la conférence organisée par l’Association brévinoise de généalogie (ABG) :
« La traversée de la Loire, des origines au pont de Saint-Nazaire » Le vendredi 24 mai, à 17 heures, salle des Dunes à Saint-Brévin-les-Pins.
Depuis des temps immémoriaux les hommes ont traversé les fleuves et les rivières aux points de passage des routes commerciales. C’est un obstacle majeur qui nécessite, du matériel adéquat et un savoir-faire. La spécialisation du passeur s’est faite naturellement. Ils ont utilisé toutes sortes d’embarcations pirogues monoxyles, barques à rames, à voile, les bateaux à vapeur puis à moteurs. Nous allons voir lors de cette conférence, à travers un synoptique de l’activité et en suivant l’évolution technologique, comment se sont organisées à travers le 19e et le 20e siècle les traversées de la Loire au voisinage de l’estuaire. Durée 1 h 00
Le lancement d’un navire autour de 1864 – Le lancement sur double coulisse
Le navire étant sur ses tins de construction, nous allons dans cet article décrire le deuxième procédé de lancement en vigueur dans les chantiers privés anglais et au chantier Scott : le lancement sur double coulisse.
W-1 – Navire sur ses tins de construction (schéma de principe) – Dessin Michel-Claude Mahé
Le lancement sur double coulisse.
Le système précédent, le lancement sur coulisse unique, était le plus simple et le moins coûteux. Cependant, il exigeait des cales de lancement assez solide pour supporter la concentration de charge sur l’aire occupée par la coulisse *. Pour des navires de très grande dimension, on pouvait être amené, pour répartir convenablement l’effort, à une largeur de savate exagérée. On préfèrait alors utiliser un berceau de lancement sur double coulisse. C’est ce procédé que les chantiers privés anglais et la Compagnie générale transatlantique utilisaient.
*) Sa largeur était déterminée par la pression sur la surface de portage qui oscillait, normalement, entre 1 et 3 kg/cm2.
W-2 – Berceau de lancement sur double coulisse – Ensemble des accores enlevé – Dessin Michel-Claude MahéW-3 – Berceau de lancement sur double coulisse – Détails – Dessin Michel-Claude Mahé
Partie centrale
W-4 – Berceau de lancement sur double coulisse – Partie centrale – Dessin Michel-Claude Mahé
Le berceau de lancement sur double coulisse était constitué, dans la région centrale, de chaque côté du navire, axé sur une section longitudinale parallèle au plan axial, de poutres superposées, les couettes *, remplaçant la savate du lancement sur coulisse unique *, et sur leur partie supérieure, une autre poutre, la ventrière **, parfaitement ajustée au bordé. L’ensemble glissait sur une coulisse *** munie d’une joue de guidage **** et reposant sur la cale de construction.
*) Les couettes étaient formées d’un assemblage de poutres en chêne ou en pin. L’extrémité avant devait correspondre à une cloison pour reprendre les efforts lors du pivotement du navire à la fin du lancement. *) Voir article précédent : « Le lancement d’un navire autour de 1864 ». **) Dans la région centrale, son axe coïncidait avec celui des couettes et de la coulisse. Sa longueur représentait environ la moitié de la longueur du navire. ***) Les coulisses étaient en chêne ou en teck de 10 à 25 cm d’épaisseur. Elles reposaient sur des poutres espacées de 50 à 60 cm fixées sur la cale de construction. Leur largeur était déterminée par la pression sur la surface de portage qui oscillait entre 1 et 3 kg/cm2. ****) Les joues de guidage, 15 à 30 cm d’équarrissage, étaient chevillées sur la coulisse. Quelquefois, elles étaient fixées sur la couette et formaient couvercle pour éviter l’introduction accidentelle d’un corps étranger sur le plan de glissement.
Aux extrémités
W-5 – Berceau de lancement sur double coulisse – Aux extrémités avant et arrière – Dessin Michel-Claude Mahé
Dans le même plan que précédemment, aux extrémités, la distance devenant considérable, on employait alors des arcs-boutants verticaux ou légèrement inclinés, les colombiers. Le pied de ceux-ci s’appuyait sur la sablière, dans laquelle il s’encastrait par un tenon. Leur tête s’appuyait sur le bordé du navire et était maintenue par une pièce de bois, une ventrière, ou des cornières rivées sur le bordé. Les formes de l’arrière faisaient que l’angle formé par leur tête et la normale au bordé restait acceptable pour transmettre l’effort dans l’axe de l’ensemble colombier/coulisse. Il n’en est pas de même à l’avant ou les formes sont plus fuyantes et limitent la position des colombiers extrêmes. Ce sont des derniers qui transmettent l’effort dû au pivotement du navire lorsqu’il quitte la cale, leur attache doit être renforcée en conséquence. À l’avant et à l’arrière, la liaison des colombiers entre eux était assurée par des bandes de tôle. Les deux parties symétriques du berceau étaient reliées par des entretoises en bois et des chaînes pour éviter tous déplacements transversaux. Le serrage vertical était assuré par des languettes sous les ventrières dans la partie centrale et sous les sablières aux extrémités. Sur les plans de glissement symétriques couettes/coulisses ainsi formés, un enduit onctueux était appliqué pour diminuer le frottement. On appelait cette opération le suiffage.
Le montage du berceau
Le montage du berceau s’effectuait le navire reposant sur ses tins de construction * (voir fig W-1).
*) On préférait effectuer le suiffage au dernier moment pour éviter l’altération de l’enduit onctueux. Alors, il fallait dégager la coulisse dans la partie centrale et soutenir temporairement la partie supérieure du berceau aux extrémités. L’opération de suiffage prenait en général 10 à 12 jours pour un navire de 100 m.
On soulageait ensuite le navire en agissant progressivement et régulièrement sur les languettes, de l’arrière à avant, et en abattant les tins de construction au fur et à mesure qu’ils cessaient d’être en charge. Cette opération terminée, le navire reposait alors sur son berceau. Il suffisait d’enlever les accores pour qu’il soit prêt à être lancé.
Le lancement de l’Impératrice-Eugénie, le 23 avril 1864
Y-1 – L’Impératrice-Eugénie – Source :
Les visiteurs
Le samedi 23 avril 1864, jour de marché, par un temps magnifique, le premier navire de la ligne transatlantique française des Antilles a été lancé à Saint-Nazaire. Il a été renommé juste avant son lancement. De Nouveau-Monde, il est devenu Impératrice-Eugénie *. Les cartes d’invitation à la cérémonie de son lancement portaient encore la première dénomination **.
*) Il y avait à cette époque plusieurs Impératrice-Eugénie à courir les mers : un des steamers de la ligne chinoise des Messageries Impériales ; un bâtiment de commerce d’un armateur bordelais naviguant dans l’océan Indien. Un armateur nantais avait lui aussi fait la demande pour qu’un de ses navires portât l’illustre nom ; cette faveur lui fut refusée. **) Pourquoi ce changement ? En recherche d’informations.
Y-2 – Situation du Chantier Scott – Dessin Michel-Claude Mahé.
Saint-Nazaire avait pris un air de fête. Beaucoup de maisons et les navires présents dans le bassin étaient pavoisés. Le matin, un grand nombre de promeneurs encombrait les restaurants et les hôtels.
À la gare, le train de 11 h 29, auquel on avait adjoint plusieurs wagons supplémentaires, déversa les invités parisiens composés d’ingénieurs, de financiers, de directeurs de chemins de fer, de journalistes, etc. Ils atteignirent Nantes la veille au soir, y passèrent la nuit, prirent le train le matin pour Saint-Nazaire et revinrent à Nantes le soir pour repartir le lendemain. On comptait parmi eux M. Léonce Goyetche, directeur de la Compagnie générale transatlantique.
*) Léonce Goyetche (autre forme du nom : Léonce Goyhetche) (1822-1885), directeur de la Compagnie générale transatlantique ; membre du Conseil général des Basses-Pyrénées. En recherche d’informations.
Les voyageurs arrivant par le chemin de fer de Nantes ont aperçu, bien avant d’arriver à la gare, les coques des cinq grands navires. Tout le monde exprima une grande admiration devant le spectacle vraiment imposant qu’ils présentaient. Certains visiteurs de Paris, ceux qui n’avaient jamais vu auparavant un grand navire sur sa cale, en furent époustouflés.
La compagnie des Pyroscaphes avait mis à la disposition des curieux un paquebot spécial qui partit de Nantes, fit une escale à Paimbœuf et arriva à midi à Saint-Nazaire. Ils purent alors visiter le chantier, puis à trois heures le pyroscaphe reprit ses passagers pour les emmener en rade, meilleure place pour profiter du spectacle.
En voitures hippomobiles * ou à pied, les populations citadines et contadines des environs fournirent, elles aussi, leur contingent de spectateurs **.
*) Le vélocipède, inventé en 1869 ; l’automobile, inventée en 1886 ; le tramway de la compagnie du Morbihan, créé en 1907, n’existaient pas encore. Un service régulier de bateau à vapeur entre Nantes et Saint-Nazaire via Paimboeuf existait depuis 1822. Il faudra attendre 1877 pour voir un bac à vapeur régulier de navigation circulaire entre Donges, Paimboeuf, Mindin et Saint-Nazaire. ** La presse relate une anecdote d’un visiteur, venant à pied « et qui s’était arrêté en route dans toutes les auberges qu’il avait rencontrées, demanda en entrant en ville si le bateau qu’on devait lancer était déjà arrivé. Son interlocuteur lui répondit qu’au moins il n’était pas encore parti et notre homme satisfait alla attendre dans le plus prochain cabaret ».
Dès le matin, la foule envahit la ville nouvelle et après la visite du bassin se dirigea vers Penhouet. À 14 h 00, elle en avait envahi les abords, se porta vers le chantier et visita avec intérêt les ateliers.
Le lancement
Un chroniqueur précisait dans son compte rendu que la cérémonie n’avait aucun caractère officiel, que seul M. Scott en fut l’ordonnateur, la Compagnie générale transatlantique étant restée étrangère à l’évènement. Quelques jours auparavant, en précisant la date et l’heure du lancement, la presse avait annoncé : « Il n’y aura aucune fête à cette occasion ».
M. Scott, en raison d’une indisposition, n’a pas pu quitter l’Écosse pour assister à la cérémonie. Il a été remplacé par M. Maud et ses autres assistants anglais et français.
Des gradins avaient été établis non loin du navire, au bord de l’eau, pour recevoir les invités. À leur intention, sous une tente, un buffet de viandes froides, de biscuits, de fruits et de rafraichissements avait été dressée, par M. Monnier *. Les autres visiteurs se sont placés où ils voulaient ; ils étaient même autorisés à monter sur le navire attenant (La France).
*) M. Monnier (en recherche d’informations)
Y-3 – 23 avril 1864, lancement de l’Impératrice-Eugénie – Source :
Sur la cale inclinée, une double rangée d’étais de chaque côté, les accores, maintenaient le navire sur son berceau. Les machines, bien qu’elles fussent arrivées à Saint-Nazaire, seront montées le navire étant à quai.
Les jours précédents, on avait substitué sans à-coups l’appareil de lancement aux tins de construction comme support du navire. C’était, selon les constructeurs, le point le plus délicat de l’opération. Le navire dans son berceau reposait maintenant sur les deux coulisses latérales, une de chaque côté, formant le plan de glissement sur lequel on avait intercalé un enduit onctueux pour diminuer la résistance au frottement. Deux opérations restaient à effectuer pour libérer le navire : abattre les accores puis faire tomber les clés de retenue situées à l’avant.
*) Je suggère au lecteur de se reporter à l’article « Berceau de lancement sur double coulisse. » pour de plus amples informations sur le lancement à double coulisse pratiqué par les chantiers privés anglais et au chantier Scott pour la série de navire de la Compagnie.
C’est M. Forquenot, ingénieur détaché de la marine au chantier Scott, directeur à Paris du service des constructions de la Compagnie, qui présidait à l’opération du lancement.
À quinze heures, le clergé * procéda à la bénédiction **.
*) Selon les sources on parle de celui de Saint-Nazaire ou celui de Méans (commune de Montoir). ** Ce qui engendra quelques commentaires dans la presse : les armateurs MM. Pereire étant juifs, M. Scott protestant, un chroniqueur écrivit : « Le parti clérical n’a pas manqué d’y voir l’aveu des hérétiques eux-mêmes que leur œuvre avait besoin de purification, et que le catholicisme seul dispose de la grâce efficace. »
Les charpentiers se mirent à l’œuvre pour faire tomber les accores. Nous avons une description de cette opération par un chroniqueur : « C’est merveille de les voir se laisser glisser du haut du pont le long d’une corde pour venir assurer cette corde au faîte des poutres et remonter aussitôt, comme des gymnasiarques, pour recommencer cette vigoureuse voltige. Dès qu’un étai est amarré par le haut, huit hommes, maniant un bélier, l’en frappent par le bas, et la poutre tombe, maintenue par l’amarre qu’on laisse glisser du pont ».
Cette opération étant réalisée, seules les clés situées à l’avant maintenaient le navire.
Mme Goyetche, épouse du directeur de la Compagnie transatlantique, monta sur une estrade élevée à l’avant. Un silence solennel se fit. Elle frappa d’un coup une cordelette avec une hachette ; un bruit sourd se fit entendre provoqué par les deux clés qui tombaient sous le coup des deux moutons suspendus au-dessus d’elles.
Alors, à 16 h 35, on entendit le cri « Elle bouge ! » et le paquebot quitta majestueusement, lentement, sans secousse, la cale de lancement, faisant craquer les poutres de son appareil de lancement et fumer les madriers * sur lesquels il glissait.
*) Cela est dû à un échauffement des surfaces de portage provoquant une élévation de la température de l’enduit onctueux produisant une fumée épaisse et abondante.
Cette mise à l’eau était suivie avec une certaine anxiété parmi certains spectateurs car le bruit s’était répandu que le matin même, à Nantes, un lancement n’avait pas réussi *. Cependant, à Saint-Nazaire, il ne se produisit pas le moindre accident ni le moindre contretemps. L’Impératrice Eugénie gagna son élément et une immense acclamation ** salua l’opération. Ayant perdu son berceau, le navire fut remorqué dans les estacades par deux remorqueurs à vapeur.
*) Le même jour, à 6 h 00 du matin, à Nantes, on lançait deux navires confédérés : le Sanghaï, construit sur les chantiers de M. Dubigeon, mis à l’eau avec succès et le San-Francisco, construit chez MM. Jollet et Babin. Pour ce dernier navire, le plan de glissement n’ayant pas été correctement suiffé, il resta sur la cale. L’opération fut achevée à la marée du soir. ** Dans une foule anglaise un « Hourra » vigoureux et unanime aurait éclaté mais les Français ont applaudi ou agité des mouchoirs et des chapeaux et ont crié Bravo ! Bravo!’ avec un réel enthousiasme.
Le soir, la municipalité fit tirer un feu d’artifice. Les différents cercles ouvrirent leurs portes à tous les étrangers auxquels on offrit un punch. Chez M. Shand, le directeur des chantiers, il y eut du thé suivi de danses. Au théâtre, les contremaîtres donnèrent un bal.
CONFÉRENCE – DEBAT Je vous suggère de nous rencontrer : le samedi 23 mars 2024 à 10 h 30 à la médiathèque Barbara, 7, rue du Berry à Montoir-de-Bretagne. Le thème de la conférence portera sur les : « Les chantiers Scott à Saint-Nazaire (1862-1866) » C’est une réunion de fin de chantier (intermédiaire sûrement) correspondant au travail de plusieurs mois sur la Compagnie générale transatlantique et son chantier. Nous pourrons débattre pendant et après la conférence sur les différents items présentés. Plan de la présentation A) Se situer dans le temps et dans l’espace B) La naissance des services transatlantiques en France ; C) La Compagnie générale transatlantique ; D) Le chantier de la Compagnie ou chantier de Penhouet ; a) L’établissement ; b) Les navires ; c) Un lancement. E) Aspects économiques et sociaux a) Le boom immobilier ; b) Les cités ouvrières ; c) Le rattachement de Méan à Saint-Nazaire. d) La société de secours mutuels F) Les difficultés ; G) La fermeture ; H) Epilogue.
Nous avons vu dans l’article précédent que les navires étaient le plus souvent construits sur une cale inclinée dirigée vers l’eau avec une partie immergée. La mise à l’eau s’effectue par glissement : c’est le lancement. Le moment pour procédé à celui-ci dépendait de différents facteurs : heures des plus hautes marées, nécessité de libérer la cale de construction, etc. Le navire pouvait être lancé à différents états d’avancement : entièrement terminé ou partiellement, par exemple, dès que le bordé extérieur était en place et que la structure était suffisamment avancée pour éviter toutes déformations de l’ensemble une fois à flot.
L’appareil de lancement
Malgré son apparente simplicité, le lancement était une opération délicate et à la merci d’un grand nombre d’aléas et de circonstances. Pour réaliser cette opération, il fallait d’abord substituer sans à-coups l’appareil de lancement, le berceau, aux tins de construction comme support du navire. C’était, selon les constructeurs, le point le plus délicat de l’opération. La mise en mouvement et le guidage du navire présentaient, en général, moins de difficultés. Entre le plan de glissement et le berceau, on intercalait un enduit onctueux composé en majeure partie de suif * pour diminuer la résistance au frottement.
*) Chaque chantier avait sa recette.
Il existait deux types principaux de lancement : a) sur coulisse unique, établie dans le plan diamétral en d’autres termes sur la quille, pratiqué en Angleterre et dans certains chantiers français (chantiers de la société de la Méditerranée au Havre et à la Seyne, chantiers de la Compagnie transatlantique à Saint-Nazaire, chantiers de la Compagnie des Messageries maritimes à la Ciotat). b) sur deux coulisses symétriques, établies de part et d’autre du plan diamétral, pratiqué en Angleterre et dans certains chantiers français (chantiers de la société de la Méditerranée au Havre et à la Seyne, chantiers de la Compagnie transatlantique à Saint- Nazaire, chantiers de la Compagnie des Messageries maritimes à la Ciotat).
Berceau de lancement sur coulisse unique
W-1 – Berceau de lancement sur coulisse unique Dessin Michel-Claude Mahé d’après le cours de construction du navire par L. Callou.W-2 – Berceau de lancement sur coulisse unique – Vue en plan Dessin Michel-Claude Mahé d’après le cours de construction du navire par L. Callou
Dans le système de lancement sur coulisse unique (fig. W-1, W-2), le berceau était réduit à une poutre, la savate *, sur laquelle reposait la quille du navire.
*) La savate était en chêne. Elle était dimensionnée de telle manière que la pression unitaire sur la surface de portage du berceau était comprise entre des limites admissibles (usuellement 1 à 3 kg par cm2) ; ceci pour éviter l’expulsion ou l’écrasement de l’enduit onctueux qui auraient pour effet de freiner le navire et de provoquer l’inflammation de l’enduit de la savate et de la coulisse dans le cas où la pression devenait très élevée.
La savate reposait sur une coulisse, munie de deux joues latérales, qui constituait le chemin de glissement. Elle était supportée par des billotages reposant sur les traverses de la cale de construction, les corps morts. Le réglage et le serrage de l’ensemble étaient réalisés par des coins, les languettes. La savate s’étendait jusqu’à l’extrémité arrière du navire. La coulisse était prolongée sur l’avant-cale. Une procédure complexe * était appliquée pour substituer le berceau (fig. W-1) aux tins de construction (voir fig. V-2 et V-3 de l’article précédent) aussi la savate et la coulisse étaient décomposées en tronçons et venaient successivement remplacer les tins par série.
*) Il ne m’a pas semblé utile de la décrire dans le présent article, elle fera l’objet d’une note complémentaire. La mise en place du berceau exigeait un mois environ pour un navire de 100 à 120 mètres de longueur.
On disposait parallèlement à la coulisse sur chaque bord, sur la cale et l’avant-cale, une poutre appelée couette *, soutenues par des billotages et sur le bordé du navire une poutre, la ventrière (fig. W-1). Une faible distance « e » était laissée entre la partie inférieure des ventrières et la partie supérieure des couettes. Ce dispositif constituait un soutien éventuel qui n’opérait que lorsque le plan diamétral du navire venait à s’incliner accidentellement.
*) Selon les auteurs, elle s’écrivait : couette, couëtte, coitte.
La coulisse était à nouveau démontée par tronçon pour interposer entre la savate et la coulisse un enduit onctueux (le suiffage) pour diminuer le frottement entre celles-ci. Cette opération se faisait dans un délai le plus court possible avant l’heure prévue pour le lancement pour éviter l’altération * du produit et par là même la diminution de ses performances.
*) Due à l’effet des variations de températures.
La coulisse devait être fixée solidement à la cale par des arcs boutants * (fig. W-2) pour ne pas la voir se déplacer ou être entraînée par le mouvement du navire.
*) Nous montrons à titre d’exemple un système avec des madriers, cependant il existait d’autres systèmes inhérents à chaque chantier.
L’enduit onctueux est aussi appliqué sur la partie supérieure des couettes latérales.
Info – Le texte de la conférence » Une famille montoirine en 1875 » (version longue) est disponible via le bouton « Biblio Estuaire et patrimoine » dans le menu principal.
En cette année 1864, deux navires vont être lancés, l’Impératrice-Eugénie (le 23 avril) et la France (le 1er octobre). Nous allons bien sûr évoquer comment les différents acteurs prirent part à l’organisation de ces deux fêtes : les transports ferroviaires et maritimes, la municipalité, le chantier de Penhouet et la foule des curieux qui assiste à celles-ci. À la lecture des différents articles de presse qui les relatent, il m’a semblé nécessaire d’établir quelques prérequis, de vous proposer un peu de technologie, en l’occurrence de décrire le déroulement d’un lancement tel qu’il se pratiquait autour de 1864 et de définir quelques termes techniques communément rencontrés dans la presse et la littérature les évoquant. Je dois avouer qu’il m’a fallu encore replonger au cœur de mon premier métier, traceur de coque de navire, ce qui a provoqué en moi, comme toujours, une lame de fond de nostalgie.
Le lancement d’un navire autour de 1864
La cale de lancement
V-1 – Cale et avant-cale – Dessin Michel-Claude Mahé
Le navire était construit le plus souvent * sur un plan incliné (la cale de lancement) dont la pente ** était dirigée vers l’eau et calculée pour permettre sa mise à l’eau par glissement (lancement du navire). Elle était constituée souvent d’un massif en maçonnerie sur lequel sont fixées de grosses poutres de bois.
*) Bien sûr, déjà à cette époque, on pouvait construire le navire dans un bassin de radoub, la ligne de tins le supportant par sa quille. La mise à l’eau se faisait en remplissant celui-ci. Ce procédé avait un inconvénient, il immobilisait un bassin pendant un temps assez long alors que leur nombre était limité dans les ports. Le navire pouvait être aussi construit parallèlement au rivage et son lancement se faisait alors par le travers.
** Le navire glissant sur des coulisses suiffées, la pente de la cale doit être telle que la composante de son poids parallèle au plan de glissement soit suffisante pour vaincre la résistance de frottement. P étant le poids du navire ; Θ la pente de la cale ; µ le coefficient de frottement ; alors la condition pour que le navire se déplace est :
P sin θ > µ P cos θ d’où µ < tg θ
Dans les conditions ordinaires, la valeur minimale pour le coefficient de frottement µ est d’environ 0,036, soit à peu près 1/28. On considérait que le minimum admissible de la pente pour une cale de construction doit être de 1/25, soit 40 mm par mètre.
En France, dans les arsenaux, pour la construction des navires militaires, la pente adoptée pour toutes les cales de construction était égale à 1/12 soit 83 m/m par mètre. Dans les chantiers privés, pour des raisons d’économie, les pentes des cales étaient en général plus faibles et variaient entre 1/15 et 1/20 et même quelquefois jusqu’à 1/22.
Sa longueur devait être au moins égale à celle du plus grand navire prévu avec une certaine longueur au-dessous du niveau de l’eau (l’avant-cale) pour que le navire puisse atteindre le tirant d’eau nécessaire pour flotter librement. Nous verrons cela dans l’article consacré au lancement. Sa largeur ne devait pas être inférieure au tiers de la largeur du plus grand navire prévu pour établir facilement l’appareil de lancement. Les chantiers de construction possédaient plusieurs cales inclinées utilisées au gré des constructions successives. Elles étaient caractérisées, du fait de la nature du sol sur lequel elles étaient établies et leur mode de construction, par une charge maximale admissible représentée par le poids maximum des navires au moment de leur lancement.
V-2 – Tin – Vue transversale – Dessin Michel-Claude MahéV-3 – Ligne de tins – Dessin Michel-Claude Mahé
Les traverses supérieures (les corps morts) de la cale recevaient les tins de construction supportant le navire par l’intermédiaire de sa quille. Chaque tin était constitué par un billotage superposé de 0,90 à 1,00 de longueur. Les éléments étaient rendus solidaires par de grands clous enfoncés obliquement et reliés par des gardes, elles aussi clouées. Les tins étaient contre-tenus par des arcs-boutants s’opposant au déversement sous l’action du poids du navire. Leur hauteur totale devait être telle qu’elle permettait les différents travaux liés à la mise en place du bordé des fonds. Leur hauteur libre était comprise entre 1 et 1,20 au-dessous des virures au plus près de la quille (les galbords). Sur chaque tin, la pièce supérieure sur laquelle reposait la quille du navire était dressée suivant l’inclinaison voulue. Cette pièce devait pouvoir être enlevée pour permettre la mise en place de l’appareil de lancement. Alors, elle pouvait être tronçonnée partiellement et détruite à l’aide de coins ou démontable en la faisant reposer sur deux languettes taillées en biseau.
Info – Le texte de la conférence » Une famille montoirine en 1875 » (version longue) est maintenant disponible via le bouton « Biblio Estuaire et patrimoine » dans le menu principal.
Le Chantier de la Compagnie générale transatlantique dit chantier de Penhouet ou chantier Scott
Nous avons vu dans le dernier article que les tracasseries engendrées par les chantiers français lors des appels d’offre pour construire sa flotte de paquebots ont décidé la Compagnie générale transatlantique à implanter un chantier en France mais sous la direction de constructeurs anglais, MM. Scott et Cie, avec des ouvriers français. Un site fut retenu : une partie du rocher de Penhouet sur la commune de Montoir. Le temps presse, un formidable challenge reste à accomplir pour respecter les délais.
U-2 – Synoptique de l’activité du chantier Scott – Dessin Michel-Claude Mahé
Commentaires sur l’établissement du diagramme U-2 : Les travaux d’établissement du chantier démarrèrent le 19 avril 1862. Il semble que M. Scott et ses contremaîtres étaient sur place début mai. En 7 mois, du 19 avril au 15 décembre, il a fallu : remblayer, installer cinq cales de construction (quatre dans un premier temps plus une un peu plus tard), bâtir le grand atelier, mettre en place la production de vapeur et ses circuits, installer les machines pour l’usinage et le formage des pièces (raboteuses, cintreuses, plaques à cintrer, etc.) et commencer à produire. Pour les navires, les informations fiables sont les dates de lancement et de mises en service, lesquelles paraissent toujours dans la presse locale, nationale et internationale. On sait que pour construire sur cale l’Impératrice Eugénie, il a fallu 16 mois (corroborés par une date : le 15 décembre). On peut donc en déduire approximativement, pour les cinq premiers navires sisterships de la compagnie, la date de mise sur cale en sachant que la tendance veut que les délais se réduisent dans les cas de constructions identiques. Le lancement de la France fut retardé. Le peu de hauteur des eaux de la Loire a décalé l’arrivée de sa machine et rendu inutile son entrée dans le port. Le cas du Saint-Laurent est particulier, car les ingénieurs opérèrent un changement de mode de propulsion directement sur cale (il est passé de roues à aubes à une hélice) ce qui explique certainement le décalage. Pour les autres navires, c’est plus compliqué, nous ne possédons pas le temps de construction moyen. Les nombres d’employés indiqués sont issus des différents comptes-rendus du Conseil général de la Loire-Inférieure et de la Chambre de Commerce. Ils nous donnent une idée toute relative de l’activité du chantier.
Pour garder en mémoire le déroulement temporel et contextuel, il m’a semblé intéressant de mettre en parallèle la naissance de la Compagnie * et du creusement du bassin de Penhouet. 1) Adjudication du vendredi 11 avril 1862 : « Creusement d’une partie du bassin et établissement de la partie correspondante des chantiers de constructions. » ; 2) Adjudication du 11 mai 1864 : « Construction de l’écluse à sas et de la digue de ceinture du bassin à flot. » ; 3) Adjudications du 18 août 1869 : « Creusement du bassin de Penhouët. » et « Travaux d’établissement de portes métalliques à l’écluse à sas de Penhouët. ».
*) Voir Article « 1861 – De la Compagnie générale maritime à la Compagnie générale transatlantique ».
1862
Établissement du chantier Nous l’avons vu dans le dernier article, en ce début d’année 1862, le Chantier de la Compagnie transatlantique, conduit par MM. Scott et Cie, va s’établir sur un terrain domanial, correspondant à une partie du rocher de Penhoët. Il sera limitrophe du nouveau bassin, celui de Penhouet, qui fera suite au bassin de Saint-Nazaire déjà existant. Au début, le creusement de l’un servira au remblaiement de l’autre. Ce terrain, situé à environ deux kilomètres de Saint-Nazaire, fut approprié et remblayé sous la direction de l’administration des ponts-et-chaussées et de son ingénieur en chef chargé du dossier M. Chatoney. L’adjudication * pour le creusement d’une partie du bassin de Penhouet et l’établissement des chantiers de construction a eu lieu 11 avril 1862 à 13 h 00 à l’hôtel de la Préfecture, à Nantes. Quatre soumissionnaires se sont présentés ; c’est M. Henau Florestan qui a été déclaré adjudicataire.
*) Adjudication notée 1 sur le diagramme U-2 et établie comme suit : 1) Travaux à l’entreprise consistant en terrassements et perrés : 232 238 fr. 69 2) Somme à valoir pour épuisements, avaries de mer et travaux non prévus : 37 764 fr. 31 Total général des dépenses : 270 000 fr. 00 Cautionnement : 7 800 fr. 00 Quatre soumissionnaires se sont présentés, les propositions furent les suivantes : MM. Champenois : 6% de rabais ; Henau Florestan : 11 % ; Nercam : 2% ; Bréhéret : 7 %
Dans la presse, autour du 19 avril, on faisait état du démarrage des travaux : « Sur les limites du nouveau bassin, dit de Penhouët, de vastes chantiers de construction, destinés aux transatlantiques et au commerce, se dessinent et se nivellent. ». Le 25 avril : « On achève en hâte de disposer les cales de construction sur lesquelles seront assis les immenses steamers transatlantiques. » « On termine également à Saint-Nazaire les hangars nécessaires à la Compagnie générale transatlantique pour abriter les marchandises à embarquer ou à débarquer » On annonce l’arrivée imminente de M. Scott et de ses contremaîtres sur le site pour débuter la construction des navires.
U-3 – Le chantier Scott avant mars 1863 * – Crédit photo : Musée de Bretagne
*) Le musée de Bretagne précise que la photo a été prise en mars 1863. Après quelques investigations et à la lecture du diagramme U-2 il me semble que c’est plus tard, probablement en mars 1864. L’Impératrice -Eugénie (ex Nouveau-Monde), France et Nouveau-Monde sont alors sur cale dans un état avancé.
U-4 – Photographie de la baie de Saint-Nazaire (avant 1877) * – En arrière-plan le chantier Scott – Crédit photo : Musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye. *) Aimablement signalée par M. Xavier Kerdaniel.
Le chantier Nous disposons de quelques éléments d’une description du chantier parus en octobre 1862 dans la presse : « L’étendue de ce chantier est de 4 hectares, sur lesquels sont disposés les hangars et les ateliers, ainsi que quatre cales de 120 mètres chacune se prolongeant dans la Loire. Le grand hangar en maçonnerie qui abrite les machines à percer, les plaques à cintrer, les appareils moteurs, etc., a 125 mètres de long, il est ouvert de bout en bout, du côté de la rivière, et la toiture en est supportée par cinquante colonnes en fonte de forte dimension et d’un bel effet. » L’outillage complet a été importé d’Angleterre. Il est dirigé par M. Scott, avec le concours de deux ingénieurs français, M. Forquenot *, en charge de la direction technique, et MM. Audenet ** et Noël, en charge de la surveillance de l’exécution des travaux ainsi que 15 spécialistes et contremaitres écossais. Cependant tous les ouvriers sont français. En avril 1864, M. William Shand apparaît dans la presse comme directeur des chantiers , en mai 1865, c’est M. Audenet. *) M. Forquenot, ingénieur détaché de la marine, directeur à Paris du service des constructions de la compagnie, auteur du plan, auteur de la belle frégate en fer la Couronne **) MM. Audenet et Noël, ingénieurs détachés de la marine. En septembre 1862, le chantier fonctionnait avec 600 ouvriers. Mi-octobre 1862, une cité ouvrière pour loger les ouvriers employés dans l’établissement et venant de Nantes, Indret, etc. était en cours de création.
1863
Le boom immobilier L’arrivée de nouveaux habitants provoqua un boom immobilier sur la partie de Penhoët à proximité du chantier et du futur bassin. De nombreux terrains furent mis en vente. Ils se couvrirent de constructions « disposées, sans ordre ni alignement possible, au gré des avantages ou des caprices de chaque constructeur ».
Indépendamment de la cité ouvrière de la compagnie, des investisseurs ont rapidement compris l’intérêt que cet afflux d’ouvriers pouvait représenter, ils construisirent la « cité ouvrière de Penhouet » *. Située non loin du chantier de Penhouet et du bassin du même nom en construction, c’était un bâtiment de trois étages avec de vastes greniers, des caves, une cuisine et une buanderie. Au début d’août 1863, 130 ouvriers y logeaient. Il pouvait en contenir 210. Elle a fait partie des lieux à visiter à Saint-Nazaire, avec le chantier, lors d’une excursion maritime organisée par la compagnie des Pyroscaphes au départ de Nantes.
*) Un article lui sera consacré dans les prochains mois.
Le 1er juin 1963, devant cet afflux considérable d’habitants sur Montoir/Penhouet, un deuxième facteur prit ses fonctions.
En décembre 1863, pour régulariser le chaos immobilier, le Conseil général, adoptant la demande de Saint-Nazaire, émit le vœu « qu’un plan des rues et voies de communication à réserver ou à ouvrir entre Méans et Penhouet, soit dressé et rendu obligatoire dans le plus bref délai ».
Le chantier En homme d’affaires avisé, M. Scott armait des navires pour son chantier et proposait ses services aux autres exportateurs. On sait, qu’en juillet 1863, il armait le Brackenholme, capitaine Smorfitt, au départ de Saint-Nazaire pour Greenock.
En septembre 1863, il recevait des bois venus de Québec par le Patrician (anglais), capitaine Wathen ; courtier : C. Boudet, à Saint-Nazaire. Détails de chargements : 29 pièces chêne, 56 pièces orme, 858 pièces, 916 madriers, 2074 bouts de madriers sapin.
Décembre 1863, trois paquebots (Impératrice-Eugénie * ; France ; Nouveau-Monde) étaient sur cale. Le Panama était ou le serait sous peu. Une cinquième cale de construction a été installée. Environ 1200 ouvriers travaillaient sur le chantier.
*) Le paquebot fut renommé quelques jours avant son lancement. Il s’appelait initialement Nouveau-Monde et devint Impératrice-Eugénie. Les cartons d’invitation de la cérémonie portaient toujours la mention Nouveau-Monde.
Mises à jour : 05-02-2024 – Photographie de la baie de Saint-Nazaire
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« Une famille montoirine en 1875 » (version longue)
Nous allons découvrir la famille que vont constituer en 1867, année de leur mariage, Eugène 27 ans, et d’Anne-Marie 25 ans, tous les deux cultivateurs et habitant « au village, en Montoir », en Loire-Inférieure. Nous en suivrons toutes les étapes (le mariage, les naissances, le travail, les décès, etc.) qui ont jalonné leur vie de couple.
Nous allons prendre une « photographie » de la vie des Montoirins de cette époque. En ce temps-là, elle était fort différente de la nôtre, plus dure, plus âpre… libre à chacun ensuite de réfléchir au long chemin accompli…
Format : PDF – A4, horizontal. Nombre total de pages : 101 ; nombre de figures : 48.
En écrivant cet article, j’ai pris conscience que je dois beaucoup à tous ces hommes qui en 1862 ont fait émerger « la navale » à Saint-Nazaire. Je leur dois une vie de travail intéressante dans ce grand chantier de Penhoët qui réalise encore de si magnifiques paquebots. Il a été mon univers, je crois même, au grand dam de mes proches, un peu ma raison de vivre, d’abord en tant qu’apprenti, ouvrier charpentier puis technicien.
Vous l’avez deviné, nous allons nous intéresser au chantier Scott aussi appelé chantier de Penhoët, ancêtre des Chantiers de l’Atlantique. Très souvent, dans les documents, il est décrit en cinq ou six lignes. Vous me connaissez, je suis curieux et je souhaitais en connaître beaucoup plus, faire une chronologie : sa naissance, les navires construits, les problèmes rencontrés, sa fermeture. Je vous propose dans cet article de faire un rappel de ce que furent les débuts de la Compagnie générale transatlantique car c’est à cause de tracasseries engendrées par les chantiers français qu’est né le chantier Scott ou chantier de Penhoët.
Une nouveauté dans le blog, j’y ai inclus une Mini-Boutique (une Mimi-Boutique dixit Clovis). Des auditeurs m’ont adressé des demandes pour obtenir le texte de mes conférences, dorénavant, pour les obtenir, vous trouverez un bouton dans le menu nommé [La Boutique « Estuaire et Patrimoine »]. Outre le texte de la conférence en pdf « La Loire, le premier navire omnibus à vapeur entre Nantes, Paimboeuf et Saint-Nazaire » vous trouverez aussi mes livres écrits durant le Covid- 19.
1862 – Le chantier de la Compagnie générale transatlantique
T-1 – Juillet 1861 – Messageries impériales et Cie Générale Transatlantique. Dessin Michel-Claude Mahé
Le 16 octobre 1860, la Compagnie Marziou *, concessionnaire des services transatlantiques, faute d’investisseurs, proposa de se désister en faveur de la Compagnie générale maritime * devenue quelque temps après Compagnie générale transatlantique **. Ces services comprenaient deux lignes principales : -) le Havre sur New-York avec une fréquence de traversées toutes les deux semaines. -) Saint-Nazaire sur Aspinwall (isthme de Panama) deux fois par mois avec au point d’escale de la Martinique trois services annexes venaient s’embrancher. Le premier allant à la Guadeloupe ; le second desservant Santiago de Cuba, la Vera-Cruz et Tampico ; le troisième vers la colonie française de Cayenne. Ces deux lignes devaient être desservies par huit navires à vapeur de 850 chevaux construits sur le même plan.
Pour établir son projet, l’ingénieur en chef de la compagnie prit pour modèle les meilleurs navires anglais et américains, en prenant en compte les remontées d’expériences des constructions précédentes et en appliquant les perfectionnements récents. Les navires seront donc en fer, leurs machines à système à roues et balanciers. Bien que le cahier des charges de la compagnie ne prescrivît l’intervention de l’Etat qu’au moment de la mise en service des bateaux, elle demanda officieusement un examen complet du projet par des ingénieurs de l’État. Une conférence d’ingénieurs de la marine, réunie par le ministre des Finances *, en accord avec celui de la Marine **, examina les plans et les devis d’une manière approfondie.
*) Ministre des Finances : M. Jean-Martial Bineau **) Ministre de la Marine et des Colonies : M. Prosper de Chasseloup-Laubat
La nouvelle convention
En dehors de leur cahier des charges, MM. Marzou et Cie, les précédents titulaires de la concession, avaient pris l’engagement vis-à-vis du ministre de la Marine, dans une clause secrète, de faire exécuter en France la moitié de leurs navires afin de protéger les actionnaires des prétentions des constructeurs français. Le même engagement secret a été demandé à la Compagnie générale transatlantique. La nouvelle convention fut soumise au Corps législatif. Une prétention de faire attribuer à l’industrie française la construction de ces paquebots a été menée activement au sein de la Chambre. L’amendement présenté a été repoussé. La clause secrète fut convertie en un article additionnel dans la convention en vertu duquel la compagnie devait acheter ou faire construire en France la moitié de son matériel naval, soit 8 navires, l’autre moitié pouvant être exécutée à l’étranger selon le gré et l’intérêt de la Compagnie.
L’appel d’offres aux constructeurs étrangers
Un appel d’offres fut adressé aux constructeurs étrangers et onze soumissionnaires les plus importants de la Grande-Bretagne, de la Hollande et de la Belgique ont répondu. Leurs offres de prix étaient sensiblement égales. La compagnie accepta celle de MM Scott et Cie, de Greenock, non pas en raison des conditions plus favorables de leur part mais surtout pour leur expérience, leur savoir-faire et les moyens industriels dont ils disposaient. Le prix traité par bateau complet, pour le type des Antilles, avec MM. Scot et Cie était de 2 850 000 francs, 1 950 000 francs pour la coque et 900 000 francs pour la machine.
L’appel d’offres aux constructeurs Français
Du côté des constructeurs français *, ce fut plus compliqué, un petit nombre de soumissions ont été déposées. Elles portaient toutes sur la construction séparée des coques et des machines. Seul, l’un d’entre eux proposait, comme en Angleterre, la fourniture de la coque et de la machine mais pour seulement un navire et au prix de 4 332 000 francs soit 1 454 000 francs de plus que les constructeurs anglais. Deux soumissions portaient sur les coques au prix de 2 500 000 francs chacune soit 250 000 francs par coque de plus que les constructeurs anglais. Ces soumissionnaires ne consentaient une réduction de prix que si l’échantillonnage des éléments de la structure des coques était revu ; ils le considéraient comme excessif. Trois mois après, ils abaissaient leurs prix à 2 300 000 francs, encore au-dessus des offres anglaises. Pour les machines, seuls MM. Schneider et Cie, du Creusot, soumissionnèrent. Ils proposaient 1 100 000 francs par appareils, équivalents aux prix anglais augmentés des droits. Leur offre a été acceptée.
*) En France, quelques chantiers pouvaient rivaliser avec les Anglais : « Les chantiers et ateliers de la Ciotat », possession de la compagnie des Messageries impériales et « Les forges et chantiers de la Méditerranée » situées à la Seyne près de Toulon.
Un chantier français sous la direction de constructeurs Anglais
Devant ces difficultés, l’idée de faire construire en France par des constructeurs anglais sur un chantier appartenant à la compagnie, en employant des ouvriers français, en sauvegardant l’intérêt national, en respectant ses engagements pris fit son chemin. L’expérience des Anglais et leurs moyens nettement supérieurs, garantissant la bonne exécution et une solidité irréprochable des navires, susciteraient toute la confiance des passagers. Les commandes pour les 8 bateaux de 850 chevaux furent distribuées ainsi : – MM. Scott et Cie., de Greenock, construiraient en Écosse trois de ces bateaux, coques et machines ; – MM Schneider et Cie., du Creusot, construiraient en France cinq machines destinées aux cinq autres bateaux du même type ; – Les coques de ces cinq bateaux seraient exécutées en France, dans des ateliers qui appartiendront à la Compagnie, sous la surveillance directe de ses ingénieurs, et conduits par MM. Scott et Cie.
T-2 – 1862 – Plan de situation du chantier Scott – Dessin Michel-Claude Mahé
Le site de Saint-Nazaire fut choisi. Un terrain domanial, sur une partie du rocher de Penhoët, fut cédé à bail à la compagnie qui entreprit le 19 décembre 1861 l’édification du chantier. Sur cette partie, il existait un corps de garde. Le choix de ce site s’explique, car dans l’urgence, pour implanter les cales de construction qui porteront la masse importante des navires, il était nécessaire de les édifier sur un sol suffisamment solide pour éviter des travaux importants de génie-civil.
En 1881, sur l’autre partie émergente, s’établiront les cales des chantiers de la Loire.
Mises à jour : 05 décembre 2023 : ajout du paragraphe sur les chantiers de la Ciotat et de la Seyne.
T-1 – Les lignes postales de la Compagnie générale transatlantique – Dessin Michel-C Mahé
Les lignes postales au 1er avril 1875 :
Départs de Saint-Nazaire : 1) le 7 de chaque mois, pour Fort-de-France, la Guayra, Savanilla, Colon, Saint-Pierre, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Sainte-Lucie, Saint- Vincent, la Grenade, la Trinidad, Demerari, Surinam. Cayenne. Correspondances à l’isthme de Panama, pour l’Èquateur, le Pérou, le Chili, l’Amérique Centrale, la Californie. 2) le 20 de chaque mois pour Santander, Saint-Thomas, la Havane, la Vera Cruz, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Saint-Pierre, Fort-de-France, Porto Rico, le Cap Haïtien, Santiago de Cuba, la Jamaïque, Colon, le Sud Pacifique, l’Amérique Centrale et le Nord Pacifique. 3) Départs du Havre et de Brest pour New York : -) du Havre : 14 et 28 février ; 14 et 28 mars ; 11 et 24 avril ; 8 et 22 mai ; 5 et 19 juin ;17 et 31 juillet ; 14 et 28 août ; 11 et 25 septembre ; 9 et 23 octobre ; 6 et 20 novembre ; 4 et 18 décembre. -) de Brest : 15 février ; 1er, 15 et 29 mars ; 12 et 26 avril ; 10 et 24 mai ; 7 et 21 juin ; etc.
Chemin de fer du Panama
Le canal de Panama n’existait pas. À travers l’isthme de Panama d’un océan à l’autre, un chemin de fer fut mis en service le 27 janvier 1855 *. Les marchandises de valeur et les passagers transitaient par celui-ci puis étaient redirigées vers l’Équateur, le Chili, le Pérou, l’Amérique centrale et la Californie.
*). Il faut noter que c’était le premier chemin de fer transcontinental.
Les navires de la compagnie inscrits à Saint-Nazaire au 1er janvier 1875
T-2 – Type, nombre et tonnage des navires de la Compagnie générale transatlantique inscrits à Saint-Nazaire – Dessin Michel-C Mahé
T-3 – Les navires de la Compagnie générale transatlantique inscrits à Saint-Nazaire – Dessin Michel-C Mahé
Tous les navires, excepté le France et le Nouveau-Monde, ont été construits en Angleterre *. C’est aussi en Angleterre que la compagnie faisait subir les transformations de ses navires. Ces chantiers jouissaient d’une excellente réputation et s’étaient lancés très tôt dans le défi technologique de l’utilisation de la vapeur. En France, deux chantiers pouvaient rivaliser avec eux : les chantiers de la Seine et de la Ciotat. Ces deux grands établissements devaient leur existence à la compagnie postale des Messageries maritimes.
*) C’est ainsi que l’on appelait à cette époque le Royaume-Uni.
On estimait qu’un bon navire à voiles demeurait suffisamment navigable jusqu’à quatorze ans dans les petites mers et de dix à douze ans s’il faisait de la navigation au long cours surtout s’il doublait les caps Horn et de Bonne Espérance. Un navire à vapeur durait de 25 à 28 ans au moins.
1864 – La Compagnie générale transatlantique – La Ligne le Havre – New York
La concurrence américaine en 1864
Depuis plus de deux ans aucun service régulier américain n’existait sur la ligne le Havre et New York. Les États-Unis étaient en proie à la guerre civile. Les navires à vapeur, l’Arago, le Fulton et le Vanderbilt, avaient été réquisitionnés par le gouvernement fédéral pour faire le service des transports militaires.
La concurrence anglaise en 1864
La ligne Liverpool à New York était desservie par la Cunard, Inman et autres. Elles détournaient à leur profit les voyageurs et les marchandises françaises à destination des pays transatlantiques. Les expéditeurs Français étaient obligés de faire un voyage supplémentaire vers Liverpool, ce qui engendrait une augmentation notable des coûts.
S-1 – Juin 1864 – Cie Générale Transatlantique – La ligne de New York – Dessin Michel-Claude Mahé
La Ligne le Havre – New York
La loi du 3 juillet 1861 concédait les services postaux de la ligne Le Havre à New York pendant vingt ans, 26 voyages par an, à la Compagnie générale transatlantique * :
S-2 – Temps de navigation et distances parcourues contractuels pour la ligne Le Havre à New York Dessin Michel-Claude Mahé
La ligne Le Havre- New York fut inaugurée, au départ du havre, le mercredi 15 juin 1864 à 18 h 00, par le paquebot à roues Washington (Capitaine Duchesne). Il est arrivé à New York le mercredi 29 juin à 5 heures du matin , soit 13 j et 15 h à la vitesse de 9,7 nœuds. À sa décharge, il a rencontré une succession de vents forts d’ouest depuis les côtes de la France jusqu’aux bancs de Terre-Neuve et des brouillards denses jusqu’à moins de 200 milles de New York. Le prix du voyage, repas et vin compris, était de 700 francs en première classe et 400 francs en seconde classe. Il avait 60 passagers et 500 tonneaux de marchandises à son bord.
* En septembre 1854, le capitaine Duchesne commandait le steamer français Vesta de la Compagnie générale maritime. Ce navire entra en collision avec la navire américain Arctic dans les parages du banc de Terre-Neuve du fait d’une épaisse brume. 350 personnes perdirent la vie.
Les temps de navigation réalisés
S-3 – Les traversées réalisées par le Lafayette en 1864 – Dessin Michel-Claude Mahé
Notes tableau S-4: (1) Le Lafayette a connu des vents légers de face à partir du 25 août jusqu’au 2 septembre puis des brises fraîches du NE. Il était à moins de quatre milles de Sandy Hook le 5 septembre à 10 heures du matin, mais faute de recevoir de pilote, il a repris la mer et prit un pilote le 6 à 9 h 30. (2) Le Lafayette transportait le corps de M. William Lewis Dayton, ambassadeur extraordinaire et ministre du gouvernement fédéral des États-Unis près de Napoléon III, empereur des Français. M. Dayton est né le 17 février 1807 à Basking Ridge dans le New Jersey et décédé le 1er décembre 1864 à Paris. Formation : université de Princeton. Carrière : 1830, il débute au barreau ; 1837, juge à la cour suprême de l’État du New Jersey ; 1842, sénateur au congrès fédéral ; 1861, ministre résident des États-Unis à Paris.
S-4 – Les traversées réalisées par le Washington en 1864 – Dessin Michel-Claude Mahé
(1) Traversée contrariée par des vents de bout et une grosse mer. (2) Un trois-mâts hollandais a abordé le Washington sur un de ses tambours par le travers d’Aurigny. Le choc a été très violent. Dans cette collision, le Washington n’avait presque pas souffert mais les avaries du bâtiment hollandais étaient telles, que le capitaine Duchesne l’a pris à la remorque et fait route pour Cherbourg où ils ont mouillé dans la nuit. La commission sanitaire est montée à bord du Washington, les dépêches ont été récupérées et les passagers débarqués. Le Washington état sur rade au Havre à 4 h 00 le 28 octobre 1864. (3) Capitaine Duchesne : « J’ai quitté le Havre le 16 novembre au soir. Le lendemain, étant dans l’entrée de la Manche, j’ai été assailli par une terrible tempête du sud-ouest au nord-ouest qui a duré trois jours. Ce coup de vent m’a retardé dans ma route à tel point que je me trouvais encore le dimanche à la hauteur de l’Irlande seulement. »
En 1864, le service a été assuré par le Washington et le Lafayette. La traversée s’effectuait entre 13 à 17 jours. Nous sommes loin des performances annoncées : entre 11 et 13 jours.
S-5 – Le Washington partant du Havre le 15 juin 1864 (d’après le croquis de M. Durand-Brager) Source BNF – Gallica
Le Washington
Le Washington, paquebot en fer à roues, construit à Greenock (Écosse) dans les ateliers de MM. Scott et compagnie, lancé le 17 juin 1863, mis en service le 15 juin 1864. Ingénieurs de la Cie Générale Transatlantique : MM. Forquenot, ingénieur en chef ; Emmanuel Lissignol, ingénieur en second. Coque : longueur : 350 pieds (106.00 m) ; largeur : 45 pieds (13,70 m) ; creux : 33 pieds (10,06 m) : Creux sur quille : 30.54 pieds (9.31 m) ; jauge : 3400 tons bm (old builder’s measurement). Machine : une paire de machines système Watt à balancier latéraux, de 850 à 900 chevaux de force nominale. Diamètre du cylindre : 94,5 pouces (238,76 cm) ; course du piston : 9 pieds (2,74 m). Les balanciers sont en fer forgé, longueur : 24 pieds (7,32 m), hauteur au centre : 7 pieds (2,13 m) ; épaisseur des flasques 2,5 pouces (6,35 cm). Propulsion : 2 roues à aubes ; diamètre : 37,5 pieds (11,28 m) ; vitesse : 13,5 nœuds. Houille en soute : 1,500 tonneaux. Equipage : 50 matelots, 50 chauffeurs, ouvriers mécaniciens, etc. et 50 hommes de service pour les passagers. Passagers : 315. Marchandises : 1 000 tonneaux. Innovation : Les manœuvres dormantes du Washington (étais, haubans) étaient couvertes de fil de fer. Ce système permettait aux bagues des voilures de mieux courir sur celles-ci avec un gain de solidité et de légèreté. Expériences * à la mer : Lors des essais du constructeur dans la Clyde (Écosse), la vitesse obtenue était de 13,5 nœuds. Le Washington a fait ses expériences fin mai, début juin à Cherbourg devant les membres de la commission ** – au départ du Havre, sans la commission, marche pendant 24 heures ; vitesse de 12 à 13 nœuds. – au départ de Cherbourg, avec la commission, même course pendant 24 heures. – trajet mesuré de la digue de Cherbourg à l’ile de Wight, aller et retour ; temps : 8 heures ; vitesse : 13,5 nœuds. – six courses consécutives devant Cherbourg, sur une base mesurée ; vitesse maximale : 14,3 nœuds.
* C’est ainsi que l’on appelait « les essais mer ». Cela a du sens pour moi ayant participé, pendant de nombreuses années, aux essais « vitesse et manœuvrabilité » sur les paquebots, méthaniers, navires militaires des chantiers de l’Atlantique. ** Composée de MM. Selva, capitaine de vaisseau, président ; Pastoureau Labesne et Villain, ingénieurs des constructions navales ; Astima, commissaire du gouvernement, près de la compagnie transatlantique.
Cette entrée en service fut suivie de celles du : – Lafayette : commandé en 1862 au chantier de Scott de Greenock, lancé le 15 octobre 1863 et il quitta le Havre pour son voyage inaugural vers New York le 24 août 1864 – de l’Europe, lancé le, mis en service le ; Ces bâtiments sont identiques au Washington.
Mises à jour : 22-10-2023 : Ajout du paragraphe « Concurrence anglaise » ; note sur le capitaine Duchesne ; compléments au chapitre « Les temps de navigation réalisés en 1864 » 24-10-2023 : Complément à la note (3) tableau S-4 du Washington.
1862 – La Compagnie générale transatlantique – La Ligne du Mexique
S-1 – Diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques Dessin Michel-Claude Mahé
S-2 – Avril 1862 – Cie Générale Transatlantique – La ligne du Mexique – Dessin Michel-Claude Mahé
À partir de janvier 1862, la France envoya un corps expéditionnaire au Mexique pour mettre en place un régime favorable à ses intérêts *. Pour obtenir plus fréquemment des nouvelles de celui-ci et donner ses directives, le gouvernement demanda à la Compagnie d’ouvrir immédiatement la ligne entre Saint-Nazaire et Veracruz. La convention fut signée le 17 février 1862. Elle s’engageait à effectuer un service postal mensuel avec escale à la Martinique et Santiago de Cuba avec quatre bateaux à vapeur, deux de 450 à 500 chevaux et deux de 300 chevaux, avec une vitesse de 9 nœuds.
* Les navires construits par la loi de 1840 trouvèrent leur utilité pour le transport des troupes mais leur vitesse était insuffisante pour assurer un tel service.
S-3 – Temps de navigation théoriques et distances parcourues pour la ligne Saint-Nazaire à Vera-Cruz Dessin Michel-Claude Mahé
Jusqu’au jour où la ligne des Antilles sera en activité, l’État s’engageait à payer à la Compagnie une subvention de 310 000 francs par voyage d’aller et de retour, soit pour 12 voyages annuels 3 720 000 francs, et à lui faire une avance de 4 millions de francs comme acompte sur la somme de 18 600 000 francs stipulée en l’article 5 de la convention du 24 avril 1861.
S-4 – Départ de Saint-Nazaire du paquebot Louisiane pour Veracruz, le 14 avril 1862, inaugurant la ligne transatlantique vers le Mexique
Nantie de la concession depuis le 17 février seulement et pour commencer immédiatement l’exploitation de ce service, elle acheta, dans un intervalle de quinze jours , deux trois-mâts à vapeur récents, la Louisiane et la Floride *, et deux autres, la Vera-Cruz (selon la graphie de l’époque) et le Tampico **, sortis de Liverpool en 1854. Simultanément, elle a organisé ses agences, envoyé des instructions sur l’ensemble du parcours de la ligne, enrôlé et formé le personnel des quatre paquebots ***.
* Initialement respectivement le Cortès et le Colon. Ils ont été construits en Écosse, le premier dans le chantier de M. Caird, de Greenock, le second dans celui de MM. H. et G. Thompson, de Glasgow. Lancement : Louisiane (Cortès) : 17 décembre 1861 ; Floride (Colon) : Mise en service : Louisiane : 14 avril 1862 ; Floride : Coque : longueur : 85 m, largeur : 11,60 m ; creux : 8.25 m (Ces dimensions varient selon les documents) Machines : 500 chevaux. Propulsion : vitesse : 12,5 nœuds lors de leurs essais à Greenock. Passagers : première classe, 100 passagers ; deuxième classe ; 72 passagers. (Leurs nombres varient selon les documents). Ces navires sont de type à spardeck, une longue dunette qui va de l’avant à l’arrière du navire, où sont intégrées les cabines des passagers et l’état-major du bord. Elles disposent toutes d’un hublot, même celles de deuxième classe. Equipage : Installations nouvelles : guindeaux et cabestans mus par la vapeur.
** À la South American & General Steam Navigation Co, elle acheta les 2 vapeurs en fer à hélice Imperatriz (1600 tonneaux) et Imperador (1596 tonneaux), sortis des chantiers de MM. Laird à Birkenhead (Liverpool) en 1854. Ils étaient gréés en trois-mâts barques, avaient une puissance de 1 000 chevaux et une vitesse de 10 nœuds. Tous les deux ont été réquisitionnés par le gouvernement de Sa Majesté pour le transport des troupes anglaises pendant la guerre de Crimée. L’Imperatriz prit le nom de Vera-Cruz et l’Imperador, Tampico.
*** L’agent de la Compagnie était M. Vial. On connaît, par la presse, le salaire mensuel de certaines catégories de marins embarqués sur les navires de la Compagnie : – matelot : 60 francs ; – timonier : 70 francs ; – novice : 40 francs ; – chauffeur, soutier, garçon de salle, cuisinier, boulanger, boucher, à convenir. Pour l’anecdote, en vertu d’une autorisation préfectorale, c’est M. Bourdeaux, « buraliste des marins » à Saint-Nazaire, qui était chargé de traiter avec les marins qui voulaient s’embarquer et de les faire passer au bureau de la marine aussitôt leur acceptation par le capitaine.
Le 14 avril 1862, le premier paquebot, la Louisiane, quittait le port de Saint-Nazaire pour le Mexique.
Avec cette nouvelle ligne, les passagers pour Santiago de Cuba et du Mexique, dans un temps plus court, arriveront directement à destination et éviteront les dépenses et retards inhérents à l’embarquement à Southampton et au transbordement à Saint-Thomas. Le transport des marchandises s’en trouvait facilité car la Royal-Mail n’assurait pas ce service.
Mises à Jour : 16/04/2024 – Ajout du diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques. Nouveau paragraphe sur les apports de cette nouvelle ligne.
1861 – De la Compagnie générale maritime à la Compagnie générale transatlantique
Nous avons vu que la compagnie Marziou, faute d’investisseurs, proposa de se désister en faveur de la Compagnie générale maritime *. Ce désistement fut accepté par le gouvernement. La loi du 3 juillet 1861, confirma la concession des services postaux de New-York et des Antilles faite à la Compagnie générale maritime représentée par M. Émile Pereire. Cette dernière en vertu du décret impérial du 22 juillet 1861, approuvant ses nouveaux statuts, prit le nom de Compagnie générale transatlantique.
*) Voir article « La naissance des services transatlantiques en France – 1857 à 1861 ».
Compagnie générale transatlantique
R-1 – Diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques Dessin Michel-Claude Mahé
R-2 – Juillet 1861 – Messageries impériales et Cie Générale Transatlantique. Dessin Michel-Claude Mahé
La loi du 3 juillet 1861 concédait les services postaux suivants, pendant vingt ans, à la Compagnie générale transatlantique * : 1) La ligne des Antilles (24 voyages par an) partant deux fois par mois de Saint-Nazaire pour la Martinique, et aboutissant à Aspinwall (isthme de Panama). L’itinéraire était fixé ainsi : – de Saint-Nazaire à la Martinique ; – de la Martinique à Sainte-Marthe ou Carthagène ; – de Sainte-Marthe ou Carthagène à Aspinwall.
Les trois services annexes suivants : a) De la Martinique à la Guadeloupe (24 voyages par an) ; b) De la Martinique à Santiago de Cuba (12 voyages par an) : – de Santiago de Cuba à Veracruz ; – de Veracruz à Tampico ; c) De la Martinique à Cayenne.
2) La ligne du Havre à New York (vingt-six voyages par an).
*) Les tableau R2 et R3, ci-dessous, montrent les distances parcourues et les temps théoriques de navigation. Vitesse minimum contractuelle de 10,5 nœuds pour la ligne des Antilles, 8 nœuds pour ses annexes, 11,5 nœuds pour la ligne le Havre à New York. La distance totale à parcourir annuellement était pour la ligne des Antilles et ses services annexes. de 104 752 lieux marines (314 256 milles marins) et 55 016 lieues marines (165 048 milles) pour la ligne Le Havre à New York.
R-3 – Temps de navigation et distances parcourues pour la ligne des Antilles et ses services annexes Dessin Michel-Claude MahéR-3 R-4 – Temps de navigation et distances parcourues pour la ligne Le Havre à New York Dessin Michel-Claude Mahé
La subvention annuelle pour les deux lignes était de 9 300 000 francs pendant vingt années, à partir du 25 juillet 1864, et proportionnellement à cette somme aussitôt que les navires seront prêts à commencer leur service.
La convention du 24 avril 1861, qui réglait les conditions de la concession, stipule que le gouvernement avancera à la Compagnie générale transatlantique, une somme de 18 600 000 francs pour aider à la construction des vapeurs, remboursable sans intérêt et par vingtième dans les vingt années de la concession. Ces vingt années commenceront trois ans après la date du décret de concession, soit le 22 juillet 1864. À cette époque la compagnie devait avoir à flot : – 5 navires de 850 chevaux soit 4,250 chevaux ; – 6 de 660 ch soit 3,960 ch ; – 3 de 200 ch soit 600 ch ; – 1 de 150 ch soit 150 ch ; – 1 de 125 ch soit 125 ch. Soit pour l’ensemble : 9 085 chevaux. Il est de plus stipulé que le gouvernement ne subventionnera aucune autre compagnie qui établirait un service postal entre la France et les Antilles, ou entre la France et cette partie de la côte américaine s’étendant de Terre-Neuve à l’embouchure de l’Amazone. La même convention dit, dans l’article 11, que le gouvernement réservera de préférence à la Compagnie générale transatlantique, la concession des services qu’il pourrait être utile de créer : 1) Entre la France et la Nouvelle-Orléans, avec escale à la Havane ; 2) Dans l’océan Pacifique, comme prolongement de la ligne de Saint-Nazaire à Aspinwall.
La Compagnie
Siège de la Société : 5, place Vendôme, Paris
Le capital de la Compagnie générale transatlantique était représenté par 80 000 actions de 500 francs. Elle a eu, en outre, le droit d’émettre 32 000 obligations remboursables à 500 francs. 20 000 actions payables au porteur ont été réservées pour l’Angleterre pour y être distribuées au prix de 525 francs (21 livres sterling l’une). Les intérêts à raison de 5 p, 100 par an sur le montant des versements, seront payés à partir du moment où la Compagnie sera en pleine activité.
Administrateurs de la compagnie en août 1862 : – M. Emile Pereire (Paris), président, (Président des chemins de fer du Midi.) ; – MM. Charles Berthier, vice-président du Tribunal de commerce ; – H. Biesta, directeur du Comptoir d’escompte ; – Bixio, administrateur des chemins de fer du Nord d’Espagne ; – V. Cibiel, administrateur de la Société immobilière de Paris ; – G. Clapeyron, membre de l’Institut ; – Mathieu Dollfus, administrateur de la Société immobilière de Paris ; – Davillier Dollfus, administrateur de la Compagnie générale des omnibus ; – Camille Depret, négociant ; – E. Flachat, ingénieur civil ; – le Duc De Galliera, administrateur des chemins de fer de Lyon, du Nord et du Midi ; – F. Grieningen, administrateur du Crédit mobilier ; – l’amiral Laplace ; – le duc De Noailles, administrateur du chemin de fer de l’Ouest ; – Isaac Pereire, président du Crédit mobilier ; – Eugène Pereire, administrateur de la Compagnie parisienne du gaz ; – le baron Selliere, administrateur du chemin de fer de Lyon ; – Sieber, manufacturier ; – le duc De Valmy, président du chemin de fer du Dauphiné.
En dehors de leur cahier des charges, MM. Marzou et Cie, les précédents titulaires de la concession, avaient pris l’engagement vis-à-vis du ministre de la Marine, dans une clause secrète, de faire exécuter en France la moitié de leurs navires afin de protéger les actionnaires des prétentions des constructeurs français. Le même engagement secret a été demandé à la Compagnie générale transatlantique. La nouvelle convention fut soumise au Corps législatif. La clause secrète fut convertie en un article additionnel dans la convention en vertu duquel la compagnie devait acheter ou faire construire en France la moitié de son matériel naval, l’autre moitié pouvant être exécutée à l’étranger selon le gré et l’intérêt de la Compagnie.
La Compagnie fit mettre en chantier huit paquebots de 850 chevaux : – trois à Greenock dans les ateliers de MM. Scott et compagnie *, chargés en même temps des coques et des machines. – cinq autres paquebots ** dont les coques furent exécutées à Saint-Nazaire dans un chantier créé par la compagnie et administré par MM. Scott et compagnie. Leurs machines ont été fabriquées chez Schneider et compagnie, au Creusot.
*) Washington (en fer à roues), mis en service en 1864, lancé le 17/06/1863 ; Lafayette (en fer à roues), lancé le 15/10/1863, mis en service en 1864 ; Europe, (en fer à roues), lancé le 22/07/1864, mis en service en 1865. Ils ont pour dimensions : longueur : 105 m ; largeur : 13,1 m ; creux : 9,2 m ; tirant d’eau : 6,1 m ; vitesse : 13 nœuds. **) Impératrice Eugénie (en fer à roues), 1865, lancé le 23/04/1864 ; France (en fer à roues), 1865 lancé le 01/10/1864 ; Nouveau Monde (en fer à roues), 1865 ; Panama (en fer à roues), 1866 ; Saint-Laurent (en fer à hélice), 1866.
Nous avons vu dans le dernier article les déboires de la Compagnie franco-américaine petit épisode dans la saga des services transatlantiques. L’importante compagnie Messageries impériales qui œuvre en Méditerranée se voit attribuer la ligne du Brésil ; celles de New York et des Antilles attendront encore un peu… Allez encore un loupé en 1858 et les choses vont redevenir sérieuses avec la Compagnie générale maritime qui deviendra la Compagnie transatlantique.
La naissance des services transatlantiques en France – 1857 à 1861
Q-1 – Diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques Dessin Michel-Claude Mahé
La loi du 17 juin 1857, a autorisé le paiement par l’État d’une subvention annuelle de 14 millions pour l’exploitation de trois lignes de correspondances, au moyen de paquebots à vapeur, entre la France et : – New York ; – les Antilles, le Mexique, Aspinwall et Cayenne ; – le Brésil et Buenos Aires.
Le décret du 19 septembre 1857 concéda aux Messageries impériales * le service de Bordeaux et Marseille au Brésil, avec prolongement sur la Plata (Buenos Aires), moyennant une subvention annuelle de 4 700 000 francs.
La convention stipulait qu’elle devait avoir à flot sept navires de 450 chevaux et 3 de 200 soit en tout 3,750 chevaux. Elle avait à parcourir, à raison de vingt-quatre voyages par an, 101,232 lieues marines (303 696 nautiques).
*) Les Messageries impériales étaient une importante compagnie. Sa création remonte à 1851. À cette époque, conformément à un premier contrat passé avec le gouvernement, elle succéda à l’administration des postes dans l’exploitation des paquebots assurant le transport des correspondances postales dans la Méditerranée. La flotte se composait de 17 navires, la plupart rachetés à l’État, représentant une force moyenne de 182 chevaux et un déplacement moyen de 800 tonneaux. Elle desservait l’Italie, le Levant et la Grèce, l’Égypte et la Syrie soit un parcours de 105 246 lieues marines (315 758 nautiques) calculés à 7,5 nœuds. En 1852, elle rattachait à son réseau les principaux ports de la Grèce et de la Macédoine. En 1854, le département de la guerre lui confiait l’exploitation de la correspondance postale et les transports militaires entre la France et l’Algérie. Pendant la guerre de Crimée, elle a assuré dans la mer Noire, la communication de l’armée avec son commandement. 1855, elle ouvrit une ligne entre Marseille, Civitavecchia et Naples principalement destinée à assurer les relations entre la métropole et l’armée d’occupation de Rome. La guerre terminée, elle prêta son concours à l’État pour le rapatriement des troupes. En 1857, l’effectif de la Compagnie était de 48 navires d’une force moyenne de 235 chevaux, d’un tonnage moyen de 1 141 tonneaux avec un parcours annuel de plus de 300 000 lieues marines (900 000 nautiques) et une vitesse comprise 8 et 9,5 nœuds.
1858 – Messageries impériales et Compagnie Marziou
Le 20 février 1858, un second décret mit la Compagnie Marziou * en possession de la concession des deux services : -) du Havre à New York ; -) Saint-Nazaire aux Antilles et Aspinwall, avec des services annexes sur la Guadeloupe, le Mexique et Cayenne. La subvention accordée fut fixée à 9 300 000 francs. Un cahier des charges annexé au décret de concession détermina les conditions d’exploitation des deux lignes. Le 16 octobre 1860, le concessionnaire, faute d’investisseurs, proposa de se désister en faveur de la Compagnie générale maritime **.
*) Elle se présentait sous le patronage de la compagnie du chemin de fer d’Orléans.
**) Compagnie générale maritime, société anonyme formée à Paris le 27 novembre 1854 sous le patronage la Société générale de Crédit mobilier (46% des parts) et autorisée le 2 mai 1855 par décret impérial approuvant ses statuts. Le fond social était de trente millions de francs divisé en soixante mille actions de cinq cents francs. Son siège social était 15, place Vendôme, Paris.
La Compagnie acheta le matériel de la Société la Terreneuvienne, comprenant 29 navires jaugeant ensemble 4 258 tonneaux, Au mois d’octobre 1855, elle obtint la francisation d’un navire à voiles et de six bâtiments à vapeur achetés en Angleterre. Au 1er janvier 1856, elle avait à la mer 45 navires. Lors de l’assemblée générale du 29 avril 1856 son matériel se composait de : – navires à vapeur : à flot : 8 ; en construction. : 2 ; – Navires à voiles : à flot : 45 ; en construction : 14. Soit ensemble : 69 navires jaugeant 23,850 t. La compagnie se consacrait alors à la navigation au long cours, le grand et le petit cabotage, l’armement et le commerce maritime.
Le Conseil d’administration provisoire était alors composé de MM. : José-Luis DE ABAROA, banquier, demeurant à Paris ; François-Barthélemy ARLES-DUFOUR, négociant, demeurant à Paris ; Hippolyte-Guillaume BIESTA, directeur du Comptoir d’escompte de la ville de Paris ; Vincent CIBIE, négociant, demeurant à Paris ; Nicolas CEZARD. Mathieu DOLLFUS ; Benjamin DELESSERT ; Adolphe D’EICHTHA, délégué de la Société générale de Crédit mobilier ; Frédéric GRIENINGER, banquier, demeurant à Paris ; Jacques-Edmond LECAMPION, armateur, maire de la commune de Granville. Camille LOPES-DUBEC, négociant, demeurant à Bordeaux Charles MALLET, banquier, demeurant à Paris ; Paul, duc DE NOAILLES, propriétaire, demeurant à Paris ; Émile PEREIRE, président du Conseil d’administration de la Compagnie des chemins de fer du Midi demeurant à Paris ; ; Isaac PEREIRE, délégué de la Société générale de Crédit mobilier ; Henri PLACE ; Joseph PERIER, banquier, régent de la Banque de France, demeurant à Paris Eugène RAIBAUD, négociant, membre de la chambre de commerce de Marseille ; Henry SIEBER, négociant, demeurant à Paris ; François-Alphonse THEROULDE , maison de commerce Lecampion, Theroulde et Cie établie à Granville ;
1860 – Messageries impériales et Compagnie Générale Maritime
Q-4 – Octobre 1860 – Messageries impériales et Cie générale maritime – Dessin Michel-Claude Mahé.
La Compagnie des Messageries impériales devait exécuter deux voyages par mois, soit vingt-quatre voyages par an, avec un départ alternativement de Bordeaux et de Marseille. Tout juste avant l’expiration du délai de trois ans accordé par le cahier des charges, elle exécuta un premier voyage de Bordeaux à Rio Janeiro avec le vapeur à roues la Guienne (Capitaine Enout, lieutenant de vaisseau de la marine impériale) *. Le paquebot quitta le port de Bordeaux le 26 mai 1860 et fit escale à Lisbonne, Saint-Vincent (Îles du Cap Vert), Pernambuc et Bahia. Les départs suivants de Bordeaux étaient prévus le 25 de chaque mois et effectués par les paquebots à vapeur à roues de 500 chevaux : Navarre, Estramadure, Béarn **.
*) Le paquebot La Guienne, construit aux chantiers de la Ciotat sur les plans et sous la direction de l’ingénieur Delacour est lancé le 15 octobre 1859. Il fut le premier transatlantique construit dans un chantier français. Coque : longueur de tête en tête : 101,70 m ; largeur à la flottaison : 11,63 m ; creux sur quille : 7,60 m ; déplacement en pleine charge : 3 188 t ; tirant d’eau correspondant : 5,25 m. Système de la machine : 2 cylindres oscillants ; force nominale : 500 chevaux ; nombre de tours machines correspondant : 19,5 par minute. Propulsion : 2 roues à aubes de 9, 50 m de diamètre extérieur, 14 aubes ; Emménagements : couchettes à l’arrière : 83 ; à l’avant : 60 ; entrepont ; 81 : total : 224. La compagnie possédait ses propres chantiers « Les chantiers et ateliers de la Ciotat » où elle construisait généralement ses navires cependant, elle confiait la construction à d’autres chantiers telles que « Les forges et chantiers de la Méditerranée » situées à la Seyne près de Toulon.
**) Ces navires étaient identiques (mêmes caractéristiques, même taille, même classe) à la Guienne. La Navarre fut lancé à La Seyne le 15 novembre 1859 ; l’Estramadure, le 25 ljanvier 1860 à La Seyne ; le Béarn, le 1er juin 1860 à La Ciotat.
Q-5 – La Guienne de la Compagnie des Messageries impériales – Collection Michel-Claude Mahé.
Le service annexe entre Rio Janeiro, Montevideo et Buenos Aires fut inauguré le 24 octobre 1860 avec la Saintonge, paquebot à roues de 250 chevaux.
*) La Saintonge, construit au chantier L. Arman à Bordeaux. Lancé le 17 décembre 1859. Départ de Bordeaux le 25 août 1860. Coque : longueur HT : 79,64 m ; largeur : 9,7 m ; jauge brute : 826 tx ; déplacement : 1247 tonnes. Machine : 1 machine oscillante verticale à 2 cylindres ; puissance : 250 chevaux. Propulsion : 2 roues à aubes ; vitesse : 8,5 nœuds. Passagers : 25.
La suppression de la deuxième ligne du Brésil et de la Buenos Aires partant de Marseille fut consentie par l’État. Aux termes de la convention du 22 avril 1861 la subvention fut réduite à 2,306,172 francs mais la Compagnie devint concessionnaire du service postal de l’Indochine. Celui-ci était au départ de Suez et aboutissait à Saïgon avec des services annexes aboutissant à l’Inde anglaise, la Réunion, Maurice, Manille, Java, Canton et Shanghai. Une subvention moyenne de 6 millions pendant vingt-quatre ans a été attribuée à ce service en vertu de la loi de juin 1861.
Mise à jour : 26-07-2023 – Corrections lieux marines en nautiques. Ajout paragraphe : « La convention stipulait qu’elle devait avoir à flot sept navires… » 02-04-2023 – Ajout d’un diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques.
CONFÉRENCE – DEBAT présentée par Michel-Claude Mahé. « Les conflits religieux à Nantes et à Saint-Nazaire en 1926 » Le jeudi 15 juin 2023 à 18 h 30, à l’Hôtel Aquilon, Rond-point Océanis, Saint-Nazaire. Qu’allons-nous voir dans cet exposé ? Pas des choses extraordinaires, deux événements, presque des faits divers, qui se sont produits quelques semaines voire quelques jours avant l’inauguration du Monument américain en 1926 à Saint-Nazaire. Ce sont : – L’enlèvement des emblèmes religieux à l’hôpital de Saint-Nazaire ; – L’interdiction des processions. En déroulant le film de ces instants de vie, nous pourrons mieux appréhender les problèmes de cette époque.
Je vous propose dans ce nouvel article de continuer la chronologie de l’établissement des lignes transatlantiques. Je vous avoue qu’arrivé à ce point d’étude ce fut pour moi une révélation. J’avais, comme tout un chacun, entendu parler des frères Gauthier avec leur Compagnie franco-américaine qui m’apparaissait comme un feu de paille dans l’histoire des lignes transatlantiques. Que nenni ! Voilà une entreprise qui osa seule s’attaquer à ce problème, finança ses propres navires à hélice, dont deux très innovants avec une machine à vapeur et vapeur d’éther, réussit à prendre une petite place dans cette concurrence acharnée anglo-américaine mais qui fut lâchée par un gouvernement impérial qui certes avait compris les enjeux commerciaux néanmoins refusa d’entendre les suppliques des principaux négociants de Lyon, de Paris, etc. pour accompagner, conforter cette compagnie…
1853 à 1858 – La Compagnie franco-américaine (Gauthier frères)
P-1 – Diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques Dessin Michel-Claude MahéP-2 – 1856 – Compagnie franco-américaine – Gauthier frères. Dessin Michel-Claude Mahé.
1853 à 1855
En 1853, les frères Gauthier, de Lyon, formèrent une compagnie dite « franco- américaine » pour établir un service de paquebots entre le Havre et New York. Pour ce projet, dans le même temps, elle commanda aux chantiers Guibert de Nantes deux navires à hélice : le Jacquart et le François Arago *. Ces deux navires étaient les plus grands jamais sortis des chantiers de la Loire. Dès leur sortie, ils ont été affrétés par le gouvernement pour transporter des troupes en Crimée. Ils pouvaient prendre de 2 500 à 3 000 soldats à leur bord.
*) Caractéristiques du Jacquart et du Francois-Arago Chantiers de construction Guibert (Nantes). Le Jacquart, lancement : 18-11-1854, mis en service : 1855 ; coût de construction : 1 500 000 francs. François-Arago, lancement : 20-05-1855, mis en service : 1855. Longueur hors-tout : 80,60 m ; longueur à la flottaison en charge 75 m ; largeur au bau : 11,80 m ; creux : 10 m ; tirant d’eau en charge : 6 m, déplacement : 3500 t ; vitesse 9,8 nœuds ; puissance effective des machines : 600 chevaux, alimentées par le système Du Tremblay en combinant deux appareils : l’un utilisant la vapeur d’eau, l’autre la vapeur d’éther. Ils étaient armés en trois-mâts et leur voilure était de 1 500 mètres carrés. Ils étaient compartimentés par sept cloisons transversales étanches. Ces navires étaient prévus pour 100 hommes d’équipage, 150 passagers, 700 émigrants. Ils pouvaient porter : 1 000 tonneaux de marchandises, 450 tonneaux de charbon, 16 000 litres d’éther, les vivres, sept embarcations.
1856
Elle avait répondu à la soumission du gouvernement en 1856 et faisait partie des trois compagnies restées en lice *. Cependant, sans attendre, elle fonda, par ses seuls moyens financiers deux services partant du Havre, l’un pour les États-Unis, l’autre pour le Brésil avec neuf bateaux **, dont cinq achetés en Écosse, chez le constructeur Laird, et quatre construits à Nantes. La ligne des États-Unis fut inaugurée le 23 février 1856 au départ du Havre ***, celle du Brésil, le 10 avril 1856 au départ de Rio de Janeiro ****. En hiver, les départs étaient mensuels sur chacune des deux lignes et bimensuels pendant l’été au départ de New York. En septembre de la même année, une nouvelle ligne fut mise en place du Havre à la Nouvelle Orléans avec des escales à Cadix, La Martinique, La Guadeloupe, la Havane *****.
*) Voir article précédent. La naissance des services transatlantiques en France – 1840 à 1856
**) Ses bateaux dits, vapeurs mixtes, en fer, utilisaient soit la voile, soit la vapeur et étaient dotés d’une hélice. Le Jacquart, 2.400 tx , 500 ch, Chantiers Guibert frères (Nantes) ; Le François-Arago, 2.400 tx , 500 ch, Chantiers Guibert frères (Nantes), 1855 ; L’Alma, 2.200 tx , 500 ch , chantiers Laird (Écosse) Le Sébastopol, 2.200 tx , 500 ch ; Le Barcelone, 2.000 tx, 500 ch , chantiers Laird (Écosse) ; Le Cadiz, 2.000 tx,, 500 ch, chantiers Laird (Écosse) ; Le Lyonnais, 2.000 tx , 500 ch, chantiers Laird (Écosse) ; Le Franc-Comtois, 2.000 tx , 500 ch,. Ils pouvaient porter 750 tonneaux de charbon et 750 tonneaux de marchandises. Ils étaient aménagés pour recevoir 160 passagers, et comptaient 85 hommes d’équipage.
***) Le Barcelone (capitaine Morin) inaugura la ligne de New-York. Parti du Havre le 23 février 1856, il effectua sa traversée d’aller en 20 jours, et celle du retour en 14 jours.
****) La ligne de Rio fut inaugurée avec Le Cadiz (capitaine Dugast). Parti de Rio le 10 avril 1856, il entrait au Havre le 16 mai. Son voyage dura 24 jours environ, déduction faite du temps de séjour aux escales.
*****) Elle fut inaugurée le 1er septembre 1856 par le Jacquart (capitaine Bourdillat). En juin 1856, après deux années de service continu en Méditerranée, le Jacquart est rentré au Havre pour y subir des transformations dans ses aménagements pour donner aux passagers de cette nouvelle ligne tout le confort possible.
Du côté du gouvernement, le projet de la concession des paquebots semblait totalement bouclé, mais il laissait planer l’incertitude. Les uns disaient : « la question est ajournée », d’autres assuraient « la solution est prochaine ». La ligne Le Havre – New York était desservie par les compagnies anglaises et américaines richement subventionnées *. L’entrée sur le marché de la Compagnie franco-américaine a eu pour effet immédiat de faire baisser de moitié le prix du fret sur celle-ci. La concurrence devint inégale et acharnée **. Cette baisse de prix était excellente pour le commerce national, mais c’était aux dépens de la Compagnie franco-américaine qui ne pouvait soutenir longtemps une pareille concurrence sans une subvention du gouvernement. Conscients de la situation, les principaux négociants de Lyon, de Paris, du Havre et de plusieurs autres villes s’en alarmèrent et adressèrent leurs supplications à l’empereur, pour qu’elle obtienne son appui. Rien n’y fit.
*) La Compagnie Livingstone, qui naviguaient avec des subventions particulièrement avantageuses. La Compagnie Vanderbilt, qui ne bénéficiait d’aucune subvention mais disposait de capitaux très élevés et de grands navires perfectionnés, enlevait également à la compagnie française une bonne partie de la clientèle potentielle.
** Les compagnies concurrentes n’hésitaient pas à jouer sur la vitesse de leur navire, quitte à dépenser plus de charbon.
P-3 – Naufrage du Lyonnais – Crédit Photo : University of California
La perte du Lyonnais (capitaine Devaux) fut un coup très dur pour la compagnie. Le 02 novembre 1856, le paquebot faisant le service transatlantique New York – le Havre a été abordé par un navire l’Adriatic (capitaine Darham) et a coulé. Sur les 40 passagers de première classe, 5 seulement ont été retrouvés. Sur 94 hommes d’équipage et 58 passagers admis à bord à titre gratuit pouvant être employés pendant la traversée, il n’en a été retrouvé que 11. Il y avait un total de 192 personnes à bord.
1857
Mi-février 1857, après trois voyages seulement accomplis par ses paquebots sur la ligne du Havre à la Nouvelle Orléans, la Compagnie informa ses correspondants à Saint-Pierre qu’elle n’enverrait plus de steamers dans les Antilles. Elle a supprimé les escales à la Martinique, à la Guadeloupe et la Havane *.
*) Il se peut que cette décision fût une conséquence géopolitique : l’affaire du moment en Espagne était le conflit avec le Mexique. Le 5 mars 1857, à Madrid, on écrivait : « La République mexicaine ayant refusé la satisfaction que nous avions justement demandée, notre représentant, M. Jorela, a quitté ce pays et il est venu à la Havane. La Vera Cruz et toute cette côte sont bloquées par notre marine et bientôt les Mexicains apprendront à leurs dépens que l’on ne se joue pas impunément de l’honneur et des intérêts de l’Espagne… Tous les bâtiments qui doivent porter des renforts à Cuba ont l’ordre d’accélérer le plus possible leur équipe. »
À cette époque, l’Espagne souhaitait se doter d’un service transatlantique. Les adjudications qu’elle avait menées jusqu’alors ne donnaient pas les résultats escomptés. Le 5 avril 1857, une ordonnance royale espagnole a été rendue. Elle concédait le service transatlantique espagnol entre Cadix et la Havane, avec une subvention de 176 000 francs par voyage à MM. Gauthier frères et Cie.
Les 22 et 23 décembre 1857, la Compagnie franco-américaine fut dissoute et a nommé une commission de liquidation.
1858
Le Jacquart fut saisi le 19 avril 1858, à la requête de M. Frédéric de Conninck, porteur d’une dette liée à une réparation du navire. Le 27 septembre 1858, le Jacquart a été adjugé à l’audience des criées du tribunal civil du Havre à M. F. de Conninck, pour la somme (non compris les charges) de 50 100 francs pour être démoli et dépecé * mais en mars 1859, la cour impériale de Rouen prononça l’annulation de l’adjudication, le juge commis pour procéder à la vente ayant outrepassé ses prérogatives. Il faut rappeler que le coût de la construction du Jacquart avait été de 1 500 000 francs. En décembre 1858, la Compagnie péninsulaire et orientale (une compagnie anglaise) acheta l’Alma, le Franc-Comtois, le Barcelone et le Cadiz pour 550 000 francs chacun. Le François-Arago a été vendu à Liverpool.
*) La tôle de la coque et le cuivre auraient pu à la vente produire plus de 100 000 francs. La démolition avait été programmée pour éviter de rembourser une prime de 155 000 francs obtenue gratuitement de l’État du fait que la machine à vapeur était de fabrication française, sous la condition qu’elle serait remboursée si le navire cessait d’être destiné à la navigation internationale maritime.
Le 29 juin 1858, MM Gauthier frères furent déclarés en faillite par jugement du tribunal de commerce de la Seine.
Les premiers mots que j’ai écrits pour ce présent article furent : « Petit historique du chantier Scott ». Puis je me suis ravisé, une question m’étant venue à l’esprit : que sais-je de la naissance de la Compagnie Générale Transatlantique qui le porta au berceau ? Des brides d’informations assurément. J’ai contemplé la pléthore de livres et documents dans ma bibliothèque traitant de ce sujet… feuilleté quelques-uns… Hum… Le constat est sans appel : il serait bon de réviser, repréciser dans mon esprit la chronologie de l’établissement des lignes transatlantiques et par là même en dégager les péripéties de sa naissance… C’est l’objet de cet article.
La naissance des services transatlantiques en France
Le développement anglosaxon
La navigation au moyen de la vapeur fut appliquée et développée en premier lieu à la navigation fluviale et côtière. En 1807, Fulton établit un service régulier sur l’Hudson entre New York et Albany distants de 222 km. En 1819, le Savannah, un bâtiment américain traversa l’Atlantique à l’aide de ses voiles et de la vapeur. Les chemins de fer se développèrent et les progrès techniques réalisés rendaient possibles un développement similaire sur les océans au moyen de vapeurs rapides. Les grandes nations maritimes en firent une de leurs principales préoccupations. En 1837, le Syrius et le Great-Western, partant l’un de Cork, l’autre de Dublin arrivèrent à New York. On vit alors de grandes compagnies se former pour la navigation à vapeur transatlantique, encouragées par de fortes subventions. Une décennie plus tard, leurs paquebots parcouraient toutes les mers. Des services réguliers rattachaient l’Amérique, l’Inde, la Chine, l’Australie à l’Angleterre. Les États-Unis suivirent l’Angleterre dans la même voie. Ils établirent, eux aussi, des services réguliers à vapeur sur l’Europe, les Antilles, le Pacifique et entre les ports les plus importants de leurs immenses côtes. Que faisait la France pendant qu’elle se faisait distancer ? Elle discutait, discutait et rediscutait la question transatlantique sans pouvoir mettre en place un projet viable…
O-1 – Diagramme synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques Dessin Michel-Claude Mahé
Les tentatives françaises
Projet de 1840
O-2 – Lignes Transatlantiques – Le projet de 1840 Dessin Michel-Claude Mahé
La première tentative française pour mettre en place une navigation rapide entre la France et les Amériques, en utilisant la force de la vapeur, date de 1840. Un projet de loi * était alors présenté aux Chambres. Trois lignes principales devaient être établies : 1) Le Havre à New York, concédée à une compagnie ; 2) Une ligne, exploitée par l’état, partant alternativement de Bordeaux et de Marseille vers les Antilles, avec un embranchement d’une part sur le golfe du Mexique et la Nouvelle- Orléans, et d’autre part vers Carthagène et Chagres ; 3) Une ligne, exploitée par l’état, partant de Saint-Nazaire sur Rio Janeiro, avec un service annexe touchant Montevideo et Buenos-Aires.
*) Dans Loi du 16 juillet 1840, il était établi un principe d’égale répartition de l’appui du gouvernement aux quatre grands ports de mer et de conserver à chacun le commerce spécifique auquel il était en possession. Ainsi le Havre devait avoir la ligne des États-Unis ; Nantes, celle du Brésil ; Bordeaux et Marseille, les deux lignes des Antilles et du Mexique, dans la proportion de trois cinquièmes pour Bordeaux et de deux cinquièmes pour Marseille.
Le ministre de la Marine se vit mettre à sa disposition vingt-huit millions de francs pour construire 18 bâtiments * de 450 à 220 chevaux et celui des Finances l’autorisation de traiter avec une compagnie qui assurerait le service du Havre à New York moyennant une subvention de 800 francs par cheval. Ces navires étaient conçus pour un double emploi, navires de commerce et de guerre. Les conditions de solidité qu’on leur avait imposées, pour les usages de la guerre, ralentissaient leur marche au point de les rendre impropres aux services auxquels ils étaient destinés.
* En juin 1845, on constatait que 17 avaient été construits dans les arsenaux et étaient à la disposition du gouvernement (450 chevaux : Albatros, Canada, Caraïbe, Christophe-Colomb, Darien, Labrador, Montezuma, Orénoque, Panama, Ulloa ; 220 chevaux : Caïman, Élan, Espadon, Phoque).
La ligne du Havre à New York ne trouva aucun candidat, la subvention ayant paru trop faible. Les lignes du Brésil et des Antilles ne purent être mises en place. L’établissement des paquebots transatlantiques fut donc ajourné. Cinq années d’études s’écoulèrent avant que l’on ne prît conscience que les constructions n’étaient pas adaptées au service demandé et que le projet était voué à l’échec.
Projet de 1845
O-3 – Lignes Transatlantiques – Le projet de 1845 Dessin Michel-Claude Mahé
En 1845, le gouvernement saisissait les Chambres d’un nouveau projet de loi dans lequel il demandait à traiter avec des compagnies pour l’exploitation de quatre lignes principales, partant de France et aboutissant à Rio Janeiro, à la Martinique ou à la Guadeloupe, à la Havane et à New York et l’autorisation de passer des traités pour des lignes secondaires qui seraient desservies par des paquebots de moindre force sur Montevideo et Buenos Aires, sur la Guyane et sur les ports du golfe du Mexique et de la mer des Antilles. Le projet de loi indique seulement les points d’arrivée des lignes. Il laisse aux compagnies qui sont appelées à les soumissionner le choix des points de départ de France *.
*) La chambre de commerce de Bordeaux a réagi à cette disposition qui n’était plus dans l’esprit de la loi de 1840 à savoir une répartition équitable sur les quatre ports et suivant leur spécificité commerciale. Elle demandait que les points de départ de France continuent à être répartis entre les quatre ports du Havre, de Nantes, de Bordeaux et de Marseille.
La commission chargée de l’examen des propositions de la loi proposa :
de maintenir les points de départ fixés par la loi de 1840 et de laisser au gouvernement d’affecter ultérieurement les points d’arrivée pour chacun des ports ;
d’adopter le principe de l’exploitation des lignes principales par les seules Compagnies ;
de n’allouer de crédits pour aucune nouvelle construction de paquebots. Elle considérait que ceux déjà construits avec les autres bateaux à vapeur que possède le gouvernement suffisent pour le moment pour l’exploitation des lignes transatlantiques ;
de ne les ouvrir qu’en 1846.
Le projet de loi est retiré et remis à la prochaine session de l’année suivante.
En 1847 – Compagnie Hérout et de Handel
O-4 – 1847 – Compagnie Hérout et de Handel. Dessin Michel-Claude Mahé.
En 1847, deux nouveaux projets de loi furent présentés : 1) Le premier demandait l’approbation d’un traité passé entre le ministre des Finances et la compagnie Hérout et de Handel, pour le service du Havre à New York. 2) Le second, réclamait l’autorisation de passer, avec une ou plusieurs compagnies, des traités pour l’exploitation de trois lignes principales partant de Saint-Nazaire, de Bordeaux et de Marseille, et aboutissant à Rio Janeiro, à la Martinique ou à la Guadeloupe et à la Havane * avec des services annexes vers Buenos Aires, la Guyane, les ports de la mer des Antilles et du golfe du Mexique.
Le projet de loi relatif au traité avec la compagnie Hérout et de Handel fut adopté * et le service établi avec quatre paquebots du gouvernement **.
*) La durée du traité était de dix années consécutives à compter du jour de la remise des paquebots à la Compagnie. Il fut approuvé ainsi que le cahier des charges par la loi du 25 avril 1847. La Compagnie s’engageait à établir la ligne de paquebots pour le transport régulier des dépêches, des voyageurs et des marchandises. Le gouvernement lui avait concédé, pour tout le temps que durerait le traité et pour lui tenir lieu de la subvention, quatre paquebots de la force de 450 chevaux à la condition que ces bâtiments resteraient la propriété de l’État et que le ministre des Finances pourrait, en cas d’inexécution de l’une ou de plusieurs des clauses de la convention, en ordonner la réintégration dans les arsenaux de la marine royale. **) Darien, Uloa, Christophe Colomb, Canada, exploités sous les noms de : New-York, Missouri, Philadelphie et Union. Ces bateaux, issus des constructions réalisées par la loi de 1840, étaient les seuls complètement équipés en paquebots transatlantiques Technologiquement dépassés, il leur fallait entre 17 à 19 jours pour effectuer la traversée..
En 1848, elle a suspendu son service après quelques mois pour manque de rentabilité et cessé de remplir ses engagements. Par décret du 12 avril 1848, le gouvernement provisoire * a autorisé le ministre de la Marine à s’emparer des bâtiments concédés à la Compagnie.
*) Gouvernement qui a suivi la révolution de 1848.
Le second projet de loi, qui prescrivait l’établissement de trois autres lignes, après deux rapports, dont l’un ajoutait un prolongement jusqu’à la Nouvelle- Orléans, ne fut pas discuté.
En 1855 et 1856
En 1855 et 1856, le gouvernement français provoqua des soumissions pour l’exploitation des trois lignes de New York, des Antilles et du Brésil. Sept compagnies répondirent à cet appel en mars 1856 *. Une commission formée par le ministre des Finances examina leurs propositions et en premier lieu élimina quatre d’entre elles. Trois seulement restèrent en liste **.
*) Les Compagnies principales en concurrence : MM. Gauthier frères ; Les Messageries impériales et la Compagnie maritime du Crédit mobilier fusionnées ; La Compagnie franco-américaine de MM. Gauthier frères ; La Compagnie Barbey, de la Moskowa, de Montebello ; La Compagnie V. de Marziou, Rothschild, Dufour et autres ; La Compagnie Fouché et Comp. ; La Compagnie A. Séguin, des Ateliers de construction de Sète (Cette, selon la graphie de l’époque).
**) La Compagnie V. de Marziou, Rothschild, Dufour et autres ; subvention demandée : 10 millions ; La Compagnie franco-américaine de MM. Gauthier frères ; subvention demandée : 11,5 millions ; Les Messageries impériales et la Compagnie maritime du Crédit mobilier fusionnées ; subvention demandée : 16 millions.
La décision fut ajournée. Le gouvernement présenta un projet de loi qui fut voté le 7 juin 1857 qui autorisait le paiement d’une subvention maxima de 14 millions pour l’exploitation de trois lignes de correspondance à vapeur entre la France et : 1) New York ; 2) les Antilles, Aspinwall, le Mexique et Cayenne ; 3) le Brésil et Buenos-Aires.
Mises à jour : 16-05-2023, ajouts des compagnies soumissionnaires au paragraphe « En 1855 et 1856 » ; 30-03-2024, mise à jour générale. Ajout du synoptique des tentatives et des établissements des différentes lignes transatlantiques.
Nous avons vu dans l’article précédent où se trouvaient les principaux chantiers dans l’estuaire en 1875, notre année de référence, et que cette dernière se situait dans une période où les grands chantiers de Saint-Nazaire avaient cessé leur activité. Je ne me retrouvais pas dans la chronologie des événements de cette période, peut-être est-ce mon esprit plus scientifique que littéraire, aussi pas à pas, année par année, j’ai repris les informations des documents d’époque pour compléter mes fiches déjà établies dans des travaux précédents. Il m’a semblé essentiel, pour mieux appréhender, bien situer l’enchaînement des grandes transitions et transformations qui se sont faites, de les organiser dans un rapide historique du développement de Saint-Nazaire sous la forme d’un synoptique. Dans un second temps, à titre de simple curiosité, nous verrons qu’elles ont été leurs implications sur la démographie de cette ville naissante.
La fin du 19e siècle fut marquée par un net ralentissement de l’augmentation de la population… ce ne fut pas le cas pour Saint-Nazaire *. Simple bourgade, avant 1850, Saint-Nazaire est l’exemple unique en France d’une ville se développant avec la spontanéité qui caractérise les cités américaines. M. Henri Chevreau **, préfet, conseillé d’État, qui a beaucoup œuvré pour son développement, l’avait qualifié de « Liverpool de l’Ouest ».
*) Voir article : « Le ralentissement démographique en France à la fin du XIXe » **) Un quai du bassin de Saint-Nazaire et une rue de Paris portent son nom.
N-1 – Saint-Nazaire vers 1857 avec son nouveau bassin. * – Collection David Silvestre
*) Le premier bassin dit « bassin de Saint-Nazaire » – Les deux cales de radoub à droite n’ont jamais été construites.
N-2 – Saint-Nazaire, place de la Marine et vue du bassin en 1871 – Collection Michel-c Mahé
Nous avons vu que l’embouchure de la Loire est sujette à l’ensablement et l’envasement. Ce phénomène naturel empêchait le passage des gros navires vers Nantes. Pour remédier à ce problème, on procéda à des allègements, des transbordements dans les rades de Paimboeuf et de Mindin sur des allèges qui descendaient et remontaient la Basse-Loire. Pour offrir un avant-port à Nantes et opérer ces transbordements dans des eaux plus tranquilles, l’établissement d’un bassin à flot, mis en service en 1857, le plus de grand de France à l’époque, était le moyen le plus adéquat. La compagnie de chemins de fer de son côté, pour l’intérêt de son trafic et optimiser ses transbordements, a vu d’un bon œil la possibilité de traiter des navires de tout tonnage et en accostant au plus près de ses rails. Elle étendit son réseau jusqu’à Saint-Nazaire en août 1857. En 1862, la Compagnie Générale Transatlantique établit ses deux têtes de lignes postales vers l’Amérique centrale. Saint-Nazaire ne cessera alors de prendre de l’importance et devint chef-lieu d’arrondissement, c’est-à-dire sous-préfecture, à la place de Savenay en 1868. L’extension du commerce maritime nazairien fut croissante au détriment de Paimboeuf et sur fond de rivalité avec Nantes. L’avant-port devint un port à part entière. Je ne peux résister à introduire une boutade de M. de Serbois tirée de son livre « Souvenirs de voyages en Bretagne et en Grèce » paru en 1864 : Quand on leur dit (aux Nazairiens) : « Vous allez être un autre Nantes ? », ils secouent la tête d’un air modeste, et répondent : « Oh pas encore ! » mais en sous-entendant : « Bientôt ».
*) Compagnie d’Orléans avec la ligne Paris, Tours, Nantes en 1851 (427 kilomètres de Paris) et Saint- Nazaire en 1857 (491 kilomètres de Paris, 64 kilomètres de Nantes).
Développement de Saint-Nazaire
N-3 – Synoptique du développement de Saint-Nazaire entre 1860 et 1887 – Dessin Michel-C Mahé
Pour nous permettre de visualiser les différentes phases de son développement (implantations des chantiers, transitions administratives et infrastructures portuaires), il m’a semblé judicieux de réaliser un synoptique (N-3) pour la période la plus significative. L’intégration dans celui-ci des résultats du commerce du port aurait été intéressant mais à l’heure où j’écris je n’ai que des résultats partiels du tonnage de Saint-Nazaire pour cette période.
Voyons quelques dates importantes :
1856 – Inauguration du premier bassin, dit « bassin de Saint-Nazaire » ;
1857 – La Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans relie Saint-Nazaire à Nantes ;
1862 – Établissement du chantier naval Scott * ;
1862 – Installation des lignes postales transatlantiques vers l’Amérique centrale par la Cie Générale Transatlantique. Le 14 avril 1862, le paquebot Louisiane ** part de Saint-Nazaire pour Veracruz, inaugurant la ligne vers le Mexique ;
24 avril 1864 – Lancement de l’Impératrice Eugénie *** , le premier des cinq paquebots construits pour le compte de la Cie Générale Transatlantique par le chantier Scott ;
1865 – Le village de Méan**** situé à proximité du chantier de Penhouët est détaché de la commune de Montoir pour intégrer celle de Saint-Nazaire ;
1866 – Les chantiers Scott font faillite ;
1868 – Saint-Nazaire devient sous-préfecture à la place de Savenay ;
1869 – La Compagnie Générale Transatlantique cède l’ancien chantier Scott, dont elle est devenue propriétaire, à la Société des chantiers et ateliers de l’Océan ;
1870 – Fermeture des chantiers de l’Océan ;
1879 – Fondation de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire ;
08 mai1881 – Inauguration du second bassin, dit « bassin de Penhouët » *****.
*) Aussi appelé communément « Chantier de Penhouët » (Penhouët, selon la graphie de l’époque.) **) « Louisiane » ; ligne du Mexique ; trois-mâts à vapeur à hélice ; 1115 tonneaux, construit en 1862 à Glasgow ; 89 m de long ; 12 m de large ; vitesse 12 à 13 nœuds. ***) « Impératrice Eugénie » ; ligne de New York ; paquebot à vapeur à roues ; 106 m de long ; 13,40 de large ; déplacement 5650 tx ; vitesse 13 à 14 nœuds. ****) Méan (Méans, selon la graphie de l’époque) est un petit port à l’embouchure du Brivet. Vers 1856, son trafic était plus important que celui de Saint-Nazaire. Sa population, principalement maritime, se composait en grande partie de navigateurs et de charpentiers de marine. C’était une véritable pépinière de capitaines au long cours et de maîtres de cabotage. Trois chantiers de construction navale œuvraient sur ses rives : les chantiers Vince, Ollivaud, et Mahé. Une industrie connexe s’était développée : les forges Dandeau, un poulieur et un cordier. Un poste de douane y était implanté. Il a été détaché de la commune de Montoir dans le cadre d’une possible continuité du développement du port de Saint-Nazaire jusqu’au Brivet.
*****) Le creusement du bassin se fit en plusieurs phases. 1ère : « Creusement d’une partie du bassin et établissement de la partie correspondante des chantiers de constructions. » Adjudication le vendredi 4 ou 11 avril 1862 ; 2e : « Construction de l’écluse à sas et de la digue de ceinture du bassin à flot. » Adjudication le 11 mai 1864 ; 3e : « Creusement du bassin de Penhouët. » Adjudication des travaux le 18 août 1869 ; 4e : « Travaux d’établissement de portes métalliques à l’écluse à sas de Penhouët. » Adjudication le 18-08-1869.
On remarque qu’en 1875, notre année de référence, il n’y avait plus de grand chantier de construction navale à Saint-Nazaire.
Évolution de la population de Saint-Nazaire
N- 5 – Évolution de la population de la commune de Saint-Nazaire de 1793 à 1901 – Dessin Michel-C Mahé
En matière d’évolution de la population, les établissement des deux bassins, le premier en 1856 et le second en 1881, ont été déterminants. On observe des accroissements en 1861 et 1866 respectivement de 89% et 75% ; en 1886 et 1891 respectivement de 28% et 21%. Il faut noter que le rattachement du quartier de Méan, initialement faisant partie de Montoir, amena environ 2500 habitants au recensement de 1866. La fermeture du chantier Scott en 1866 fut la cause de la baisse de la population observée en 1872, près de 2000 familles ouvrières quittèrent Saint-Nazaire. L’influence de l’ouverture et la fermeture du chantier de l’Océan ne peuvent être quantifiées. La désorganisation due à la guerre de 1870 a probablement, elle aussi, contribué à cette baisse.
À vos agendas : Conférence-rencontre « La Basse- Loire et l’estuaire en 1875 » Le samedi 4 mars 2023, à 10 h 30 à la Médiathèque municipale Barbara, 7, rue du Berry 44550 Montoir-de-Bretagne. N’oubliez pas de réserver : 02.40.70.11.51 Je vous propose de faire un voyage en suivant le fleuve de Nantes à son estuaire, à la rencontre des différents ports, les grands et les petits, leurs trafics entre les colonies, l’Europe et l’Amérique, les différents types de navires utilisés. Nous parlerons des principaux armateurs et des caractéristiques de leur flotte pour se positionner sur les différents marchés.
Les chantiers navals en Basse-Loire au 1er janvier 1875
Nous avons vu dans le précédent article, que les principaux armements nantais, ayant une flotte diversifiée (Legal, Grenet), construisaient « local » dans les chantiers implantés dans l’estuaire. Je vous propose d’aller à la rencontre des principaux constructeurs de navires, ceux capables de produire des unités de plus de cent tonneaux, toujours pour notre année de référence 1875. Nous répondons à deux questions simples : « Qui étaient-ils ? », « Où étaient-ils situés ? ». Dès lors que l’on aborde ces deux questions, le « comment ? » et le « pourquoi ? » s’invitent à notre réflexion mais ç’est une autre histoire…
M-1 – Les chantiers navals en Basse-Loire en 1875 Source Archives départementales Loire-Atlantique – Dessin Michel-C Mahé
Les chantiers autour de Nantes
La plupart des chantiers construisaient des voiliers traditionnels (trois-mâts, bricks, goélettes, etc.) à: – Trentemoult : les chantiers Boju ; Cassard ; Tillé ; – Norkiouse, à côté de Trentemoult : Clergeau ; – Paimboeuf : Baudet fils et J. Croizet ; – Méan : Lamort ; Pierre-Marie Loumeau ; Émile Fidel Ollivaud.
Quelques-uns maîtrisaient l’installation d’un appareil propulsif à vapeur : Dubigeon et fils, à Chantenay ; Jollet et Babin dans l’île Videment.
Les chantiers de Saint-Nazaire
M-2 – Les chantiers navals à Saint-Nazaire de 1860 à 1867 – Dessin Michel-C Mahé
Mandaté par la Compagnie Générale Transatlantique en 1862, John Scott installa un chantier naval à Penhoët, mais il fit faillite en 1866. Le site étant la propriété de la Compagnie Générale Transatlantique, il resta en l’état de friches industrielles jusqu’en 1881.
Après la faillite des chantiers Scott, il a fallu attendre 1869 pour que la Société des chantiers de l’Océan reprenne le site. Le premier navire de ce nouveau chantier fut le Ville de Brest, premier navire à hélices construit en France. Les Chantiers de L’Océan cessèrent leur activité en 1870.
La reprise suivante ne se fit qu’en 1881 sous le nom des « Chantiers de Penhoët ». En 1882, les Ateliers et Chantiers de la Loire, une entreprise nantaise, s’installèrent à Saint-Nazaire. Ils étaient approvisionnés en fer par les Forges de Trignac.
Ce que l’on remarque, c’est qu’en 1875, la période considérée, il n’y avait plus de gros chantier de construction navale à Saint-Nazaire.
Les chantiers de Méan (commune de Saint-Nazaire)
M-3 – Les chantiers navals à Méan en 1875 – Dessin Michel-C Mahé
La grande période d’activité des chantiers de Méan dura environ un quart de siècle, de 1845 au début des années 1870.
L’activité était sur le déclin : en 1874, Lamort et Pierre Marie Loumeau ont lancé chacun un dernier grand navire ; en 1876, Emile Fidel Ollivaud construisit encore deux trois-mâts, en 1884 un brick goélette, dernier navire important sortit des chantiers méanais.
Répartition des navires construits dans les différents chantiers de l’estuaire
M-4 – Les chantiers navals à Méan en 1875 – Dessin Michel-C Mahé
Les principaux armements nantais *, ayant une flotte diversifiée, construisaient une partie de leurs navires à Méan et à Nantes et dans une moindre mesure à Paimboeuf. On remarque que les commandes dévolues à Nantes en représentent au moins la moitié, celles de Méan au moins un tiers.
*) Voir article : « Les armements nantais au 1er janvier 1875 (plus de 3 000 tonneaux) ».
Les navires mis à l’eau en 1874 et 1875 en Basse-Loire
M-5 – Les chantiers navals en Basse-Loire. Mises à l’eau en 1874 Source Archives départementales Loire-Atlantique – Dessin Michel-C MahéM-6 – Les chantiers navals en Basse-Loire. Mises à l’eau en 1875 Source Archives départementales Loire-Atlantique – Dessin Michel-C Mahé
Mise à jour : 14-03-2023 – Ajout de navires au chantier Scott.
Conférence-rencontre « La Basse- Loire et l’estuaire en 1875 » Le samedi 4 mars 2023, à 10 h 30 à la Médiathèque municipale Barbara, 7, rue du Berry 44550 Montoir-de-Bretagne. N’oubliez pas de réserver : 02.40.70.11.51 Je vous propose de faire un voyage en suivant le fleuve de Nantes à son estuaire, à la rencontre des différents ports, les grands et les petits, leurs trafics entre les colonies, l’Europe et l’Amérique, les différents types de navires utilisés. Nous parlerons des principaux armateurs et des caractéristiques de leur flotte pour se positionner sur les différents marchés.
Les soirées d’hiver ont été propices à l’étude de quelques documents économiques de l’époque où étaient évoquées la longévité des navires et leur rentabilité en fonction de leur conception structurelle (bois ou fer) ou leur mode propulsion (voile ou vapeur). C’était si intéressant qu’il m’a semblé utile de vous en faire une synthèse, d’en tirer les grandes lignes et d’essayer d’appréhender les choix effectués par nos armateurs nantais pour constituer leur flotte en fonction des marchés auxquels ils s’étaient positionnés. Pour effectuer cette tâche, il nous faut des données. Il nous a fallu, en premier lieu, à partir de divers documents en extraire la liste des armateurs et leurs navires pour l’année 1875. Vous trouverez ci-dessous, dans un premier temps, les armements dont la flotte totalise plus de 3 000 tonneaux.
L-1 – Nantes autour de 1875 – Situation de Norkiouse – Dessin Michel-C Mahé
Norkiouse ou North House
Un peu plus tard, nous parlerons des chantiers de construction navale en Basse-Loire, cependant, je veux tout de suite lever, peut-être, une interrogation à propos d’un lieu de construction que vous retrouverez dans les tableaux ci-dessous : « Où est Norkiouse ou North House ? » C’était village situé sur l’île des Chevaliers, non loin de Trentemoult (voir carte L1). Là, pour satisfaire la demande des armateurs, des chantiers de construction s’installèrent notamment les chantiers Chauvelon * et Lemerle dans la première moitié du XIXe siècle, Clergeau et Boju **, Clergeau, Boju, et Bertrand, Tillé et Cassard dans la seconde moitié. À l’apogée de cette industrie, on vit nombre de bricks, goélettes et trois-mâts sortirent de leurs cales de construction.
*) Chantier mis en adjudication le 2 avril 1860. **) Société dissoute le 28 décembre 1867. M. Boju était charpentier de marine. Elle continue sous le nom de Clergeau.
Armements totalisant plus de 3000 tonneaux
Les armements Demange (4215 tx), Legal et associés (5352 tx), Grenet et associés (4245 tx), Allard et associés (3206 tx), totalisant chacun plus de 3000 tonneaux, étaient les plus importants sur la place de Nantes.
Pour certains navires, nous ne disposons pas de tous les renseignements. Ils n’apparaissent pas dans les registres d’immatriculation. Peut-être sont-ils immatriculés dans un autre port ? Plutôt que de les éliminer des listes d’armements, nous avons fait le choix de les laisser dans un premier temps, d’où la mention « provisoire » en tête de tableau.
Le dernier article nous ayant remis en mémoire les différents types de voiliers, voyons comment se distribuent les navires de plus de cent tonneaux de jauge, inscrits au port de Nantes au premier janvier 1875, du point de vue de leur nombre, de leur tonnage suivant leur mode de propulsion. Certaines données issues de divers documents ne sont pas cohérentes et nous nous attachons encore à les vérifier. Les résultats présentés ci-dessous ne sont donc pas définitifs et vont nécessairement évoluer au cours de l’étude cependant les ordres de grandeur resteront les mêmes.
Nombre de navires au-dessus de 100 tonneaux de jauge
On ne peut que constater, à Nantes, la part importante de la voile pour les navires de commerce par rapport à la vapeur. Sur les 495 voiliers identifiés les trois-mâts sont les plus nombreux 206 (42 %), suivent les bricks 133 (27 %), les goélettes 89 (18%), les bricks-goélettes 49 (10 %), les lougres 15 (3%). On peut s’interroger pour cet attachement, cette fidélité vélique alors que la vapeur avait partout, en Europe et aux États-Unis, fait ses preuves et démontré son efficacité tant pour les négociants, les armateurs et les industriels. Dans un prochain article nous essaierons d’appréhender succinctement ce phénomène complexe à partir de plusieurs paramètres : le coût d’un voilier par rapport à un vapeur, leur longévité comparée, le marché auquel ils étaient affectés, etc.
En juin 1822, La Loire fut le premier vapeur à naviguer sur l’estuaire entre Nantes et Paimbœuf. Plus de cinquante années se sont écoulées, la vapeur a conquis les navires de servitudes, le transport de passagers dans l’estuaire et le cabotage. Pour les navires de commerce au long cours sa part est insignifiante (2%).
Avant d’aborder l’étude des armateurs sur la place de Nantes en cette année 1875, il m’a semblé intéressant de nous remémorer les types de navires (trois-mâts, bricks, goélettes, etc.) avec lesquels ils œuvraient. Ces mots sonnent à nos oreilles, mais sait-on à quoi ces navires ressemblaient ? Les bâtiments de commerce variaient sous différents facteurs notamment en ce qui concerne : 1) leur mode de construction, soit en bois, en fer ou en acier ou mixte ; 2) leur agencement, s’ils sont à un, à deux, à trois ou à quatre ponts, etc. ; 3) leur mode de propulsion, à voiles ou à vapeur ; 4) leur gréement, soit en trois-mâts, en barque, en brick, etc. C’est ce dernier point, leur gréement, que nous allons développer. Le langage de la marine est très riche. De ce fait, il n’est pas question pour nous de faire une savante typologie des gréements dans cet article… des livres entiers leur sont consacrés. Cependant, je vous propose quelques clés succinctes pour les appréhender simplement. Nous verrons, par la suite, lors de la description de quelques navires (cargaison, équipage, périple vers leur destination) à en détailler quelques-uns.
Terminologie en 1875
Précisons quelques points. Nous entendons très souvent les termes navire, bâtiment, vaisseau, bateau, dénominations données aux constructions flottantes pour la navigation. En 1875, on qualifiait de : – navire, toutes sortes de bâtiments marchands ; – vaisseau, surtout les bâtiments de guerre ; – bateau, les petites constructions telles que les bateaux de pilote, de pèche, etc., ainsi que pour toutes espèces de vapeurs.
Le tonnage : Le tonnage, désignant aussi le port ou la jauge, représente la capacité d’un navire à transporter des marchandises. Il est le résultat d’un calcul théorique et s’exprime en tonneau. À partir de 1872, chaque tonneau est égal à 100 pieds cubes anglais ou à 2,83 mètres cubes. Cette grandeur, calculée par l’administration des douanes, intéressait tous ceux qui gravitaient autour d’un navire : financiers, propriétaires, armateurs et négociants. Il servait à calculer les taxes et droits auxquels le navire était assujetti.
J-1 – Dessin Michel-C Mahé
Le lougre (100 à 180 tonneaux) est gréé, de voiles à bourcet sur un grand mât, un mât de misaine et un mât de tapecul, tous trois inclinés sur l’arrière. Il est équipé d’un beaupré. Il a un ou plusieurs huniers à chaque mât. Une voile à bourcet ou au tiers est une voile trapézoïdale fixée à une vergue apiquée (c. à d. inclinée) hissée au mât sur son tiers avant.
J-2 – Dessin Michel-C Mahé
La goélette franche (100 à 300 tonneaux) a deux mâts inclinés sur l’arrière, dont chacun a une voile, en forme de trapèze, enverguée sur une corne avec, établi au-dessus d’elle, une voile triangulaire : le flèche Elle est portée en dehors du bâtiment, à bâbord et à tribord, selon le vent et la route, par une longue pièce de bois appelée gui ou baume qui pivote autour du mât.
J-3 – Dessin Michel-C Mahé
La goélette carrée Navire de 100 à 300 tonneaux à deux mâts : mât de misaine et grand mât. Celui de misaine est muni de voiles carrées. La plus basse voile est volante et porte le nom de ” Voile-Fortune ”. Elle est employée seulement en cas de vent arrière.
J-4 – Dessin Michel-C Mahé
Le brick Navire de 100 à 300 tonneaux à deux mâts : mât de misaine et grand mât, gréés à voiles carrées.
J-5 – Dessin Michel-C Mahé
Le brick-goélette Navire de 100 à 300 tonneaux à deux mâts : mâts de misaine et grand mât. Le premier est gréé à voiles carrées, Le second a une voile, en forme de trapèze (la grand-voile) enverguée sur une corne et une triangulaire (le flèche-en-cul) établie entre la corne et la haut du mât.
J-6 – Dessin Michel-C Mahé
Le trois-mâts Carré Navire à trois mâts de 200 à 1200 tonneaux : mât de misaine, grand mât et mât d’artimon munis de voiles carrées.
J-7 – Dessin Michel-C Mahé
Le trois-mâts barque. Navire de 200 à 1200 tonneaux à trois mâts : mât de misaine, grand mât et mât d’artimon. Les deux mâts de l’avant sont à voiles carrées à l’instar du trois-mâts carré. Le mât d’artimon est gréé d’une voile en forme de trapèze (la brigantine), enverguée sur une corne avec, établie entre la corne et le haut du mât, une voile triangulaire (le flèche-en-cul).
Mises à jour : 04/10/2024 Caractéristiques et équipage
Nous allons abandonner provisoirement la démographie, sujet qui vous a intéressé puisque, dès lors que nous avons abordé ce thème, le blog a enregistré des records de lectures (1500 au mois d’octobre). Nous y reviendrons dans le courant du deuxième semestre 2023 avec une étude sur les épidémies qui survenaient à cette époque. Sujet difficile à appréhender, à étudier et l’aide et les conseils de spécialistes dans ce domaine seraient la bienvenue. Je vous propose de revenir au décor de notre histoire : l’estuaire de la Loire. L’article de ce mois est consacré au commerce maritime qui se faisait dans les ports de Nantes, Saint-Nazaire et Paimboeuf en 1875.
I-1 – L’estuaire de la Loire – Dessin Michel-C Mahé
Nantes
Son pôle économique, Nantes, doit sa prospérité à son heureuse position pour le commerce de la mer. Elle fait partie de ce petit nombre de ports qui placés idéalement sur une grande rivière sont doublement avantagés. Ils possèdent à la fois deux positions, une intérieure et une maritime, qui génèrent un grand trafic. Ils sont bien mieux placés que les ports côtiers pour les approvisionnements et les expéditions et deviennent de ce fait des centres d’importations et d’exportations importants. On peut citer : Londres, Hambourg, Rotterdam, Rouen, Bordeaux, etc.
I-2 – Nantes – Collection Michel-C Mahé
Mais c’était sans compter sur dame nature. L’ensablement et l’envasement des embouchures fait que les apports sableux ou vaseux doivent combler peu à peu les bassins où ils se déposent. Nantes vit ce phénomène empêcher le passage des gros navires. Pour remédier à ce problème, les transbordements des navires se firent dans les rades de Paimboeuf et de Mindin sur des allèges qui descendaient et remontaient l’estuaire. Puis à partir de 1857, un bassin à flot à Saint-Nazaire fut mis en service. Les opérations de transbordements sur les allèges ou par le chemin de fer furent grandement simplifiées.
Commerce maritime
Les données utilisées sont issues d’un rapport de la chambre de commerce de Nantes en 1875. En 1802, date de sa création, sa circonscription comprenait les ports de Paimboeuf et Saint-Nazaire. Il faudra attendre 1879 pour voir se créer une chambre indépendante à Saint-Nazaire.
Navigation avec l’Algérie et les colonies françaises
Navigation avec l’Algérie et les colonies françaises (carte I-3 ; tableau I-4) Les ports de Nantes, Saint-Nazaire, Paimboeuf commerçaient principalement pour les colonies françaises avec la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et dans une moindre mesure avec l’Algérie et les établissements français de l’Inde et de Cochinchine.
Navigation avec les ports en Europe Les navires français et étrangers venaient principalement d’Angleterre, de Suède, d’Espagne, d’Italie, de Norvège, de Hollande (Carte I-5 ; tableau I-6 – Entrées). Les navires français et étrangers partaient principalement pour l’Angleterre, l’Allemagne du Nord, l’Espagne, la Hollande, la Norvège (Carte I-5 ; tableau I-6 – Sorties).
Navigation hors Europe, Algérie et colonies françaises
Navigation hors Europe, Algérie et colonies françaises (carte I-7 ; tableau I-8) Les navires français venaient principalement de la côte occidentale d’Afrique, des Indes anglaises, d’Haïti. Les navires étrangers venaient des possessions espagnoles d’Amérique, du Pérou, de la Côte Est des États-Unis d’Amérique, des Indes Anglaises, des possessions de l’Amérique anglaise du Nord. Les navires français partaient principalement pour le Brésil, la côte occidentale d’Afrique (possessions anglaises), les possessions espagnoles d’Amérique.
Importation – Marchandises étrangères arrivées à Nantes, Saint-Nazaire, Paimboeuf (tableau I-9) Ils importaient principalement : – du sucre brut, du café, du cacao, du riz ; – des houilles d’Angleterre (Saint-Nazaire), des fers, du bois de construction des pays du Nord ; – du coton du chanvre et du lin ; – de la morue de la grande pêche ; – des fruits secs ; – des oranges et citrons du Portugal et d’Espagne ; – du rhum de la Martinique et de la Réunion ; – du vin ; – des noirs de raffineries, du guano du Pérou, du goudron et bitume d’Angleterre et des États-Unis.
Exportation – Marchandises françaises et étrangères exportées par les ports de Nantes, St-Nazaire et Paimbœuf (tableau I-10) Ils exportaient principalement : – des pommes de terre ; – du sucre raffiné ; – de la houille ; – des ouvrages en métaux ; – des ardoises vers Maurice, la Réunion et la Guadeloupe ; – des feuillards ; – de la paille, foin et son ; – des tissus de coton.
Mises à jour : 06-03-2023 – Ajouts des diagrammes liés à la navigation dans la circonscription : « Compagnie Générale Transatlantique » et « navires étrangers ».
Les décès au-dessous d’un an de 1876 à 1884 en France métropolitaine
Nous avons vu dans le dernier article « Les décès de 1876 à 1901 en France métropolitaine » que la mortalité infantile était catastrophique. En moyenne 16 à 18 % des enfants mouraient dans leur première année et ce sont les garçons qui payaient le plus lourd tribut avec un écart d’environ 18 % de plus par rapport aux filles. Pour ce faire, je vous propose de regarder sa distribution par départements sous forme de cartes pour les années 1876, 1878, 1881, 1884, puis nous identifierons quels sont ceux les plus et les moins affectés par le phénomène.
Bases de l’analyse Nous avons utilisé pour cela les mouvements de la population de « l’Annuaire statistique de la France du Ministère du commerce » couvrant la période de 1878 à 1902.
Nous définissons pour notre étude un :
taux de mortalité moins d’un an = ((décès des enfants au-dessous d’un an / nombre des enfants au- dessous d’un an)) x 100
Nota : Les mort-nés dans notre document de référence ne sont compris ni aux naissances ni aux décès.
Dans ce document, seules les valeurs des décès au-dessous d’un an pour les années 1876, 1878, 1881, 1884 ont été publiées pour chaque département. Nous avons calculé ce taux de mortalité moins d’un an pour chacun de ceux-ci et pour chacune des années et l’avons mis sous forme de diagrammes et tableaux pour en vérifier l’évolution.
Analyse Diagrammes H-1 à H-4 Le territoire métropolitain semble divisé en trois zones bien marquées avec pour deux d’entre elles un à deux départements où le taux est en permanence supérieur à 25 % : 1) au nord, le département de l’Eure-et-Loir ; 2) au sud-est, l’Ardèche et le Vaucluse ; Autour de ceux-ci, le taux diminue progressivement vers les départements limitrophes affichant 20 à 25 % puis 15 à 20 %. Entre les deux, une zone affichant en majorité 10 à 15 % avec quelques départements à 5 à 10 % : les Landes, la Vienne, la Creuse.
H-5 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
H-6 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Analyse Tableau H-5 à H-6 L’Eure-et-Loir avec un taux oscillant en 27 et 32 % est le plus affecté par la mortalité moins d’un an suivi par le Vaucluse avec des valeurs 25 à 27 %.
Les Landes, autour de 8 %, la Vienne, 8 à 11 %, la Creuse, autour de 9 %, sont les départements offrant les meilleures chances de survie des nourrissons dans leur première année.
Dans les départements de référence
H-7 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Analyse Tableau H-7 Seul l’Ille-et-Vilaine affiche des valeurs au-dessus de la moyenne métropolitaine, les autres se maintiennent dans la tranche 10 à 15 %. Le Maine-et-Loire, entre 12,8 et 14, 7 %, et la Vendée, 9,1 et 14,7 % sont les bons élèves.
Autant les chances de survie de l’enfant avant la naissance étaient liées essentiellement au bon état général de la maman, autant sa venue au monde changeait la donne. Les plus ou moins bons soins que l’on lui prodiguait, l’environnement, les épidémies, les maladies étaient autant de nouveaux facteurs qui vont influer sur ses capacités de survie.
De quoi mourrait-on ?
H-8 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Je vous propose pour clore ce chapitre de lister les principales épidémies et maladies que l’on trouvait à cette époque (tableau H-8). Je dispose, pour l’instant, des données concernant 1890 *, mais les choses ne changeaient pas considérablement suivant les décennies. Pour cette année 1890, en Loire-Inférieure, on mourrait alors de rougeole, diphtérie, coqueluche, scarlatine… Les diarrhées, phtisies et pneumonies formaient le gros du contingent des maladies ecdémiques **. Les contaminations suivaient principalement les routes commerciales par terre et mer. De facto, les grands centres commerçants, des ports dans notre exemple, étaient les plus affectés.
*) Statistique sanitaire des villes de France. Année 1890 et période quinquennale 1886-1890. Mortalité générale. Principales causes de décès. Mortalité par maladies épidémiques… / Ministère de l’intérieur. Direction de l’assistance et de l’hygiène publiques. Bureau de l’hygiène publique. Auteur : France. Direction de l’assistance et de l’hygiène publiques. Auteur du texte. Éditeur : (Melun) Date d’édition : 1891.
La durée moyenne de la vie à la naissance en 1875 était de 39 ans, elle est d’environ 80 ans aujourd’hui. On peut se poser la question : les gens vivaient-ils moins longtemps que nous ? Ce n’est qu’une moyenne, cela implique que des individus mouraient avant cette date d’autres après et certains atteignaient des âges vénérables comparables à notre période. Comment s’opérait cette distribution des âges relatifs à la mort ? C’est une des questions que nous allons étudier dans cet article. Ma démarche n’est animée que par la curiosité, alors amusons-nous ! Pour ce faire, je vous propose de comparer le nombre de décès selon l’âge pour les années 1876, 1881, 1886, 1892, 1895 *, 1901 qui correspondent sauf pour 1895, aux années de recensement.
*) Au moment où j’écris, je ne dispose pas des données de 1896. Pour obtenir une relative continuité, je l’ai remplacée par les données de 1895 qui pour notre étude n’affecteront pas les résultats.
Bases de l’analyse Nous avons utilisé pour cela les mouvements de la population de « l’Annuaire statistique de la France du Ministère du commerce » couvrant la période de 1878 à 1902.
Évolution des décès par âge et par sexe en France métropolitaine
*) Cette période, de 20 à 25 ans, correspond à celle de leur service militaire. Voir article : « Mouvement de la population en 1875 – Le mariage », § « Obligations militaires »
Analyse
Que nous apprennent ces diagrammes G-1 à G-6 ?
1) Leur allure générale reste la même.
2) La mortalité des individus de sexe masculin est plus élevée que celle du sexe féminin jusqu’à la tranche des 70 à 75 ans. Ensuite, la courbe s’inverse, l’excédent cumulé des décès des années antérieures chez les hommes fait son effet.
3) Autour de l’année 1892 et les suivantes, on remarque une augmentation du nombre de décès dans les tranches d’âge 70 à 75 ans et 75 à 80 ans alors qu’il reste sensiblement constant pour toutes les autres.
4) Une singularité générale intéressante : la mortalité des hommes plus importante dans la tranche des 20 à 25 ans *.
5) La mortalité infantile était catastrophique. En France métropolitaine, 16 à 18 % des enfants mouraient dans leur première année. Les garçons en payaient le plus lourd tribut avec un écart d’environ 18 % de plus par rapport aux filles. Nous regarderons plus précisément ce phénomène dans le prochain article.
6) De 1 à 5 ans, les décès sont à peu près identiques pour les filles et les garçons.
Évolution des décès par âge et par sexe dans les départements de référence en 1876
1) L’allure générale des diagrammes reste la même.
2) La mortalité des individus de sexe masculin est plus élevée que celui du sexe féminin jusqu’à une tranche où le phénomène s’inverse. L’excédent cumulé des décès des années antérieures chez les hommes fait alors son effet. L’inversion se fait pour : – la Loire-Atlantique, l’Ille-et-Vilaine, à la tranche 65 à 70 ans – la Mayenne et le Morbihan, 70 à 75 ans ; – le Maine-et-Loire et la Vendée, 80 à 85 ans.
3) On retrouve la singularité de la tranche des 20 à 25 ans.
4) La mortalité infantile est omniprésente. La Loire-Inférieure et l’Ille-et-Vilaine arborent un taux de décès moins d’un an de respectivement 17,7 et 17,2 % ; un peu au-dessus de la moyenne nationale, 16,5 %. La Mayenne, 15,9 %, est dans la moyenne. Le Morbihan, 14,9 %, le Maine-et-Loire, 13,4 %, la Vendée, 13,5 % sont en dessous.
5) De 1 à 5 ans, les décès sont à peu près identiques pour les filles et les garçons sauf pour la Vendée.
Tableau G13
Qu’en est-il de l’écart des décès entre filles et garçons dans la première année ? En Vendée, le nombre de garçons décédés est supérieur de 27,4 % par rapport aux filles * ; le Morbihan, 18,9 %. Le mieux loti est l’Ille-et-Vilaine avec 14,4 %. Pour la France métropolitaine : 18,5 %.
*) Le département de la Vendée est en général un très bon élève. Pourquoi un écart aussi important ? Voilà un sujet intéressant à étudier lors des longues soirées d’hiver.
Le déclin des naissances de 1876 à 1901 en France métropolitaine
Toujours avec le dessein de mieux connaître cette fin de 19e siècle, je vous propose d’étudier encore et toujours le ralentissement démographique en France à la fin du XIXe. Le sujet m’intéresse et après avoir étudié quelques articles, je me suis posé la question : comment visualiser le phénomène du déclin des naissances sur plusieurs années et pour chaque département ? Comment se situent alors nos départements de référence ? Le taux de natalité me semblait dans un premier temps intéressant bien que je fusse conscient dès le début de l’étude, de son côté rudimentaire et des anomalies bien connues qu’il génère. En effet, le taux de natalité rapporte le nombre des naissances à celui de la population, sans s’occuper de la composition de cette dernière avec des enfants et des vieillards qui n’interviennent pas dans la natalité *.
*) Dans un cas où les individus jeunes ont une forte fécondité et assurent largement le remplacement de leur génération, mais que les vieillards sont en surnombre. Ces derniers vont nécessairement fausser les résultats en faisant baisser anormalement le taux de natalité.
Ceci connu et par simple curiosité, amusons-nous ! je vous propose de visualiser la distribution du taux de natalité dans chaque département de 1876 à 1901 sous la forme de cartes.
Bases de l’analyse Nous avons utilisé pour cela les mouvements de la population de :
l’Annuaire statistique de la France du Ministère du commerce » couvrant la période de 1878 à 1899 *
l’Annuaire statistique / Ministère du commerce, de l’industrie, des postes et télégraphes, Office du travail, Statistique générale de la France de 1902 *
*) Les mort-nés dans nos documents de référence ne sont compris ni aux naissances ni aux décès.
Nous définissons pour notre étude un :
taux de natalité = (naissances* / population totale) x 1000
En examinant les cartes (figures G-1 à 6), la chose est claire, on vérifie bien l’affaiblissement progressif du taux de natalité sur l’ensemble du pays.
Le Finistère, les Côtes-du-Nord, le Morbihan résistent bien entre 1876 et 1901, de même que le Pas-de-Calais et le Nord.
En une décennie (1876 à 1886), les départements accusant 30 à 35 ‰ (la Haute-Vienne, la Corrèze, l’Aveyron, la Lozère, la Haute-Loire, la Loire, l’Ardèche) sont passés à 20 à 30 ‰ excepté la Lozère qui est resté à 30 à 35 ‰ et la Loire qui est passé à 20 à 25 ‰ Dans ce même groupe, la décennie suivante (1886 à 1896) seuls trois départements arboreront un taux compris entre 25 et 30 ‰ (la Lozère, la Haute-Loire et l’Ardèche). En 1901, ils auront rejoint les deux tranches 15 à 20 ‰ et 20 à 25 ‰.
On remarquera la persistance des départements du Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne qui resteront pendant ces vingt-cinq années à 15 à 20 ‰. Pendant cette même période, les départements voisins tendront vers cette même tranche. Le même phénomène se produit avec l’Aube et la Côte d’Or autour de 1881 et l’Eure et l’Orne autour de 1876. Ces trois zones semblent s’étendre et se rejoindre.
Taux de natalité dans les départements de référence
Considérons maintenant le taux de natalité dans les départements de référence (figures G-7 et 8 *). La tendance est la même que celle de la France métropolitaine avec une stagnation entre 1892 et 1901. Le Morbihan conserve un bon taux de natalité (maxi : 32,75 ‰, mini 27,87 ‰) suivi de l’Ille-et-Vilaine (maxi : 29,60, mini 23,22) et la Vendée (maxi : 29,06, mini 22,70). Les autres départements sont en dessous de la moyenne nationale. Le Maine-et-Loire a le plus faible taux de natalité (maxi : 21,07, mini 18,05).
*) La figure G-8 est une mise en digramme des valeurs de la figure G-7.
Mises à jour : 29/08/2022 – En-tête ; Etiquettes ; Catégorie.
Évolution de la mortinatalité de 1876 à 1896 en France métropolitaine
Dans cette étude, il n’est pas dans notre intention de réaliser un travail académique sur la mortinatalité mais, par simple curiosité, il nous a semblé intéressant de répondre aux questions suivantes : comment se distribue-t-elle dans les départements métropolitains ? Où sont les maximums ? À quelle place nos départements de référence se situent-ils ?
Le taux de mortinatalité ou la mortinatalité* est le nombre des enfants mort-nés par rapport à celui des naissances normales pour une période et dans une population donnée. *) Ce terme est apparu avant 1878 (Louis-Adolphe Bertillon dans Larousse 19e Suppl.)
Elle est directement liée à la santé des mères qui pouvaient subir en cette fin de siècle des agressions diverses et variées (environnement hostile, mauvaise alimentation, épidémies, etc.) et mettre en péril le fœtus.
Nous avons vu dans un précédent article* qu’à la fin du 19e siècle on assiste à un net ralentissement de l’augmentation de la population et que la mortinatalité est un facteur de limitation de la natalité et de facto un frein à l’augmentation de la population.
*) Voir article : « Diminution de la natalité en France à la fin du XIXe ». En 1876, la France comptait 38 437 592 habitants ; 1886 : 39 783 258 ; 1891 : 39 946 454 ; 1896 : 40 158 318. Le nombre des naissances comblait à peine le nombre des décès et en 1890, 1891 et 1892, ces derniers ont dépassé les naissances.
Bases de l’analyse Nous avons utilisé pour cela les mouvements de la population de « l’Annuaire statistique de la France du Ministère du commerce » couvrant la période de 1878 à 1899 *.
*) Les mort-nés dans notre document de référence ne sont compris ni aux naissances ni aux décès.
Nous définissons pour notre étude un :
taux de mortinatalité ou mortinatalité = (mort-nés / naissances) x100
et un
taux de natalité = (naissances / population totale) x 1000.
F-1 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
F-2 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
F-3 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
F-4 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
F-5 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
F-6 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Analyse
À population à peu près constante (tableau F-6), on remarque que la mortinatalité pour la France métropolitaine est elle aussi quasiment constante, entre 4,62 % en 1876, 4,86 % en 1896. Comparée à la baisse du taux de natalité, son influence sur celui-ci n’est pas prépondérante. La zone centrale du pays est préservée (cartes F-2 à F-5) : la Creuse, l’Indre et le Cher restent entre 2 à 3 %. À l’ouest, les Côte-du-Nord, le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, la Mayenne, avec leur 5 à 6 % en 1876 opèrent une diminution progressive vers 4 à 5 % en 1896. L’Ille-et-Vilaine en 1896 offre un point singulier ; une erreur de données sans aucun doute.
Pour certains départements, le taux de mortinatalité reste quasiment constant pendant toute la période. La Seine-Inférieure, autour de 5,1 % (4,40 ; 4,95 ; 5,10 ; 5,26 ; 5,27). La Seine, autour de 7 % (7,04 ; 7,56 ; 7,05 ; 6,44 ; 6,52). Les Vosges, autour de 6 % (6,39 ; 6,12 ; 6,13 ; 6,09 ; 6,06). Le Rhône, de 6,3 à 7,5 % (6,56 ; 6,60 ; 7,46 ; 6,65 ; 6,30). La Savoie, autour de 7,4 % (7,13 ; 7,08 ; 7,43 ; 6,55 ; 6,57). La Haute-Savoie autour de 6,4 % (7,20 ; 6,23 ; 6,36 ; 6,57 ; 6,56). Les Bouches-du-Rhône, autour de 7,3 % (6,64 ; 6,31 ; 7,30 ; 6,78 ; 7,13).
F-7 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Les maximums
Entre 9 et 11 départements, sur 92, ont un taux de mortinatalité supérieur à 6 % (tableau F-7). En 1876, 7 sont entre 6 et 7 % ; 3 le taux est supérieur à 7 %. En 1881, 4 sont entre 6 et 7 % ; 3 supérieur à 7 %. En 1886, 3 sont entre 6 et 7 % ; 4 supérieur à 7 %. En 1892, 7 sont entre 6 et 7 % ; 1 supérieur à 7 %. En 1896, 7 sont entre 6 et 7 % ; 2 supérieur à 7 %.
On remarque : 1er) La Haute-Savoie, la Savoie, et en partie pour les Alpes-Maritimes, les Vosges, le climat est montagnard. 2° Les Bouches-du-Rhône, un climat méditerranéen, la Seine un climat tempéré de type atlantique. Tous ces départements ont un fort taux de mortinatalité, ce qui laisse à penser que pour chacun d’eux différents facteurs autres que le climat interviennent (la pauvreté, la promiscuité, les maladies, etc.)
Amusons-nous ! Nous avons étudié dans les articles précédents la consommation d’alcool et de vin. Si nous opérons une comparaison pour les deux années 1873 (cartes F-8) et 1885 (cartes F-9), il est évident que la consommation d’alcool influe peu pour les départements de la Savoie et la Haute-Savoie pourtant nantis d’une forte mortinatalité. Pour les Bouches-du-Rhône, la Loire et la Seine, l’alcool et le vin sont omniprésents. On peut supposer que l’alcool combiné avec d’autres facteurs doit avoir une influence.
Taux de mortinatalité dans les départements de référence
Considérons maintenant le taux de mortalité dans les départements de référence. (tableau F-10) La Vendée est toujours bon élève avec un taux entre 3,12 et 4,05 % ! Celui de la Loire-Inférieure est inférieur à la moyenne nationale. Il en est très voisin pour le Maine-et-Loire mais supérieur pour l’Ille-et-Vilaine. La Mayenne et le Morbihan avec des taux supérieurs au début de la période tendent à rattraper la moyenne nationale.
La consommation d’alcool pur, de vin, de cidre et de bière dans les départements du Morbihan, de l’Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, du Maine-et-Loire, de la Vendée et de la Loire-Inférieure à la fin du XIXe siècle
Nous avons vu dans les articles précédents comment se répartissaient la consommation d’alcool pur puis celles des vins, des cidres et de la bière en France de 1873 à 1885 et comment elles ont progressé pendant ces treize années. Continuons, en nous intéressant aux mêmes consommations, mais dans les départements que nous avons pris comme base de l’étude : le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, la Mayenne, le Maine-et-Loire, la Vendée et la Loire-Inférieure.
Rappel : les contrôles, recettes ou postes liés à l’impôt dans chaque département permettaient d’avoir une idée des quantités d’alcool pur*, de vin, de cidre et de bière produites et vendues dans le pays. Ce sont ces données, issues du rapport fait en 1887 par M. Claude (des Vosges), au nom de la commission d’enquête sur la consommation de l’alcool, que nous avons traduites sous la forme de cartes pour chaque département pendant cette période. Certains territoires ne sont pas documentés :
la Corse n’étant pas soumise à la Régie ne fournissait aucun document officiel sur sa consommation des boissons alcooliques.
les territoires perdus en 1871. La victoire allemande ayant entraîné l’annexion de l’Alsace (excepté le Haut-Rhin) et d’une partie de la Lorraine (Moselle actuelle). La France ne les récupérera qu’en 1918 à la suite de la Première Guerre mondiale.
*) On entend par quantité d’alcool pur, la quantité d’alcool à 100° contenue dans 100 ml. Ainsi, si une boisson fait 40° (ou est concentrée à 40 %), cela signifie que 100 ml de cette boisson contiennent 40 ml d’alcool pur. Plus le degré est élevé, plus la boisson est concentrée en alcool pur. Elle était la base de la fiscalité. Je cite : « Le droit de consommation était le droit dominant des alcools ; il est perçu sur toute quantité d’eau-de-vie, esprit, liqueur, absinthe, fruits à l’eau-de-vie, par hectolitre d’alcool pur reconnu à l’alcoomètre centésimal de Gay-Lussac, ainsi que sur les vins contenant plus de 15 degrés pour la quantité d’alcool comprise entre 15 et 21 degrés, et sur le volume total des vins présentant plus de 21 degrés. »
Consommation moyenne d’alcool pur pour chaque département de référence entre 1873 et 1885
E-1 – Les départements et leurs couleurs de référence – Dessin Michel-C Mahé
E-2 – Consommation d’alcool pur. Moyenne par tête dans chaque département Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C MahéE-3 – Consommation d’alcool pur. Moyenne par tête dans chaque département Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Analyse
Nous l’avons déjà constaté pour l’ensemble du pays, la consommation d’alcool était bien établie et variait peu dans le temps. Pour les départements étudiés, la tendance est la même.
La Mayenne avec 7 litres et l’Ille-et-Vilaine, 5,3 litres, tiennent le haut du pavé.
En Mayenne à partir de 1883, l’abondance des cidres a permis aux fermiers d’en distiller une partie et de se procurer ainsi pour leur consommation de fortes quantités d’eaux-de-vie non soumises à l’impôt, ce qui explique la baisse importante.
La Vendée avec 1,5 litre est le bon élève.
Les autres départements, autour de 3,5 litres, sont dans la moyenne du pays, autour de 3,9 l.
E-4 – Consommation des alcools en 1873 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turcan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-5 – Consommation des alcools en 1881 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turcan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-6 – Consommation des alcools en 1885 – Moyenne par tête et an dans chaque département par Victor Turcan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Les maximums
E-7 – Consommation des alcools en 1881 et 1885 – Maximums par tête pour quelques villes. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Qu’en est-il des « points chauds » ?
Pour 1881, Fougères 14,26 l d’alcool pur et Mayenne 15,90 l tiennent le haut du tableau.
Pour 1881, nous avons le classement dans l’ordre suivant : 3 à 4 litres d’alcool pur : La Roche-sur-Yon ; 4 à 5 : Nantes ; 5 à 6 : Les sables ; Les Ponts-de-Cé ; Angers ; 6 à 7 : Saumur ; Vannes ; Segré ; 8 à 10 : Saint-Nazaire ; Hennebont ; Lorient ; 10 à 12 : Rennes ; Château-Gontier ; Auray ; Châteaubriant ; Laval ; 12 à 14 : Port-Louis ; Saint-Malo ; Sup à 14 : Fougères ; Mayenne.
En 1885, en Mayenne, nous constatons une forte diminution. Comme nous l’avons vu plus haut, elle est certainement due à la permission de distiller des cidres pour la consommation personnelle des fermiers. Cette partie échappait à l’impôt et aux statistiques.
La Vendée est toujours le bon élève.
Commentaires de médecins sur la consommation de l’alcool.
Il m’a semblé intéressant de joindre des extraits de rapports rédigés par les médecins en chef d’asiles d’aliénés des départements de la Vendée, d’Ille-et-Vilaine et Mayenne. Ils étaient en contact avec les cas les plus difficiles du point de vue de l’alcoolisme, mais devaient avoir une bonne idée de la situation sanitaire de la population générale.
Vendée
Un rapport du directeur, médecin en chef, de l’asile public d’aliénés de la Roche-sur-Yon en 1887 , semble expliquer les très bons résultats de la Vendée en matière de consommation d’alcool pur et nous verrons par la suite le cas du vin. Selon lui : « L’alcoolisme n’a fait aucun progrès réel depuis vingt-cinq ans (1861 à 1885)… La cause en est que, jusqu’à présent, les conditions économiques du pays au point de vue du commerce des boissons n’ont subi aucune modification importante. La boisson généralement usitée, celle qui est préférée par les buveurs, est un vin blanc récolté dans le pays même. Le prix en est peu élevé, de sorte que le commerce n’a aucun intérêt sérieux à le frauder. Comme il ne voyage pas et est entièrement consommé dans la région, on n’éprouve pas la nécessité d’y ajouter des alcools d’industrie. Il est, en définitive, absorbé à l’état naturel. J’ai cependant ouï dire que la consommation des eaux-de-vie de commerce prenait, dans les cabarets, une extension de plus en plus grande depuis quelques années, mais je suis tenté de croire, en présence des résultats statistiques… qu’on a surtout pris des craintes pour des réalités. Cela peut être exact pour les années où la récolte du vin a manqué, mais je crois, d’une façon générale, que l’attachement du Vendéen pour son petit vin blanc, l’emporte sur les importations nouvelles. »
Ille-et-Vilaine
Extrait du rapport du directeur, médecin en chef, de l’asile d’aliénés de Rennes (Ille-et-Vilaine). « Dans la classe aisée on boit généralement des alcools de bonne qualité. En effet, les malades qui avouent avoir fait des excès alcooliques reconnaissent avoir pris de nombreux petits verres de cognac ou d’eau-de-vie, ne faisant à ce sujet aucune différence, et étant bien incapables de nous renseigner sur la nature des alcools. Toutefois, ces alcools sont fournis à un si bas prix qu’ils ne peuvent être que des alcools d’industrie souvent falsifiés ou avariés. Pour un sou, nous disent les malades, on nous donne au moins la contenance d’un verre à bordeaux d’eau-de-vie. En résumé, les statistiques démontrent que l’alcoolisme et la paralysie générale, qui tient souvent à la même cause, n’ont fait que progresser pendant ces 25 dernières années, et que l’alcoolisme fait de nombreuses victimes, principalement dans la classe peu aisée. »
Mayenne
Extrait du rapport directeur, médecin en chef, de l’asile d’aliénés de la Roche-Gandon (Mayenne). « Les abus alcooliques sont très fréquents dans la Mayenne ; mais le vin y est un objet de luxe : on y boit surtout du cidre, et les bouilleurs de cru y jouent un grand rôle, au point que l’on n’y connaît guère, dans la consommation ordinaire, que l’eau-de-vie de cidre, qui pénètre même dans les débits et tend à y réduire sensiblement la vente de l’eau-de-vie du commerce. »
Consommation moyenne des vins pour chaque département de référence entre 1873 et 1885
E-8 – Consommation des vins en France en 1873 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turquan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-9 – Consommation des vins en France en 1885 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turquan Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Commentaires de médecins sur la consommation des vins.
Vendée
Nous allons reprendre le rapport du directeur, médecin en chef, de l’asile public d’aliénés de la Roche-sur-Yon en 1887 qui nous décrit le rapport des Vendéens avec le vin. Je cite :
« La boisson généralement usitée, celle qui est préférée par les buveurs, est un vin blanc récolté dans le pays même. Le vin blanc, récolté en quantité assez considérable en Vendée, est âpre, d’une acidité extraordinaire ; il faut un certain courage pour le boire quand on n’y est pas habitué ; mais les indigènes en font leurs délices. Son degré alcoolique est en moyenne de six à sept pour cent ; huit dans les bonnes années et pour les vins de choix. Le prix en est peu élevé, de sorte que le commerce n’a aucun intérêt sérieux à le frauder. Comme il ne voyage pas et est entièrement consommé dans la région, on n’éprouve pas la nécessité d’y ajouter des alcools d’industrie. Il est, en définitive, absorbé à l’état naturel. J’ai cependant ouï dire que la consommation des eaux-de-vie de commerce prenait, dans les cabarets, une extension de plus en plus grande depuis quelques années, mais je suis tenté de croire, en présence des résultats statistiques précédents, qu’on a surtout pris des craintes pour des réalités. Cela peut être exact pour les années où la récolte du vin a manqué, mais je crois, d’une façon générale, que l’attachement du Vendéen pour son petit vin blanc, l’emporte sur les importations nouvelles. Notre statistique montre que le nombre des individus que les excès de boisson conduisent à l’asile d’aliénés est cependant considérable (quinze à vingt pour cent). Cela tient au tempérament, aux habitudes et au goût de la population vendéenne qui est universellement portée aux excès de boisson. Si le Vendéen est ivrogne, il devient toutefois rarement alcoolique, au sens étroit du mot :
1er parce qu’il consomme surtout du vin, dont la nocivité est faible comparée aux boissons fabriquées avec les alcools d’industrie ;
2e parce que ses excès sont ordinairement intermittents et restreints aux dimanches, fêtes, foires et marchés. Ces jours-là, tous boivent outre mesure ; la plupart même s’enivrent abominablement, mais ces excès n’ont pas de lendemain, et le poison s’élimine rapidement, grâce à la sobriété des jours ouvrables. »
Consommation moyenne des cidres pour chaque département de référence en 1885
E-10 – Consommation des cidres en France en 1885 – Moyenne par tête et par an dans chaque département par Victor Turquan. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
La consommation des cidres est surtout cantonnée aux Morbihan, à l’Ille-et-Vilaine.
Consommation moyenne de la bière pour chaque département de référence en 1885
E- 11 – Consommation de la bière en France en 1885 – Moyenne par tête dans chaque département par Victor Turquan – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
La consommation des vins, des cidres et de la bière en France à la fin du XIXe siècle
Nous avons dans l’article précédent que la consommation des alcools autres que les vins, les cidres et la bière a progressé entre 1873 et 1885. Venant du Nord, elle s’est propagée vers les départements du Sud en suivant la vallée du Rhône.
Je vous propose dans cet article de nous faire une idée, toujours à l’aide de cartes, de la consommation des vins, des cidres et de la bière en France pendant cette même période.
Rappel – Les contrôles, recettes ou postes liés à l’impôt dans chaque département permettaient d’avoir une idée des quantités d’alcool pur, de vin, de cidre et de bière produites et vendues dans le pays.
Ce sont ces données, issues du rapport fait en 1887 par M. Claude (des Vosges), au nom de la commission d’enquête sur la consommation de l’alcool, que nous avons traduites sous la forme de cartes pour chaque département pendant cette période.
Certains territoires ne sont pas documentés :
la Corse n’étant pas soumise à la Régie ne fournissait aucun document officiel sur sa consommation en boissons alcooliques.
les territoires perdus en 1871. La victoire allemande ayant entraîné l’annexion de l’Alsace (excepté le Haut-Rhin) et d’une partie de la Lorraine (Moselle actuelle). La France ne les récupérera qu’en 1918 à la suite de la Première Guerre mondiale.
Consommation moyenne des vins pour chaque département en 1873 et 1885
1873
E-1 – Consommation des vins en 1873 – Moyenne par tête et par an pour chaque département. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
La consommation du vin est importante dans tout le pays sauf là où le cidre et la bière sont bien implantés. On remarque que la Creuse, le Cantal, la Lozère et la Haute-Savoie ont une faible consommation de vin.
Si l’on compare les cartes E-1 consommation des vins et D-1 consommation des alcools de l’article précédent en 1873, on constate que l’étendue des zones à faible consommation des vins « moins de litre » à « 60 à 100 » est la même que l’étendue des zones « 3 à 4 » à « supérieure à 6 litres » d’alcool pur. Et vice et versa.
1885
E-2 – Consommation des vins en 1885 – Moyenne par tête et par an pour chaque département. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
En 1885, carte E-2, la consommation des vins a radicalement changé, elle a diminué partout sauf pour les départements de la Gironde, l’Aude, l’Hérault, le Gard, les Bouches-du-Rhône, la Seine. Elle reste élevée dans la Marne, l’Aube, la Côte-d’Or, La Loire, le Rhône et la Seine-et-Oise.
E-2-1 – Consommation maximale des vins dans les départements où la consommation est supérieure à 150 litres par tête, par an – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Tableau E-2-1 – On remarquera la consommation très importante des vins dans les départements de l’Aude, du Gard, du Var et de l’Hérault en 1873 et la chute brutale en 1885.
En comparant les deux cartes E-2 consommation des vins et D-3 consommation des alcools en 1885, on constate que tout le terrain perdu par le vin a été gagné par l’alcool.
L’étude de ces deux années montre que la consommation du vin est en général en raison inverse de la consommation de l’eau-de-vie.
Consommation moyenne des cidres et de la bière pour chaque département en 1873 et 1885
E-3 – Consommation des en France en 1885 – Moyenne par tête et par an dans chaque département. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
E-4 – Consommation de la bière en France en 1885 – Moyenne par tête et par an dans chaque département. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Bières et cidres en 1885 – Cartes E-3 et E-4. La consommation du cidre est surtout localisée dans le Nord-Ouest, celle de la bière dans le Nord-Est.
Si on compare ces deux cartes E-3 et E-4 avec celle du vin E-2, on voit que la consommation de bière tend à se généraliser et s’invite dans les mêmes zones de consommation importante de vin.
En rapprochant ces deux cartes à celle de l’alcool pur on peut voir apparaître une cause de la grosse consommation d’alcool dans ces mêmes régions, le consommateur paraissant chercher dans les spiritueux une compensation à la faiblesse alcoolique de sa boisson la plus usuelle.
La consommation d’alcool en France à la fin du XIXe siècle – Partie 1
Lors de l’étude de la diminution de la natalité en France à la fin du XIXe siècle, nous avons vu que l’alcoolisme en était une cause possible dans certains départements. Ceci, bien sûr, a aiguisé ma curiosité et il m’a semblé que la chose méritait une petite étude, une photographie du phénomène dans la période qui nous intéresse. Loin d’effectuer un travail académique, nous allons simplement, à l’aide de cartes, tenter de répondre à trois questions : a) Comment se répartissait la consommation d’alcool dans le pays de 1873 à 1885 ? b) Qu’en était-il dans nos départements étudiés ? c) Quelles étaient les boissons dominantes dans ces mêmes départements ? Les deux dernières questions feront l’objet du prochain article.
Documents de base de l’analyse
Les cartes et tableaux ont été établis à partir des données issues du rapport fait en 1887 par M. Claude (des Vosges), au nom de la commission d’enquête sur la consommation de l’alcool.
Consommation moyenne d’alcool pur par tête et par an pour chaque département en 1873, 1881 et 1885
Les contrôles, recettes ou postes liés à l’impôt dans chaque département permettaient d’avoir une idée des quantités de produits alcooliques produites et vendues dans le pays. Pour le calcul des différents impôts, on se basait sur la quantité d’alcool pur* contenue dans ces produits. Ce sont ces données que nous avons traduites sous la forme de cartes pour nous faire une idée de la consommation d’alcool pour chaque département pendant cette période.
*) On entend par quantité d’alcool pur, la quantité d’alcool à 100° contenue dans 100 ml. Ainsi, si une boisson fait 40° (ou est concentrée à 40 %), cela signifie que 100 ml de cette boisson contiennent 40 ml d’alcool pur. Plus le degré est élevé, plus la boisson est concentrée en alcool pur. Elle était la base de la fiscalité. Je cite : « Le droit de consommation était le droit dominant des alcools ; il est perçu sur toute quantité d’eau-de-vie, esprit, liqueur, absinthe, fruits à l’eau-de-vie, par hectolitre d’alcool pur reconnu à l’alcoomètre centésimal de Gay-Lussac, ainsi que sur les vins contenant plus de 15 degrés pour la quantité d’alcool comprise entre 15 et 21 degrés, et sur le volume total des vins présentant plus de 21 degrés. »
Certains territoires ne sont pas documentés : – la Corse n’étant pas soumise à la Régie ne fournissait aucun document officiel sur sa consommation des boissons alcooliques. – les territoires perdus en 1871. La victoire allemande ayant entraîné l’annexion de l’Alsace (excepté le Haut-Rhin) et d’une partie de la Lorraine (Moselle actuelle). La France ne les récupérera qu’en 1918 à la suite de la Première Guerre mondiale.
D-1 – Consommation des alcools purs en 1873 – Moyenne par tête et par an pour chaque département – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Carte D-1 – 1873. — La teinte blanche (consommation de moins de 1 litre par tête) et la teinte « 1 à 2 » occupent les deux tiers du territoire français. On pressent une tendance à l’accroissement de la consommation sur tout le bassin de la Saône et du Rhône jusqu’à la Méditerranée.
La teinte « supérieure à 6 » * occupe l’ensemble des départements du Calvados, l’Eure, la Seine-Inférieure, l’Oise, la Somme, l’Aisne, le Pas-de-Calais. Le phénomène est probablement minimisé pour les départements frontaliers, avec leur teinte « 4 à 5 », par la contrebande.
*) Il ne s’agit que d’une moyenne ! Nous verrons que les consommations dans certaines villes en 1881 en 1885 atteignaient des sommets (voir tableau D-4).
Les deux teintes immédiatement inférieures « 4 à 5 » et « 5 à 6 », excepté la Mayenne, occupent les départements périphériques à cette zone ainsi que les Vosges, « 4 à 5 ».
D-2 – Consommation des alcools purs en 1881 – Moyenne par tête et par an pour chaque département. – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Carte D-2 – 1881. — Presque tous les départements sont passés à la teinte supérieure. La teinte blanche (inf. à 1 litre) a pratiquement disparu, elle ne recouvre plus que les Landes, le Gers, l’Ariège, l’Aveyron, la Haute-Savoie, la Savoie. La teinte « 2 à 3 » progresse vers le Sud ; elle occupe aussi la Gironde, les Pyrénées-Orientales, le Var. Le Rhône et les Bouches-du-Rhône ont pris la teinte « 3 à 4 ».
D-3 – Consommation des alcools purs en 1885 – Moyenne par tête et par an pour chaque département. – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Carte D-3 -1885. — En comparant la carte D-1 à la carte D-3, nous voyons que partout les teintes sont passées au moins à la teinte immédiatement supérieure, ce qui signifie que sur l’ensemble du pays, la consommation a augmenté d’au moins un litre. La teinte blanche (inf. à 1 litre) que figure plus que pour le Gers, la Haute-Savoie, la Savoie. La teinte « 2 à 3 » forme un arc complet de la Loire-Inférieure au Vaucluse en passant par Nièvre et l’Ain et atteint l’Hérault. Dans le nord et le nord-ouest, les teintes se sont plus accentuées.
L’examen de ces trois cartes permet d’assister, à un véritable mouvement de tache d’huile qui touchait la consommation des alcools pendant ces treize années.
Maximums par tête pour quelques villes
D-4 – Consommation des alcools en 1881 et 1885 – Maximums par tête pour quelques villes. Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Tous les chiffres traités dans ces trois cartes ne reflètent qu’une moyenne pour les départements. Qu’en est-il des maximums enregistrés ? Nous avons reporté dans le tableau D-4 les consommations maximales pour quelques départements en teinte « Supérieure à 6 ». Pour 1873, nous ne disposons pas des valeurs pour chaque ville. Nous constatons que les consommations dans certaines villes atteignaient des sommets, 23.4 litres par personne, et que les consommations étaient bien établies et variaient peu dans le temps.
Modifications : 07/04/2022 – Informations complémentaires sur la notion d’alcool pur ; les territoires non documentés. 12/04/2022 – Annotation pour la corse paragraphe sans les territoires non documentés.
La fin du 19e siècle fut marquée par un net ralentissement de l’augmentation de la population. En 1876, la France comptait 38 437 592 habitants ; 1886 : 39 783 258 ; 1891 : 39 946 454 ; 1896 : 40 158 318. Le nombre des naissances comblait à peine le nombre des décès et en 1890, 1891 et 1892, ces derniers ont dépassé les naissances. La société était empreinte d’un esprit guerrier très développé. Cette situation préoccupait les militaires et les patriotes. L’armement et la science tactique étaient maîtrisés par les nations civilisées d’égale manière, seul le nombre d’hommes à mettre sur le terrain faisait la différence. Vers 1900, l’Allemagne, la Russie, l’Italie ne pouvait pas enrégimenter tout leur contingent, La France peinait à maintenir ses effectifs.
Pour effectuer des comparaisons entre les départements, nous avons calculé pour chaque année et chaque département :
un excédent des naissances, naissances supérieures au décès. Il est positif ou nul. ou
un excédent des décès, naissances inférieures aux décès. Il est négatif ou nul.
Il était nécessaire de pondérer ces excédents, pour les rendre comparables, en prenant en compte l’ordre de grandeur du nombre d’habitants de chaque département*. Nous avons donc calculé un excédent des naissances ou décès pour mille habitants défini par la formule :
Excédent des naissances ou décès pour mille habitants = (excédent des naissances (ou décès) * 1000) / Nombre moyen d’habitants du département **.
*) Exemple : L’Ille-et-Vilaine a un excédent de naissances de 3 346 pour une population environ 603 000 habitants ; la Vendée, un excédent de naissances de 2 336 mais pour environ 412 000 habitants. Ces chiffres sont difficilement comparables sans une petite transformation. **) Le nombre moyen d’habitants est celui d’une année d’un recensement centrée sur deux années de part et d’autre de celle-ci pour lesquelles nous avons donnons la même valeur. Le nombre moyen d’habitants est donc calculé sur cinq ans avec la valeur de l’année de recensement incluse dans la plage.
Les tableaux C-5 et C-6 montrent la répartition de ces excédents entre 1875 et 1885. Une seule et même couleur représente un seul et même département.
On retrouve le même phénomène pour les départements étudiés (C-3 et C-4) que pour la France entière (tableau C-2) mais avec quelques particularités.
Les natalités du Maine-et-Loire et surtout de la Mayenne ont été catastrophiques. Il n’y avait plus de renouvellement de la population par les naissances. La plupart des années, les décès étaient plus nombreux que les naissances. Maine-et-Loire (maxi 3,47‰ en 1880 ; mini -3.91 ‰ en 1900) et de la Mayenne (maxi 2,78‰ en 1881 ; mini -4,67‰ en 1900).
L’Ille-et-Vilaine, (maxi 7,75‰ en 1883 ; mini 1,66‰ en 1900), amorça un déclin de sa natalité à partir de 1884 et verra les décès dépasser les naissances en 1895 et 1900.
La Loire-inférieure a suivi le même schéma à partir de 1884 mais la natalité s’est maintenue (maxi 6,69‰ en 1881 ; mini 1,09‰ en 1900).
Le Morbihan et la Vendée furent les bons élèves de la classe avec des renouvellements importants par les naissances. On notera l’excellente natalité du Morbihan avec en 1877 un maximum de 12,75‰ et un minimum en 1888 de 5,30‰. La Vendée arbore un maximum de 9,65‰ en 1881 et un minimum de 3,30‰ en 1892. Nous y avons adjoint les courbes de tendances de ces deux départements :
entre 1875 et 1885, la tendance est à la baisse pour le Morbihan et à la hausse pour la Vendée.
entre 1896 et 1901, la tendance est stable pour le Morbihan et légèrement à la baisse pour la Vendée.
En 1900, on voit la natalité s’effondrer pour l’Ille-et-Vilaine (1,66‰), la Loire-Inférieure (1,09‰ ), le Maine-et-Loire (-3,91‰ ) et la Mayenne (-4,67‰ )
Les causes possibles du phénomène
Il était admis que l’on pouvait énumérer un grand nombre de causes de la diminution de la natalité en France et chacune avait sa part dans le phénomène, on citait à l’époque :
les mœurs de la société parisienne et mondaine des grandes villes où la femme redoutait la maternité qui risquerait de compromettre son apparence, alourdir sa taille, altérer sa beauté et ne plus vivre dans le tourbillon des fêtes *. L’homme ne voyait en l’enfant qu’un gêneur et une source de dépense. Mais il était admis que ce n’était pas dans cette société, qui comptait que quelques milliers d’individus dans chaque grande ville, que résidait la cause de la diminution des naissances.
les maladies nerveuses, causes de stérilité pour certains ménages.
l’alcoolisme.
le service militaire particulièrement long qui retardait les mariages, donc les naissances **.
la diminution des croyances religieuses.
la volonté des ménages d’avoir moins d’enfants qu’autrefois. Dans les familles aussi bien dévotes que pas ou peu religieuses, dans la première année naît un enfant, si c’est un garçon, on en reste là. Si c’est une fille, un second enfant lui succède. Elles n’ont plus d’autres soucis que d’élever l’héritier. Si par malheur l’adversité fait que l’enfant décède, un autre naît très rapidement.
la volonté de s’élever socialement, de monter le plus haut possible. Il fallait donc rendre la charge aussi légère que possible et réduire la famille à un ou deux enfants au maximum. Une fois arrivé, il fallait s’y maintenir. Multiplier le nombre d’enfants multipliait leurs charges avec le risque de voir leur fortune se diviser et la famille descendre au rang inférieur. Ce schéma s’appliquait à toutes les populations sauf celles bien sûr qui laissaient au hasard ou à la providence de pourvoir à tout.
on incriminait aussi le Code civil qui avait étroitement limité la liberté de tester. Les articles qui réglaient le régime des successions, qui réglementaient rigoureusement la quotité disponible, qui obligeaient les parents au partage égal de leur fortune entre leurs enfants, étaient autant d’entraves au maintien de la fortune et du rang social pour les familles nombreuses.
*) Certains couples excluaient dès les fiançailles la naissance d’un enfant. **) Voir article : « Mouvement de la population en 1875 – Le mariage ».
Toutes ces causes avaient une part particulière au ralentissement de la natalité. Selon le lieu, le climat, le milieu social, leurs influences pouvaient ou pas se faire sentir dans un même département.
À côté de ces familles prévoyantes, il y avait les couches où le labeur était écrasant, la sécurité nulle, sans réel avenir où la misère était endémique et où l’on vivait au jour le jour. C’était celles des métayers, des journaliers, des pêcheurs, des ouvriers d’usine que se trouvaient les classes vraiment misérables. Elles étaient très prolifiques, mais beaucoup plus par insouciance que par vertu. Il faut noter que les enfants pouvaient être une garantie par leur prise en charge à leurs vieux jours.
Nous avons vu dans l’article précédent la répartition de la population et sa densité en Loire-Inférieure en 1875. Intéressons-nous maintenant au mouvement de la population, c’est-à-dire à l’évolution de l’état de la population, au cours de cette même année, sous l’influence des événements démographiques que sont les décès, les naissances et les migrations.
Les habitudes sociales et morales de cette société étaient un peu différentes et la lecture des résultats du recensement, sans en avoir connaissance, peut amener à commettre des interprétations erronées voire fantaisistes. Nous ferons un petit rappel des us et coutumes, des lois en vigueur à connaître avant de commencer chaque analyse.
Dans l’étude des différents tableaux (mariages, naissances, décès), il n’est pas dans mon intention de réalisée une étude statistique dans les règles de l’art mais de dégager quelques points intéressants pour mieux comprendre le mode de vie nos aïeux. Nous sommes alors amenés à adapter des rapports basiques connus pour effectuer des comparaisons.
Nombre de mariages en 1875
Nous définissons un
taux de nuptialité = (nombre de mariages)*100) / population totale du département
B-1 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Le nombre de mariage en Loire-Inférieure (tableau B-1) est bien inférieur aux autres départements avec un taux de nuptialité de 6,46 pour mille habitants. On se marie le plus en Morbihan (8,86 ‰) et en Vendée (8,81 ‰)
Âge du mariage en 1875
Quelques points à connaître
Pour notre analyse de l’âge au mariage, quelques notions de droit civil et des obligations militaires de l’époque sont nécessaires. Elles vont grandement éclairer l’ensemble de nos constatations, de nos interrogations.
Majorité (Article 488 ancien)
« On appelle majorité l’époque où les personnes sont, en général, capables d’exercer leurs droits civils. Cette époque est fixée par la loi à l’âge de vingt et un an accomplis. — À cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile ; sauf les exceptions relatives au mariage et celles que font naître l’interdiction ou la nomination d’un conseil judiciaire. »
Âge du mariage
L’homme avant dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne pouvaient contracter mariage. Néanmoins, il était possible au chef de l’État d’accorder des dispenses pour des motifs graves. La cause principale de ces dispenses était la grossesse de la femme avant quinze ans révolus. La raison invoquée de cette différence d’âge était que la fille était bien plus tôt formée que le fils, et qu’elle était destinée à se marier plus jeune. On considérait qu’elle avait plus d’intérêt à ne pas laisser échapper l’occasion d’un établissement avantageux.
L’âge auquel une personne était considérée comme capable de s’engager dans les liens du mariage sans autorisation de ses parents ou tuteurs était de vingt et un an pour les filles et vingt-cinq ans pour les garçons. Avant cet âge, l’individu ne pouvait se marier qu’avec le consentement de ses parents. Après cet âge, ils n’en avaient plus besoin, mais ils étaient toujours tenus de leur demander conseil avant de le faire en leur adressant un acte rédigé conformément à certaines prescriptions et qu’on appelait acte respectueux, ou sommation respectueuse. Au moyen de cet acte, l’enfant avertissait ses père et mère ou autres ascendants qu’il avait l’intention de se marier avec telle personne désignée *.
*) Si les choses se passaient mal, entre vingt-cinq ans et trente ans pour les fils, et entre vingt et un an et vingt-cinq ans pour les filles, il devait être notifié successivement trois actes respectueux. La loi exigeait qu’ils soient présentés aux parents de mois en mois. Un mois après le troisième, l’enfant pouvait se marier. Après trente ans pour les fils et vingt-cinq ans pour les filles, il suffisait d’un seul acte respectueux. Un mois après qu’il avait été notifié, l’enfant pouvait se marier.
Obligations militaires
L’armée se recrutait par des appels et des engagements volontaires et la force du contingent à appeler chaque année était déterminée par les chambres législatives. Nous traiterons ici que des appelés.
Le contingent se divisait en deux portions, la première était appelée sous les drapeaux, la seconde laissée dans ses foyers.
Les jeunes gens de la deuxième portion du contingent continuaient à être soumis à des exercices militaires d’instruction, pendant trois mois la première année, et deux mois la seconde année.
La durée du service pour les jeunes soldats faisant partie des deux portions du contingent était de cinq ans, à l’expiration desquels ils passaient dans la réserve *, où ils servaient quatre ans. Ce qui faisait un total de neuf années pendant lesquelles ils pouvaient être requis pour le service extérieur.
*) Les hommes qui faisaient partie de la réserve ne pouvaient être rappelés qu’en temps de guerre.
Les jeunes gens, qu’ils soient de la première portion ou de la seconde, avaient interdiction de se marier sans autorisation de l’autorité militaire. Ceux de la réserve pouvaient se marier sans autorisation dans les trois dernières années de leur service.
En résumé
B-2 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Nantis de ces quelques renseignements, nous pouvons continuer notre étude.
B-3 – Répartition du nombre des jeunes mariés selon leur âge et le sexe – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Le tableau (B-3) nous montre la répartition du nombre des jeunes mariés selon leur âge et le sexe. Je vous propose de traduire les valeurs de ce tableau en pourcentage pour en faciliter l’analyse.
B-4 – Répartition du nombre des jeunes mariés selon leur âge et le sexe en pourcentage Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Pour l’ensemble des départements (tableau B-4) le même schéma se répète :
Les hommes
Les hommes ne se mariaient pas au-dessous de 20 ans. Avant dix-huit ans révolus, ils ne pouvaient contracter mariage.
Seulement environ * 19 % se mariaient entre 20 et 25 ans. Deux contraintes empêchaient les jeunes hommes de se marier : la première, l’autorisation des parents était absolument nécessaire ; la seconde, la plupart des jeunes gens effectuaient leur service militaire (sous les drapeaux ou chez eux) et il leur était interdit de se marier sans l’autorisation des autorités militaires. Ceux qui se mariaient entre 20 et 25 ans étaient exemptés de service militaire pour diverses raisons ou s’étaient fait remplacés.
*) Le terme « environ » indique que nous avons pris la médiane de la série.
Environ 38 % des hommes se mariaient entre 25 et 30 ans. Ceux qui avaient fait leurs cinq années de service entre 20 et 25 ans, étaient versés dans la réserve pour quatre années. La première année, il ne pouvait se marier sans autorisation des autorités. Les trois suivantes, ils n’étaient plus soumis aux autorisations des autorités militaires et de leurs parents bien que pour ces derniers ils devaient leur demander conseil.
On relève environ 21% de 30 à 35 ans.
On relève encore environ 10 % entre 35 et 40 ans
Les femmes
Les femmes se mariaient plus tôt : Environ 12% des femmes au-dessous de 20 ans contractait mariage en sachant, qu’en principe, elles devaient avoir 18 ans révolus.
Environ 36% des femmes convolaient entre 20 à 25 ans et environ 26 % entre 25 et 30 ans.
Elles ne sont qu’environ 6 % entre 35 et 40 ans.
Nous étudierons le statut de la femme, pendant cette période, dans un prochain article.
Âge au mariage, comparaison entre les départements
B-5 – Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
Si nous effectuons, à titre de curiosité, des comparaisons entre les départements (B-5) nous constatons que : a) Que du côté des hommes, pour tous les départements le même schéma de distribution des âges se reproduit. b) Pour les femmes, le Maine-et-Loire, la Mayenne, le Morbihan et la Vendée reproduisent le même schéma général de distribution des âges. Les séries de 20 / 25, 25 / 30, 35 / 40 décroissent presque linéairement. La série 20 / 25 des filles est du même niveau que celle 25 /30 des garçons. Il n’en est pas de même pour la Loire-inférieure et l’Ille-et-Vilaine. Les séries 20 / 25 et 25 / 30 des femmes sont quasiment du même niveau ; il y a autant de filles dans chaque série. c) C’est dans le Maine-et-Loire, la Mayenne et le Morbihan que les jeunes filles se marient le plus au-dessous de vingt ans.
Cette série d’articles est dédiée à mon amie Marguerite, fidèle auditrice de mes conférences à la médiathèque Barbara, qui m’a gentiment demandé d’écrire sur Montoir.
Auguste Legout, marin de Montoir.
Nous allons dans cette série d’articles aborder la vie de M. Auguste Legout, inscrit maritime le 21 mai 1889, à l’aube de ses 14 ans. Il embarqua sur le trois-mâts Raoul et Fernand le 29 mai 1889 à Saint-Nazaire. C’est le début d’une longue vie de marin, de 38 ans de navigation.
C’est en faisant « le ménage » dans mes papiers que j’ai redécouvert un article dans un journal local consacré à M. Legout. Une amie m’ayant demandé de relater l’histoire de quelques figures montoirines, je me suis dit : « Tiens, tiens ! En voici une très intéressante à lui proposer ». Muni de ces quelques informations, je me suis plongé dans mes notes * et les documents de l’époque à la recherche de l’environnement, du milieu social où M. Legout a vécu, de l’évolution des techniques, de son mode de vie et de l’état d’esprit du moment, tout ceci à des périodes différentes de sa carrière.
*) Issues de travaux communs avec deux éminents spécialistes, M. Jean-Louis Monvoisin, professeur de lettres et Jacques Hédin, scientifique au parc régional de Brière.
Nous vivons dans un monde, où croit-on, une simple photo avec quelques mots suffisent à la majorité des lecteurs. Ceux qui me suivent savent que ce n’est pas mon mode de fonctionnement, lorsque j’étudie un sujet, je le prends toujours dans sa globalité, du général au particulier. Ceci est dû probablement à mon esprit plus scientifique que littéraire. « Y’aura à lire ! », comme dit mon ami et fervent lecteur montoirin Clovis du Tillou. Je vous propose de remonter le temps et de faire une « photo » de l’année 1875, année de naissance de notre futur marin au long cours. Les premiers articles seront consacrés à la description du département de la Loire-Inférieure : sa géographie et sa population ; ses mouvements de population (mariage, naissance, décès, etc) ; son agriculture ; son industrie ; son commerce ; l’estuaire de la Loire autour de 1875.
Le département de Loire-Inférieure en 1875
Dans toutes les histoires, il y a un décor et pour le début de la présente, c’est celui de l’estuaire de la Loire situé dans le département de la Loire-Inférieure. Oui je sais ! Vous connaissez ! Cependant, pensez aux lecteurs de lointaines contrées qui lisent régulièrement mes articles et qui ne soupçonnent même pas leur existence.
Le département de la Loire-Inférieure* devait son nom à la présence de la Loire à son cours inférieur, là, elle se jette dans l’océan Atlantique en formant un estuaire. Il est limité par l’océan Atlantique et par les départements du Morbihan, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire et la Vendée. Il faisait, avant 1789, partie de la province de Bretagne. Nantes est son chef-lieu. Comparé aux autres départements, il est le 20e du point de vue de la superficie, le 10e pour la population et le 15e pour la densité de la population.
*) La Loire-Inférieure deviendra Loire-Atlantique en 1957.
Les arrondissements
La Loire-Inférieure et ses arrondissements
La Loire-Inférieure comprenait 45 cantons et 217 communes divisés en 5 : arrondissements, Nantes, Ancenis, Châteaubriant, Paimboeuf et Saint-Nazaire.
Population
La Loire-Inférieure avait à cette époque une population de 612 972 habitants sur une superficie de 6 874,56 km2 (687 456 hectares) soir 89,16 habitants par Km2. À titre de comparaison avec les départements adjacents nous avons :
Du point de vue nombre d’habitants et superficie, la Loire-Inférieure et l’Ille-et-Vilaine étaient comparables.
Densité de la population du département
Répartition géographique de la population en Loire-Inférieure, commune par commune, par Victor Turquan – 1888 Source BNF – Gallica – Dessin Michel-C Mahé
La carte ci-dessus, issue des travaux du géographe Victor Turquan publiés en 1888, nous montre clairement les zones où la densité de la population est la plus importante. Elles sont toujours à proximité de la mer ou d’un cours d’eau. Par ordre d’importance : Nantes, à la limite des terres les plus riches du département, avec son commerce import-export, son industrie, puis la côte entre Le Pouliguen, Le Croisic et Pénestin pour le commerce du sel et la pêche et enfin Saint-Nazaire et son commerce import-export et le chargement et le déchargement des navires dont le tirant d’eau est trop important pour accéder à Nantes Les parties nord et sud-ouest sont les moins peuplées.
Population des arrondissements et des chefs-lieux d’arrondissement
De facto, les arrondissements de Nantes et de Saint-Nazaire étaient les plus peuplés.
Population suivant le sexe et l’état-civil
Dans le tableau ci-dessus, à titre de comparaison et pour vérifier les tendances, nous avons inclus les départements limitrophes. On remarque que : a) L’ordre de grandeur du nombre des garçons * et des filles * est sensiblement identique.
*) Non mariés (mariées), non veufs (veuves).
b) On constate 2,18 fois plus de veuves que de veufs pour la Loire-Inférieure. Le constat est identique pour les autres départements avec les rapports suivants : Ille-et-Vilaine : 2,44 ; Mayenne : 2,39 ; Morbihan : 2,15 ; Maine-et-Loire : 2,07 ; Vendée : 1,85. Cet écart est dû à des disparités entre les facteurs biologiques, environnementaux, sociaux et comportementaux des deux sexes. Les hommes, surtout en zone urbaine, vivent souvent dans des environnements plus hostiles, l’alcoolisme, le tabagisme font des ravages réduisant leur espérance de vie.
Le compte de gestion de l’exercice 1931, présenté par M. Drougard *, s’établit ainsi :
Recettes : 339 780 fr. 13 ;
Dépenses, 300 089 fr. 81 ;
Excédent des recettes en 1931, 39 690 fr. 32 ;
Excédent de l’exercice clos, 19 765 fr.;
Résultat définitif de l’exercice 1931, 59 455 fr. 32.
*) M. Drougard Émile, né le 26 novembre 1866, à Nantes, receveur municipal, probablement trésorier de la Caisse de retraites ou de prévoyance des employés municipaux. Il a pris sa retraite 16 novembre 1934.
Les représentants du Conseil d’exploitation soulignaient en annonçant le bénéfice dans le journal local : « Nous devons pouvoir faire mieux encore, à condition que le public nous aide. »
Le résultat financier pour l’année 1931 s’étant traduit par un bénéfice, le Conseil d’exploitation, satisfait du travail fourni par le personnel, a accordé les gratifications suivantes : 200 francs aux conducteurs-receveurs ; 200 francs au chef du garage ; 500 francs au directeur.
Affiliation à la caisse autonome mutuelle La loi du 31 mars 1932 faisait obligation à la Régie municipale des transports en commun d’assujettir les conducteurs et ouvriers à la Caisse Autonome Mutuelle de retraites des agents de chemins de fer secondaires, d’intérêt général, des chemins de fer d’intérêt local et des tramways. Cette affiliation avait effet rétroactif du 1er avril 1932 et la retenue à effectuer sur le salaire des employés fut de 5,5 % jusqu’au 31 décembre 1932, et de 6 % à partir du 1er janvier 1933. Les versements de la Régie municipale des transports furent de 6 % jusqu’au 31 décembre 1932 et de 7 % à partir du 1er janvier 1933. Quoique affilié à la Caisse autonome Mutuelle, le personnel n’en restait pas moins assujetti aux assurances sociales en ce qui concerne la maladie, soins chirurgicaux, etc. D’où une autre contribution totale de 40 fr, à répartir de la façon suivante : 8 fr. pour l’employé et 32 fr. pour l’employeur.
Avantages sociaux des conducteurs Après un an de stage, s’il avait donné satisfaction, le conducteur-receveur pouvait bénéficier des avantages suivants : 1er Mensualisation ; 2e Congé annuel de 21 jours (dimanches et fêtes compris) ; 3e Congé de maladie (un mois à traitement entier, un mois à demi-traitement).
Accident contre une voiturette Le 9 avril 1932, à l’intersection des rues Henri-Gautier et de la Gare, un autobus des transports en commun, conduit par M. Guéry Louis, 43 ans, natif de Magny-Cours (Nièvre), chauffeur, a, tamponné l’auto de M. Rouault. L’épouse de ce dernier, née Jaunay, fut blessée. Le chauffeur, M. Guéry est condamné à 25 francs d’amende avec sursis.
Budget prévisionnel 1933 Les dépenses prévues s’élevaient à 414 612 fr. 88 ; les recettes d’égale somme à 414 612 fr. 88.
La régie municipale en 1933
Résultats 1932 Le compte de gestion établi par M. Drougard, et le compte administratif de la Régie pour 1932, présentent les résultats suivants : Recettes : 399 364 fr. 40 ; Dépenses : 359 318 fr. 95 ;
Excédent de l’exercice 1931 : 59 455 fr. 32 ;
Excédent des recettes 1932 : 40 045 fr. 45 ;
Excédent de recettes au 31 mars 1933 : 99 500 fr. 77.
L’excédent de recettes provient dans la presque totalité des subventions de la ville destinées au renouvellement du matériel.
La balance de l’actif et du passif s’équilibre sur le chiffre de 911 913 fr. 94.
Publicité dans les autobus Un contrat d’une durée de trois ans avec une maison de publicité pour des réclames qui se sont étalées dans les autobus de la ville a été passé. Chacune des six voitures en service rapportait 500 fr., soit 3 000 fr.
Budget prévisionnel 1934 Les dépenses prévues s’élevaient à 476 812 fr. 88 ; les recettes d’égale somme à 476 812 fr. 88. Dans ces recettes, une subvention de la ville était comprise. Un crédit supplémentaire de 6 826,24 fr. est voté, pour l’exercice 1933.
Itinéraires des nouvelles lignes A (rouge), B (bleu), C (vert) , D (marron) , E (rose) – Rond : arrêt obligatoire ; carré arrêt facultatif. Dessin Michel-C Mahé.
En supplément des lignes Saint-Nazaire / Saint-Marc et Saint-Nazaire / Méan, cinq nouvelles lignes d’autobus furent mises en service à partir du mardi 27 janvier 1931 *.
*) Les nouvelles lignes – Arrêts, fréquences et prix
Ligne A – De la place de la République au chemin vicinal no 4, par les rues de Normandie, Villès-Martin, Commandant-Gaté et route de Guérande. 5 sections, prix de chaque section : 0 fr. 20.
Service d’autobus de la Régie municipale – De la place de la République au chemin vicinal no 4 par les rues de Normandie, Villès-Martin, Commandant-Gaté et route de Guérande. Janvier 1931 – Horaires et prix. Les exemples de prix sont calculés aux départs selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Ligne B – De la place de la République au chemin vicinal no 4, par les rues de Normandie, de la Paix et de Saint-André. 5 sections, prix de chaque section : 0 fr. 20.
Service d’autobus de la Régie municipale – De la place de la République au chemin vicinal no 4, par les rues de Normandie, de la Paix et de Saint-André – Janvier 1931. Horaires et prix. Les exemples de prix sont calculés aux départs selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Ligne C – De la place de la République à la rue de Cardurand, par les rues de Normandie, Jean Jaurès, boulevard Victor-Hugo, rue Albert-de-Mun, rue de Toutes Aides, 4 sections, prix de chaque, section 0 fr. 20.
Service d’autobus de la Régie municipale – De la place de la République à la rue de Cardurand, par les rues de Normandie, Jean Jaurès, boulevard Victor-Hugo, rue Albert-de-Mun, rue de Toutes Aides – Janvier 1931. Horaires et prix. Les exemples de prix sont calculés aux départs selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Ligne D – De la place de la République à la rue de Cardurand par les rues de Normandie, Jean-Jaurès, du Maine, de Grand-Ormeau et de la Matte. 3 sections, prix de chaque section: 0 fr. 20.
Service d’autobus de la Régie municipale – De la place de la République à la rue de Cardurand par les rues de Normandie, Jean-Jaurès, du Maine, de Grand-Ormeau et de la Matte – Janvier 1931. Horaires et prix. Les exemples de prix sont calculés aux départs selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Ligne E – De la place de la République à la place de la Matte, par les rues de Normandie, Jean-Jaurès et d’Anjou. 2 sections ; prix de chaque section : 0 fr. 20.
Service d’autobus de la Régie municipale – De la place de la République à la place de la Matte, par les rues de Normandie, Jean-Jaurès et d’Anjou – Janvier 1931. Horaires et prix. Les exemples de prix sont calculés aux départs selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Dans un premier temps, elles furent créées à titre d’essai et mises en service que les mardis et vendredis matin , jours de marché. La régie se réservait le droit de modifier les horaires, les itinéraires et le nombre des départs, suivant les retours d’expérience.
Elles étaient assurées par les cinq autobus Renault, 20 chevaux, type P. H. disponibles pour l’ensemble des lignes de cette époque.
À partir du 8 février 1931, le service fut étendu au dimanche matin sur les lignes A et B avec le même horaire.
Pour simplifier le service des conducteurs sur les nouvelles lignes, le conseil municipal du 16 février 1931 annonça la création de tickets avec une base de 0 fr. 20 par section. Le ticket de 0 fr. 20 était valable pour une section ; celui de 0.40 pour deux sections, etc.
Transport entre Saint-Nazaire et Montoir
En septembre 1931, M. Padois, entrepreneur de transports, a sollicité l’autorisation d’organiser un service régulier entre Montoir bourg et Saint-Nazaire avec une possibilité de subvention. L’autorisation d’organiser le service de transport lui a été accordée, mais pas la subvention.
Budget prévisionnel 1932
Les dépenses prévues s’élevaient à 396 062 fr. 88 ; les recettes, d’égale somme, à 396 062 fr. 88. Dans ces recettes, deux subventions de la ville étaient comprises. La première, de 30 470 francs, était destinée à faire face aux excédents de dépenses. La deuxième, de 39 530 francs, se rapportait au renouvellement du matériel roulant. Soit un total de 70 000 francs.
L’info du blog : Internet c’est bien mais se rencontrer c’est mieux. Chaque année, j’invite mes lecteurs de mon blog à ma rencontre-conférence annuelle, à la Médiathèque Barbara de Montoir-de-Bretagne. Pour moi c’est un moment important de restitution d’un travail de plusieurs mois, de rencontres et d’échanges qui s’inscrit dans le cadre d’une étude, menée depuis plusieurs années, de Saint-Nazaire entre 1918 et 1939. Ensuite, l’ensemble des conférences sont données gratuitement pour les associations qui en font la demande.
C’est avec un grand plaisir que je reprends mes restitutions de travail.
La prochaine aura lieu le samedi 16 octobre2021 à 10h30, à la Médiathèque Barbara de Montoir-de Bretagne.
Pendant un peu moins de deux ans, à raison d’un article par mois, nous avons appréhendé ensemble :
« Le développement de transport en automobile à Saint-Nazaire entre 1900 et 1938. »
Ce sera le thème de cette restitution. Je pourrais répondre, de visu, à vos questions et les discussions seront comme d’habitude riches d’enseignements.
Durée 1 h 00, pass sanitaire obligatoire, jauge 15 à 20 personnes. Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire. Contact : Médiathèque Barbara de Montoir-de Bretagne. 02.40.70.11.51
L’arrêté municipal du 30 juin 1930 interdisant le stationnement des autobus et autocars
M. Blancho en 1929
Pour permettre un développement optimum de la régie des transports en commun, l’équipe municipale crut bon d’évincer tout simplement la concurrence. Le maire de Saint-Nazaire, M. Blancho, prit le 30 juin 1930 un arrêté interdisant le stationnement des autobus et autocars, excepté quelques cas particuliers à Saint-Nazaire.
L’arrêté
Article premier. – À compter du 1er juillet 1930, est interdit, quelle qu’en soit la durée, spécialement pour prendre ou décharger des voyageurs, le stationnement des autocars et autobus de toutes sortes sur les voies et places publiques de la commune de Saint-Nazaire. Art. 2. – Exception est faite : a) pour les voitures du service municipal des transports en commun autorisé par décret du 28 mai 1930 ; b) pour celles transportant des invités à une cérémonie de mariage ; c) pour les voitures touristiques qui n’effectuent pas dans la commune de Saint-Nazaire un service de transport de voyageurs.
Le conflit avec les entrepreneurs
C’était une déclaration de guerre contre les entrepreneurs de transports en commun. Ceux-ci continuèrent leur service. Alors s’abattit sur eux une pluie de procès-verbaux. Ils protestèrent. MM. Adolphe Delvart, Léon Gondard, Hubert et Moulet, directeurs, furent appelés devant M. Georges Gallais, juge de paix du canton de Saint-Nazaire. Ils prétendirent que l’arrêté du maire, servant de base à la poursuite dont ils étaient l’objet, était entaché de nullité, contraire à la liberté du commerce et de l’industrie et qu’il portait atteinte au droit de propriété. Il avait aussi pour effet de créer un monopole au profit de la ville qui exploitait pour son compte un service d’autocars.
L’opinion des nazairiens
Cet arrêté fut très commenté par la population nazairienne qui dans sa majorité, avec son bon sens, voyait là une atteinte à la liberté du commerce. Des articles parurent dans les journaux donnant la parole aux uns et aux autres. Un lecteur d’un journal local fit paraître une chanson *.
*) « Le député-maire vient de prendre un arrêté, par lequel d’un trait de plume, il supprime la concurrence que pouvaient faire au service municipal de transport en commun, les deux anciens concessionnaires de la ville. Ce n’était pas plus difficile : mais il fallait y songer et vive la liberté du commerce ?… »
Des gens qui n’sont pas à la danse Ça doit être Hubert et Gondard Concessionnair’s des diligences Des servic’s d’Méan et d’Saint-Marc ! Pauvr’s typ’s dont la vie n’est pas rose Qu’étaient presque, hier, dans l’Bottin Et qui, par sal’retour des choses, Sont dans l’pétrin.
V’la-t-y pas qu’la Municipale Vient d’leur lancer I’mauvais billet En réglant d’façon radicale Qu’à partir du premier juillet : N’pourraient séjourner dans la rue Qu’les « Transports-Cipaux en Commun « , Et qu’tous les autr’s feraient l’pied d’grue, S’raient dans l’pétrin !
C’est réglé comm’ papier-musique, C’est paraphé du nom d’Blancho : Au lieu de deux voitur’s publiques Désormais n’y a plus qu’un taco ; Mais, dame ! un taco qu’est pépère, Qui s’pose là, que r’luit, qu’est rupin, Preuve que l’socialiss’ ça n’opère Pas qu’dans l’pétrin.
Mais c’est t’y cà, je vous l’demande, C’est t’y çà d’la fraternité, D’oser ainsi, comm’ sur commande, Contr’ son prochain, c’t’atrocité D’lui retirer le pain d’la bouche, D’lui briser l’travail dans les mains, Et d’l’enliser d’un cœur farouche Dans l’pétrin.
Et c’est-y mêm’ de la justice D’accaparer ainsi sans peur C’que chaqu’homm’ peut, à son service, Avoir qui lui tient le plus au cœur ; L’fait d’abuser des monopoles Etant l’indic’ toujours certain De libertés sacrées qu’on viole Dans quelqu’ pétrin.
Il sied qu’en cett’ si grave affaire Dame Thémis * ait l’dernier mot Et, sans tarder, qu’tout Saint-Nazaire En résonne autant qu’un grelot… A qui l’succès ?… A qui l’oracle ?… A la Mairie ?… Aux purotins ?… Faudra qu’les uns restent au pinacle, D’autr’s dans l’pétrin !…
LA MENÉE-BECCARD. . *) Thémis : dans la mythologie grecque, déesse de la Justice, de la Loi et de l’Équité. **) Pseudonyme faisant référence à un lieu-dit entre Penhoët et Méan.
Le jugement par la Justice de paix
Le 21 octobre 1930, M. Gallas, juge de Paix , confirmait, par un jugement* fortement motivé, que l’arrêté était illégal. Le procès-verbal servant de base à la poursuite était un stationnement illégal d’un autobus de M. Gondard à Saint-Marc, de ce fait il s’est trouvé relaxé.
La salle de Justice de Paix était située dans les jardins de la mairie
*) Les justices de paix étaient des juridictions de proximité. Il y en avait alors une par canton, chacune sous la responsabilité d’un juge de paix. Mises en place en France en 1790, elles furent supprimées en 1958. La justice de paix à Saint-Nazaire en janvier 1930 : juge : Gallas ; suppléants : Lucas et Thuard ; greffier : Pelletier. Les audiences avaient lieu, dans une salle qui lui était dédiée dans le jardin de la mairie, le lundi à 13 heures ; la simple police, mardi à 13 heures.
** Le jugement : Attendu qu’il est établi, par le procès-verbal servant de base à la poursuite, ce qui n’est d’ailleurs pas nié par le prévenu, que ce dernier a stationné avec un autobus, le 5 août 1930, à 19 h. 50, devant le café du Centre, à St-Marc, lieu interdit aux véhicules de transports en commun, par l’arrêté municipal du Maire de Saint-Nazaire. Attendu que cette contravention est prévue et punie par l’article 471 du Code pénal d’une amende de 1 à 5 francs inclusivement.
Attendu que le prévenu conteste la légalité dudit arrêté, pris, prétend-il, en violation de la liberté du commerce et de l’industrie, et dans le but évident de créer un monopole au profit des intérêts privés de la commune, le bon ordre et la sécurité des citoyens n’ayant rien à redouter du stationnement des autobus et des autocars sur les voies et places publiques de la commune de St-Nazaire, et le Maire ayant excédé la limite de ses pouvoirs et violé la loi en interdisant tout stationnement sur tout l’étendue des voies et places publiques de la commune de Saint-Nazaire, alors qu’il ne pouvait que règlementer la circulation sur la voie publique, en indiquant les itinéraires à suivre et les lieux de stationnement dans un but de sécurité et de commodité de passage. Attendu qu’il est de jurisprudence constante que le juge de simple police appelé à réprimer les contraventions à des arrêtés pris par l’autorité administrative, doit se préoccuper de la légalité desdits arrêtés. Attendu que l’arrêté municipal du 30 juin 1930, régulièrement publié et affiché, a été pris dans l’intérêt du bon ordre, de la circulation et de la sécurité publique, Attendu qu’un maire peut valablement réglementer la circulation et le stationnement sur les voies et places publiques, dans l’intérêt général des citoyens ; mais qu’il excède ses pouvoirs quand il interdit de façon permanente et absolue le stationnement sur toute l’étendue des voies et places publiques de sa commune, portant ainsi atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, notamment à l’exploitation des services de transports qui ne peuvent s’effectuer sans stationner pour prendre des voyageurs. Que le fait d’indiquer nominativement après l’interdiction absolue susrelatée le seul service qui a le droit de stationner sur toute l’étendue des voies et places publiques d’une commune ne peut être considéré comme une réglementation de la circulation, mais doit, au contraire, être considéré comme la création d’un monopole au profit d’une entreprise privée, formellement interdite par la loi du 5 avril 1884 et par de nombreux jugements et arrêts sur cette matière. Attendu qu’aux termes de l’article 98 de cette loi, le Maire n’a la police des routes nationales, départementales et des voies de communication que dans l’intérieur seulement des agglomérations. Attendu qu’en visant dans son arrêté la totalité des voies et places publiques de la commune de Saint-Nazaire, le Maire a violé l’article 98 de la loi du 5 avril 1884, la partie rurale du réseau routier de la commune de Saint-Nazaire étant aussi importante, sinon plus importante que la partie urbaine où le maire avait seulement le droit de réglementer la circulation. Attendu que l’interdiction prise d’une façon permanente de stationner sur toutes les voies et places communes de Saint-Nazaire ne peut être considérée comme une réglementation de la circulation rentrant dans les pouvoirs d’un maire, mais constitue, au contraire, une entrave à la liberté du commerce et de l’industrie. Attendu d’autre part que le fait d’avoir désigné le service municipal des transports en commun qui seul a le droit de stationner sur l’étendue des voies et places publiques constitue un monopole au profit de la ville de St-Nazaire, exploitant pour son propre compte le seul service de transports autorisé à stationner. Attendu que l’arrêté a été pris dans l’intérêt du domaine privé de la commune et non dans l’intérêt général des citoyens. Attendu que pour les faits sus-énoncés l’arrêté municipal doit être déclaré illégalement pris pour excès de pouvoirs et violation de la loi qu’il y a lieu en conséquence d’acquitter le prévenu et de se renvoyer des fins de la poursuite sans dépens. Pour ces motifs déclare l’arrêté illégal et renvoie le prévenu des fins de poursuite.
L’info du blog : Internet c’est bien mais se rencontrer c’est mieux. Chaque année, j’invite mes lecteurs de mon blog à ma rencontre-conférence annuelle, à la Médiathèque Barbara de Montoir-de-Bretagne. Pour moi c’est un moment important de restitution d’un travail de plusieurs mois, de rencontres et d’échanges qui s’inscrit dans le cadre d’une étude, menée depuis plusieurs années, de Saint-Nazaire entre 1918 et 1939. Ensuite, l’ensemble des conférences sont données gratuitement pour les associations qui en font la demande.
C’est avec un grand plaisir que je reprends mes restitutions de travail.
La prochaine aura lieu le samedi 16 octobre2021 à 10h30, à la Médiathèque Barbara de Montoir-de Bretagne.
Pendant un peu moins de deux ans, à raison d’un article par mois, nous avons appréhendé ensemble :
« Le développement de transport en automobile à Saint-Nazaire entre 1900 et 1938. »
Ce sera le thème de cette restitution. Je pourrais répondre, de visu, à vos questions et les discussions seront comme d’habitude riches d’enseignements.
Durée 1 h 00, pass sanitaire obligatoire, jauge 15 à 20 personnes. Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire. Contact : Médiathèque Barbara de Montoir-de Bretagne. 02.40.70.11.51
Pendant la séance ordinaire du 24 février 1930, le Conseil municipal annonçait que la Ville de Saint-Nazaire reprenait, sous la forme d’une régie, les lignes Saint-Nazaire au Pont de Méan et Saint-Nazaire à Saint-Marc exploitées jusqu’alors par des entreprises privées subventionnées par la ville *. L’entreprise était d’importance, il fallut acheter les véhicules, embaucher des chauffeurs, trouver un bâtiment pour le garage, mettre en place un conseil d’exploitation. Le dimanche 22 juin 1930, le nouveau service fut inauguré et débuta le mardi 1er juillet 1930.
*) Voir article « La régie municipale en 1930 – Les prémices ».
Les autobus
Le service était assuré par cinq autobus constitués d’un châssis Renault, type PH, d’un moteur de 20 chevaux à 4 cylindres (100 mm de diamètre, 160 mm de course), d’une boîte de vitesse à 4 rapports et carrossés par la maison Émile Guillet d’Angers. Chacun contenait 26 places assises et 10 debout. Deux remorques assuraient le transport des bagages. Cet autobus avait été étudié pour réaliser, avec une puissance relativement faible, une vitesse moyenne élevée. Il se prêtait au service sûr et rapide de liaisons entre les localités d’un même réseau. À l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai aucune photographie montrant ce type de véhicule. On peut s’en faire une idée par rapport à la ligne des véhicules Renault de l’époque.
Autobus Renault en service dans la banlieue parisienne vers 1928. Dans les grandes lignes, les autobus nazairiens devaient lui ressembler. Crédit Photo BNF – Gallica
Ligne Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan.
Service d’autobus de la Régie municipale Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan –1er juillet 1930 Dessin Michel-C Mahé.
Les arrêts obligatoires correspondant à cette ligne étaient les suivants : rue d’Herbins, rue des Chantiers, rue du Moulin. Les arrêts facultatifs : rue de la Dermurie, boulevard Leferme (Énergie Électrique), rue des Chantiers (angle de la rue de Trignac), rue du Port.
Service d’autobus de la Régie municipale Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan –1er juillet 1930 – Horaires et prix – Les exemples de prix sont calculés au départ de Saint-Nazaire et de Méan selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Ligne Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc
Service d’autobus de la Régie municipale Saint-Nazaire (gare) à Saint-Marc – 1er juillet 1930 Dessin Michel-C Mahé
Les arrêts obligatoires correspondant à cette ligne étaient les suivants : Sautron (ancien octroi). Villès-Martin (Mon-Idée), La Châtaigneraie, La Vecquerie, Gavy (Petit Gavy).
Service d’autobus de la Régie municipale Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc –1er juillet 1930 – Horaires et prix Les exemples de prix sont calculés au départ de Saint-Nazaire et de Saint-Marc selon l’arrêt choisi. Dessin Michel-C Mahé.
Le poids des transports sur le budget des familles
Pour établir ce que pouvait peser le prix de ce type de transport sur le budget des familles, il faut savoir que le salaire moyen d’un ouvrier en 1929 oscillait, suivant les catégories et les entreprises, entre 1,7 et 3 francs de l’heure. Un trajet Saint-Nazaire-Saint-Marc (2 fr. 50) représentait pour beaucoup plus d’une heure de travail. Il est peu probable qu’eux et leur famille fissent le voyage très souvent. Voici quelques exemples :
Un mécanicien à la compagnie des chemins de fer du Morbihan touchait 20 fr. 50 par jour soit 2 fr.56 de l’heure. Son chauffeur : 13 fr. 50 par jour soit 1 fr. 69 de l’heure.
Un manœuvre du matériel-ajustage à l’usine métallurgique de la Basse-Loire (U. M. B. L.) au 15 mai 1929 percevait 330 fr.70 pour 112 heures de travail soit 23 fr. 62 par jour soit 2 fr.95 de l’heure.
Un manœuvre aux aciéries Martin, toujours à l’usine métallurgique de la Basse-Loire, au 15 juin 1929 percevait 329 fr.30 pour 180 heures de travail soit 21 fr. 95 par jour soit 1 fr.83 de l’heure.
Un ouvrier sur le port touchait, fin septembre 1929, 40 fr. par jour soir 5 fr. par heure. C’est un cas particulier, les dockers occupaient une position stratégique dans l’économie nazairienne.
L’arrêté Municipal du 30 juin 1930 contre le stationnement des autobus
Pour permettre un développement optimum à cette régie, l’équipe municipale crut bon d’évincer tout simplement la concurrence. Le maire de Saint-Nazaire, M. Blancho prit, le 30 juin 1930, un arrêté interdisant le stationnement des autobus des entreprise privées, excepté quelques cas particuliers, à Saint-Nazaire. Jolie déclaration de guerre contre les entrepreneurs de transports privés et début d’un long processus judiciaire que nous développerons dans les prochains articles.
Budget prévisionnel 1931
Les dépenses prévues s’élevaient à 343 842 fr. 88 ; les recettes d’égale somme à 343 842 fr. 88. 88.
L’info du blog : Amis de passage, sachez que la notification de la parution d’un article se fait généralement vers mes lecteurs le premier du mois par un courriel avec toutes les informations transmises par les amis du blog (expositions, livres, revues, conférences, etc.) Vous pouvez vous aussi en prendre connaissance en activant le bouton « Lettre mensuelle » en en-tête.
À la séance ordinaire du 24 février 1930, le Conseil municipal annonçait que la Ville de Saint-Nazaire organisait par voie de régie l’exploitation des lignes Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan et Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc. Les tarifs restant les mêmes. Le décret du 28 mai 1930 acta la délibération.
Le Conseil estimait qu’avec les extensions envisagées, l’exploitation par des entreprises n’était pas adaptée au nouveau service qui se voulait répondre véritablement aux besoins des habitants. Elle représentait aussi un coût important. À la dernière soumission, pour assurer sept voyages par jour sur Méan et quatre sur Saint-Marc les entrepreneurs avaient demandé une subvention de 732 francs par jour, soit 80 000 par an, pour le premier et 1001 francs par jour, soit 177 000 francs par an, pour le second. Le Conseil considérait que les entreprises mettaient tous les risques inhérents à l’exploitation à la charge de la Ville en se réservant les bénéfices.
La Commission des transports se rendit à Paris au Salon des poids lourds. Elle fixa son choix sur 5 voitures avec un châssis Renault, 20 chevaux, type P. H, carrossé par la maison Émile Guillet d’Angers. Chacune contenant 26 places assises et 10 debout. Le prix de revient unitaire était de 83 110 francs. On fit l’acquisition de deux remorques pour les bagages à 4 900 francs chacune.
Le garage et l’atelier de réparations dans l’ancienne fonderie Deau. Crédit photo BNF – Gallica
Situation du garage et atelier de la Régie municipale – Dessin Michel-C Mahé
Le garage et l’atelier de réparation furent installés dans les deux grandes nefs de la fonderie Deau *. La mise en état fut estimée à 115.000 francs et l’outillage 50.000 francs.
*) Fonderie de M. Raoul Deau, 53 rue de la paix, rue de Normandie et ruelle du Gaz. L’adjudication des bâtiments après faillite a eu lieu le 17 mars 1925. L’immense bâtisse, deux nefs en briques de 28 m. de profondeur et 18 m. 60 de largeur, fut alors rachetée par les Chantiers de la Loire. Elle nous apprend que, outres la fonderie et un autre terrain rue de la paix, M. Deau possédait à Pornichet, avenue de la Gare, la villa « La Mésangère ».
Au Conseil municipal du mercredi 11 avril 1928, M. Lemouel, 1er adjoint, faisait remarquer que « Saint-Nazaire ne possède ni salle de fêtes spacieuse ni grand local permettant aux foules d’évoluer lors de certaines circonstances spéciales. » L’achat de la bâtisse serait donc souhaitable. Une commission nommée pour examiner le bâtiment s’est prononcée en faveur de l’achat. Le Conseil vote le principe de son acquisition. Au Conseil municipal du 24 mars 1930, il est fait état que deux cubilots et une partie de la charpente métallique d’un monte-charge qui encombrait le local ont été achetés par M. Ovaëre au prix de 2 500 francs.
Le budget de fonctionnement
Les dépenses occasionnées pour la création de ce service étaient de 570 000 francs. Le conseil avait conscience que l’exploitation serait déficitaire, au moins dans les premiers temps. Les dépenses annuelles de fonctionnement s’élevant à 260 000 francs, les recettes évaluées à 188 000 francs, la moins-value était alors de 72 000 francs. Elle correspondait aux subventions qu’il aurait fallu allouer aux entrepreneurs.
Le fonctionnement
La régie était administrée, sous l’autorité du maire et du Conseil municipal, par un conseil d’exploitation composé de 12 membres et d’un directeur, désignés conformément aux prescriptions de l’article 6 du décret du 17 février 1930.
Trois membres sont nommés par le préfet.
Neuf membres par le maire avec l’agrément du préfet :
4 conseillers municipaux ;
2 délégués de l’Union des Syndicats confédérés* ;
3 représentants des agglomérations desservies. Les fonctions de conseiller d’exploitation étaient gratuites.
*) On notera la présence dans le conseil d’exploitation des syndicats.
Le bureau est constitué par :
Un président ;
Un vice-président ;
Le directeur qui fait fonction de secrétaire général. Le président et le vice-président sont élus par le Conseil, dans son sein et pour la même durée que ledit conseil.
Installation du conseil d’exploitation des transports en commun
Il a été procédé à l’installation dudit conseil d’exploitation le lundi 30 juin 1930 à 17 h. 30, à la Mairie de Saint-Nazaire. La réunion était présidée par M. Blancho, député-maire. Le conseil était composé de :
un adjoint, M. Escurat ;
quatre conseillers municipaux, MM. Toupin, Jambu, Broussard et Aulnette ;
trois délégués du préfet : MM. Crespin, chef de division honoraire ; Picaud, président du Comité des Habitations à Bon Marché et Ramet, juge au tribunal de Commerce ;
autres membres : MM. Broodcoorens, secrétaire de l’Union des Syndicats des employés de Commerce, Bomal, secrétaire-administratif de l’Union des Syndicats Confédérés, Rousseau, secrétaire de l’État civil à Saint-Marc, Roussin, commerçant à l’Immaculée et Lefeuvre, commerçant à Penhoët.
M. Escurat est nommé président ;
M. Crespin, vice-président ;
M. Priou, chef de service à la Mairie est nommé directeur de la Régie.
Inaugurations
Le dimanche 22 juin 1930 à 8 h 30, sur invitation, M. Blancho, maire, les membres du Conseil municipal, les chefs de service de la ville, MM. Marlière, représentant les usines Renault, de Paris et Guillet, carrossier à Angers, se donnèrent rendez-vous dans le hall du nouveau garage des autobus du service municipal. Après une courte visite des locaux et conduits par M. Blancho, ils s’installèrent dans les trois nouveaux autobus, arrivés la veille d’Angers, pour une série d’inaugurations : l’asile de nuit, l’institut médico-légal, la maison des pompiers et une visite au nouveau quartier de Plaisance.
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Projet d’extension des services de transports en commun par automobiles à Saint-Nazaire en décembre 1928
Dans les années 1930 – Les autobus des différentes compagnies à la gare de Saint-Nazaire. Collection Michel-C Mahé.
L’idée d’une extension des services de transports en commun à Saint-Nazaire était dans les esprits. M. Blancho faisait le vœu, notamment au Conseil municipal du 01 août 1928, de voir l’autobus Michel s’aventurer, les jours de marché, dans certains quartiers extérieurs.
Les élections de mai 1929 approchaient à grands pas. Il fallait rapidement établir un projet. Il fut bouclé en un mois.
Début décembre 1928, après la défection de l’entreprise de transports Michel, une commission spéciale * étudia sa mise en place et son fonctionnement dans la ville et la banlieue.
*) Commission composée de : MM. Mansion, adjoint, 15, rue du Parc-à-l’eau ; Carré, adjoint, rue Victor Marre ; Aulnette ; Toupin, adjoint spécial de Penhoët, 75, rue du Moulin ; Broussard, rue Villès-Martin ; Bertouneché, 160, rue Albert-de-Mun ; Belaud, 24, rue Saint-André ; Jambou, Ile des Prévôts.
À partir des conclusions de cette commission, la municipalité annonçait un grand projet, avec trois lignes supplémentaires, apte à satisfaire tous les Nazairiens. En décembre 1928, la Ville lançait une adjudication. Les soumissionnaires devaient remettre leur proposition avant le 20 janvier 1929. Deux services étaient prévus : un service suburbain et un service urbain.
M. Blancho réélu, le projet fut remanié pour aboutir à la création d’une régie municipale en février 1930 pour l’exploitation des lignes Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan et Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc. Les autres lignes ne verront le jour qu’en janvier 1931 dans une tout autre configuration.
Voyons à quoi ressemblait ce projet.
Service suburbain
Service d’autobus 1re ligne Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan – Projet décembre 1928 Dessin Michel-C Mahé.
1re Ligne. — Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan. – Par la rue Henri-Gautier, boulevard Leferme, avenue de Penhoët, rue des Chantiers, rue de Trignac ; terminus : Pont de Méan. 7 voyages par jour, y compris les dimanches et jours fériés.
Service autobus 2e ligne entre Saint-Nazaire et Saint-Marc – Projet décembre 1928 Dessin Michel-C Mahé
2e Ligne. — Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc. – Par la rue Henri Gautier, rue de l’Océan, boulevard du Président-Wilson, boulevard Albert 1er, Sautron, route de Pornichet, le Pertuis-Chaud, la Châtaigneraie, la Vecquerie, Petit-Gavy, le fort de Lève, Saint-Marc (Place de la Mairie). Pendant les mois de janvier à juin inclus, et octobre à décembre inclus, 2 voyages par jour ; pendant les mois de juillet, août et septembre 4 voyages par jour. Les dimanches et jours fériés, pendant toute l’année, un voyage supplémentaire.
Service urbain
Essai d’identification des lignes A, B et C – Projet d’autobus 1928 Ligne A en rouge ; ligne B en bleu ; ligne C en marron
Ligne A. — Départ Gare. – Aller par la rue Henri-Gautier, la rue de l’Océan, boulevard Président-Wilson, boulevard Albert 1er, Mon Idée, Fort de Villès-Martin, Belle-Fontaine (terminus). Retour par Mon Idée, chemin vicinal n° 14 de Villès-Martin, la route de Pornichet , Sautron, route de Pornichet, rue du Croisic, rue de l’Océan, rue Henri-Gautier, Gare. Ou vice-versa.
Ligne B. — Départ Gare. Aller par rue Henri-Gautier, rue Villès-Martin, La Tranchée (terminus). Retour par le chemin vicinal no 5 de la Tranchée au Petit-Caporal, rue de la Paix, Place Marceau, rue Amiral-Courbet, rue Henri-Gautier, Gare Ou vice versa.
Ligne C. — Départ Gare. – Aller par rue de la Gare, rue Alcide-Benoist, rue Albert-de-Mun, rue de Toutes-Aides, Toutes-Aides, chemin de Cardurand, rue et place de la Matte, , place de la Matte (terminus). Retour par la rue d’Anjou, rue Jean-Jaurès, rue Henri-Gautier, Gare. Ou vice-versa.
Lignes A, B et C. — Pour chaque ligne : 4 voyages par jour dans le sens direct (sens des aiguilles d’une montre) ; 4 voyages par jour en sens inverse.
Le matériel roulant
Le matériel prévu était le suivant : Au moins jusqu’au 1er février 1930 : Une voiture pouvant porter 40 voyageurs ; Trois voitures pouvant porter 20 voyageurs, dont une de réserve en cas d’accidents. À partir du 1er février 1930 : Trois voitures pouvant porter chacune 40 voyageurs, dont une de réserve, Trois voitures pouvant porter chacune 20 voyageurs, dont une de réserve.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier.
« Les chroniques montoirines – Le confinement, le coït-19, dixit Clovis »
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Vous pouvez visionner les 15 premières pages du premier tome en cliquant sur le lien : ICI Michel-Claude
La Régie municipale de transports en commun à Saint-Nazaire – 1930 – 1939
La vie de la Régie municipale fut compliquée et plusieurs articles sont nécessaires pour en faire une étude complète. Pour vous permettre de bien appréhender sa création et son fonctionnement, il m’a semblé utile d’avoir une vue d’ensemble, sous la forme d’un tableau chronologique, des principaux événements ayant émaillé son existence. Vous pourrez vous y référer lorsque nous aborderons les différents items.
Principaux événements liés à la Régie des transports ente 1928 et 1939
Dessin Michel-C Mahé.
La création d’un véritable réseau de transport en commun était dans les esprits depuis longtemps. La défection de l’entreprise Michel en novembre 1928 donna l’occasion à la municipalité d’en saisir l’opportunité. Un premier projet de transport par autobus apparaît juste un peu avant les élections municipales de 1929. La liste de M. Blancho réélue, elle consacra l’année 1929 à sa réalisation. La tâche était importante. Il fallut : commander de nouveaux autobus, trouver des locaux pour les accueillir et les réparer, mettre en place un conseil d’exploitation, déterminer les points d’arrêt à desservir, finaliser les lignes, trouver le personnel du garage et les chauffeurs. Dans un premier temps, les entreprises de transport privées regardaient la mise en place de ce nouveau venu sans réelles craintes, en se disant qu’il y avait de la place pour tout le monde.
Pour permettre un développement optimum à cette Régie, l’équipe municipale crut bon d’évincer tout simplement la concurrence. Le maire de Saint-Nazaire, M. Blancho, prit le 30 juin 1930 un arrêté interdisant le stationnement des autobus et autocars à Saint-Nazaire. Les transporteurs firent fi de celui-ci en continuant leurs services. Les amendes se mirent à pleuvoir sur les chauffeurs. Les directeurs protestèrent. Les contrevenants furent appelés devant le juge de paix du canton de Saint-Nazaire. Ils prétendirent que l’arrêté du maire, servant de base à la poursuite dont ils étaient l’objet, était entaché de nullité. Il était contraire à la liberté du commerce et de l’industrie et qu’il portait atteinte au droit de propriété. Il avait aussi pour effet de créer un monopole au profit de la ville qui exploitait pour son compte un service d’autobus. Le 21 octobre 1930, le juge de paix confirmait que l’arrêté était illégal.
Au début de l’année 1931, en supplément des lignes Saint-Nazaire – Saint-Marc et Saint-Nazaire – Méan, cinq nouvelles lignes d’autobus furent mises en service les mardis et vendredis matin.
En avril 1932, les conducteurs et ouvriers sont assujettis à la Caisse Autonome Mutuelle de retraites des agents de chemins de fer secondaires, d’intérêt général, des chemins de fer d’intérêt local et des tramways (loi du 31 mars 1932).
En décembre 1933, un contrat a été passé avec une maison de publicité pour des réclames qui se sont étalées dans les autobus de la ville.
Le maire de Saint-Nazaire, M. Blancho, a pris le 15 février 1934 un arrêté, concernant les véhicules se chargeant du transport des voyageurs et les marchandises, en leur imposant certains itinéraires sur le territoire de la commune et limitant leurs points d’arrêt. S’ensuivit un conflit avec les entrepreneurs de transports avec pour toile de fond l’illégalité et par là même la suppression de la Régie municipale. Ils demandèrent à leur chauffeur de continuer leur service. S’ensuivi une pluie d’amendes. Ces derniers furent cités devant la justice de paix. Le juge ne remit pas en cause les pouvoirs du maire, mais statua sur la légalité ou l’illégalité des différents points d’arrêt.
On apprend de ses erreurs et M. Blancho enfonça le clou. Il prit un nouvel arrêté applicable au 1er juillet 1934 concernant la circulation et le stationnement.
Kilomètres parcourus par les autobus entre 1930 et 1934 1931 : Juillet à décembre ; 1931, 1932, 1933, 1934 : janvier à décembre Dessin Michel-C Mahé
Entre 1930 et 1934, le trafic a considérablement augmenté et à la fin de cette période le matériel était usé en raison de l’intensité du service. En septembre 1934, le conseil d’exploitation se prononçait unanimement pour l’achat de voitures de 29-30 places assises et de 10 à 12 places debout et en octobre de la même année, il fixait son choix sur sept voitures Latil de 31-32 places assises et 12 places debout à la place des cinq voitures Renault qui étaient alors en service.
Le décret-loi de coordination des transports du 19 avril 1934 prévoyait la suppression des doubles emplois onéreux pour les finances publiques. Son application a eu pour conséquence une entente entre la Société Drouin et la Régie municipale pour le transport des voyageurs sur le territoire de la ville.
Évolution du budget prévisionnel
Budget prévisionnel le 1er janvier de chaque année – Dessin Michel-C Mahé
Ces chiffres sont détaillés dans l’article relatif à chaque année.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier. Il est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. – peut être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Vous pouvez visionner les 15 premières pages en cliquant sur le lien : ICI Michel-Claude
Cessation du service de la ligne Saint-Nazaire – Méan
Service d’autobus Michel entre Saint-Nazaire et Méan-Penhoët en décembre 1923 – Dessin Michel-C Mahé. Essai de visualisation de la pérennité des transports automobiles de voyageurs 1923 à 1932 (Extrait) Dessin Michel-C Mahé
C – 1) Décembre 1923 – Début de la période d’essai ; 2) 11 mars 1924 – Début de la convention. 3) 8 novembre 1928, cessation sans préavis du service. Après 22 jours sans reprise, la convention est résiliée. Le contrat se terminait le 9 mars 1930. D – 1) Service assuré par M. Hubert de Pornichet sans contrat. (après le 8 novembre / 31 décembre 1928) ; 2) Contrat de 4 mois (1er avril / 31 juillet 1929) ; 3) Contrat de 4 mois (1er août 1929 / 31 janvier 1929) ; 4) Contrat du 1er février au 18 mai 1930 ; 5) Contrat du 19 mai au 30 juin 1930. E – 1) Contrat de 3 mois (31 décembre 1928 / 31 mars 1929). F – 1) 24 février 1930, le conseil municipal se prononce pour une régie municipale. 2) 1er juillet 1930, début du service 3) Liquidation de la régie.
Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, l’autobus Michel était au bout du rouleau et vint le moment où son état ne lui permettait plus d’assurer son service.
Le 8 novembre 1928, M. Michel cessait son service, sans préavis. Après 22 jours sans reprise, le conseil prononça la résiliation de la convention. L’autobus était si mal en point que la ville écarta son acquisition. Le contrat stipulait : « Si, en cours d’exploitation, le service vient à être interrompu pendant 15 jours consécutifs ou pendant plusieurs périodes formant un total de 30 jours, l’administration municipale pourra résilier le contrat sans indemnité pour le bénéficiaire. En cas de résiliation, et pour une cause quelconque, la ville aura la faculté d’acquérir la voiture automobile de 40 places, chargée du service normal, à dire d’experts ».
Une commission spéciale fut nommée pour étudier l’extension et le fonctionnement des services des transports en commun dans la ville et la banlieue. L’autobus Michel ayant disparu, M. Gondard fit une demande à la mairie pour assurer le service mais elle ne fut pas retenue. C’est l’entrepreneur de transports M. Hubert, de Pornichet, qui assura le service pendant un mois, sans contrat, avec une augmentation du prix des places. Devant les réclamations engendrées par celle-ci, il fut décidé de mettre le service en adjudication pour trois mois, avec un minimum de 40 places.
La Commission des transports avait à choisir entre trois soumissions. L’adjudication fut donnée à M. Gondard pour trois mois (1er janvier 1929 au 31 mars 1929). Ce dernier assura avec le service avec M. Delvart. Un autobus de 50 places type Ville de Paris (avec une plateforme) avait été acheté spécialement. Il avait coûté 122.000 francs. Ce dernier en panne, le service subit une interruption de quinze jours. Le nouvel autobus fut remplacé par une petite voiture que les usagers appelaient « la cage à poules », comportant environ 27 places assises et pas une seule debout.
Le lundi 1er avril 1929, les Nazairiens trouvèrent, à la place de l’autobus Gondard, un plus modeste véhicule, sur lequel on avait tracé hâtivement à la craie : “30 places assises et 15 debout ». La municipalité avait choisi M. Hubert pour une période de 4 mois (1er avril 1929 au 31 juillet 1929) La presse se fit écho de ce changement brusque de véhicule et un chroniqueur écrivit : « Place Delzieux, ce fut une belle surprise. Des gens qui n’avaient pas été prévenus de la métamorphose, attendirent, deux heures durant l’autobus Gondard… Ils ne pouvaient supposer qu’une voiture, servant au transport des touristes de la côte, daigneraient pèleriner jusqu’aux rives fangeuses du Brivet » et un peu plus loin : « Nous avons vu, mardi et mercredi des femmes chargées de paquets, des mères portant leur bébé dans leurs bras, des personnes âgées qui, faute d’avoir pu trouver où se caser dans le véhicule nouveau, durent accomplir à pied un long et fatigant parcours ». M. Hubert répondit dans le même journal à cette attaque en énumérant les avantages de sa voiture et concluait : « Mon car suffit au trafic. Comme confort, je ne crains pas en comparaison ».
Pour cette adjudication, la Commission municipale des transports n’avait pas été convoquée. Interpellé à la séance du Conseil Municipal du 10 avril 1929 par MM. Lavazais, Bornet et Aulnette, M. Blancho déclarait que c’était un oubli « bien involontaire ».
Un article extrêmement critique initié par M. Bornet *, contre cette adjudication, parut dans un journal local avec force démonstration ; les correspondances même entre M. Escurat, premier adjoint et M. Delvart furent incluses. Il subodorait qu’on avait dû se livrer à une « petite cuisine » pour donner le contrat à M. Hubert, ce qui expliquerait l’oubli involontaire du maire de convoquer la Commission municipale des transports. M. Hubert répondit sur chaque point incriminé et termina par « En tous cas, il y a une chose que je n’admets pas, c’est l’emploi du mot « cuisine » je n’ai jamais fait de combinaison pour avoir un service quelconque, et je ne commencerai pas aujourd’hui, je ne fais de politique nulle part et encore bien moins à Saint-Nazaire où je ne suis pas encore électeur et je veux garder le bénéfice de mon indépendance ».
*) M. Bornet Alphonse, villa Euréka à Villès-Martin, conseiller municipal entre mai 1925 à juin 1929.
Par la suite, les contrats furent donnés à M. Hubert jusqu’à la mise en place de la Régie municipale. Dans la série, j’ai encore un doute sur le contrat du 1er août 1929 / 31 janvier 1929, dus à un manque d’informations à son sujet.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier. Le tome 2 est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Michel-Claude
Service d’autobus Michel entre Saint-Nazaire et Méan-Penhoët en décembre 1923 Étoile rouge : lieu de l’accident de Melle Ménez – 22 juillet 1926 Dessin Michel-C Mahé.
Service Saint-Nazaire – Octroi de Méan
Plaintes et protestations des usagers
En novembre 1926, les contribuables de Saint-Nazaire se plaignaient de ne plus trouver de place dans l’autobus à Penhoët, ce dernier ayant fait le plein de passagers au pont de Méan avec les gens de Trignac et de Montoir. Il fut envisagé, lors d’une réunion avec M. Blancho et les entrepreneurs de transport, de changer le terminus en le déplaçant devant la pharmacie Turbé dans le centre de Méan au lieu du Pont et de mettre plusieurs services supplémentaires les dimanches et jours de fête.
En 1927, les liaisons devinrent de plus en plus difficiles. L’autobus toujours surchargé (70 personnes au lieu de 40) est au bout du rouleau. Le moteur ne voulant plus rien savoir, son service est constamment émaillé d’arrêts intempestifs au milieu des rues qui laissent les usagers stoïques comme l’écrivait ironiquement un chroniqueur : « Michel entrera dans l’Histoire comme tous les grands personnages que notre terre de France a produits. C’est lui qui a donné aux Nazairiens cette sereine philosophie dont les merveilleux effets remplissent de stupéfaction les étrangers. Si, d’aventure, à Paris, où dans quelque autre cité, un véhicule public a une petite défaillance, immédiatement les voyageurs crient, vocifèrent, cassent les vitres… et par surcroit le nez du wattman. Sur le court ruban de route, de deux kilomètres à peine, séparant Saint-Nazaire de Penhoët, l’autobus Michel peut s’immobiliser trente fois de suite. Pas un Nazairien ne prononcera même le mot de Cambronne ».
Les incivilités
Que dire des incivilités ? Peu de documents sur ce sujet, sinon les remarques faites par M. Hubert * dans une lettre adressée à un journal local pour répondre à des critiques : « Ce que vous pourriez faire par exemple, ce serait de conseiller certains voyageurs du matin ou de cinq heures de ne pas cracher trop abondamment sur le plancher et de ne pas laisser leurs chiques en manière de souvenir. »
*) M. Hubert, entrepreneur de transports à Pornichet.
Les accidents
Le jeudi 22 juillet 1926 à 7 h. 45, l’autobus Michel descendait la rue Henri Gautier à faible allure, en tenant sa droite. À la hauteur du n° 131 de la rue Henri-Gautier, un cycliste, M. Retaillaud Hippolyte, 26 ans, employé de chemin de fer, impasse Ville-Halluard, doubla l’autobus. Au même instant, arrivèrent en sens inverse, deux jeunes filles à bicyclette, Mlle Ménez Suzanne *, 16 ans, employée de bureau, aux usines de Trignac, 17, rue de la Paix et Mlle Gobert, 8, rue de l’Hôtel-de-Ville.
*) M. Ménez, père de la victime, très connu à Saint-Nazaire, était un ancien maître d’hôtel sur les paquebots de la Compagnie Transatlantique.
L’une passa à droite et l’autre à gauche du cycliste. Mlle Menez heurta ce dernier et ils chutèrent sur la chaussée tous les deux. La roue gauche avant de l’autobus passa sur la poitrine de la jeune fille. Elle succomba cinq heures après l’accident chez ses parents. Le conducteur de l’autobus n’avait que 17 ans, et ne possédait pas de permis de conduire. L’enquête dégagea la responsabilité du conducteur de l’autobus. Il fit l’objet d’une contravention pour avoir conduit une automobile sans permis, étant âgé de moins de 18 ans. En revanche, le cycliste a été inculpé d’homicide par imprudence. Il ne devait pas doubler une voiture avant de s’être assuré que la voie était libre. Il a été condamné à 10 mois de prison avec sursis et 100 francs d’amende.
*) Menée par M. le commissaire Pacaud. Ce dernier resta 17 ans à Saint-Nazaire de 1921 à 1938.
Un accident moins dramatique. Le samedi 13 octobre 1928, M Boissière Albert, 23 ans, de Donges, à bicyclette et passablement éméché, décrivait des courbes sur la route de Nantes à Saint-Nazaire. Il heurta l’autobus Michel et disparut à demi sous l’avant de celui-ci. Le chauffeur M. Georges Richard arrêta net son véhicule. M. Boissière, étendu entre les deux roues, échappa à l’écrasement. La gendarmerie de Méan mit le cycliste en cellule de dégrisement.
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Ce sujet a été traité dans l’article consacré aux voitures hippomobiles. Je suggère au lecteur de s’y référer.
Les transports automobiles en commun
Essai de visualisation de la pérennité des transports automobiles de voyageurs 1923 à 1932 (Extrait) Dessin Michel-C Mahé
C – 1) Décembre 1923 – Début de la période d’essai ; 2) 11 mars 1924 – Début de la convention. 3) 8 novembre 1928, cessation sans préavis du service. Après 22 jours sans reprise, la convention est résiliée. Le contrat se terminait le 9 mars 1930. D – 1) Service assuré par M. Hubert de Pornichet sans contrat. (après le 8 novembre / 31 décembre 1928) ; 2) Contrat de 4 mois (1er avril / 31 juillet 1929) ; 3) Contrat de 4 mois (1er août 1929 / 31 janvier 1929) ; 4) Contrat du 1er février au 18 mai 1930 ; 5) Contrat du 19 mai au 30 juin 1930. E – 1) Contrat de 3 mois (31 décembre 1928 / 31 mars 1929). F – 1) 24 février 1930, le conseil municipal se prononce pour une régie municipale. 2) 1er juillet 1930, début du service 3) Liquidation de la régie.
Service d’autobus Michel entre Saint-Nazaire et Méan-Penhoët en décembre 1923 – Dessin Michel-C Mahé.
Service de l’autobus Michel entre Saint-Nazaire et Méan-Penhoët en décembre 1923. Dessin Michel-C Mahé. Les exemples de prix sont calculés au départ de Saint-Nazaire selon l’arrêt choisi. Idem pour Méan.
En décembre 1923, un service d’autobus fut mis en place entre Saint-Nazaire et Méan-Penhoët. Conformément aux termes du contrat passé avec M. Michel *, garagiste, 109 rue du Bois-Savary et 10 rue Marceau, après un essai de trois mois à partir du 30 novembre 1923 jusqu’au 28 février 1924 **, il fut prolongé de cinq ans et devait se terminer le 28 février 1929 ***.
*) À l’heure où j’écris, je connais peu de choses de M. Michel personnage moins haut en couleur que son confrère M. Gondard. **) Si, à l’expiration de l’essai de trois mois, la Ville estimait que le service pouvait être continué, elle se réservait le droit de provoquer des concurrents, mais à offres égales. La subvention était de 18 000 francs. M. Michel obtint le contrat qui fut signé le 11 mars 1924. ***) D’autres sources, 9 mars 1930.
Initialement prévu place Delzieux, à la demande du maire de Saint-Nazaire, les départs furent transférés rue de l’Océan. Les voyageurs utilisaient la salle d’attente du Syndicat d’initiative au 4 de cette même rue.
Le terminus de Saint-Nazaire était rue de l’Océan ; celui de Méan à l’octroi. Il y avait cinq arrêts obligatoires : rue de Nantes (auprès de la rue de la Gare) ; boulevard Leferme (P. N. 583) ; avenue de Penhoët (auprès de la rue des Chantiers) ; rue de Trignac (auprès du Calvaire de Méan) ; rue de Trignac (rue du Port) et un arrêt facultatif rue de Nantes (rue d Herbins). Ils définissaient six sections. Le prix à payer était calculé selon le nombre de sections parcourues : une section, 0 fr. 25 ; deux, 0 fr. 45 ; trois, 0 fr. 60 ; quatre, 0 fr. 75 ; cinq, 0 fr. 90 ; six, 1 fr. Le nombre de voyages était de 6 au départ de la rue de l’Océan et 6 au départ de Méan.
Autres prestations
Par ailleurs, M. Michel organisait des services d’autobus à l’occasion de différentes cérémonies ou manifestations. Quelques exemples : – Inauguration du monument aux morts le 11 novembre 1924, entre place Carnot et la salle des fêtes du Chantier. – Gala de la Schola Cantorum, le 6 mars 1925, entre Méan-Penhoët et le Trianon et vice-versa. – Soirée de l’Union Méan-Penhoët, le 7 mars 1925, entre la place de la gare à Méan-Penhoët et vice-versa. – Gala de l’Harmonie Marceau, le 13 mars 1925, entre Méan-Penhoët et le Trianon et vice-versa.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier. Le tome 2 est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut être commandé chez tous les libraires. Il sert aussi à financer mes travaux. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Michel-Claude
La vie d’un détenu en préventive à Saint-Nazaireen 1930
Saint-Nazaire en 1926 – 3) Tribunal ; 16) Prison ; 17) Banque de France ; 25) Église de Saint-Nazaire ; 61) Le Grand Hôtel – Dessin Michel-C Mahé
La détention de M. Gondard nous donne un aperçu de la vie d’un détenu en préventive grâce à un entretien entre ce dernier et Dubois-Savary * pour le Courrier de Saint-Nazaire.
*) Un alias.
Légende : 1) Petit vestibule ; 2) Grand vestibule ; 3) Juge d’instruction ; 4) Parloir ; 5) Gardien ; 6) Débarras ; 7) Concierge ; 8) Quartier des hommes ; 9) Chambre du gardien ; 10) Magasin ; 11) Atelier des condamnés ; 12) Salle des prévenus ; 13) Cuisine ; 14) Quartier des femmes ; 15) Bain ; 16) Dépense ; 17) Laverie ; 18) Atelier des nourrices ; 19) Atelier des condamnées ; 20) Greffe ; 21) Petit atelier ; 22) Magasin aux vivres ; 23) Cellule ; 24) Cours des militaires et des marins ; 25) Cours des militaires et des marins ; 26) Cours des condamnés hommes ; 27) Cours des prévenus hommes ; 28) Cours des cuisines ; 29) Cours des prévenues femmes ; 30) Cours des condamnées femmes.- Dessin Michel-C Mahé – Source archives départementales.
La prison Lors de son accession au rang de sous-préfecture à la place de Savenay en 1868, Saint-Nazaire dut se doter de nouveaux bâtiments : une prison (1875), un palais de justice (1884), une sous-préfecture (1888). La prison se trouvait rue du Palais et jouxtait la Banque de France (1907). Les bureaux, salles et ateliers étaient distribués sur un rez-de-chaussée et deux étages.
Le personnel en 1930 Gardien chef : M. Gardais ; Médecin : M. Durand ; Aumônier : M. Joalland.
La préventive
En entrant, on leur retirait leur porte-monnaie et leur montre. Le lever était à 7 heures. Ils étaient, une vingtaine, regroupés dans la salle * qui leur était dédiée. Toute la journée, ils n’avaient rien à faire d’autres que causer, fumer et dormir sur la table, la tête appuyée sur un bras. Ils recevaient chaque dimanche un livre dont beaucoup de pages avaient été arrachées. Il leur était interdit de chanter, de siffler, de parler haut. La cuisine est peu variée : soupe aux légumes le matin et le soir. La viande, une fois par semaine, le dimanche soir.
*) Plan du rez-de-chaussée : (12) Salle des prévenus.
Dépourvus de montre, ils appréhendaient le temps qui passe en faisant des marques des ombres sur les murs, tels des cadrans solaires. Les moindres bruits de l’extérieur étaient de bons indicateurs : l’angélus trois fois par jour de l’église, les passages réguliers des autobus (ligne Saint-Nazaire – Saint-Marc).
Les visites se faisaient au parloir *. Un docteur visitait les détenus et les médicaments étaient remis aux gardiens qui assuraient la distribution selon la prescription. Un coiffeur-barbier ** était attaché à la prison. Le coucher était à 7 heures en semaine et 6 heures le dimanche. Ils dormaient dans une salle commune *** de vingt lits. Mais avant d’y entrer, ils devaient se soumettre à un rituel : ils enlevaient leurs vêtements, les remettaient aux gardiens, et ne gardaient que leur chemise, tenue à la main en attendant le : « Couchez-vous ! »
*) Plan du rez-de-chaussée : (4) Parloir. **) Quelques jours après son incarcération, M. Gondard écrivit à son coiffeur habituel pour qu’il vînt le raser et lui couper les cheveux. Il fut éconduit à la porte de la prison par un gardien, un coiffeur étant attaché à la maison. ***) Plan du 1er étage : (7) Dortoir des prévenus.
À la séance ordinaire du 24 février 1930, le conseil municipal annonçait que la Ville organisait par voie de régie l’exploitation des lignes Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan et Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc. Les tarifs restant les mêmes. Le décret du 28 mai 1930 acta la délibération.
Le conseil estimait qu’avec les extensions envisagées, l’exploitation par des entreprises n’était pas adaptée au nouveau service qui se voulait répondre véritablement aux besoins de l’habitant. Il avait fait le constat que les entreprises mettaient tous les risques inhérents à l’exploitation à la charge de la Ville en se réservant les bénéfices.
La chose était entendue par les exploitants des transports en commun. Ils étaient sereins et estimaient que ce nouveau service, certes, leur ferait concurrence mais il y avait de la place pour tout le monde. Mais c’était sans compter sur la municipalité.
L’arrêté municipal contre le stationnement des autobus
Le maire de Saint-Nazaire, M. Blancho prenait le 20 juin 1930 un arrêté interdisant le stationnement des autobus et autocars à Saint-Nazaire.
Article premier. – À compter du 1er juillet 1930, est interdit, quelle qu’en soit la durée, spécialement pour prendre ou décharger des voyageurs, le stationnement des autocars et autobus de toutes sortes sur les voies et places publiques de la commune de Saint-Nazaire. Art. 2. – Exception est faite : a) Pour les voitures du service municipal des transports en commun autorisé par décret du 28 mai 1930 ; b) Pour celles transportant des invités à une cérémonie de mariage ; c) Pour les voitures touristiques qui n’effectuent pas dans la commune de Saint-Nazaire un service de transport de voyageurs.
C’était une déclaration de guerre à MM. Gondard et à Hubert.
Malgré l’arrêté, M. Gondard a continué à transporter colis et clients *. Les contraventions tombèrent, mais il en avait cure. Il s’exprimait ainsi dans un journal local : “Je ne veux pas abandonner sottement le fruit de mon travail. C’est moi, qui ai fondé ce service de Saint-Nazaire – Saint-Marc… Il est devenu comme une propriété commerciale. Je ne reconnais à personne le droit de m’empêcher de gagner mon pain. On essaie de m’enterrer sous les monceaux de procès-verbaux. On lance à mes trousses toute la police nazairienne. Je tiendrai bon. MM. Morinaud, avocat au Conseil d’État et Galibourg l’éminent membre du barreau nazairien ont bien voulu se charger de mes intérêts. Je demande à la ville 400.000 francs de dommages-intérêts. “
*) Son chauffeur s’appelait M. Fleury.
D’autres transporteurs faisaient aussi de la résistance notamment M. Moulet de La Baule. Son chauffeur, Donic Benjamin, descendait de son autobus, square Delzieux, donnait une cordiale poignée de main à l’agent verbalisateur, énumérait ses nom, prénoms, titres, qualités, lieu de naissance, redonnait une autre poignée de main, et, avec le sourire, reprenait sa place au volant de son autobus.
Cet arrêté fut très commenté par la presse et la population nazairienne qui avec son bon sens le jugeait injuste.
Le 21 octobre 1930, M. Gallais confirmait, par un jugement fortement motivé, que ledit arrêté était illégal. Le procès-verbal servant de base à la poursuite était un stationnement dans une zone non autorisée d’un de ses autobus à Saint-Marc, M. Gondard de ce fait se trouva relaxé.
L’incendie du garage Gondard
Au cours de la nuit du 1er au 2 septembre 1930, vers 4 h. 10, un incendie détruisait, le garage de M. Gondard, à St-Marc. Construit en planches de sapin avec de la tôle ondulée comme toiture. Il était situé sur le bord de la route de Saint-Marc à Pornichet, à deux pas de l’école des garçons et jouxtant les chalets Mary-Georges et Petit-Paul, appartenant à M. Forest.
Le garage, contrairement à l’habitude de M. Gondard, contenait les trois autocars lui appartenant *. Généralement l’été un seul y était abrité, les autres étant remisés près de l’Hôtel de la Plage ou en bordure de la voie publique. Des personnes, de bonne foi, revenant vers minuit de Pornichet, affirmèrent avoir entendu, en passant devant le garage, comme des craquements semblant provenir de l’intérieur du bâtiment. Elles ne s’en inquiétèrent pas, rien d’anormal sur le moment. Ces bruits suspects furent à l’origine de rumeurs très graves. « Le sinistre est certainement dû à une malveillance », disait-on et un nom circulait de bouche en bouche : M. Gondard lui-même.
*) Ils avaient pour nom : Brigitte, Dorothée et l’ancêtre.
En aucune manière les doutes qui venaient à l’esprit de beaucoup n’étaient justifiés. M. Gondard, malgré la nouvelle concurrence, gagnait très bien sa vie. L’assurance était loin de garantir le risque assuré et la veille, il venait de faire entrer dans ce garage pour 16 000 francs de pneus et des pièces de rechange.
Le parquet de St-Nazaire ouvrit une enquête par l’intermédiaire de la gendarmerie de Pornichet.
M. Gondard fut convoqué devant le juge d’instruction M. Weper *. Il subit, dans le cabinet de ce dernier, interrogatoire sur interrogatoire, se débattit comme un beau diable, ne cessa de proclamer son innocence et de considérer certains témoignages comme des actes de vengeance. L’affaire devenant délicate, on fit appel à la police mobile de Rennes pour continuer l’enquête qui dépêcha l’inspecteur Faggiani sur les lieux.
*) M. Weper était substitut du procureur M. de Lapeyre de Bel-Air. Il est élevé à la 2e classe en juin 1929. Il remplaça comme juge d’instruction M. de Lapeyre en mars 1930. Il habitait 11, rue Amiral-Courbet à Saint-Nazaire. En septembre 1930, il devint président du tribunal de Châteaubriant.
Après un nouvel interrogatoire au Palais de Justice de Saint-Nazaire, M. Weper considérant que les charges contre M. Gondard, accusé d’incendie volontaire, étaient suffisantes, décida de l’écrouer. Il resta 21 jours dans la prison de Saint-Nazaire, rue du Palais, puis il fut remis en liberté provisoire.
Fin novembre 1930, l’instruction prit fin. Elle se termina par une ordonnance de non-lieu, rendue par M. de Penhoat * juge d’instruction, en faveur de M. Gondard.
*) M. Hervé du Penhoat, juge de 3e classe, nommé à Saint-Nazaire en septembre 1930 en remplacement de M. Ely. Il venait du tribunal de 1re instance de la Manche (section de Coutances). Il quitte Saint-Nazaire en septembre 1931.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne dans le hall de notre Super U et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier et où on commente les expériences de Clovis et de son petit-fils… De la réunion de ces textes, il en est résulté un petit ouvrage truculent :
« Les chroniques montoirines – Le confinement, le coït-19, dixit Clovis »
qu’une maison d’édition, Les Editions du Menhir, a bien voulu faire paraître. L’ouvrage est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Michel-Claude
Les vicissitudes de l’entreprise de M. Gondard – Partie 2
Nous avons vu successivement : les prémices et la création de l’entreprise Gondard entre 1921 et 1924 *, puis ses difficultés personnelles et celles liées à l’exploitation de l’entreprise **. Continuons, sur ce dernier sujet.
*) Voir article Service Saint-Nazaire – Saint-Marc — Autobus Gondard **) Les vicissitudes de l’entreprise de M. Gondar – Partie 1
Service autobus Gondard entre Saint-Nazaire et Saint-Marc en juin 1924 – Dessin Michel-C Mahé
Les incidents et accidents
La configuration des routes, pas très adaptée aux passages des autocars, pouvait être à l’origine d’accidents notamment le chemin de la Châtaigneraie » et du « Bout du Monde ». Je cite : « Cette voie étroite, tortueuse, avec plusieurs tournants à angle droit masqués par des maisons et des poteaux électriques, est terriblement dangereuse ». Nous l’avons vu un peu plus haut, certaines routes étaient en piteux état, notamment les routes qui menaient à Saint-Marc, particulièrement celle de la Vecquerie et de Gavy. Là, outre la possibilité d’accidents, ce sont les véhicules qui souffraient terriblement, les glaces dégringolaient par les vibrations et les pneus s’usaient prématurément.
Je ne peux m’empêcher d’évoquer les accidents où M. Gondard était impliqué directement ou indirectement. On y retrouve des personnalités de Saint-Nazaire.
Le 3 septembre 1928, un chauffeur de l’entreprise, M. Jean Perrotte, qui pilotait la Renault de M. Gondard afin d’emmener un client, a violemment percuté la voiture de M. Nassiet *, vice-président de la chambre de commerce. M. Perrotte était en état d’ivresse et a été condamné à 15 jours de prison et à 50 francs d’amende. M. Gondard a été déclaré civilement responsable.
*) M. Nassiet habitait la villa La Belote à La Baule-les-Pins.
Le dimanche 28 avril 1929, vers 21 heures M. Gondard revenait de Pontchâteau dans une petite voiture « Dodge ». Au Pertuischaud, il trouva, venant en sens inverse, l’auto de M. Batillat, architecte bien connu, qui rentrait à Saint-Nazaire avec pour passager le peintre René-Yves Creston. Les deux autos se heurtèrent. L’auto de M. Batillat capota et alla verser dans le fossé. MM. Batillat et Gondard sortirent indemnes de l’accident. M. Creston eut la langue coupée et fut transporté dans une clinique.
Les intempéries
Un chroniqueur relate la soirée du vendredi 15 février 1929, où une forte précipitation de neige avait recouvert la région. Je cite : « Sur terre, linceul de neige. Au ciel, voûte obscure, comme celle du métro aux heures de panne d’électricité. Au long de la route blanche qui s’étend de notre cité à Saint-Marc, entre des champs monotones, l’autobus de Gondard roulait à petite allure… La Châtaigneraie dépassée, ce fut le désert. Dunes Immaculées, à l’infini… Impossible de repérer les fossés du chemin. » M. Gondard laissa le volant à son mécanicien et fit tout le chemin devant l’autobus en tâtant, sondant pour éviter la culbute dans le fossé. Tout le monde arriva sain et sauf avec plusieurs heures de retard.
Cessation du service de la ligne Saint-Nazaire – Méan
Essai de visualisation de la pérennité des transports automobiles de voyageurs 1923 à 1932 (Extrait) Dessin Michel-C Mahé
Légendes C – 1) Décembre 1923 – Début de la période d’essai ; 2) 11 mars 1924 – Début de la convention. 3) 8 novembre 1928, cessation sans préavis du service. Après 22 jours sans reprise, la convention est résiliée. Le contrat se terminait le 9 mars 1930. D – 1) Service assuré par M. Hubert de Pornichet sans contrat. (après le 8 novembre / 31 décembre 1928) ; 2) Contrat de 4 mois (1er avril / 31 juillet 1929) ; 3) Contrat de 4 mois (1er août 1929 / 31 janvier 1929) ; 4) Contrat du 1er février au 18 mai 1930 ; 5) Contrat du 19 mai au 30 juin 1930. E – 1) Contrat de 3 mois (31 décembre 1928 / 31 mars 1929). F – 1) 24 février 1930, le conseil municipal se prononce pour une régie municipale. 2) 1er juillet 1930, début du service 3) Liquidation de la régie.
Le 8 novembre 1928, M. Michel cessait son service, sans préavis. Après 22 jours sans reprise, le conseil prononça la résiliation de la convention. L’autobus était si mal en point que la ville écarta son acquisition. Une commission spéciale fut nommée pour étudier l’extension et le fonctionnement des services des transports en commun dans la ville et la banlieue. L’autobus Michel ayant disparu, M. Gondard fit une demande à la mairie pour assurer le service, mais elle ne fut pas retenue. C’est un entrepreneur de transports M. Hubert *, de Pornichet, qui assura le service pendant un mois, sans contrat, avec une augmentation du prix des places. Devant les réclamations engendrées par celle-ci, il fut décidé de mettre le service en adjudication pour trois mois, avec un minimum de 40 places.
*) Le Conseil municipal de Pornichet du 2 décembre 1923 se déclara favorable à la demande de M. Hubert pour créer un service régulier d’autocars Pornichet-Le Pouliguen. Il semble que cela corresponde à la naissance de l’entreprise.
Service sur la ligne Saint-Nazaire – Méan
La Commission des transports avait à choisir entre trois soumissions. L’adjudication fut donnée à MM. Gondard et Delvard pour trois mois (1er janvier 1929 au 31 mars 1929). Un autobus de 50 places avait été acheté spécialement. Les jours d’affluence une autre voiture, renforçait le service. Pour la période suivante de 4 mois (1er avril 1929 au 31 juillet 1929), l’adjudication fut attribuée à M. Hubert de Pornichet sans que la Commission municipale des transports n’eût été convoquée. Interpellé à la séance du Conseil municipal du 10 avril 1929, M. Blancho déclara que c’était un oubli « bien involontaire ».
Autres activités
L’activité de l’entreprise ne se limitait pas à la seule ligne « Saint-Marc – Saint-Nazaire ». Il collaborait avec le Syndicat d’initiative de Saint-Nazaire en soumissionnant pour des excursions, par exemple : « Mont Saint-Michel, Paramé, Saint-Malo, Dinard » sur deux jours en juillet 1928 * ou en organisant de sa propre initiative, exemple : « Saint-Nazaire le Croisic en suivant la côte », toujours en juillet 1928.
*) Le chauffeur était M. Delvart
Projet d’extension des services de transports
En décembre 1928, la Ville lance une adjudication pour l’extension des services de transports en commun par automobiles. L’extension prévoyait deux services. Un service suburbain avec 2 lignes : – Saint-Nazaire (Gare) au Pont de Méan ; – Saint-Nazaire (Gare) à Saint-Marc. Un service urbain avec trois lignes : – Gare – Belle-Fontaine ; – Gare – La Tranchée ; – Gare – place de la Matte. Ce projet d’extension sera développé dans l’article consacré à la régie municipale.
Modifications : 12-01-2021 – Cessation du service de la ligne Saint-Nazaire – Méan – Schéma et légendes ; paragraphe « Service sur la ligne Saint-Nazaire – Méan » ; nouveau paragraphe : Autres activités
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne dans le hall de notre Super U et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier et où on commente les expériences de Clovis et de son petit-fils… De la réunion de ces textes, il en est résulté un petit ouvrage truculent :
« Les chroniques montoirines – Le confinement, le coït-19, dixit Clovis »
qu’une maison d’édition, Les Editions du Menhir, a bien voulu faire paraître. L’ouvrage est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Bonne rentrée Michel-Claude
En 1921, M. Gondard crée un service d’autocar privé lié à son hôtel (date de création inconnue).
Mai 1924, une convention est adoptée entre la ville et M. Gondard pour la création d’un service public
1er juin 1924, début du service par un essai de 8 mois.
9 juin 1926, vente du fonds de commerce hôtel-restaurant-café « Hôtel de la Plage ».
xx / xx / 1926, M. et Mme Gondard divorcent.
3 septembre 1926, Mme Bigotteau (son ex-épouse), vend à M. Gondard, la moitié indivise lui appartenant du fonds de l’entreprise de transports de voyageurs.
Ligne de Saint-Marc : le contrat se termine avec la municipalité 9 mars 1930. Il est renouvelé, en attendant le fonctionnement des nouveaux autobus municipaux, jusqu’au 18 mai 1930. Les voitures n’arrivant pas, il continue jusqu’au 30 juin 1930.
Ligne de Méan : contrat de trois mois en partenariat avec M. Delvart (1er janvier 1929 au 31 mars 1929.
Le 1er janvier 1931, il apparaît encore comme entrepreneur d’omnibus à Saint-Marc-sur-Mer.
Nous avons vu dans l’article précédent les prémices et la création de l’entreprise Gondard entre 1921 et 1924 *. Celle-ci a poursuivi le service public Saint-Nazaire – Saint-Marc jusqu’en 1930 avec quelques vicissitudes.
*) Voir article Service Saint-Nazaire – Saint-Marc — Autobus Gondard
Cession du fonds de commerce Hôtel de la plage
Le 9 juin 1926, M. Léon Gondard et Mme Adrienne-Camille Bigotteau, son épouse, ont vendu à M. Léon Guillet, hôtelier et à Mme Anne Sancereau, son épouse, demeurant à Tharon-Plage (Loire-Inférieure), le fonds de commerce d’hôtel-restaurant-café « Hôtel de la Plage », comprenant l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, l’achalandage, le droit de jouissance de la licence, le droit au bail, le matériel et les marchandises. La prise de possession fut fixée au 1er juin 1926.
Le divorce
Entre le 9 juin et le 3 septembre 1926 M. et Mme Gondard ont divorcé. Mme Bigotteau est partie à Orléans, rue Dauphine au numéro 64 bis. M. Gondard, quant à lui, est resté à Saint-Marc.
Cession de l’entreprise de transports
Le 3 septembre 1926, Mme Bigotteau, a vendu à M. Gondard, la moitié indivise lui appartenant dans le fonds de l’entreprise de transports de voyageurs entre Saint-Marc et Saint. Nazaire. Ledit fonds comprenait : la clientèle, l’achalandage, le matériel, le droit au bail et le droit à la concession et à la subvention accordée par la Ville de St. Nazaire, avec jouissance du 1er juillet 1926.
Un conflit – Le transport des lettres
Dans le courant du mois d’avril 1928 M. Gondard refusa de transporter la boîte aux lettres. Malgré les invectives de M. Rigoire, président du Bureau du Syndicat de Défense des intérêts de la Section de Saint-Marc-sur-Mer qui demandait entre autres qu’une solution soit trouvée au moins pour la saison, M. Gondard était parfaitement dans son droit. Il n’y avait aucune adjudication aux Postes. L’administration des P. T. T., pas plus que la ville de Saint-Nazaire, ne pouvait le contraindre à transporter la boîte aux lettres de la section. Début juillet, M. Gondard s’était exprimé sur le sujet : « Les transports des lettres sont choses délicates. Ceux qui les assurent assument une lourde responsabilité. Aussi bien sont-ils honorablement subventionnés. Moi, je n’ai qu’une allocation maigrelette de 250 francs par an !!! Pour éviter des embêtements, j’ai laissé tomber ça. »
Plaintes et protestation des usagers
Les principaux griefs que les usagers avaient à l’encontre de M. Gondard :
Son contrat ne prévoyait qu’un certain nombre de voyages et on ne pouvait l’obliger qu’à transporter 12 personnes, à chaque voyage, en donnant la priorité aux habitants de la station balnéaire.
Ceux-ci effectués, des passagers, les jours d’affluence, étaient exposés à rentrer par leurs propres moyens. Il n’était pas tenu de mettre des voitures ou voyages supplémentaires. Vers 1926, place Delzieu, le dimanche, en plus des Nazairiens, les usagers de Méan, de Penhoët ou de la Ville-Halluard arrivaient pour profiter du bon air de Villès-Martin, du Bout du Monde, du Fort de Lève ou de Saint-Marc. L’autobus était toujours au complet. On improvisait un autre service avec un camion dont le prix des places était beaucoup plus élevé, celui-ci ne bénéficiant d’aucune subvention. Aux cris indignés, le receveur répondait : « Allez-vous plaindre au maire ! ».
Il était courant qu’il refusât de prendre des voyageurs pour les stations intermédiaires dès lors que des gens de Saint-Marc étaient en nombre. Un chroniqueur avait relaté le fait qu’un conducteur avait fait descendre une dame avec ses enfants en lui disant « « J’ai bien assez des gens de Saint-Marc à charger. Descendez, et si vous voulez un autobus pour aller à Villès ou à Gavy, demandez-le au maire ! ». Une pratique désagréable du chauffeur pour les voyageurs qui attendaient au bord de la route était de prodiguer sans s’arrêter, avec un air ironique, je cite : « de grands gestes bénisseurs, comme les prélats aux jours de cérémonies solennelles. Cela signifie que toutes les places sont occupées et qu’il faut regagner à pied Saint-Nazaire. »
Pendant la saison il lui arrivait de modifier son itinéraire. Il faut dire à sa décharge que les routes qui menaient à Saint-Marc étaient dans un triste état. Particulièrement celle de la Vecquerie et de Gavy. Elles étaient macadamisées * et, du fait d’un mauvais entretien, les pierres dont elles étaient hérissées avaient rapidement raison des pneus des véhicules **.
*) L’assise de chaussée était formée de pierres concassées, cylindrées et agglomérées avec un agrégat sableux. **) Selon M. Gondard, les pneus garantis 15 000 km n’en accomplissaient que 5 000.
Modifications : 22-12-2020 – Schéma « Évènements liés à l’entreprise Gondard 1921 – 1930 » – Texte : « Le 1er janvier 1931, il apparaît encore comme entrepreneur d’omnibus à Saint-Marc-sur-Mer ». 11-01-2021 – Schéma « Évènements liés à l’entreprise Gondard 1921 et légendes.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne dans le hall de notre Super U et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier et où on commente les expériences de Clovis et de son petit-fils… De la réunion de ces textes, il en est résulté un petit ouvrage truculent :
« Les chroniques montoirines – Le confinement, le coït-19, dixit Clovis »
qu’une maison d’édition, Les Editions du Menhir, a bien voulu faire paraître. L’ouvrage est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Bonne rentrée Michel-Claude
En 1921, M. Gondard *, propriétaire du fonds de l’hôtel de la Plage, imitant en cela M. Lusson **, mit en place un service d’autobus entre Saint-Marc et Saint-Nazaire, et vice-versa. Il était privé et était destiné au client de l’hôtel.
*) Il succéda à M. Boussenot qui restait propriétaire des murs. **) Voir article : « Service entre Saint-Nazaire et Saint-Marc – Autobus Lusson ». M. Gondard, dans un article d’Ouest-Éclair de 1930, affirmait : « C’est moi qui en 1921, ai créé le premier service d’autobus entre Saint-Marc et Saint-Nazaire, et vice-versa. » Nous savons que c’est faux. M. Lusson avait tenté l’aventure en 1919 sans succès il est vrai (voir article : Service entre Saint-Nazaire et Saint-Marc Autobus Lusson).
Les prémices du service public
En février 1924, il envoya un courrier au maire de Saint-Nazaire , M. Blancho, dans lequel il se proposait de faire un service d’été entre Saint-Nazaire et Saint-Marc, avec un autobus, La proposition fut renvoyée pour étude à la commission des Transports.
La ville reconnaissant l’utilité d’un tel service fit un appel d’offre pour qu’il devînt public.
Au Conseil municipal du 9 avril 1924, M. Blancho fit connaître que seul M. Gondard a fait des propositions sur la base de quatre voyages l’été et deux l’hiver, moyennant paiement par la ville d’une subvention de 15.000 francs. La Commission des transports proposa de traiter avec M. Gondard, pour ladite somme, à titre d’essai pendant un an. * Deux conseillers, MM Audrain et Maumenée **, ne souhaitaient pas que l’on traitât avec un hôtelier. À la mise aux voix, la proposition de la Commission fut votée à l’unanimité moins deux voix.
*) Une concession de cinq années avait été accordée pour le service Saint-Nazaire – Méan à M. Michel mais la commission considérait que la situation était différente principalement par la grande part d’incertitude qu’elle suscitait.
**) Dans un autre document, seul M. Audrain est hostile à la concession à un hôtelier et la proposition est acceptée à l’unanimité moins une voix.
M. Gondard n’était pas satisfait du vote du Conseil municipal. Il considérait, à juste titre, dangereux d’engager des dépenses aussi fortes, pour une durée aussi courte, sans aucune garantie pour l’avenir *.
*) Un chroniqueur susurrait : « Nous croyons pouvoir ajouter que M. Gondard est toujours décidé à assurer le service entre la ville et la coquette station balnéaire, mais sans demander l’aide de la Municipalité, par ses propres moyens. »
Après de nouvelles négociations, M. Gondart accepta de tenter un essai de 8 mois à partir du dimanche 1er juin 1924 avec la condition : « qu’à l’expiration de cette période, si elle est satisfaisante, la ville lui consentirait une concession de 5 ans sur les bases déjà prévues, soit une subvention de 15 000 francs par an ».
Le service
Service autobus Gondard entre Saint-Nazaire et Saint-Marc en juin 1924 – Dessin Michel-C Mahé
Service autobus Gondard entre Saint-Nazaire et Saint-Marc en juin 1924 – Dessin Michel-C Mahé
Il assurait un service d’été, du 1er juillet au 30 septembre (4 voyages) et un service d’hiver, du 1er octobre au 31 janvier. (2 voyages), tous les jours, y compris les dimanches et jours fériés.
Le terminus de Saint-Nazaire se faisait place Delzieux, celui de Saint-Marc à la plage. Il y avait sept arrêts : octroi de Sautron, Villès-Martin (Mon Idée), Villès-Martin (Bout du Monde), La Châtaigneraie, La Vecquerie, Petit Gavy, Le Fort de l’Ève, définissant avec les terminus huit sections. Les arrêts n’étaient obligatoires que dans le cas où il y avait des voyageurs en attente au poteau signalant l’arrêt.
Les prix étaient 0 fr. 40 pour la première section (place Delzieux-Sautron) et 0 fr. 30 pour chacune des autres sections soit 2 fr. 50 d’un terminus à l’autre. Il existait des billets aller et retour, au prix de 4 francs, soit au départ de St-Marc, soit au départ de Saint-Nazaire. Les enfants de moins de sept ans ne payaient pas s’ils étaient tenus sur les genoux.
Les bagages de faibles dimensions et tenus à la main, jusqu’à 15 kilos, pouvaient être admis à l’intérieur de la voiture, mais ceci au bon vouloir de M. Gondard, qui était seul juge de la possibilité de les recevoir. Ils ne payaient pas. Les autres bagages payaient 5 fr. les 100 kilos ; les bicyclettes 1 fr. 50 pour Saint-Marc. Pour les autres destinations, le tarif était proportionnel au parcours.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne dans le hall de notre Super U et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier et où on commente les expériences de Clovis et de son petit-fils… De la réunion de ces textes, il en est résulté un petit ouvrage truculent :
« Les chroniques montoirines – Le confinement, le coït-19, dixit Clovis »
qu’une maison d’édition, Les Editions du Menhir, a bien voulu faire paraître. L’ouvrage est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Bonne rentrée Michel-Claude
Stationnement des automobiles de louage en 1926 – 1) Le Grand Café : 2) Sous-préfecture ; 3) Chambre de commerce ; 4) Poste et télégraphe. Dessin Michel-C Mahé.
En mars 1926, le stationnement des automobiles de louage a été défini comme suit par une modification de l’article 5 de l’arrêté municipal du 20 novembre 1918.
« Les autos de louage stationneront : a) rue de l’Océan, entre la place Carnot et la rue de Saillé, près le Grand Café (2 voitures) ; b) rue de 1’Océan, entre les rues de Saillé et du Croisic, côté des maisons (2 voitures) ; c) rue de l’Océan, entre la rue de la Plage et le boulevard Président Wilson, près la sous-préfecture (2 voitures) ; d) rue Amiral-Courbet, en face la chambre de commerce ; e) à la gare, côté arrivée.
Les automobiles autres que les voitures de louage stationnant place Carnot, devront se placer devant le Grand Café, perpendiculairement au trottoir, l’arrière de la voiture touchant ledit trottoir. »
Les transports automobiles en commun
Pérennité des transports automobiles en commun
Essai de visualisation de la pérennité des transports automobiles de voyageurs 1919 à 1939 Dessin Michel-C Mahé.
Légendes : 1919, 1925, 1929, 1935, années d’élections municipales. A- 1) Pas de date précise ; 2) 11 mars 1924 – Début de la convention. 3) 8 novembre 1928, cessation sans préavis du service. Après 22 jours sans reprise, la convention est résiliée. Le contrat se terminait le 9 mars 1930. B – 1) Autocar privé lié à son entreprise (date création inconnue). 2) Une convention est adoptée entre la ville et M. Gondard en mai 1924 – Le service débute le 1er juin 1924 pour un essai de 8 mois. 3) Le contrat se termine le 9 mars 1930 ; 4) Renouvellement, en attendant le fonctionnement des nouveaux autobus municipaux jusqu’au 18 mai 1930 ; 5) Les voitures n’arrivent pas, il continue jusqu’au 30 juin 1930. C – 1) Décembre 1923 – Début de la période d’essai ; 2) 11 mars 1924 – Début de la convention. 3) 8 novembre 1928, cessation sans préavis du service. Après 22 jours sans reprise, la convention est résiliée. Le contrat se terminait le 9 mars 1930. D – 1) Service assuré par M. Hubert de Pornichet sans contrat. (après le 8 novembre / 31 décembre 1928) ; 2) Contrat de 4 mois (1er avril / 31 juillet 1929) ; 3) Contrat de 4 mois (1er août 1929 / 31 janvier 1929) ; 4) Contrat du 1er février au 18 mai 1930 ; 5) Contrat du 19 mai au 30 juin 1930. E – 1) Contrat de 3 mois (31 décembre 1928 / 31 mars 1929). F – 1) 24 février 1930, le conseil municipal se prononce pour une régie municipale. 2) 1er juillet 1930, début du service 3) Liquidation de la régie G – 1) 1er avril 1939 – Début de la concession signée par la ville avec Drouin Frères.
Service entre Saint-Nazaire et Saint-Marc
Autobus Lusson
Service autobus Lusson entre Saint-Nazaire et Saint-Marc en mai 1919 – Dessin Michel-C Mahé.
Service autobus Lusson entre Saint-Nazaire et Saint-Marc en mai 1919 – Dessin Michel-C Mahé.
En mai 1919, M. Lusson fut autorisé à établir un service de transport automobile de voyageurs, de Saint-Nazaire à Saint-Marc. Le terminus de Saint-Nazaire se faisait place Delzieux, celui de Saint-Marc à l’hôtel Boussenot *, Il y avait cinq arrêts : Sautron, Fort de Villes-Martin, la Vecquerie, Fort de l’Ève et Saint-Marc, définissant avec les terminus cinq sections. Le prix des places de chaque section était de 0 fr. 30 soit d’un terminus à l’autre 1 fr. 50. Des arrêts facultatifs étaient prévus au jardin des Plantes, à la plage de Villès-Martin, à la tour du Commerce, au Petit Gavy et au phare d’Aiguillon.
*) Hôtel de la plage, exploité par M. Boussenot. . Il a cédé le fonds (la date m’est inconnue.) à M. .Léon Gondard et Mme Camille Bigotteau son épouse . Le 1er juin 1926, le fonds de commerce d’hôtel-restaurant-café est vendu par les époux Gondard à M. Léon Guillet et Mme Sancereau, son épouse demeurant à Tharon-Plage. Le 29 novembre 1929, le fonds de commerce est vendu par les époux Guillet à M. Émile Gagnard et Églantine Gauthier son épouse demeurant au Pouliguen. Les biens de M. Boussenot, l’hôtel, une maison, un chalet, sont vendus par adjudication le 16 septembre 1938.
Le mardi 15 juillet 1919, l’autobus a eu un accident en montant la côte au lieu-dit « La Courance ». Il a reculé jusqu’au fossé et a versé. Il fut très endommagé, mais heureusement les voyageurs n’eurent que de légères contusions. »
Qu’en est-il de la pérennité de ce service ? Il semble qu’il ait disparu rapidement mais il reste la première expérience connue de transport automobile en commun à Saint-Nazaire.
31-10-2020 : Mise à jour de l’image « Pérennité des transports en commun » 11-01-2021 : Mise à jour de l’image « Pérennité des transports en commun » et des légendes.
Info : Chers amis, Vous me connaissez surtout pour mes articles d’histoire locale ou mes conférences, mais pendant le confinement, pour distraire les copains, j’ai rédigé sur FB une chronique montrant la vie de trois amis privés de leur rencontre quotidienne dans le hall de notre Super U et contraints d’utiliser les réseaux sociaux pour continuer à se voir et se parler. Autour du casse-croûte de la matinée, chacun vient dire ses joies, ses peines, ses misères, les nouvelles du quartier et où on commente les expériences de Clovis et de son petit-fils… De la réunion de ces textes, il en est résulté un petit ouvrage truculent :
« Les chroniques montoirines – Le confinement, le coït-19, dixit Clovis »
qu’une maison d’édition, Les Editions du Menhir, a bien voulu faire paraître. L’ouvrage est disponible : – sur les plateformes en ligne (Amazon, FNAC, Décitre, Chapitre,…) – aux Editions du Menhir, section nouveautés. et peut-être commandé chez tous les libraires. J’espère que vous lui ferez bon accueil et qu’il, j’en suis sûr, vous fera passer un bon moment. Bel été à tous. Michel-Claude
Plan de situation des garages en 1926. – Dessin Michel-C Mahé. Légende : Indications sur fond blanc numéro de rue connu ; fond jaune, placé au milieu de la rue, .numéro de rue inconnu.
Les garages
1) Garage Cerret, 26 rue des Caboteurs ; 2) Garage Marceau, 15 rue Méan ; 3) Garage Michel, 10 rue du Bois-Savary, et 4) numéro inconnu, rue Marceau ; 5) Garage Moderne, 43 rue du Croisic,12, 14, 16, rue du Traict ; 6) Garage Rézeau, 20 rue Thiers ; 7) Riveau, 24 rue Fernand-Gasnier ; 8) Sté Armoricaine de Transports Automobiles, 70 rue de la Paix.
Les modèles Peugeot en 1926 – Crédit BNF Gallica
Les automobiles
À quoi ressemblaient les automobiles à cette époque ? Pour répondre à cette question, il suffit d’étudier les encarts publicitaires parus dans les journaux spécialisés et vous remarquerez que tous les constructeurs suivaient les tendances, les modes et que la forme générale des différents types de carrosseries restait la même.
Le tableau ci-dessus, issu d’une publicité Peugeot en 1926, nous montre que la gamme se base sur des puissances, donc un moteur, dont chacune est associée à un châssis particulier. Dans les premiers modèles, les freins sont seulement à l’avant. Les accessoires de base sont la montre et le compteur.
Ensuite, il y a la carrosserie avec des propositions standard du constructeur ou une personnalisation par un carrossier.
Deux concepts s’affrontent sur le marché : la voiture découverte avec la torpédo * et la conduite intérieure.
La torpédo
Carrosserie « Torpilleur » Lamplugh en 1910 Crédit BNF-GallicaTorpédo de 1926 – Crédit BNF-Gallica
En ses grandes lignes, la torpédo, on parle aussi au tout début de « carrosserie torpilleur » **, est dotée d’une carrosserie basse allongée, sans saillie extérieure avec des lignes fuyantes à l’arrière et faite pour que rien ne s’oppose au glissement de l’air sur ses parois. Elle comportait un coupe-vent qui met le conducteur à l’abri jusqu’à mi-corps, un pare-brise à combinaisons, des portières très hautes – celles à l’avant sont aussi hautes que celles à l’arrière – sans vitres latérales. Les sièges avant et arrière sont identiques. Une capote repliable vient compléter l’ensemble.
À deux places pour les toutes premières, très vite, elle eut quatre places, ou même cinq, et sera la voiture de tourisme par excellence. Elle était moins sujette au dérapage du fait que son centre de gravité est moins élevé et représentait une innovation, car le conducteur et son voisin sont aussi bien assis que les voyageurs à l’arrière.
*) À cette époque les deux genres sont reconnus. On parle aussi au tout début de « carrosserie torpilleur » ce qui explique, peut-être, le masculin. Elle s’est écrit torpedo, c’est un mot anglais, puis francisée torpédo. **) MM. Rheins et Auscher avaient, dès 1897, construit des carrosseries genre torpilleur. En décembre 1908, ils faisaient le dépôt d’une carrosserie Torpilleur sous le n° 26771. En 1910, ils cèdent à la maison Lamplugh la licence exclusive de fabriquer ce nouveau type de carrosserie. En 1910, un chroniqueur écrivait : « Il n’y a plus aujourd’hui à discuter le succès considérable qu’obtient la nouvelle forme de carrosserie… C’est bien là une forme automobile, la première qui soit spéciale à nos machines et qui ne soit plus une adaptation plus ou moins heureuse de la forme « chevaline ».
La conduite intérieure
Limousine de 1905 – Crédit BNF-GallicaConduite intérieure de 1926 – Crédit BNF-Gallica
L’automobile à ses débuts était réservée à une classe aisée qui faisait appel à un chauffeur. À l’instar de ses collègues de l’hippomobile, dont il est dans la continuité, celui-ci subissait les intempéries tandis que les passagers étaient confortablement installés. La conduite intérieure fit son apparition autour de 1906 *, pour permettre au maître de se substituer à son serviteur au volant tout en restant en relation avec les voyageurs, sans s’exposer aux intempéries. Pour ceux qui utilisaient un chauffeur, ce dernier accédait à l’intérieur de l’habitacle. Il pouvait entendre les conversations de ses maîtres. Pour remédier à ce problème une séparation entre le siège avant et l’arrière du véhicule fut installée. Mais vers 1910, l’automobile, avec des petits modèles, se répandit dans les milieux un peu moins aisés (médecins, placiers, commerçants, etc.) qui en ont besoin à toute saison et par tous les temps. La conduite intérieure devint indispensable et les constructeurs firent le nécessaire pour satisfaire cette nouvelle clientèle.
L’automobile à Saint-Nazaire – Après la Première Guerre mondiale
Pérennité des garages automobiles de 1920 à 1938 à Saint-Nazaire
Après la première Guerre mondiale, les garages pour la réparation et la vente des automobiles se sont développés. À partir de 1927, de grands halls d’exposition font leur apparition.
Essai de visualisation de la pérennité des garages automobiles de 1920 à 1938 – Dessin Michel-C Mahé.
D – Sigogne – (1) Agent Peugeot. K – Garage Marceau – (1) Paul Durand ; 2) Bibard. M – Garage Cerret – (1) Orthographié Ceret. K – Garage Marceau – (1) Rue du Bois-Savary ; (2) Rue du Bois-Savary et 10 rue Marceau. Q – Garage Moderne – (1) Vendeur Citroën ; agence des automobiles De Dion-Bouton, Lorraine-Dietrich, Rochet-Schneider ; (2) 43, rue du Croisic, 12-14-16, rue du Traict R – Automobiles Citroën – (1) Inauguration officielle du magasin d’exposition de l’Agence Citroën de Saint-Nazaire le dimanche 20 janvier 1929 1 ; (2) M. Minot, concessionnaire de la marque à Saint-Nazaire, fait une présentation de films documentaires le 23 mars 1931. V – Société Nantaise des Automobiles Peugeot – (1) La Société Nantaise des Automobiles Peugeot sise 5, quai de l’Ile-Gloriette, à Nantes, possédait un magasin d’exposition 16, rue du Calvaire à Saint-Nazaire. W – Garage Renault – (1) Agence Nantaise des Automobiles Renault s’est implantée en 1927, 193, rue de Pornichet. X – Agence Nantaise des Automobiles Renault – (1) En février 1932, déménagement de l’Agence Nantaise des Automobiles Renault, 21, rue de la gare.
Essai de visualisation du nombre de garages automobiles de 1920 à 1938 – Dessin Michel-C Mahé.
Au vu des éléments dont je dispose et ceci va évoluer dans les prochaines semaines *, la pérennité de certaines maisons est évidente, bien que les débuts et fins d’activités me soient encore inconnus. Ce que l’on peut dire : – en 1923, on dénombrait au moins 5 garages à Saint-Nazaire dont 2 vont perdurer au même endroit jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale : le garage Moderne et le garage Rézeau ; – leur nombre est maximum, 16, pour les années 1935 et 1936.
*) Covid-19 oblige.
Les agents des constructeurs à Saint-Nazaire
De Dion-Bouton » – Lorraine-Dietrich – Rochet-Schneider
Vers 1921, l’agent de ces constructeurs était le Garage Moderne, 14, rue du Traict.
Renault
L’Agence Nantaise des Automobiles Renault s’est implantée en 1927, 193, rue de Pornichet puis en 1932, 21, rue de la gare en lieu et place où stationnait l’autobus Michel qui reliait Saint-Nazaire au pont de Méan. De ce vaste hangar, que les chroniqueurs qualifiaient de gigantesque, fut créé un parc d’exposition ultramoderne, conçu par M. Bréerette, architecte. Il fut inauguré fin février 1932. Le directeur de l’agence nazairienne s’appelait M. Collin. En 1931, la région nazairienne a acheté 150 voitures chez Renault.
Citroën
Vers 1921, le Garage Moderne, 14, rue du Traict vendait des automobiles Citroën.
L’inauguration officielle du magasin d’exposition de l’Agence Citroën de Saint-Nazaire a eu lieu le dimanche 20 janvier 1929 à 14 h. 30, 21, rue de l’Océan. Architecte, M. Batillat ; entrepreneurs, MM. Graziana, Bosredan, Leveau et Marin, Poirier, Davy ; décoration, la maison Huchet. M. Minot était le concessionnaire général et M. Audineau, directeur de l’agence de Saint-Nazaire.
M. Minot s’impliquait pour la promotion de la marque. À l’occasion d’une quinzaine commerciale, le lundi 23 mars 1931, dans la salle du Caméo et celle de l’Éden-Cinéma, il présenta des films documentaires sur les automobiles.
Peugeot
Au moins à partir de 1931, la Société Nantaise des Automobiles Peugeot, sise 5, quai de l’Ile-Gloriette, à Nantes, possédait un magasin d’exposition 16, rue du Calvaire à Saint-Nazaire. Le garage de M. Sigogne, 106, rue d’Anjou était son agent.
La maison Collet vers 1910 – Avec autorisation de theau44 – Delcampe
Nous avons vu qu’à Saint-Nazaire, lors du développement de la bicyclette *, que des commerçants pressentant de nouvelles opportunités ont intégré cette dernière dans leur fabrication ou leurs produits. C’est le cas de la maison Rousseau, armurier et serrurier, vers 1887 ou Hugonnet, vendeur de machines à coudre, vers 1898.
*) Voir article : Magasins et points de vente de cycles de 1887 à 1927 à Saint-Nazaire
Le même phénomène s’est opéré de la bicyclette vers l’automobile. Certains magasins de cycles se sont mis à les réparer : – vers 1901 – Poulain, mécanicien, 22, rue de Nantes ; automobiles ; moteurs à pétrole ; le garage était couvert. – vers 1901 – Wertz, rue de l’Océan. – vers 1902 – Abraham Aph, 8 rue de Nantes ; « Cycles et automobiles ». – vers 1910 sûr, peut-être avant, jusqu’en 1916, la maison Collet, 3 rue de Cran.
D’autres entrepreneurs ont créé leur affaire uniquement centrée sur l’automobile : – vers 1901 – Rousseau, mécanicien, 20, Rue Thiers ; le garage était couvert pour 6 voitures ; agent De Dion pour les pièces détachées.
À ma connaissance, il ne semble pas qu’il y eût des agents de constructeurs à Saint-Nazaire avant la Première Guerre mondiale. On sait que l’exclusivité De Dion-Bouton sur la Loire-Atlantique était confiée au garage Bertheau à Nantes autour de 1906.
1) Abraham Aph, 8 rue de Nantes ; 2) Collet, 3, rue de Cran ; 3) Poulain, 22, rue de Nantes ; 4) Rousseau, 20 rue Thiers ; 5) Wertz, rue de l’Océan. Légende : Indications sur fond blanc numéro de rue connu ; fond jaune, placé au milieu de la rue, numéro de rue inconnu – Dessin Michel-C Mahé.Voiturette, De Dion-Bouton, 6 chevaux, monocylindre, (Modèle 1905)Double-Phaeton, De Dion-Bouton, 15 chevaux, 4 cylindres, (Modèle 1907)
Les constructeurs présents en Loire-inférieure vers 1916
Les agences à Nantes vers 1916 – Dessin Michel-C Mahé.
Il m’a semblé intéressant d’avoir une idée des constructeurs présents en Loire-inférieure juste avant la Première Guerre mondiale. Quoi de plus naturel que de vérifier leur présence par leurs agents. Ils étaient situés principalement à Nantes. On remarquera que certains constructeurs d’automobiles ont dans leurs gammes de fabrication les cycles tels De Dion-Bouton ou Peugeot.
Le Marquis de Dion
Jules Albert de Dion, dit « le marquis de Dion », pionner de l’industrie automobile était alors très impliqué dans la vie économique et politique de la Loire-Inférieure.
Jules Philippe Félix Albert de Dion
Jules Philippe Félix Albert de Dion Wandonne de Malfiance, dit Jules-Albert de Dion, est né le 10 mars 1856 à Carquefou (Loire-Inférieure) et décédé le 19 août 1946 à Paris. Il était le fils d’Albert Guillaume Louis de Dion Wandonne de Malfiance, baron de Wandonne, président de la Société archéologique de Nantes, et de Clémentine Cossin de Chourses. Il épousa Valentine Bouillant, Infirmière (1858-1932) dont il n’eut pas de descendance. Il résidait au château de Maubreuil à Carquefou et à Paris dans un hôtel particulier rive gauche. Il fut conseiller général du canton de Carquefou de 1899 à 1934 ; député de Loire-Inférieure de 1902 à 1923 ; sénateur de Loire-Inférieure de 1923 à 1940. Il a fondé avec Georges Bouton et Charles Trépardoux, la société des automobiles De Dion-Bouton à Puteaux en 1883. Après la Première Guerre mondiale, il devint le principal fabricant français d’autorails. Il est le fondateur du Salon de l’auto en 1898 ; cofondateur de l’Automobile Club de France (1895) et de l’Aéro-Club de France (1895).
Ce diagramme est établi avec différentes sources mais avec des chiffres très cohérents émanant des statistiques annuelles du ministère des Finances. Dessin Michel-C Mahé.
On définira ci-dessous comme automobiles : celles dites de tourisme, les camions et les autobus à l’exclusion des cyclecars *.
*) Un cyclecar (voiture-cycle, en anglais) est une catégorie de voiturette légère de 3 ou 4 roues, de moins de 350 kg, et 1100 cm³ maxi, soumise à un régime juridique et fiscal spécifique avantageux.
On sait que les voitures automobiles sont devenues imposables à partir du 1er mai 1898. C’est donc à partir de 1899 que la direction générale des contributions directes a pu dresser annuellement une statistique de ces véhicules. À cette date, il existait, dans toute la France, 1.672 automobiles. Quinze années plus tard, juste avant la Première Guerre mondiale, en 1914, le recensement en faisait ressortir 107 535, soit pour 39,541 millions * d’habitants environ 27 automobiles pour 10 000 habitants. C’est après la Première Guerre mondiale que les automobiles ont pris leur essor. En 1936, il existait 2 268 985 automobiles, soit pour 41,502 millions ** d’habitants environ 547 automobiles pour 10 000 habitants. Ces chiffres calculés à partir de la population globale n’ont pour but que de nous faire une idée de la densité du parc automobile à cette époque.
*) Recensement 1911. **) Recensement 1936.
En 1926
Le nombre des voitures automobiles en circulation en France en 1926, était de 809 179 soit pour 40,581 millions d’habitants * environ 200 automobiles pour 10 000 habitants. Le nombre des automobiles de tourisme figure pour 541 438 et celui des camions pour 267 741.
*) Recensement 1926.
Répartition par département en 1926
Le tableau, ci-dessus, donne par département le nombre de camions et de voitures de tourisme qui ont acquitté l’impôt en 1926. Le département de la Corse, soumis à un régime spécial, n’y figure pas.
Les départements qui comptaient le plus d’automobiles étaient : la Seine avec 153 807, le Nord avec 32 589, la Seine-et-Oise 25 675, le Rhône 24 036, la Gironde 22 482 etc. Ceux qui en possédaient le moins : la Lozère avec 801 ; les Hautes-Alpes, 1025 ; l’Ariège, 1361 ; les Basses-Alpes, 1601 ; le Lot, 1973 etc.
On remarque que c’étaient surtout les régions industrielles qui possédaient le plus de poids lourds : la Seine, 37 343 ; le Nord, 11 092 ; la Seine-et-Oise, 10 229 ; la Gironde, 7164 ; les Bouches-du-Rhône, 6749.
Nombre d’automobiles par département en 1926 – Dessin Michel-C Mahé.
Le développement des automobiles en Loire-Inférieure
Le diagramme est établi avec différentes sources mais avec des chiffres cohérents émanant des statistiques annuelles du ministère des Finances. Dessin Michel-C Mahé.
En 1920, il existait en Loire-Atlantique 2454 véhicules automobiles pour une population de 649 691 habitants * environ 4 véhicules pour 1000 habitants. Cinq ans plus tard en 1925 on en compte 7909 pour une population de 651 487 habitants, soit 12 pour 1000 **. En 1931, 20 398 pour 652 079 habitants *, soit 31 véhicules pour 1000 habitants ***. Ces chiffres calculés à partir de la population globale de la Loire-Inférieure n’ont pour but que de nous faire une idée de la densité du parc automobile à cette époque.
Les types de véhicules hippomobiles utilisés par les voituriers à Saint-Nazaire vers 1926
Pour le savoir nous disposons des ventes judiciaires * effectuées en/et autour de 1926 à Saint-Nazaire et dans les communes environnantes.
*) Vente judiciaire à Saint-Nazaire, rue du Calvaire, numéro 15, au domicile de Mlle Rio, le jeudi 18 décembre 1924 : cinq chevaux, quatre victorias, quatre coupés, deux landaus, trois breaks, deux vis-à-vis, un milord, trois omnibus, quantité de harnais, livrées, couvertures et matériel de loueur de voitures.
Celle d’une entreprise exploitée à Pornichet par Mme veuve Boucard, le 14 mars 1926, où était vendu le matériel suivant : une victoria milord, quatre omnibus, trois breaks, deux landaus, un coupé, trois victorias, deux camions.
Une vente publique qui a eu lieu à La Baule en août 1928, pour cause de cessation d’un commerce, exploité par M. Loiseau, voiturier : un cheval alezan de 13 ans ; un cheval alezan de 9 ans ; une jument alezane, susceptible de suitter ; 1 carriole, 1 camion, 4 tombereaux, 1 break, 1 victoria, 1 charrue, 1 herse et harnais, etc. Monsieur Loiseau était un homme aisé car à la suite fut mis en adjudication : 1 voiture “ Talbot « , conduite intérieure, grand luxe, décapotable. 1 voiture » Chenard « , 3 litres, carrosserie grand sport luxe, état mécanique parfait.
Une autre vente mobilière après décès eu lieu en octobre 1932, à La Baule : M. Olivier Père, voiturier, possédait : un omnibus, deux breaks, deux camions, deux victorias, deux tombereaux, deux carrioles.
Omnibus à chevaux des chemins de fer de l’État – Source – Ville de Paris / BHVP -1912 -BNF-Gallica.
L’omnibus est une voiture fermée sur les côtés par des carreaux mobiles, à l’arrière par une porte ; les sièges sont en long.
Le break * est une voiture découverte à deux sièges parallèles et écartés faisant saillie au-dessus des roues ; les voyageurs étaient placés les uns derrière les autres. On accède au siège de derrière en passant par-dessus le siège de devant.
*) Selon M. Marcevaux auteur « Du char antique à l’automobile » 1897. Il existe une multitude de modèles certains possèdent les sièges en long d’autres en vis à vis.
La victoria, le milord. Photos BNF – Gallica
La victoria, l’entrée se fait entre les roues qui sont très écartées, avec le siège de devant fixe en fer et avec ou sans siège derrière pour le valet de pied.
Le milord, c’est une victoria dont le siège de fer est remplacé par un siège en bois faisant partie de la caisse ; cette voiture, qui était très répandue, était toujours à capote.
Le landeau, le coupé. Photos BNF – Gallica
Le landau est fort pratique, car il sert à la fois de voiture découverte et de voiture fermée. Il a deux capotes qui se ferment d’aplomb avec une réserve pour les glaces qui permettent de voir clair à l’intérieur lorsqu’on les relève.
Le coupé est une voiture fermée. Son nom lui vient de ce que la caisse de la voiture est coupée à fleur de la porte avec un angle rentrant sous le siège vers 1900 ; c’est une des voitures les plus répandues.
Le vis-à-vis possède quatre grandes places intérieures et se fait avec ou sans portières, à tablier ou à capote. Cette voiture ressemble beaucoup à l’ancienne calèche.
À la fin du XIXe siècle les moyens de transport hippomobile étaient à leur apogée et les mots de vocabulaire appris par les élèves des cours élémentaires étaient fort nombreux : la charrette, le tombereau, le camion, le haquet, la voiture, le cabriolet, l’omnibus, l’affût, le chariot, le coupé, le carrosse, le courrier, la diligence, le tramway, le corbillard, le tilbury, la carriole, le cab, la calèche, la briska, le break, le dog-cart, le phaéton, la victoria, le landau, la berline, le coche, la banne, le caisson, le fourgon, le truc, le binard, le fardier, l’éfourceau, la guimbarde, le bard, la voiture cellulaire, la citadine, le fiacre, la tapissière, la télègue.
En 1926, on rencontrait en ville et sur les routes : les voitures hippomobiles, les automobiles, les autobus, les camions et ce que nous qualifions maintenant « les deux-roues» : bicyclettes, motocyclettes et leurs dérivés. Les voitures hippomobiles étaient encore majoritaires chez les petits commerçants. Les automobiles, quant à elles, poursuivaient leur développement malgré leur prix très élevé. Elles s’adressaient à une clientèle aisée, aux entreprises et aux transports en commun.
Transport des marchandises
Les commerçants les utilisaient pour faire leur livraison (boulangers, bouchers, marchands de vin, de charbon, de bois, etc.). Lors de la mise en vente du fonds très souvent la voiture et le cheval faisaient partie du lot.
Ils disposaient de véhicules spécifiques à leur commerce, entre autres, on peut citer : – le fourgon : voiture fermée, à deux ou quatre roues, pour le transport ou la livraison de marchandises et objets divers. Les portes sont généralement situées à l’arrière. À l’avant, le conducteur est abrité par une capucine, une sorte d’auvent fixe, ou une capote mobile. – le haquet : une charrette étroite et longue, sans ridelles pour le transport des tonneaux. – la carriole : sorte de charrette à deux roues, grossièrement suspendue, souvent couverte d’une bâche en forme de capote, destinée au transport de personnes ou/et de marchandises.
Autour de 1905 – Les voitures (omnibus) attendant les voyageurs à la gare. Collection Michel-C Mahé
Transport des voyageurs
Il existait des voitures publiques qui servaient au transport des voyageurs d’un point de la ville à un autre, selon un tarif déterminé et convenu entre l’entrepreneur, appelé voiturier, et la municipalité. Le transport en commun était assuré par des omnibus *. Ils faisaient toujours le même trajet à heures fixes.
*) La toute première ligne de transport en commun fut créée à Nantes le 10 août 1826. Elle reliait le quartier de Richebourg à celui des Salorges avec deux voitures à chevaux transportant seize personnes chacune.
Il existait des voitures que l’on prenait à la course ou à l’heure. Elles quittaient la station qui leur était assignée lorsqu’elles étaient requises par un voyageur. Elles se distinguaient en voitures de place et voitures de remise. Les premières stationnaient sur la voie publique, les secondes, ainsi nommées, sous des lieux couverts. Ces dernières avaient meilleures apparences, étaient sensées aller plus vite et leur prix de location était donc plus élevé.
Les entreprises à Saint-Nazaire
Situation des domiciles et entreprises des voituriers en 1926 – Dessin Michel-C Mahé
Les voitures de place : 1) Béranger, 35 rue Villès-Martin ; 2) Bessou *, 138 rue Jean-Jaurès ; 3) Charmel, 9 rue du Croisie ; 4) Esther **, 117 rue Henri-Gautier ; 5) Guignec, 15 rue Jean-Jaurès ; 6) Langlais père, 41 rue Albert-de-Mun ; 7) Le Claire, 59 rue Henri-Gautier ; 8) Potiron frères, 26 rue Villès-Martin ; 9) Rabu Alexandre, 6 rue Ile-du-Lin ; 10) Vigoureux, 50 rue Henri-Gautier.
*) Jean Bessou voiturier, marié à Élise Laffite, ménagère. En avril 1922, son cheval s’étant emballé rue Jean-Jaurès, M. Bessou a réussi à le maîtriser sans occasionner d’incident. **) En novembre 1931, M. Esther Antoine, 72 ans, demeurant alors 15, rue Fidèle-Simon a été sérieusement blessé en chutant de sa victoria après une collision avec une automobile.
Rappelons ici une triste histoire, celle de M. Auguste Guchet, voiturier. En 1924, à la Baule, M. Guchet avait trouvé un collier de perles qu’il restitua à sa propriétaire. Pour le récompenser, celle-ci lui remit 16 000 francs avec lesquels il s’acheta un cheval et une voiture. Il fit la place. Il cessa son métier un temps pour travailler à bord de l’Île-de-France et reprit son activité le navire livré. Il mit fin à ses jours dans une auto de louage fin juin 1927 en se tirant un coup de revolver dans la tempe droite pour semble-t-il des problèmes conjugaux. Il avait 40 ans.
Les voitures de remise et loueurs : 11) Grégoire, 49 rue du Croisic ; 8) Potiron frères, 28 (?) rue Villès-Martin ; 9) Rabu Alexandre, 6 rue Ile-du-Lin.
Photo autour de 1910 – La gare est un lieu de stationnement incontournable des voituriers. Collection Michel-C Mahé
Vers 1770, routes royales autour de la Basse Loire * La partie nord-est n’est pas représentée. Dessin Michel-C Mahé
*) D’après les cartes du nord de l’estuaire de la Loire. Routes royales et moulins de Nantes à La Rochebernard. De La Rochebernard à Guérande. De Guérande à Saint-Nazaire et de Saint-Nazaire à Savenay. (fin XVIIIe). Archives départementales de Loire-Atlantique. Du sud de l’estuaire de la Loire. Routes royales et moulins de Nantes vers Vallet, Clisson, Montaigu, Rocheservière, Legé, La Garnache, Bougneuf-en-Retz et Noirmoutier. (fin XVIIIe) Archives départementales de Loire-Atlantique. Carte géométrique du comté nantais 1768. Archives municipales de Nantes
Les grands chemins en Bretagne
Le budget alloué aux ponts et chaussées était uniquement destiné aux grands chemins, c’est-à-dire aux routes royales et aux routes de ville à ville. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, les routes étaient encore peu nombreuses. C’est surtout dans le dernier tiers du siècle que le réseau se développa rapidement. En 1757, il y avait trois cent quatre-vingts lieues * de routes en Bretagne. En 1769, un an après le départ du duc d’Aiguillon, qui avait donné un essor exceptionnel aux travaux publics, on en comptait huit cent une et, en 1789, neuf cent cinquante.
*) La lieue tarifaire compte 2400 toises soit presque 4 km 680.
Jusqu’en 1730, les chaussées étaient pavées, mais à partir de 1731, on y renonça peu à peu et on préféra les chaussées de cailloutage que l’ordonnance du 23 décembre 1730 a recommandées comme plus « convenables et plus faciles à entretenir ».
Les chemins de traverse
Le seul réseau qui importait aux paysans était celui des chemins de traverse, allant de bourg à hameau ou de hameau à hameau, qui leur permettait, in fine, d’utiliser les grands chemins. Il devait être entretenu par les possesseurs de droits de péage ou par les propriétaires riverains. Devant le non-respect de leurs obligations, l’intendant et la Cour de Rennes édictèrent contre les délinquants des peines sévères, mais rien n’y fit, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ce réseau resta dans un état déplorable, voire inexistant.
La construction d’un grand chemin. Claude-Joseph Vernet. Huile sur toile. 1774. Musée du Louvre.
La corvée royale
Outre les impôts, la population se devait d’honorer des prestations pesantes qui étaient : le logement des troupes de passage, les charrois militaires, la corvée royale, la milice.
La corvée royale permettait à l’administration de pourvoir à la construction et à l’entretien des routes. Les sommes allouées par les États étaient insuffisantes pour la construction et l’entretien des grands chemins. Elles servaient à payer le personnel des ponts et chaussées et à la construction des ouvrages d’art adjugés à des entrepreneurs. Les autres travaux : extraction de la pierre, transport des matériaux, empierrement de la chaussée, construction des accotements, creusement des fossés et l’entretien de l’ouvrage étaient des travaux de corvée.
Elle apparut en Bretagne, comme dans les autres provinces de la France, dans la première moitié du XVIIIe siècle et fut établie définitivement par l’intendant * dès 1730. Les États ** se montrèrent très favorables, car elle permettait de rejeter sur les paysans une partie des charges de la province.
*) Sous l’ancien régime, la Bretagne, comme les autres provinces françaises, avait un gouverneur et un intendant. Le premier ne conservait au XVIIIe siècle que des droits honorifiques. Le second était le principal représentant du roi. **) Les États provinciaux, établis par les anciens ducs, subsistèrent jusqu’en 1789. Ils ne représentaient qu’une infime minorité de la population. Les membres du haut clergé et les nobles y siégeaient de droit. Quarante-deux villes y envoyaient des députés. Ils possédaient des attributions financières assez étendues.
La corvée royale était la prestation de beaucoup la plus pénible pour les paysans. Les travaux qu’ils exécutaient ne leur apportaient aucun service ni rémunération. Les routes ainsi construites et entretenues servaient surtout à la communication entre les villes et étaient utiles à la circulation des voitures des négociants et à celle des ordres de l’église et de la noblesse.
On appelait « corvoyeurs » les gens soumis à la corvée des grands chemins ; hommes, femmes et enfants de 18 à 50 ans devait s’y soumettre. On distinguait la corvée personnelle et la corvée de harnais. On pouvait se faire remplacer par un ouvrier à condition que le remplaçant ne soit ni un vieillard, ni une femme, ni un enfant hors d’état de travailler.
Les nobles, les ecclésiastiques, leurs domestiques, les bourgeois des villes, tous les officiers royaux et employés des fermes, les agents seigneuriaux, les collecteurs d’impôts, etc., en étaient exemptés. Elle n’était supportée que par les cultivateurs, mais les plus aisés parvenaient à y échapper par des exemptions trop facilement accordées, de ce fait, elle retombait sur les plus pauvres, les plus défavorisés.
Certaines paroisses étaient exemptes de la prestation. Seules étaient astreintes celles qui se trouvaient dans le voisinage d’une route, à une distance maximale de 2 ou de 4 lieues, suivant les époques.
Les jours et périodes étaient régis par des ordonnances. Dans celles de 1732 et de 1735, la corvée pouvait être exigée deux jours par mois, à toute époque de l’année, excepté en août et septembre. En 1738, elle fonctionnait qu’en janvier et février et du 15 mai au 1er août. En 1757, du 1er mars au 15 juillet et du 15 octobre au 15 décembre, mais très souvent, on exigeait la corvée pendant les moments les plus précieux de l’année : les semailles et la moisson.
Quant à la journée de travail du corvoyeur, elle était fixée de 6 heures du matin à 8 heures du soir, puis, après 1751, de 8 heures à 5 heures, en été, et de 9 heures à 3 heures 1/2, en hiver.
L’organisation du travail était livrée à l’arbitraire des agents de l’administration. Les corvoyeurs étaient souvent maltraités par les ingénieurs et leurs commis et pour ceux qui ne se présentaient pas, des amendes souvent très élevées leur étaient infligées. Si elles n’étaient pas acquittées c’étaient la saisie, l’emprisonnement.
Turgot avait proposé aux Etats de la supprimer, mais ces derniers, redoutant un accroissement d’impôts pour les privilégiés, repoussèrent le projet. L’édit du 27 juin 1787, qui supprimait dans tout le royaume la corvée en nature, ne fut pas appliqué en Bretagne et elle persista jusqu’à la fin de l’ Ancien Régime.
Routes principales autour de 1790 * – Dessin Michel-C Mahé
*) D’après une carte topographique du diocèse de Nantes en 1790. Archives municipales de Nantes
Les transports – La route au XVIIe et XVIIIe siècles
XVIIe Siècle
En 1645, d’après la carte de Jean-Boisseau*. Gallica-BNF – Dessin Michel-C Mahé
*) Jean Boisseau (16..-1657?). Éditeur, distributeur. Travaille entre 1631 et 1648, d’abord comme « maître enlumineur ». En 1641, réédite le Théâtre de Jean Leclerc et publie la Topographie de Châtillon. Crée son œuvre personnelle à partir de Leclerc (Théâtre des Gaules) et de Mercator-Hondius (Trésor des cartes géographiques). Mort après avril 1657 – Data BNF
Si on compare les chemins de la carte de Jean de Boisseau en 1645 à celle de 1552 *, on constate qu’au nord de la Loire, ils restent les mêmes et qu’au sud, ils sont similaires ; Beauvoir et Tallemont restent les destinations les plus fréquentées. L’itinéraire entre Mauleurier (Maulevrier) et Pouzange (Pouzauge) à partir de Mauléon passait alors par Saint-Laurent.
*) Voir article précédent « La route, un peu d’histoire »
XVIIIe Siècle
Au début du siècle
1695 – Carte de l’évêché de Nantes par G. de Lambilly * – Crédit Photo : Gallica-BNF 1) Ligne de ponts ; 2) Chemin de Poitiers ; 3) Chemin de la Rochelle
*) Carte de l’évesché de Nantes dédiée a Monseigneur l’illustrissime et reverendissime Messire Gilles de Beauvau evesque de Nantes / par G. de Lambilly, jésuite, professeur d’hydrographie. (Orthographe conservée)
De même, si on compare cette nouvelle carte, ci-dessus, à celles de 1552 * et 1645, où Tours semble avoir une position dominante comme étape vers le sud pour les voyageurs, on note qu’à Nantes le passage vers le sud par la route est devenu usuel ; il s’effectue par la ligne des ponts, d’où partent deux chemins principaux, l’un vers La Rochelle, l’autre vers Poitiers.
*) Voir article précédent « La route, un peu d’histoire »
Ces ponts sont très anciens, mais cette route ne semble pas privilégiée par les marchands au milieu du XVIIe siècle, mais elle l’est à la fin. Cette désaffection est probablement due aux nombreux incidents qu’ils ont subis au cours du temps (destructions par les crues et les glaces) et aussi par le temps nécessaire pour les rétablir.
Vers 1650 ?- Nantes — Vue en perspective du pont entre le faubourg de la belle Croix et la ville Crédit photo: Gallica – BNF.1716 – Plan de Nantes par De Fer Nicolas * – La ligne des ponts ** – Crédit Photo : Gallica-BNF 1) Pont de la belle Croix ; 2) Pont de la Madelaine ; 3) Pont de Pillemy (Pirmil) – Orthographe conservée.
*) De Fer Nicolas (1647?-1720). Éditeur et marchand de cartes et d’estampes ; graveur ; ingénieur ; cartographe ; géographe (ordinaire) de Sa Majesté catholique (1702) et de Monseigneur le Dauphin (1690) ; géographe des Enfants royaux. Fils du marchand d’estampes Antoine de Fer. Il est dit âgé de 12 ans lors de son entrée en apprentissage chez le graveur Louis Spirinx (mai 1659). Travaille avec son père jusqu’à la mort de ce dernier en juin 1673, puis avec sa mère jusqu’en 1687, année où celle-ci lui cède son commerce (8 nov. 1687). A sans doute exercé l’art de la gravure, mais aucune œuvre à son nom ne semble avoir subsisté. Emploie plusieurs graveurs qui emportent l’ouvrage dans leur atelier. Inventaire après décès le 6 nov. 1720. Faute d’acheteur, ses trois gendres, le papetier Guillaume Danet, les graveurs Rémy Richer et Jacques-François Bénard, se partagent l’affaire en trois lots égaux. Seuls G. Danet et J.-F. Bénard continuent le commerce. BNF Data **) La ligne de ponts apparaît sur autre un plan de la ville et les faubourgs de Nantes. Il a été publié en 1723 par David Delafond, ingénieur du roi.
Fin du XVIIIe siècle
Vers 1783, d’après la Carte générale de la France, établie sous la direction de César-François Cassini de Thury *. Gallica-BNF – Dessin Michel-C Mahé
*) César-François Cassini de Thury, (1714 – 1784). Astronome et géomètre ; membre de l’Académie des sciences (1736) ; fils de Jacques Cassini (1677-1756) et père de Jean-Dominique Cassini (1748-1845) ; participe avec son père à la mesure de la perpendiculaire de l’Observatoire. Son oeuvre principale est la carte de France, première carte de base de ce pays, dont la publication commença en 1756. BNF Data
Il m’a semblé intéressant d’assembler les différentes cartes établies sous la direction de César-François de Cassini autour de la Basse-Loire entre 1783 et 1787 * et d’en extraire les routes pour en obtenir une vue d’ensemble. Les cartes de Cassini très détaillées ne montrent pas la différenciation entre routes royales entretenues par la corvée royale et les autres chemins par les propriétaires riverains. Je me suis référé à une carte de 1770 ** pour y intégrer les routes dites royales. Les itinéraires à partir de Nantes vers Guérande, Beauvoir et Bouin sont devenus usuels. Ils aboutissent aux lieux de production du sel. Il faut noter que ce dernier, la plupart du temps, était transporté par bateau.
*) Carte générale de la France. N°130 ; Paimboeuf – Redon ; date d’édition : 1784-1787 ; Gallica – BNF ; N°131 ; Nantes ; Date d’édition : 1783-1786 ; Gallica – BNF ; N°159 ; Belle-Île ; Date d’édition : 1787 ; Gallica – BNF **) D’après les cartes du nord de l’estuaire de la Loire. Routes royales et moulins de Nantes à La Rochebernard. De La Rochebernard à Guérande. De Guérande à Saint-Nazaire et de Saint-Nazaire à Savenay. (fin XVIIIe). Archives départementales de Loire-Atlantique. Du sud de l’estuaire de la Loire. Routes royales et moulins de Nantes vers Vallet, Clisson, Montaigu, Rocheservière, Legé, La Garnache, Bougneuf-en-Retz et Noirmoutier. (fin XVIIIe) Archives départementales de Loire-Atlantique.
Mises à jour : 07/01/2020, ajout liste des articles connexes ; 08/01/2020, modification « propriétaires des domaines attenants » en « propriétaires riverains ».
Balade dans Saint-Nazaire en 1926 – Les transports – La route, des origines au XVIe siècle.
Les moyens de transport en Basse-Loire en 1926 Rouge, routes ; noir, le chemin de fer ; vert, le tramway ; bleu, liaisons maritimes. Dessin Michel-C Mahé
Avant de faire notre balade dans Saint-Nazaire, il me semble intéressant, comme prérequis, de faire un inventaire des différents moyens que les voyageurs utilisaient pour accéder à notre bonne ville. Excepté les voitures hippomobiles pour la route et le tramway pour le rail, ils sont toujours bien sûr d’actualité.
On distinguait :
la route avec :
les voitures hippomobiles : omnibus, carriole, camion, tombereaux, etc. ;
les automobiles et ses dérivés : autobus, camions ;
et ce que nous qualifions maintenant « les deux-roues» : bicyclettes, motocyclettes.
le rail : le chemin de fer et le tramway ;
la Loire avec les liaisons Nantes – Saint-Nazaire par bateaux et les bacs ;
la mer avec les marins du transport maritime et les passagers ;
l’air. (Aérodrome d’Escoublac et projets d’hydroports, développement de l’industrie aéronautique).
Commençons par le premier de ces items :
La route
Un peu d’histoire…
L’histoire des routes est un vaste sujet très compliqué et il est le domaine de l’historien (ce que je ne suis pas). Je me bornerai qu’à des généralités, en privilégiant le visuel. Quelques cartes vont nous aider à appréhender facilement le sujet.
Au commencement furent les sentiers et les pistes empruntées par les chasseurs-cueilleurs de la préhistoire. Puis vint le temps où l’on a cultivé, défriché, transporté, nécessitant des chemins empierrés. La route pour la circulation des armées, des transports de marchandises et des matériaux, des voyageurs, des courriers, suppose un certain degré d’organisation sociale avec des relations de proximité, éloignées et même, très éloignées.
*) HAL Archives ouvertes : L’héritage pré et post-romain dans les réseaux routiers anciens – Sandrine Robert
Il est admis que la Gaule d’avant César disposait de routes suffisamment larges et solides, traversant les fleuves à gué ou sur des ponts, qui permirent aux légions et armées gauloises d’accomplir beaucoup de déplacements souvent très rapides.
Un réseau routier réclame au moins l’unité politique à l’échelle de la nation. Son premier réseau, notre pays l’a reçu de l’Empire romain.
Des cartes de ce réseau ont été établies où furent portées les routes principales bien connues et vérifiées et d’autres, on le sait maintenant, qui sont sujets à caution, à interrogation et que les archéologues s’emploient à étudier.
Le réseau secondaire, quant à lui, a varié dans le temps suivant les activités du moment, les besoins du moment, les dangers encourus, les obstacles changeants.
Les Romains ont laissé un réseau routier très dense et très bien articulé.
En ce qui concerne notre sujet, on remarquera la route Lyon (Lugdunum) Brest (Gesocribate) qui passe à Nantes (Portus Namnetum) dont les étapes sont restées les mêmes jusqu’à nos jours, pas nécessairement le tracé entre celles-ci.
Au XVIe Siècle
À titre de curiosité, j’ai reporté sur une carte de 1645 *, en attendant mieux, les chemins décrits dans un guide de voyage, «La guide** des chemins de France », attribuée à Charles Estienne *** et publiée en 1552.
*) Carte de Jean-Boisseau. Gallica-BNF **) Le mot guide était féminin au XVIe siècle. ***) Charles Estienne (1504 ? – 1564) Imprimeur-libraire ; imprimeur du Roi (1551) ; médecin, auteur et traducteur. – Après avoir étudié en Italie, il devient docteur en médecine (mai 1542), docteur régent de la faculté de Paris. Précepteur du fils de Lazare de Baïf, Antoine, le futur poète. Auteur de traités de médecine, d’un ouvrage d’anatomie illustré ; d’une traduction de comédie italienne ; de plusieurs ouvrages sur la botanique et le jardinage ; d’opuscules pédagogiques écrits à l’intention de ses neveux ; d’éditions critiques, et d’un guide de voyage à succès, « La Guide des chemins de France » (1552 et nombreuses rééd.) (Data BNF)
En 1553*, chemins schématisés sur une carte de 1645 **- Dessin de Michel-C Mahé
*) D’après La guide des chemins de France de 1553 par Charles Estienne.
**) En attendant mieux.
Commentaires de l’auteur de la guide (Écriture non actualisée, il tutoie le lecteur) 1) Passe le bac sur Loire 2) Depart de Touraine & d’Aniou 3) La fault laisser a gauche, & ne passer les ponts qui ny aura a faire (là, il faut laisser…) 4) Passe le port de forges sur l’Aulrier riuiere 5) Passe les riuieres de la Chartre, Maine & Loire, lesquelles sassemblent au port d’Espinay. 6) Il y a un autre chemin de Paris a Angers , qui est beaucoup plus court , mais moins frequente : lequel conduit par Chartres, la Flesche, le Mans,&c. 7) Prairies le long de Loire, separation d’Aniou et Bretaigne. 8) Landes. Voy la tour ancienne. 9) Prairie. 10) Ville principale de Bretaigne,assise pres la mer, et ayant la commodité de trois rinieres , qui leans entrent en Loire. 11) Landes. 12) Landes. 13) Bretaische, haulte forest ancienne. 14) Port de mer dangereux, ou passe le brachs entre le Croisil et Redon : la est la mutation de langage de la l’eau. 15) Passe la forest. 16) Commécent les grãdes lieues.Passe les põts de la nonnain, qui sont arches de pierre le lõg de demy lieue. 17) Mauuais chemin en temps de pluye. 18) Passe la riuiere de Viue. 19) Passe la riuiere de Touay. 20) Boccages & roches, mauuais pays. 21) Port de mer , auquel lon pesche seiches , merluz, et autres poissons. 22) Salines,& la mer a dix lieues. 23) Bas Poictou , sur les marches de Bretaigne , uers le pays de Riay,qui est sablonneux. 24) Salines,port de mer.
Au nord de la Loire trois itinéraires : Nantes / Vannes, Nantes / Brest, Angers / Renes (Rennes). Au sud, Tours est un nœud routier principal. De Bressuire, trois itinéraires : Beauvoir, Tallemont (Talmont-Saint-Hilaire) et Lusson (Luçon).
J’y ai trouvé quelques incohérences sur la succession des étapes entre Mauleurier (Maulévrier) et Pouzanges ou Poulsange (Pouzauges). Une comparaison entre différentes cartes légèrement postérieures m’a permis de les remettre, semble-t-il, dans le bon ordre. Ne connaissant pas le tracé entre ces étapes, je les ai reliées par un segment de droite.
La lieue est la mesure de distance en vigueur avant l’adoption du système métrique. Elle était variable selon les régions ou les domaines dans lesquels elle était usitée. Elle avait pour origine la distance que peut marcher un homme ou un cheval pendant une heure soit approximativement quatre kilomètres. La journée correspondait à sept lieues, soit environ trente kilomètres.
Pour aller d’Angers à Nantes il fallait compter 3 journées pour 22 lieues (environ 90 km). De Touars à Bressuire, un peu moins d’une journée, 5 lieues et demi (environ 22 km).
En connexion avec ce réseau principal, il existait un réseau secondaire qui se modifiait suivant les habitudes, les activités, les besoins et les obstacles du moment.
La guide des chemins de France, attribuée à Charles Estienne et publiée en 1552
«La guide des chemins de France » attribuée à Charles Estienne en 1552 Crédit Photo : BNF – Gallica Lettres en fin de ligne : (Écriture non actualisée) R., repeue ; g., giste ; P., lieue ; d., demie lieue ; I., journees.
L’ouvrage est constitué ainsi :
une introduction rédigée dans un style direct, tutoyant le lecteur ;
une table des abréviations utilisées ;
une table des vingt-sept pays décrits ;
une table des chemins, à partir des villes sériées par ordre alphabétique ;
une brève description du royaume de France ;
puis vingt-sept chapitres décrivant chacun brièvement un pays (province), suivis de différents itinéraires avec leurs toponymes, les distances et complétés par quelques renseignements.
Dans l’introduction, l’auteur de ce guide de voyage, publiée en 1552, nous demande d’être magnanime eu égard aux nombreuses difficultés rencontrées pour la rédaction de son ouvrage. Pour effectuer ce travail, il a utilisé les informations des messagers, marchands et pèlerins qui empruntaient ces chemins et inévitablement celles-ci pouvaient diverger d’un locuteur à un autre. Le nombre de lieues et journées entre chaque étape n’est pas certain et leur mesure différait dans presque toutes les provinces. L’orthographe des noms des villes et bourgades était très difficile à rechercher et quelques enquêtes auprès de ses informateurs devaient être diligentées.
Et puis il y avait une incertitude sur la division et l’étendue des pays, elles variaient selon les apanages et changement des princes.
Il ne décrit que les itinéraires les plus usités. Il fait état, en quelques mots sans le décrire, de celui de Paris à Angers par Chartres, La Flèche, Le Mans, qui bien que plus court est moins fréquenté.
Il nous renseigne aussi sur l’état des chemins : « Mauvais chemin en temps de pluie, « Mauvais chemin et fangeux » ou sur leur dangerosité ; « Passe le Lay, passage dangereux », « La lande du Foyal, grande et périlleuse ».
Le passage d’une rivière se faisait soit par un bac, par un pont ou à gué selon l’importance du cours d’eau.
Magasins et points de vente de cycles de 1887 à 1927 à Saint-Nazaire
Par simple curiosité et à partir de divers annuaires du département, j’ai cherché à mettre en évidence les prémices du développement du commerce de cycles à Saint-Nazaire. Ces informations, du fait de leurs sources, sont peut-être incomplètes, il se peut que certaines maisons n’y apparaissent pas, mais elles nous donnent une idée générale du nombre et de l’implantation de ce genre de commerce et permettent de mettre en place les bases d’une étude plus élaborée.
Nombre de magasins et points de vente
1) Assujettissement à l’impôt, 10 francs ; 2) Première diminution, impôt ramené à 6 francs ; 3) Seconde diminution, impôt ramené à 3 francs. Dessin Michel-C Mahé d’après les chiffres de l’Annuaire général de la Loire-Inférieure.
Les vélocipèdes sont assujettis pour la première fois à l’impôt par la loi du 29 avril 1893, initialement fixé à 10 francs * puis 6 francs en 1898 provoquant un accroissement rapide de leur nombre* puis 3 francs en 1907. On pourrait être tenté de faire une corrélation avec l’augmentation du nombre d’établissements ces mêmes années mais Il faut être prudent eut égard au trop faible écart entre les chiffres dont nous disposons.
*) Voir chapitre « Le développement des vélocipèdes entre 1893 et 1911 »
Situation des magasins et points de vente
Sur un plan de Saint-Nazaire vers 1888 – Projection de tous les magasins entre 1887 et 1914 Légende : Indications sur Fond blanc numéro de rue connu ; fond jaune, placé au milieu de la rue, .numéro de rue inconnu – Dessin Michel-C Mahé.
1) Abraham, rue Amiral-Courbet ; 2) Abraham Aph, 8 rue de Nantes ; 3) Bertreux, rue de Nantes ; 4) Collet, rue de Cran ; 5) Delvart, 28 rue des Caboteurs ; 6) Dujardin, 13 rue du Prieuré ; 7) Fourage, 27 rue de Nantes ; 8) Gandy, rue des Caboteurs ; 9) Gandy, rue de l’Océan ; 10) Hugonnet, 37 rue de Nantes ; 11) Marais, 33 rue de Nantes ; 12) Marais Th., 26 rue de Nantes ; 13) Miracle, rue de la Gare ; 14) Miracle, 47 rue de Nantes ; 15) Pantin, à Penhoët ; 16) Poulain, rue de Nantes ; 17) Vaillant, place Marceau ; 18) Rosier, rue de l’Océan ; 19) Rousseau Louis, 29 rue des Sables ; 20) Rousseau, 8 rue Thiers ; 21) Wertz, rue de l’Océan. *
Nombre de magasins et de points de ventes par rues entre 1887 et 1927 Dessin Michel-C Mahé d’après les chiffres de l’Annuaire général de la Loire-Inférieure.
Ce que l’on peut observer c’est qu’entre 1898 et 1923, le nombre de magasins à Saint-Nazaire reste dans une fourchette de 7 à 9 et qu’ils sont situés au centre ville, principalement rue de Nantes.
Un seul magasin s’est implanté à Penhoët en 1906, qui n’a pas, semble-t-il, perduré. Ce qui me conforte dans l’idée que le vélocipède ne s’était pas encore développer dans les couches populaires.
Pérennité des magasins et points de vente
Examinons maintenant la pérennité de ces magasins et points de vente, toujours à ce même titre de curiosité et en connaissant les faiblesses des données,
Les maisons apparaissent sur le schéma au premier janvier de l’année considérée. On est sûr que leur création s’est faite au moins l’année précédente et que leur cessation d’activité dans l’année suivante.
La lecture du tableau ci-dessous nous donne une idée de leur apparition et de leur longévité.
Pérennité des magasins et points de vente de cycles à Saint-Nazaire de 1887 à 1927 Dessin Michel-C Mahé d’après les chiffres de l’Annuaire général de la Loire-Inférieure.
Certains commerçants ont vu dans le vélocipède un gage de développement de leur affaire et l’intègrent très tôt dans leur gamme de produits c’est le cas de M. Rousseau Louis, 29 rue des Sables, serrurier et réparateur d’armes. Il se mit à fabriquer des vélocipèdes en 1887. En 1894, 1895, l’armurerie et la serrurerie existaient toujours, gérées par Mme Rousseau (Vve). La fabrication de vélocipèdes semble abandonnée. On retrouve un autre M. Rousseau, 8 rue Thiers, j’ignore si c’est la même maison.
La maison Hugonnet, 37 rue de Nantes vendait aussi des machines à coudre.
En matière de longévité, entre 1894 et 1916, les maisons Marais (1894 à 1916), Rousseau 8 rue Thiers (1899 à 1916) et Abraham Aph. 8 rue de Nantes (1902 à 1916) sont restées le plus longtemps sur la place de Saint-Nazaire. La Première Guerre mondiale a considérablement modifié ce segment commercial. Les Magasins généraux du Cycle, rue du Dolmen, créés en 1916, la maison Dujardin, 13 rue du Prieuré, créée en 1905, résistèrent et perdurèrent au-delà du conflit. Cette dernière fut reprise par Gabriel Selver à la même adresse vers 1923.
On reconnaît des noms de champions cyclistes des premières courses de vélocipèdes : Marais, Gaudy, Poulain, Salver (demoiselles).
Le développement des vélocipèdes entre 1893 et 1911
Statistiques de M. Robert Ducasble, conseiller du Commerce extérieur – 1911 – Dessin Michel-C Mahé
Avant 1893, il est très difficile d’avoir une idée du nombre de vélocipèdes* en circulation. À cette date ils furent frappés par le fisc pour la première fois. La comptabilisation devint alors possible. Le nombre des appareils soumis à l’impôt s’élevait alors à 151 043. Fixé à 10 francs par la loi du 29 avril 1893, il fut ramené à 6 francs en 1898, pour les appareils ordinaires, et 12 francs pour ceux munis d’une machine motrice ; puis à 3 francs en 1907 pour les vélocipèdes simples et 12 francs pour les vélocipèdes à moteur. La mesure de 1898 a eu pour effet d’amorcer un accroissement rapide du nombre de vélocipèdes comme le montre le diagramme.
*) Bicycles, bicyclettes, tricycles, sociables pour la définition de ces types de vélocipèdes voir l’article « La mode du vélocipède vers 1869 – Son apprentissage – Le décorum »
Nombre de vélocipèdes par département en 1898
Dessin Michel-C Mahé d’après les chiffres de la Direction générale des Contributions indirectes 1898
La pratique du vélocipède en cette année 1898 offre une très grande disparité suivant les départements. Le relief, le nombre d’habitants, le revenu moyen, un développement très tôt des courses et des sociétés vélocipédiques sont les facteurs qui expliquent ces résultats.
Partie de la Seine (Paris), elle a gagné les départements voisins et s’est étendue vers le nord du pays.
Le département de la Seine caracole en tête avec ses 62 900 vélocipèdes. Dans 17 départements on en compte plus de 5 000, parmi lesquels la Seine-et-Oise ,14 300, et le Nord, 10 400. 16 départements entre 3 et 5 000 ; 16 départements en comptent moins de 1 000 vélocipèdes ; 16 départements entre 2 et 3 000 ; 21 départements en comptent de 1 à 2 000.
Le nombre de vélocipèdes reporté sur une carte en le sériant (0 à 1 000 ; 1 à 2 000; 2 à 3 000; 3 à 5 000; 5 à 15 000) donne une idée des départements dans lesquels ce mode de locomotion est le plus pratiqué.
Dessin Michel-C Mahé d’après les chiffres de la Direction générale des Contributions indirectes 1898
En Loire-Inférieure *
*) Qui deviendra Loire-Atlantique en mars 1957.
Dessin Michelc Mahé – Source Annuaire statistique de la France
À ce jour, je ne dispose que quelques chiffres épars mais qui peuvent suffire, dans un premier temps, pour avoir une idée de la pratique du vélocipède en Loire-Inférieure avant 1910.
En 1894, on comptait en Loire-Inférieure 2187 vélocipèdes pour une population de 645 263 * habitants cela nous donne compte tenu que toutes les couches de la population sont concernées **, environ 3 vélocipèdes pour 1000 habitants. C’est très peu.
En 1907, 31791 vélocipèdes ordinaires et 348 munis d’un moteur.
En 1908, 36270 vélocipèdes ordinaires et 377 munis d’un moteur, pour une population de 668 748 habitants***, cela nous donne pour 1908, environ 54 vélocipèdes ordinaires pour 1000 habitants. Ce qui me laisse penser qu’à cette date la pratique du vélocipède reste encore confidentielle. Elle n’était réservée qu’à une certaine catégorie de la population, les plus aisés.
*) Dénombrement de 1891 **) Le nombre de femmes, de jeunes enfants et vieillards pratiquant le vélocipède était croissant et il est difficile de déterminer à quel âge un garçon, une fille, ou un homme commençait à pédaler ou à quel âge un vieillard cessait de le faire. En première approximation j’effectue donc le calcul sur la totalité de la population de Loire-Atlantique. ***) Dénombrement de 1906.
À Saint-Nazaire
Dessin Michel-C Mahé d’après les chiffres de l’Annuaire général de la Loire-Inférieure
Je n’ai pas encore de chiffres significatifs du nombre de vélocipèdes à vous proposer pour Saint-Nazaire mais si l’on en croit le calcul précédant leur nombre devait être vers 1908 autour de 54 vélocipèdes pour 1000 habitants. Si l’on raisonne que sur Saint-Nazaire, 31000 habitants, cela ferait environ 1700 vélocipèdes, bien loin d’une déferlante de vélocipèdes sur la ville et ses chantiers.
Cela me conduit à l’idée que le développement populaire des vélocipèdes à Saint-Nazaire s’est effectué plus tard, autour de 1925, comme laisse suggérer le nombre de magasins ou points de vente : 9 en 1907 ; 24 en 1925.
Les courses de vélocipèdes à Saint-Nazaire * en 1893
*) À cette époque Saint-Nazaire-sur-Loire.
Sur un plan de Saint-Nazaire vers 1888 – A) Place Marceau ; B) Place de Nantes (place Carnot) Dessin Michel-C Mahé.
1893
Circuit de 80 km – Dessin Michel-C Mahé.
Course de fond
Le jeudi, 11 mai 1893, le Vélo Sport Nazairien, organisa sa course de fond annuelle, de Saint-Nazaire à la Roche-Bernard, avec retour par Herbignac et Guérande. La distance à parcourir était de 80 kilomètres. Le départ fut donné, place de Nantes (place Carnot). L’arrivée se fit au même endroit. Résultats : 1er, Joseph Marais, en 2 h 51 (28,1 km/h) ; 2e, Bloyard, en 3 h 03 ; 3e, Favreau et Tavernier, en 3 h 58.
À l’aller, M. Joseph Marais a eu un accident de machine qui l’a retardé de 10 minutes environ entre Montoir et Saint-Joachim. M. Auguste Créton, quant à lui, a été contraint de cesser la course près de Saint-Joachim, une avarie ayant mis sa machine hors d’usage,
M. Créton ayant été premier jusqu’à ce jour, demanda un record avec M. Marais, qui lui a accordé.
Le match Créton/Marais
Ce match de 80 kilomètres au départ de la place de Nantes, de St-Nazaire à la Roche-Bernard et retour, eut lieu le dimanche 21 mai 1893. Ce fut M. Créton qui le remporta.
Championnat de vitesse
Des courses de vélocipèdes, organisées par le Vélo-Sport Nazairien, ont eu lieu le dimanche 2 juillet 1893 sur la place Marceau.
Le jury était présidé par M. Toché, directeur de l’usine Blanzy-Ouest. Les assesseurs étaient MM. Evain, Fournier, Gosse, Frouteau, Clavier, Gandy, etc.
La fête fut brillante et la musique municipale a prêté son concours.
Résultats
1re course – Championnat de vitesse du Vélo-Sport Nazairien, bicyclettes, 2 000 m
1er prix, Titre de champion et médaille de vermeil, Marais ;
2e, Médaille de vermeil, Créton ;
3e, Médaille d’argent, Vincent.
Créton et Marais sont arrivés avec un écart de dix centimètres.
2e course – Régionale, bicyclettes, 4 000 m. 1er prix, 100 francs, Sorin, de Nantes (sur Phebus*) ; 2e, 40 francs, Fortin de Nantes ; 3e, 10 francs, Nivet de Nantes ; Gautier de Pornic, était 3e, mais il est tombé, s’écorchant le genou.
3e course – Départementale, bicyclettes, 3 000 m. 1er prix, 50 francs, Gautier (sur Phebus*) ; 2e, 25 francs Remy, de St-Michel ; 3e, 15 francs, Manet, de Vertou ; 4e, 10 francs, Marais. Sorin a du s’arrêter, ayant crevé son pneumatique ; Fortin est tombé.
4e course – Internationale, bicyclettes, 6 000 m. 1er prix, 300 francs, Sorin (sur Phebus *) ; 2e, 100 francs, Fossier, de Tours ; 3e, 50 francs, Gautier. M. Gautier est tombé au moment où il semblait battre M. Sorin; il est remonté et a pu arriver 3e.
Bicyclettes et tricycles Phébus – Crédit Photo BNF – Gallica
6e course – Course de consolation, 2,500 m. 1er prix, 25 francs, Fortin (sur Phebus* ) ; 2e, 15 francs, Manet ; 3e, 10 francs, Remy. MM. Marais et Henry, de Paris, sont tombés ; M. Marais s’est blessé assez sérieusement au visage.
7e course – Handicap d’honneur (obligatoire pour tous les lauréats). Prix unique, 30 francs, Fossier (sur Phebus* ).
M. Sorin, de Nantes, fut le grand vainqueur de la journée en remportant 430 francs de prix.
*) Fondée en 1889 , Phébus fut une importante entreprise de fabrication de vélocipèdes de la maison Lucas et Underberg. Elle était située rue de Coulmiers à Nantes. En 1893, l’entreprise employait 86 ouvriers dont 7 femmes. En décembre 1894, elle fusionne avec les cycles Gladiator.
La venue de l’escadre
À la demande du comité des fêtes, à l’occasion de la réception en l’honneur de la venue de la division de l’escadre du Nord à Saint-Nazaire* le Vélo-Sport Nazairien a organisé une retraite vénitienne ** le samedi soir, 17 juin 1893. Le concours des clairons et tambours du bataillon de la douane, des pompiers et de la gymnastique leur fut assuré. Le succès fut considérable. Progrès de Nantes et de la Loire- Inférieure 18-06-1893 Le dimanche, la même société organisa un « Rallye-paper »*** vélocipédique. Le départ s’est effectué Place de Nantes. Le Phare de la Loire 17-06-1893.
*) Sous le commandement de l’amiral Barrera. Composée de : la Victorieuse, cuirassé de croisière ; le Turco, torpilleur de haute mer ; l’Épervier, contre-torpilleur ; le Grenadier, torpilleur de haute mer ; la Salve, aviso-torpilleur. Le voyage de M. Carnot à Saint-Nazaire ayant été ajourné pour cause de maladie, le conseil municipal avait émis le vœu que la venue de la division de l’escadre du Nord, qui devait saluer le président de la République, soit maintenue. Le ministre de la Marine a bien voulu l’exaucer. **) Retraite vénitienne, parade nocturne à l’occasion d’une fête.consistant en un défilé de musiques militaires, de fanfares accompagnées de porteurs de lampions et suivies de la foule. ***) Initialement ce jeu était connu chez les anglo-saxons sous le nom de « English paper chase » se pratiquait à pied. Les participants, généralement des garçons, chassaient les « lièvres » qui laissaient derrière eux des papiers durant leur course. C’est autour de 1877 que ce jeu fut adopté en France avec quelques modifications : les participants étaient des adultes à cheval ; la dispersion des papiers se faisait la veille par deux « bêtes »(ainsi appelées en France) en prenant soin de créer de fausses pistes à différents endroits pour augmenter la difficulté du parcours. La course pouvait s’effectuer dans des contrées vallonnées mais la préférence était donnée à la forêt. Une grande majorité de ceux qui se donnaient à ce sport étaient des officiers de cavalerie et d’artillerie. Les vélocipédistes, copiant ce qui se faisait en hippisme, en ont repris l’idée.
Les premières courses de vélocipèdes à Saint-Nazaire * 1889 à 1892
*) À cette époque Saint-Nazaire-sur-Loire.
Sur un plan de Saint-Nazaire vers 1888 – A) Place Marceau. B) Grand Hôtel ; C) Grand Café ; D) Hôtel des Colonies – Dessin Michel-C Mahé.
Nous avons vu, dans l’article précédent, la naissance des premières sociétés de cyclistes à Saint-Nazaire. Les premières courses dans cette même ville coïncident avec une nouvelle venue parmi les vélocipèdes : la bicyclette *.
*) Selon la typologie de 1869
Bicycle. – Vélocipède à deux roues dont la première est motrice et directrice à la fois.
Bicyclette. – Vélocipède à deux roues dont la première est directrice, la seconde motrice.
Crédit photo BNF – Gallica
Les bicyclettes autour de 1889 * ressemblent aux bicyclettes actuelles, un cadre en tubes d’acier, des roues à rayons comparables à celles d’une bicyclette moderne, une transmission par chaîne mais elles ne possèdent pas encore de changement de vitesses. Pour les courses, elle remplacera dès 1892 le bicycle ; le tricycle perdurera un temps.
*) Prix de quelques vélocipèdes pratiqués par la Maison Ménard 45, rue de Bel-Air à Nantes en 1889 : Tricycles à 4 coussinets, à billes, depuis 325 jusqu’à 650 francs. Bicyclettes, à billes, modèle 1889, depuis 250 jusqu’à 500 francs.
La place Marceau (après 1903)
1889
Les premières courses cyclistes eurent lieu, sur la place Marceau, le dimanche 20 octobre 1889. Quelques unes étaient réservées aux vélocipédistes de Saint-Nazaire. Le programme : 1re Course, Bicycles et Bicyclettes, 5 000 m. – 1er prix, 50 francs ; 2e, 40 ; 3e, 25 ; 4e, 10. 2e Course, Tricycles, 3 000 m. – 1er prix, 35 francs ; 2e, 20 ; 3e, 15; 4e, 10. 3e Course, consolation, 3 000 m. – 1er prix, 15 francs ; 2e, 10 ; 3e, 5. 4e Course, honneur, sans prix, Pour les renseignements et engagements il fallait s’adresser à M. Turbel*, trésorier du comité organisateur, à Saint-Nazaire.
*) M. Joseph Turbel, né en 1863, secrétaire du Véloce-Sport Nazairien, habitait 9, rue de la Paix. Il était marié à Magdeleine Raymond née en 1866.
1890
Dimanche 24 août 1890, place Marceau
Résultats :
1er Course – Régionale, 2 700 m, toutes machines, pour coureurs de la Loire- Inférieure, Morbihan, Ille-et-Vilaine, Maine et-Loire et Vendée.
1er prix, 30, francs, Cottereau, en 5’ 31’’ (29,4 km/h) ;
2e prix 20, francs, A. Bonnet ;
3e prix 15 francs, Lemanceau.
2e Course – Internationale (bicycles et bicyclettes), 3 400 m.
1er prix, 100, francs, Béconnais, en 6‘ 54’’ (29,6 km/h) ;
2e prix 75, francs, H. Fournier ;
3e prix 50 francs, A. Bonnet.
3e Course – Internationale (tricycles), 3 150 m..
1er prix, 50, francs, 1er, Béconnais, en 6‘ 50’’ (27,7 km/h) ;
2e prix 30, francs, A. Bonnet ;
3e prix 20 francs, E. Chéreau.
4e Course – Consolation. 3 150 m.
1er prix, 30, francs, Cottereau, em 6’ 5’’ (31 km/h) ;
2e prix 20, francs, N. Chéreau ;
3e prix, 15, francs, Lemanceau ;
4e prix, 10 francs, Damourelle .
5e Course – Handicap d’honneur, 3 400 mètres. 1er Prix : jumelles marines et 30 francs, Cottereau, en 6’ 39’’ (30,7 km/h) 2e prix, 20 francs, Béconnais.
1891
Circuit de 50 km – Dessin Michel-C Mahé.
En 1891, le Vélo-Sport Nazairien organisait une course de fond de 50 kilomètres (53 km en vérité).
Itinéraire : Saint-Nazaire au Pouliguen, en passant par Montoir, Saint-Joachim, la Chapelle-des-Marais, Herbignac et Guérande.
1892
Dimanche 31 juillet 1892, place Marceau.
Pour les renseignements et engagements il fallait s’adresser à M. Turbel, secrétaire du Vélo-Sport, 9 rue de la Paix à Saint-Nazaire.
Dans l’intervalle des courses, la musique municipale de Saint-Nazaire, chef M. Itzmann, a joué les meilleurs morceaux de son répertoire.
La distribution des prix a eu lieu dans la salle des Fêtes du Grand Hôtel *.
Résultats : 1re course – Championnat de vitesse du Vélo-Sport nazairien, 2 700 mètres. 1er prix, titre de champion et 1 médaille de vermeil offerte par le Grand Hôtel *, Sauvion ; 2e, médaille de vermeil offerte par le Grand Café, Gautier ; 3e, médaille d’argent offerte par l’Hôtel des messageries **, Créton. 4e, Fablet
*) Le Grand Hôtel , bâti en 1884, Il était considéré comme le meilleur de la ville. **) Hôtel-restaurant des Colonies, 3, rue Thiers, tenu par M. Dréan.
2e course, enfants au-dessous de 13 ans.- 3 prix divers.
3e course – Régionale-Bicyclettes, 4 000 mètres. 1er prix, 100, francs, Sorin (Angers), 8 m, 7 s (29,6 km/h); 2e prix, 40, francs, Bonnet ; 3e prix, 10 francs, Gautier.
4e course – Military. – Réservée aux militaires du 11e corps d’armée*. Tenue militaire obligatoire, 2 250 mètres. 1er prix, objet d’art, Halgand ; 2e prix, objet d’art, Beurier ; 3e prix, objet d’art, Haurogue.
Un accident est survenu pendant la course militaire : « Le sergent-major Beurier, du 93e de ligne, a passé sur un de ses camarades, qui venait de tomber devant lui, et lui a labouré tout un côté de la figure avec la pédale. Malgré sa chute, il (le sergent-major) est arrivé second. »
*) Le 11e corps d’armée, créé en 1870, avait pour ressort territorial les départements de Loire-Inférieure, Vendée, Morbihan et Finistère. Le quartier général se trouvait à Nantes, à l’hôtel d’Aux, place Louis XVI (actuellement place Foch).
5e course – Internationale-Bicyclettes. 5 000 mètres.. 1er prix, 200, francs, Sorin, 9 m. 3 s (33,1 km/h); 2e prix, 100, francs, Tranchant ; 3e prix, 25 francs, Bonnet.
6e course – Locale, réservée aux membres du Vélo-Sport nazairien. – 2 700 mètres. 1er prix, médaille, Marais ; 2e prix, médaille, Hourdel ; 3e prix, médaille, Lebosco.
7e course – Internationale-Tricycles*, 4 000 mètres. 1er prix, 100, francs, Sorin ; 2e prix 50, francs, Tranchant ; 3e prix 25 francs, Bonnet.
*) Bicycles pour le journal Vélo-sport.
8e course – Deuxième internationale-Bicyclettes, 2 700 mètres. 1er prix, 20, francs, Fortin ; 2e prix 10, francs, Gautier ; 3e prix 5 francs, Hofmann.
9e course – Handicap d’honneur. 1er prix, objet d’art offert par le Grand Hôtel, Tranchant ; 2e prix, Bonnet ; 3e prix, Gautier.
Le dimanche 15 mai 1892, une course de 50 kilomètres sur route (53 km en vérité) a eu lieu suivant le même itinéraire que l’année précédente, Saint-Nazaire au Pouliguen, en passant par Montoir, Saint-Joachim, la Chapelle-des-Marais, Herbignac et Guérande.
Résultats
1er Créton en 1 h. 54′. (27,9 km pour 53 km) ;
2e Sauvion, 1 h 54′ 30″ ;
3e Marais, Joseph, 1 h 57′ ;
4e Poulain, 2 h 6′ ;
5e Guillouzo, 2 14′ 20″ ;
6e Pillet, 2 h 16′ ;
7e Grouhand, 2 h 18′ 20″ ;
8e Marais, Théophile 2 h 23′ ;
9e Suyot, 2 h 27′ 30″ ;
10e Olivier, 2 h 27′ 50″ ;
11e Favreau, 2 h 31′ 30 » ;
12e Fablet, 2 h 35′ ;
13e Tavernier, 3 h 35 ».
Les premières sociétés de cyclistes nazairiennes *
*) La liste des sociétés traitées dans cet article n’est peut-être pas exhaustive.
À partir de 1869, comme partout ailleurs, les vélocipèdes ont dû probablement être présents sur les promenades à Saint-Nazaire mais je n’ai pas, à l’heure où j’écris, de documents affirmant le fait.
Nous savons que des passionnés, en 1874, parcouraient les routes avoisinantes et ont même annoncé la création d’une société de véloce-club.
En 1889, la pratique du vélocipède devait être interdite en ville si l’on en croit les procès- verbaux dressés notamment contre « E. P., âgé de 18 ans, rue du Prieuré » et « Louis Menard, 20 ans, tôlier à Toutes Aides » tous les deux s’étaient promenés en ville montés sur un vélocipède.
Il faudra attendre décembre 1889 pour voir se constituer la première société de cyclistes, le Véloce-Sport Nazairien puis La Pédale Nazairienne et le Tourisme Nazairien autour de 1898 et enfin le Véloce-Club Nazairien vers 1913, pour la période étudiée dans cet article.
Essai de visualisation de la pérennité des sociétés nantaises et nazairiennes de cyclisme de 1870 à 1892 Dessin Michel-C Mahé. Essai de visualisation de la pérennité des sociétés nantaises et nazairiennes de cyclisme de 1892 à 1914 Dessin Michel-C Mahé.
Le Véloce-Sport Nazairien
En décembre 1889, les vélocipédistes nazairiens se fondaient définitivement en société sous le titre de Véloce-Sport Nazairien avec approbation préfectorale des statuts.
Siège social : En 1894, 1895, 1898, 1899 ; 22, rue du Palais *.
*) À cette adresse, il y avait en 1894 une Grande Brasserie, tenue par (M., Mme ?) Porcher.
Composition du bureau : 1890 M. ?, président ; M. Turbel, secrétaire. 1891, M. Evain, président ; M. Turbel, secrétaire. 1892, À l’assemblée du 13 mars 1892, M. Evain démissionne ; M. Émile Halgand père est élu président ; M. Turbel, secrétaire. 1893, M. Halgand, président ; M. Turbel, secrétaire. 1894, M. Halgand, président ; M. Turbel, trésorier/secrétaire.
*) M. Joseph Turbel, né en 1863, habitait 9, rue de la Paix. Il était marié à Magdeleine Raymond née en 1866.
**) M. Émile Halgand père était commis greffier du Tribunal.
Dés sa création, elle organisait des courses de vélocipèdes place Marceau
La Pédale Nazairienne
Cette société s’est constituée en ou un peu avant 1898.
Siège social :
1898, 1899 ; 12, place Marceau à St-Nazaire.
1902 ; salle de l’Océan.
Composition du bureau :
1898, M. Latouche, président ; M. Le Bolay, secrétaire.
1899, M. Latouche, président ; MM. Goutard et Emeriau, vice-présidents ; M. Le Cadre, secrétaire ; M. Tassin, trésorier.
1902, M. Latouche, président.
1905, M. Latouche, président.
En 1898, elle possédait son propre vélodrome de 333 m 33, aux virages bien relevés.
Sur un plan de Saint-Nazaire vers 1888 – A) Vélodrome de la Pédale nazairienne ; B) Siège de La Pédale Nazairienne, 12, place Marceau ; C) Siège de Véloce-Sport Nazairien, 22, rue du Palais ; D) Siège de Véloce-Club Nazairien, 51, Rue de Nantes. – Dessin Michel-C Mahé.Vélodrome de Saint-Nazaire vers 1905 – Collection Michel-C Mahé.
Tourisme Nazairien
Il semble que cette société se soit constituée en ou un peu avant 1898.
Siège social :
À l’heure où j’écris, je ne possède aucune information sur ce sujet.
Composition du bureau :
En 1898, Touriste Nazairien, N… , président.
1899, Société des Touristes Nazairiens, ? , président.
1902, ? , président.
1905, M. Wolfart, président.
1907, 1908, 1909, 1912, M. Cadiot , président.
Véloce-Club Nazairien
Il semble que cette société se soit constituée en ou un peu avant 1913.
Siège social :
En 1913, 51, rue de Nantes à Saint-Nazaire.
Composition du bureau : 1913, président, M. Coz *
*) M. Coz Yves, né en 1874 à Plougasnou. Il habitait rue Amiral-Courbet et était commerçant.
Mises à jour : 03/07/2019, modification des dates dans le premier paragraphe ; 09/07/2019, Nouvelle carte (1888) ; 16/07/2019, inversion nom et prénom Magdeleine Raymond ; ajout de nouvelles informations au Véloce-Sport nazairien.
Les premières sociétés de cyclistes nantaises 1873-1914 *
*) La liste des sociétés décrites n’est peut-être pas exhaustive.
Nantes peu avant 1880 – A) Cours Saint-André ; B) Cours Saint-Pierre ; C) Route de Paris ; D) Route de Rennes – Dessin Michel-C Mahé. Essai de visualisation de la pérennité des sociétés nantaises de cyclisme de 1870 à 1892 Dessin Michel-C Mahé Essai de visualisation de la pérennité des sociétés nantaises de cyclisme de 1892 à 1914 Dessin Michel-C Mahé
Vélo-Sport de Nantes 1873
On connaît peu de choses sur cette société créée en 1873. Ce que l’on sait, c’est qu’elle organisa deux promenades, une le dimanche 11 mai et l’autre le dimanche 8 juin. Le départ se faisait vers 8 heures sur la route de Paris à la station des omnibus.
Véloce-Club Nantais 1883
Avant même qu’elle fût définitivement constituée la société vélocipédique dite Véloce Club Nantais organisait ses premières courses sur le cours Saint-André le dimanche 1er avril 1883 avec le concours du Véloce-Club d’Angers et de la Roche-sur-Yon. Les premières réunions pour élaborer ses statuts se tinrent les vendredis 6 avril et 13 avril 1883 vers 20 heures au café de l’Univers, place Graslin. Les inscriptions se faisaient au café de l’Univers ou chez M. Pérol *, 14, rue J.-J.-Rousseau. Elle était définitivement formée en juin 1883. Les réunions se tenaient alors tous les vendredis, à 20 heures au café Morand, 1, route de Rennes. Des leçons étaient données gratuitement à tous les membres débutants qui souhaitaient en faire partie.
*) Fabricant de voitures d’enfants, de chevaux mécaniques, la maison fut fondée en 1858. Pressentant le développement du vélocipède la maison Pérol devint fabricant de vélocipèdes vers 1862 en faisant venir quelques ouvriers spécialisés de Paris.
Véloce-Sport Nantais 1883-1885
La société Véloce-Sport Nantais s’est constituée en 1883. Elle a voté sa dissolution le 12 novembre 1885. M. Bordes a été chargé de conserver les archives du club.
Club des Cyclistes de Nantes 1888
La société Le Club des Cyclistes de Nantes a été définitivement, constituée le vendredi, 4 mai 1888. Elle comptait trente-sept membres fondateurs et avait son siège au café du Sport, rue du Calvaire à Nantes. Composition du bureau à sa fondation : président : J. Bordes ; vice-Président : Ladmirault ; secrétaire : Dejoie ; trésorier : Bardoul ; capitaine : R. Guyonnet. Elle s’affilia à Union Vélocipédique de France en août 1888. Elle fit sa première sortie officielle le dimanche 27 mai 1888 à laquelle prenaient part vingt-huit bicyclistes et tricyclistes de ses membres actifs. Cette promenade avait pour but Clisson où quelques membres du Véloce-Club Vendéen les rejoignirent. Ils furent reçus par M. Adam, président de la Société de gymnastique et de tir de cette charmante ville. Les adhérents portaient un costume unique permettant de reconnaître le club en déplacement. C’est à partir de 1889 qu’elle organisa des courses sur le cours Saint-Pierre.
Sport Vélocipédique Nantais
La société Sport Vélocipédique Nantais (Club d’amateurs) fut fondée en mai 1889. Elle avait son siège social au café de Paris.
Elle organisa ses premières courses sur la route de Vannes le jeudi 29 mai 1890.
Composition du bureau à sa fondation : en attente d’informations.
Véloce-Sport Nantais 1892
La société Véloce-Sport Nantais s’est reconstituée en août 1892 et comptait 45 membres fondateurs. Son siège était alors café Continental, 1, place Royale, à Nantes.
Composition du bureau à sa création : Président, M. Bourgeois ; vice-président, M. Loquineau : secrétaire, M. Ganachaud ; secrétaire adjoint, M. Loirat ; trésorier, M. Terrien ; censeur, M. Thieuloen ; archiviste, M. Baudry ; conservateur du matériel, M. Lucas ; capitaine de route, M. Letoullec.
Vélo-Touriste Nantais
La société Vélo-Touriste Nantais fut fondée en 1894. Elle avait pour siège le café de Nantes, rue de Gorges, Composition du bureau à sa fondation : en attente d’informations.
Union Nantaise des Membres du Touring-Club de France
À l’heure où j’écris, j’ai peu d’informations sur cette société. Elle apparaît une seule année, en 1898, sur l’ Annuaire général de la Loire-Inférieure. Elle avait son siège au café de Paris à Nantes.
Union Cycliste Nantaise
Cette société fondée en juillet 1909 avait pour siège le café de l’Europe, place du Commerce à Nantes.
Composition du bureau à sa création : président, M. Rivaille, 17, rue Beauregard ; vice-président, M. Maillet, rue Amédée Ménard ; secrétaire, M. Malécot, 148, rue de Rennes ; trésorier, M. Colas, 5, rue Carterie ; chef de route, M. Duclair, rue Auguste-Brizeux.
Mises à jour : 06-06-2019, ajout articles connexes
Nantes peu avant 1880 – A) Cours Saint-Pierre – Dessin Michel-C Mahé. Nantes entre 1900 et 1910 – Le cours Saint-Pierre – Collection Michel-Claude Mahé.
Quelques as du sport vélocipédique en 1886 : H.-O. Dimcan, de Civry, Ch. Terront, Médinger, Charron, Lanlan, Dubois, Eole, Noé Boyer, Vidal, Henri Loste, R. Knowles, Chereau, Wick, Beconnais, Jiel, Vel-Osmen, Bill, Joey, Louis Clerc, etc.
Le dimanche 24 octobre 1886 *, à 13 heures 30, le cours Saint-Pierre à Nantes fut le théâtre de courses de vélocipèdes. L’annonce faite, de nombreux amateurs s’étaient engagés mais aussi les meilleurs cyclistes français, comprenant des champions de France, invités par le comité d’organisation. Les sociétés de Paris, Bayonne, Biarritz, Tours, Angers ont fait le déplacement. Angers envoya pas moins de quinze coureurs dont plusieurs monocyclistes. Cette course de monocycles était une première à Nantes et on en attendait autant d’intérêt que d’amusement.
*) Initialement prévues le 17 octobre, elles ont été renvoyées au dimanche suivant à cause de la pluie.
Aux 1 000 fr. de prix initialement prévus vinrent s’ajouter des dons offerts par M. le ministre de la guerre, M. le préfet de la Loire-Inférieure, M. le maire de Nantes et quelques amateurs.
Le costume de courses était rigoureusement obligatoire : maillot, culotte et toque.
Le jury des courses était composé de :
M. Martin, vice-président du Veloce-Club d’Angers (président) :
M. Giboteau. vice-président du Veloce-Club Vendéen, chef consul de l’Union Vélocipédique de France* à la Roche-sur-Yon ;
M. Bordes, chef consul de l’Union Vélocipédique de France* à Nantes ;
M. Taroni aîné, de Nantes ;
M. Aubry, de Nantes.
**) Union Vélocipédique de France fondée le 6 février 1881 à Paris qui devint la Fédération française de cyclisme le 20 décembre 1940.
Les courses ont obtenu un véritable succès, plus de 3 000* personnes firent le déplacement. Les coureurs ont évolué sur une piste peu étendue et défectueuse du fait du mauvais temps, mais les performances, selon le chroniqueur, ont été relativement bonnes et on vit deux chutes sans gravité. MM. Charron et Guyonnet ont été quittes pour quelques contusions.
*) 4 000 personnes selon le Véloce-Sport.
Résultats 1re course. – Départementale (Bicycles). – Réservée aux amateurs ne faisant partie d’aucune société vélocipédique. – Distance, 5 000 mètres. 1er prix, 60 fr. et un objet d’art offert par Mme Quenion ; Guyonnet Rogatien, de Nantes, 13’ (23,1 km/h). 2e prix, 50 fr.; Guilé, de Nantes, 13′ 30″. 3e prix, 35 fr ; Guyonnet Donatien, de Nantes, 13′ 45″. 4e prix, un abonnement d’un an au journal le Sport Vélocipédique ; Nicoleau, de Nantes, 15′.
2e course.– Première Internationale (Bicycles). – Distance, 8 000 mètres. 1er prix, 200 fr.; de Civry, de Paris. 17′ (28,2 km/h). 2e prix, 100 fr. ; Laulan, de Blaye, 17′ 1″. 3e prix, 50 fr. ; Charron, d’Angers, 17′ 3″.
3e course. – Départementale (Tricycles) – Réservée aux amateurs ne faisant partie d’aucune société vélocipédique. – Distance, 3 000 mètres. 1er prix, 75 fr. ; Brice, de Nantes, 10′ 12″ (17,6 km/h). 2e prix, 50 fr.; Béarn, de Nantes, 10′ 57″. 3e prix, 25 fr. ; Guilé, de Nantes, 11′ 22″.
4e course. – Monocycles. – Un tour de piste. 1er Prix 50 fr. ; Grandhomme, d’Angers, 2″ 48″. 2e, Cotereau, d’Angers, 2′ 50″. 3e, De Launay, de Nantes, 3′ 8″.
5e Course. – Deuxième Internationale (Bicycles). — Réservée aux coureurs n’ayant pas gagné dans la première Internationale. – Distance, 5 000 mètres. 1er prix, 60 fr. ; Eole, de Bordeaux, 10′ 10″ (29,5 km/h). 2e prix, 30 fr.; Charles Terront *, de Biarritz, 10′ 11″. 3e prix, 20 fr. ; Béconnais, de Bayonne, 10’20 ».
*) Charles Terront (9 avril 1857 – 31 octobre 1932) est considéré comme la première grande star française du cyclisme.
Concours d’adresse. 1er prix, Jules Terront *; 2e prix, Chereau.
*) La surprise fut grande lorsqu’on vit un d’orang-outang enchaîné à un bicycle pénétré sur la piste et faire les tours les plus surprenants. C’était Jules Terront champion de cette discipline.
6e course. – Internationale (Tricycles). Distance, 3 000 mètres. 1er prix, 75 fr. et un abonnement au journal le Sport Vélocipédique ; De Civry, 7′ 18″ (24,6 km/h). 2e prix, 50 fr.; Laulan, 7′ 18″ 1/5. 3e prix, 25 fr. ; Charron, 7′ 30″. 4e. C. Terront, 7′ 30″.
7e course. – De Lenteur. – Distance, 100 mètres. 1er prix, 30 fr. ; J. Terront, de Paris. 2e prix, 20 fr. ; Brice, de Nantes.
8e course. – Handicap d’honneur. – Obligatoire aux lauréats des Courses internationales. Prix unique, un objet d’art. 1er (Bicycles), Charron. 1er (Tricycles), Laulan.
Les prix indiqués sont ceux révélés à l’annonce de la course (1000 francs). La répartition des dons apportés par les personnalités est, pour l’instant, inconnue.
Les courses de vélocipèdes à Nantes – 1870 – 1873 – 1883
Nantes peu avant 1880 – A) Cours Napoléon (Actuel cours Cambronne) ; B) Rue Jean-Jacques-Rousseau ; C) Rue de Gigant ; D) Route de Vannes ; E) Route de Rennes ; F) Cours Saint-André ; G) Cours Saint-Pierre – Dessin Michel-C Mahé
1869
En 1869, nous l’avons vu dans les précédents articles, le vélocipède et ses courses se sont développés partout dans le pays. Dans l’ouest, Angers, Laval, Rennes, Vannes, Brest ont suivi le mouvement. À Nantes, la mode aussi battait son plein, les velocemen avait envahi le cours Napoléon (actuel cours Cambronne) et on les retrouvait aussi sur la route de Vannes et la route de Rennes mais à l’heure où j’écris je n’ai pas trouvé trace de véritables courses organisées.
1870
Une tentative a eu lieu début février 1870. Un article fut publié dans l’Union Bretonne pour organiser une course lors des fêtes de Pâques. On priait les personnes intéressées de s’inscrire sur des listes déposées aux cercles du Sport et des Beaux-Arts, chez M. Pérol *, rue Jean-Jacques-Rousseau ainsi qu’aux bureaux du journal. Rien ne dit qu’elles aient eu lieu.
** Le père et son frère aîné étaient fabricants de petites voitures, 10, rue Jean-Jacques-Rousseau ; la maison fut fondée en 1858. Pressentant le développement du vélocipède la maison Pérol devint fabricant de vélocipèdes en faisant venir quelques ouvriers spécialisés de Paris. Bientôt elle fit une concurrence sérieuse à la maison Michaux de Paris. Les ateliers étaient situés au 16, rue de Gigant.
Le 19 juillet 1870, La France déclarait la guerre au royaume de Prusse, on vit alors la défaite de Sedan, la capitulation de Napoléon III, la chute du Second Empire. Les hostilités prirent fin le 28 janvier 1871. Ces périodes de troubles furent fatales à l’industrie naissante du vélocipède.
Nantes le cours Saint-André vers 1900
1883
C’est en 1883 que nous trouvons trace de l’organisation de courses de vélocipèdes par une toute nouvelle société en cours de formation, le Véloce-Club de Nantes, avec le concours du Véloce-Club d’Angers et de la Roche-sur-Yon. Elles se déroulèrent le 1er avril à 14 heures sur le cours Saint-André.
La musique municipale, sous la direction de M. Bernier, prêta son concours et pendant les intermèdes ont vit une flottille de ballons, des ascensions de montgolfières * et des lâchers de ballons grotesques **. Prix d’entrée : 50 centimes. – Chaises en location, 25 cent. – Enceinte réservée, avec chaises, 1 fr.
* C’était l’époque où une fête se devait d’inclure dans son programme des ascensions aérostatiques. ** Ces ballons représentaient des personnages et animaux en baudruche et gonflés à l’hydrogène. Ils étaient fabriqués dans un premier temps avec la doublure du gros intestin du bœuf puis avec la « baudruche factice » inventée et brevetée par Henri Lachambre en 1881. Henri Lachambre, né à Vagney (Vosges), le 30 décembre 1846, décédé à Paris le 13 janvier 1904, était ingénieur constructeur, aéronaute. Il fonda en 1875 les établissements aérostatiques de Vaugirard d’où sortirent de nombreuses constructions : le ballon d’Andrée, dont il dirigea le premier gonflement, au Spitzberg, en 1893 ; les dirigeables de Santos Dumont, de Severo, du baron de Bradsky, des matériels militaires pour les gouvernements russe, japonais et espagnol, etc. Il était membre fondateur de l’Aéro-Club de France.
Les inscriptions des coureurs se firent chez M. Pérol, rue Jean-Jacques-Rousseau à Nantes
Cinq courses étaient inscrites au programme dont une réservée aux amateurs de Nantes et du département. Résultats : 1re course (juniors). Distance : 2 000 mètres. 1er, M. Laulan, Véloce-Club d’Angers ; durée du parcours : 5’7″ ; 23,4 km/h. 2e, M. Lacaud, Véloce-Club vendéen ; 5′ 18″. 3e, M. Salver, Véloce-Club vendéen ; 5′ 28″.
2e course (seniors). Distance : 4 000 mètres. 1er, M. Rolo, Véloce-Club d’Angers ; 8′ 5″ ; 29,7 km/h. 2e, M. Charron, Véloce-Club d’Angers ; 8′ 6″. 3e, M. Grugeard, Véloce-Club d’Angers ; 8′ 8″.
3e course (réservée aux amateurs du département). Distance: 1 600 mètres. 1er, M. Lesthume, de Nantes ; 5’5″ ; 18,9 km/h. 2e, M. Laboureur, de Nantes ; 6′. 3e, M. Bouet, de Nantes ; 6′ 15″.
4e course (consolation). Distance : 1 600 mètres. 1er, M. Nadal, Véloce-Club d’Angers ; 4′ 15″ ; 22,6 km/h. 2e, M. Baudrier, Véloce-Club d’Angers ; 4′ 20″.
5e course (handicap). Distance: 1 600 mètres. 1er, M. Charron*, Véloce-Club d’Angers ; 3’50 » ; 24,5 km/h. 2e, M. Laulan, Véloce-Club d’Angers ; 4′.
* M. Charron rendait 100 mètres à M. Laulan.
Modifications : 05/04/2019 – Échelles de temps ; 08/04/2019 – Photo cours Saint-André
* Celles qui me sont connues à l’heure où j’écris.
À Vannes
Plan de Vannes en 1883 – 1) La Rabine – Crédit photo BNF – Gallica.
Les courses à Vannes ont eu lieu le dimanche 12 Septembre 1869 sur la promenade de la Rabine. Le Conseil municipal de Vannes lors de sa séance du mardi 10 août 1869 vota une subvention de 130 fr. pour ces courses et aussitôt un comité* se constitua.
* Le président habitait au 19, place des Lices, le secrétaire au 12 de la rue Saint-Vincent. Le trésorier, M. Viriot, tenait l’hôtel du Commerce.
On fit appel à des souscripteurs et on leur réserva une enceinte dans la partie la plus voisine des départs et arrivées. Les spectateurs non payants s’échelonnèrent sur le reste du parcours.
Les épreuves, la septième exceptée, étaient spécialement réservées aux vélocemen résidant dans l’un des cinq départements de la Bretagne, ainsi qu’à ceux de la Mayenne, de Maine-et-Loire, de la Manche et de la Vendée.
Les engagements furent reçus par lettres affranchies, à l’adresse du secrétaire.
Dispositions générales
Voici les principaux points des dispositions générales. Ils sont identiques à ceux des dispositions générales des courses de Laval* du dimanche 12 septembre 1869
* Voir article « Les premières courses dans l’Ouest en 1869, Angers et Laval »
« Les professeurs et les constructeurs de véloces ne pourront y prendre part. » « Les concurrents porteront une écharpe de deux couleurs au moins. La cloche d’appel sera sonnée cinq minutes avant chaque course, et il sera procédé au tirage au sort des places. À l’heure fixée, si tous les concurrents ne sont pas prêts, le signal du départ n’en sera pas moins donné, sans attendre les retardataires. Au départ, les vélocemen marcheront d’abord lentement, en tâchant de se maintenir à la même hauteur ; quand ils seront suffisamment en ligne, le signal sera donné par l’un des commissaires. Les coureurs devront tenir leur droite. Celui qui, par une manoeuvre jugée déloyale, en pousse un autre, le croise ou l’empêche d’avancer, est mis hors concours. » « Un jury spécial jugera souverainement toutes les contestations et les réclamations qui viendraient à se produire au sujet des courses. Il proclamera les noms des vainqueurs. Ses décisions seront sans appel. » « Les engagements seront reçus par lettres affranchies à l’adresse du Secrétaire. À la lettre d’engagement, chaque concurrent devra joindre une déclaration signée de lui, indiquant : 1er le lieu de sa résidence; 2e le diamètre de la grande roue de son véloce; 3e les couleurs de son écharpe. »
La participation de deux types de véloces, bicycles et tricycles, et la différenciation en deux séries par le diamètre de la roue motrice des bicycles compliquaient l’organisation de ces courses par la nécessité de mettre en place des dispositions particulières. Au-delà du spectacle, la distance, parfaitement définie, et l’utilisation d’un chronomètre, montre le besoin de mesurer les performances.
Pour le départ des bicycles, les coureurs étaient en ligne, en échiquier, tous à terre, gouvernail en main. Au cri « Partez », ils se mettaient en selle et démarraient. Pour les tricycles ils démarraient montés sur leur machine.
Résultats
Première course, vitesse, pour bicycles au-dessous de 92 centimètres *. Onze participants. Entrée : 2 francs – Distance : 1 500 mètres. 1er prix : 75 francs ; M. Boucherot, de Rennes, 4′ 32 » (19,9 km/h) ; 2e prix: 25 francs ; M. Galland ,de Ploërmel, 4′ 46″ (18,9 km/h) ; 3e M. Sorro, de Vannes, 4’50 » ; 4e M. Bigarré, de Paimpont, 4′ 51 » ; 5e M. Simon, de Rennes, 4′ 52 ».
*) Diamètre de la roue motrice.
Deuxième course, vitesse, pour bicycles de 92 centimètres et au-dessus. Six participants. Entrée : 2 francs – Distance : 1 500 mètres. 1er prix : 75 francs ; M. de S. Q., de Nantes, 4′ 11 » (21,5 km/h) ; 2 rix : 25 francs ; M. Guillot, de Saumur, 4’13 » (21,3 km/h) ; 3e M. Marquis, de Lorient, 4′ 24 ».
Troisième course, vitesse, pour tous tricycles. Quatre concurrents, tous Vannetais Entrée : 2 francs – Distance : 1 500 mètres. 1er, prix : 50 francs ; M. Sosson, de Vannes, 6′ 25 » ( 14,0 km/h) ; 2e M. Guyot, de Vannes, 6′ 45 » ( 13,3 km/h).
Quatrième course, lenteur, arrêt complet interdit, pour tous bicycles,* Entrée : 2 francs – Distance : 100 mètres. Onze concurrents inscrits ; neuf au départ ; un seul à l’arrivée. Première série, aucune arrivée Deuxième série, un concurrent à l’arrivée. 1er prix : 50 francs ; M. Le Bret, d’Auray ; 2e prix : 25 francs, non décerné.
*) Les concurrents étaient rangés de front sur deux lignes situées à distance convenable pour ne pas se gêner. Chaque ligne de concurrents constituait une série avec son point de départ et son point d’arrivée. Les concurrents de la première série démarrent ensemble puis ceux de la seconde lorsque la première est à distance suffisante. Le résultat est observé à la ligne d’arrivée de chaque série.
Cinquième course, vitesse, pour tous véloces*. Quatorze bicycles au départ, les tricycles se sont récusés. Le départ se fait en selle, des aides les tiennent immobiles. Entrée : 3 francs – Distance : 4 500 mètres. 1er prix: 150 francs, (offert par la ville de Vannes) ; M. Guillot**, de Saumur, 13′ 48 » ( 19,6 km/h) ; 2e prix : 50 francs ; M. S.Q. de Nantes, 14′ 15 »( 18,9 km/h) ; 3e, M. Galland, de Ploërmel, 15′ 02 » ; 4e M. Marquis, de Lorient, 15′ 30 » ; 5e, M. Simon, de Rennes; 15′ 32 ».
*) Pour prévenir les inconvénients qui pouvaient résulter de la confusion des deux types réunis ensemble sur la piste, cette course comporta deux épreuves distinctes : l’une pour les bicycles, l’autre pour les tricycles; tous concourant cependant aux mêmes prix. La vitesse de chaque coureur fut mesurée par le temps, au moyen d’une montre à secondes. Si plusieurs concurrents étaient arrivés dans le même temps, le prix aurait été partagé. **) La roue motrice de M. Guillot mesurait 1,10 mètre, celle de M. de S. Q. 1 mètre ce dernier était très désavantagé mais il mena une plus grande partie de la course et chacun reconnu qu’il avait une habileté et des moyens réellement supérieurs à M. Guillot.
Sixième course, vitesse, enfants au-dessous de 14 ans, pour tous véloces. Pas d’entrée – Distance : 700 mètres. Prix : un objet d’art ; M. Chapelle *, de Vannes, 1′ 55 » ( 21,9 km/h) ; 2e M. Oizan, de Malestroit ,2′ ( 21,0 km/h) ; 3e M. Martin, de Vannes, 2′ 05 » ; 4e M. Ferrary, de Vannes, 2’50 ».
*) Le jeune Chapelle avait participé à la course de lenteur et principalement assuré les démonstrations d’agilité pendant les intervalles entre les courses.
Septième course, vitesse, exclusivement aux Vannetais, pour tous bicycles. Entrée : 2 francs – Distance : 1 500 mètres. Huit concurrents. Les bicycles sont répartis en deux catégories * 1re catégorie 0 m 92 et au-dessus Prix: 50 francs ; M. Martin,4′ 28 » ( 20,1 km/h) ; 2e catégorie au-dessous de 0 m 92 Prix: 50 francs ; M. Sorro **, 5′ 04 » ( 17,8 km/h).
*) Dans le cas ou un bicycle de la 2e catégorie (au-dessous de 0m92) serait arrivé premier de tous, il aurait reçu la totalité du prix, soit 100 francs. **) M. Sorro avait moins de 15 ans.
Le deuxième prix n’ayant pas été décerné dans la course de lenteur, une seconde fut mise au programme. On réduisit la distance à 50 mètres. Course, lenteur, arrêt complet interdit, pour tous bicycles* Distance : 50 mètres. Onze concurrents au départ. 5 en 1re série, 6 en seconde. 2e prix, : 25 francs ; M. Sorro.
*) Voir le détail de l’organisation à la quatrième course.
Huitième course, dite de consolation, pour tous véloces* (lauréats exclus). Distance, 1 500 mètres. Prix : 50 francs ; M. Marquis, de Lorient.
*) Mêmes conditions que pour la cinquième course, s’il se présentait des tricycles.
Les premières courses dans l’Ouest en 1869, Rennes et Brest
Les premières courses dans l’ouest en 1869.*
* Celles qui me sont connues à l’heure où j’écris.
À Brest
Plan de Brest en 1864 – 1) le cours Dajot – Crédit phot BNF – Gallica.
Ce fut sous le patronage du comité des courses hippiques que furent organisées les courses de Brest, le samedi 26 Juin 1869, à 16 heures, sur le cours Dajot* aussitôt après le retour de l’hippodrome**.
* Orthographié d’Ajot par le chroniqueur. Le cours Dajot a été établi et planté en 1769 par M. Dajot, officier du génie. Très belle promenade, d’où l’on a une vue magnifique de toute la rade.
** Je n’ai, pour l’instant, retrouvé nulle trace de son implantation. Il devait probablement se trouver non loin du cours Dajot.
Dispositions générales.
« Les engagements des vélocemen seront reçus jusqu’au samedi 26 juin, à 8 heures du matin, rue de la Mairie, 21, à Brest, au secrétariat des courses de chevaux, et pendant la même journée, jusqu’à 4 heures du soir, sur l’hippodrome.
Dans la course de lenteur, les vélocemen ne devront pas s’écarter de la ligne droite, sous peine d’exclusion. Le gagnant du prix des souscripteurs ne sera pas admis à courir le prix du Cours Dajot.
Les décisions des commissaires seront sans appel. »
Disposition intéressante, elles étaient uniquement réservées aux bicycles simplifiant grandement l’organisation des épreuves.
Résultats
Première course, vitesse, « Prix des souscripteurs », pour véloces-bicycles de 1 m et au-dessous. .
Huit concurrents.
Entrée : 3 fr., distance, 1 500 m environ.
1er prix, 150 fr. ; M. Ribault, de Lannilis * ;
2e prix, 3fr.** ; M. Lagoyer, de Morlaix.
* Il a distancé les autres concurrents de plus de cent mètres.
** Le montant de l’entrée.
Deuxième course, lenteur, « Prix de la tortue », pour véloces-bicycles de 76 cm minimum
Entrée : 1 fr., distance, 60 m environ.
1er prix, 50 fr. ; M. Ribault, de Lannilis ;
2e prix, 1 fr., M. Balarat, de Brest.
Troisième course, vitesse, « Prix du Cours d’Ajot », pour les véloces-bicycles de toute grandeur.
Entrée : 2 fr, distance, 1 500 m environ.
1er prix 100 fr. ; M. Duplessis, de Saint-Frégant ;
2e prix, 2fr. ; M. Lagoyer, de Morlaix.
À Rennes
Plan de Rennes en 1864 – 1) Le Mail ; 2) Les levées de la Santé – Crédit phot BNF – Gallica.
En cette année 1869, Rennes n’a pas échappé à la mode des vélocipèdes ; ils faisaient fureur et leur nombre augmentait chaque jour. Les vélocipédistes avaient leur lieu de rendez-vous sur les levées de la Santé. On y vit même une jeune fille portant blouse serrée à la taille, bottes et petit chapeau se mêlant aux luttes acharnées et n’aimant guère se faire devancer par la gent masculine.
La toute nouvelle société le Vélocipède-Club de Rennes * organisa des courses sur la promenade du Mail, le dimanche 1er août 1869 à 14 heures.
Elles étaient spécialement réservées aux départements de la Bretagne, ainsi qu’à ceux de la Mayenne, de la Sarthe et de Maine-et-Loire.
* Créée le 11 mars 1869.
La pluie tomba toute la matinée jusqu’à 14 heures, détrempant la chaussée du Mail et les contre-allées où se tenaient les spectateurs vivement intéressés. Ils s’étaient rendus en foule et à diverses reprises ont chaleureusement applaudi les vainqueurs.
Les courses terminées, la quarantaine de vélocipédistes, sur quatre files, les vainqueurs en tête, a monté et descendu l’avenue du Mail et est entrée ainsi en ville, saluée par les applaudissements de la foule.
Résultats
Première course, vitesse (2e série), pour vélocipèdes de 0 m 91 et au-dessous.
Entrée, 2 fr. – Distance, 1 600 mètres environ.
Dix concurrents.
1er prix, 75 fr. ; M. Bodin*, de Laval ;
2e prix, 25 fr. ; M. Galland, de Ploërmel ;
3e, M. Delalande, de Rennes.
Deuxième course, lenteur, pour vélocipèdes de toutes tailles.
Entrée, 2 fr. – Distance, 100 mètres.
Dix-sept concurrents en trois séries.
1er Prix, 50 fr. ; M. Simon de Rennes ;
2e prix, une médaille de bronze (offerte par M. le Maire de Rennes) ; M. Sorro de Vannes.
Troisième course, vitesse (1re série), pour vélocipèdes de plus de 0 m 91.
Entrée, 2 fr. – Distance, 1 600 mètres environ.
Cinq concurrents.
1er Prix, 75 fr. ; M. Outin de Laval ;
2e prix, 25 fr. ; M. Gendron, de Saint-Malo.
Quatrième course, vitesse, pour vélocipèdes de toutes tailles (1re et 2e séries).
Réservée aux vélocipédistes faisant partie du Vélocipède-Club de Rennes.
Treize concurrents.
Entrée, 2 fr. – Distance, 1 600 mètres environ.
1er prix, une médaille d’argent (offerte par M. le Maire de Rennes) ; M. de Pontbriand, de Rennes ;
2e prix, un porte-cigare et une boite de cigares (offerts par un membre du club) ; M. Boucherot.
Cinquième course, vitesse de vélocipèdes de toutes tailles.
Grand prix du Vélocipède-Club rennais.
Entrée, 5 fr – Distance, 5 000 mètres environ.
1er Prix, 200 fr. ; M. Bodin*, de Laval ;
2e prix, 50 fr. ; M. Jouaust, de Rennes ;
3e M. Simon, de Rennes.
Sixième course, prix de consolation, pour tous vélocipèdes ayant couru au moins une course de vitesse et n’ayant gagné ni le 1er ni le 2e prix.
Entré, 2 fr.
Prix unique, 50 fr ; M. Delalande.
* Une contestation fut élevée, paraît-il, au sujet de M. Bodin, de Laval. Des personnes prétendaient qu’il était professeur, qui en vertu, du règlement, le mettait hors concours.
Les premières courses dans l’Ouest en 1869, Angers et laval
Les premières courses dans l’ouest en 1869.*
* Celles qui me sont connues à l’heure où j’écris.
À Angers
Nota : Un grand merci aux archives départementales de Maine-et-Loire pour l’aide apporter à la recherche des renseignements nécessaires à la rédaction de cette partie de l’article.
Angers en 1869. 1) Rond-point des Magnolias, situé au-dessus de la ligne de chemin de fer ; 2) Route des Ponts-de-Cé ; 3) Rue Basse-du-Mail – Crédit phot BNF – Gallica.
Elles se sont déroulées le jeudi 22 avril 1869, à 14 heures, au rond-point des Magnolias, au profit des pauvres . Des tribunes furent élevées sur un secteur de la place ainsi que sur la route des Ponts-de-Cé. Cette dernière était trop étroite aussi vit-on quelques accidents, des chutes de coureurs et quelques vélocipèdes cassés, mais les vélocipédistes continuèrent leur route.
Un chroniqueur écrivait « Une foule énorme est venue de tous les points de la ville pour assister à ce spectacle tout nouveau pour le public angevin. »
Un autre, « Les courses de Vélocipèdes ont eu un succès qui a dépassé tout ce que pouvait espérer la commission d’organisation. ».
« Dès une heure et demie, la foule se pressait, compacte, aux entrées. À deux heures, c’était une véritable cohue et l’enceinte réservée devenait trop petite. MM. les commissaires suaient sang et eau pour maintenir l’affluence dans les limites exigées, et ce n’est qu’après des peines infinies qu’ils sont parvenus à former l’espace nécessaire aux coureurs. ».
Quatre courses étaient au programme. Les engagements furent reçus, 51, rue Basse-du-Mail.
M. Baillergeau présidait au tirage au sort des coureurs. M. Jacques de Vezins * donnait le signal des départs. M. Paul de Chemellier jugeait l’arrivée.
* Est-ce le même M. de Vésin, qualifié de « roi des vélocipédistes », qui avait entrepris de faire le trajet d’Angers à Paris en vélocipède ? Il alla jusqu’à Tours — 86 kilomètres – où son véhicule se brisa.
Résultats :
1re course, vitesse, pour vélocipèdes ayant moins de 95 centimètres de diamètre
Entrée : 2 fr. – Distance, 1 400 mètres.
Neuf coureurs ont pris part à cette course et sont arrivés :
1er Prix , un objet d’art ; M. Armand Pérol *,
2e prix, les entrées, M. Truffeau, de Tours.
* Un des fils Pérol, il gagna très facilement.
Le père Pérol et son fils aîné étaient fabricants de petites voitures, 10, rue Jean-Jacques-Rousseau à Nantes; la maison fut fondée en 1858.
Pressentant le développement du vélocipède la maison Pérol devint fabricant de vélocipèdes en faisant venir quelques ouvriers spécialisés de Paris. Bientôt elle fit une concurrence sérieuse aux Michaux. Les ateliers étaient situés au 16, rue de Gigant.
Deuxième course, vitesse, pour vélocipèdes ayant 95 centimètres et au-dessus.
Entrée : 3 fr. – Distance, 2 100 mètres.
Six coureurs sont partis.
1er prix : un objet d’art ; M. Hippolyte Pérol, de Nantes,
2e prix, les entrées ; M. Vétault, d’Angers.
Troisième course, vitesse, prix Omnium, pour tous vélocipèdes
Entrée, 10 fr. – Distance, 4000 mètres environ ;
9 coureurs ;
1er prix, 500 francs, M. Moret*, Véloce-Club de Paris ;
2e prix, les entrées, M. Laumaillé, de Chåteau-Gontier ;
3e, M. Bollée, du Mans.
Vélocipède Michaux
* M. Edmond Moret était employé dans un grand magasin de soieries du boulevard des Italiens et membre du Véloce-Club de Paris, il s’entraînait chaque dimanche en faisant un aller-retour de 140 km pour embrasser sa mère à Provins. Il avait gagné la course internationale de Londres du lundi 5 avril 1869 dans le Palais de Cristal de Sydenham. Il montait un vélocipède de la maison Michaux et Cie ; M. Michaux fils était arrivé second.
Quatrième course, course de Gentlemen , pour tous les vélocipèdes
Entrée : 25 fr. – Distance : 4 000 mètres environ *.
3 coureurs sont partis et sont arrivés :
1er prix, 300 fr. et les entrées ; M. Moret de Paris ;
2e prix, une médaille d’honneur, M. Laumaillé, de Châteaugontier.
* 2 000 mètres selon Le Journal de Vannes ; M. Bollée avait formulé le vœu que la distance soit portée à 4 000 m ou plus. Autres sources : L’Ouest et L’union Bretonne indiquent 4 000 mètres.
À Laval
Plan de Laval en 1874 – 1) place de Hercé – Crédit phot BNF – Gallica.
Le dimanche 12 septembre 1869, à 14 heures, place de Hercé, sur le champ de Foire *, des courses de vélocipèdes ont été organisées par le Véloce-Club de Laval ** sous le patronage de l’administration municipale, au profit des pauvres.
* Annoncées en premier lieu sur le quai de l’Impératrice, elles auront lieu finalement place de Hercé, sur le champ de Foire. Situation engendrée par l’inexpérience des organisateurs des formalités administratives des ponts et chaussées.
** Président, M. Alexandre Hoyau, il habitait place de la Préfecture ; secrétaire, Adrien Dubois.
Un avis parut dans la presse le 10 septembre 1869, dûment signé par le maire, M. Ch. Toutain, précise les dispositions générales de ces toutes premières courses lavalloises :
« Une commission* sera nommée par le Véloce-Club, chargée de donner le signal du départ et de constater l’arrivée des coureurs. Ses décisions seront sans appel.
La cloche d’appel sera sonnée cinq minutes avant chaque course, et il sera procédé au tirage au sort des places. À l’heure fixée, si tous les concurrents ne sont pas prêts, le signal du départ n’en sera pas moins donné sans attendre les retardataires. Au départ, les coureurs marcheront d’abord lentement, en tâchant de se maintenir à la même hauteur: quand ils seront suffisamment en ligne, le signal sera donné par l’un des Commissaires **, – Celui qui, par une manoeuvre jugée déloyale, en pousse un autre, le croise ou l’empêche d’avancer est mis hors concours.
On recommande une tenue convenable et on engage les coureurs à se munir, autant que possible, d’une écharpe de couleur. »
Les velocemen se déplaçaient d’une ville à une autre et la nécessité de codifier ce nouveau sport s’est faite tout de suite sentir. Ces dispositions générales sont identiques pour des courses de Vannes le 12 septembre 1869.
* Les membres de la Commission : président, M. Toussaint ; secrétaire, M. A. Dubois ; trésorier, M. Louveau.
** Les commissaires : MM. Maillard, Salles, Fatus, Rousseau.
Prix d’entrée des courses : 25 centimes ; places réservées, 1 francs ; secondes, 50 centimes.
La musique municipale se fit entendre pendant la durée de la fête.
À propos de leur déroulement, un chroniqueur écrivait : « Rien n’a été plus gracieux que ce charmant carrousel que nous ont donné les vélocipédistes de Laval ; tout a été pour le mieux, la température, la disposition du terrain, la multitude des curieux, le bon goût des toilettes, la distinction des jeunes membres du véloce-club, la recherche de leur costume, la musique municipale si harmonieuse et si correcte, comme toujours; enfin c’est une des plus aimables distractions que la jeunesse aisée d’une ville puisse donner à la population ; la bonne idée est venue aussi à tous les vélocipédistes de faire un grand tour dans la ville après le combat, et les acclamations les plus chaleureuses les ont accueillis au passage. »
Résultats :
Première course, vitesse, pour véloces de 90 cm et au-dessous.
Entrée 3 fr.- Distance 2 000 m.
1er prix, médaille de vermeil, M. Lenain, de Laval.
2e prix, les entrées, M. Apert, de Château-Gontier.
Deuxième course, vitesse, pour tous véloces.
Entrée 3 fr. – Distance 2 000 m.
1er prix, médaille d’or, M. Laumaillé, de Château-Gontier ;
2e prix, les entrées, M. Pasquier,
Troisième course, lenteur, pour tous véloces.
Entrée 2 fr. – Distance 100 m.
1er prix, médaille d’argent, M. Laumaillé, de Château-Gontier ;
2e prix, les entrées, M. Rossignol, de Laval.
Quatrième course, vitesse, réservée au Véloce-Club de Laval.
Distance 2 000 m.
1er prix, médaille d’argent, M. Baudry, de Layal ;
2e prix, médaille de bronze, M. Jules Outin.
Cinquième course, vitesse, pour tous véloces.
Entrée 5 fr. – Distance 4 000 m
Prix offerts par l’Administration municipale.
1er prix, 150 fr., en argent, M. Laumaillé, de Château-Gontier ;
2e prix, 100 fr., en argent, M. Pasquier, de Château-Gontier ;
3e prix, 50 fr., en argent, M. Bodin, de Laval.
Courses d’obstacles.
Tremplin et anneaux. – Prix, M. Bodin, de Laval.
Quilles. – M. Pivert, de Laval.
Une somme de 500 francs, « destinée à soulager quelques infortunes » fut remise au Maire.
Mises à Jour : 12/02/2019 – Courses d’Angers – Compléments d’informations journal L’Ouest ; 03/03/2019 – Courses d’Angers – 2000 à 4000 mètres, course des Gentlemen.
Nantes peu avant 1880 – A) Cours Napoléon (Actuel cours Cambronne) ; B) Rue Jean-Jacques-Rousseau ; C) Rue de Gigant ; D) Route de Rennes – Dessin Michel-C Mahé.
Les débuts du cyclisme à Nantes
Le dragon
Le vélocipède fut précédé par le célérifère, simple poutre montée sur deux roues. La propulsion était assurée par la poussée alternative des pieds du cavalier sur le sol. On y adjoindra bientôt un gouvernail.
Un chroniqueur, narrant quelques souvenirs, nous apprend qu’à Paris, ces machines s’appelaient des célérifères *, mais à Nantes c’étaient des dragons ; appellation issue, sans doute, de la tête fantastique et grimaçante qui était sculptée à l’avant. Leur vitesse moyenne était de 10 kilomètres à l’heure, mais dans les bonnes descentes elle pouvait atteindre 12 à 13 kilomètres.
* Mais aussi draisiennes et… vélocipèdes.
Vers 1835, un certain nombre d’amateurs Nantais se livraient avec ardeur à l’exercice du dragon, parmi lesquels MM. Léon Fleury et Camille Bouchaud. *
* Ces Messieurs firent le voyage de Nantes à Paris en moins de quatre jours, par étape journalière de 100 à 120 kilomètres. De Paris, ils passèrent par la Normandie et regagnèrent Nantes.
Le vélocipède
Le même chroniqueur nous dit que c’est en 1866 que le premier vélocipède apparut à Nantes*, et qu’il fut amené par le jeune des fils Pérol* qui avait travaillé comme ouvrier à l’atelier Michaux**. Il ajoute aussi qu’il fit sensation avec son vélocipède Michaux qu’il maniait avec dextérité sur la route de Vannes, le boulevard Lelasseur et la route de Rennes et qu’il fut bientôt entouré de toute la jeunesse dorée nantaise.
*Par expérience, je reste toujours un peu sur l’expectative sur la véracité d’écrits basés sur des souvenirs (dans notre cas trente ans après). La plupart du temps ils sont entachés d’erreurs, surtout les dates. Des brides d’informations me font penser qu’ils sont apparus plus tôt, vers 1862. ** Son père et son frère aîné étaient fabricants de petites voitures, 10, rue Jean-Jacques-Rousseau ; la maison fut fondée en 1858. Pressentant le développement du vélocipède la maison Pérol devint fabricant en faisant venir quelques ouvriers spécialisés de Paris. Bientôt elle fit une concurrence sérieuse aux Michaux. Les ateliers étaient situés au 16, rue de Gigant. *** Voir l’article « La mode du vélocipède vers 1869 »
À partir de 1867, le cours Napoléon* devint le lieu de rendez-vous des velocemen et « de tout ce qu’il y avait de select à Nantes ».
* Actuel cours Cambronne
En 1869, on se plaint par journal interposé sous la rubrique réservée aux lecteurs. L’un regrette que les vélocipédistes jettent l’effroi sur le cours Napoléon parmi les nourrices, les enfants et les vieux habitués, les promenades devenant impossibles. Il ajoute « la traversée de la grande avenue du cours est parfois plus difficile que celle des Champs-Élysées un jour de retour de course ». À son point de vue l’exercice du vélocipède est digne d’encouragement mais qu’il se fasse ailleurs, sur les boulevards et routes environnantes. L’autre, un vélocipédiste, rétorque que les bonnes, nourrices et enfants sont en parfaite sécurité dans les deux coins de la promenade qui leur sont réservés, que le danger n’existe que pour les curieux qui viennent s’y exposer et tant pis pour eux, « Fallait pas qu’y aillent » leur répondrait le premier gavroche venu.
Mises à jour : 25/03/2019 – Modifications sur le plan de Nantes.
Toulouse vers 1863 – 1) Prairie des Filtres – Crédit photo : ville de Toulouse.
Le dimanche 26 juillet, malgré la chaleur, la foule avait envahi les quais, la prairie aux Filtres où des estrades avaient été dressées, les ponts et les écoles de natation pour assister à des courses, tout à fait nouvelles, de vélocipèdes sur les quais.
Elles étaient ouvertes à tous les amateurs, sans distinction, avec un vélocipède à 2 roues de tout diamètre *.
* On fait référence à la roue avant, actionnée par les pédales. Elle avait un diamètre ordinairement compris entre 0,80 et 1,00 mètre.
La présence du préfet*, du procureur adjoint, du maire** et de M. Goyon, duc de Feltre***, aux places réservées, était très remarquée. La fanfare du 5e bataillon, prêtait son concours.
* Henry François Pougeard du Limbert (1817-1898) – Préfet de Haute-Garonne du 20 février 1866 au 31 janvier 1870.
** Jean Pierre Édouard Bernard Filhol (1814 – 1883) – Maire de Toulouse du 29 août 1867 au 5 septembre 1870 – Anthropologue, chimiste, homme politique.
*** Charles-Marie-Michel, comte de Goyon (1844 – 1930), 3e duc de Feltre – Diplomate et homme politique.
Les amateurs de vélocipèdes ayant répondu à l’appel de la Société étaient très nombreux certains ne purent finir leur course, leurs véhicules ayant rencontré quelques soucis.
Le 1er prix, médaille de vermeil (grand modèle), a été remporté par M. Carcanade* de Castres,
Le 2e prix, médaille de vermeil, a été décerné à M. T. Fort, de Toulouse.
Le 3e a été réservé.
* M. Carcanade, le 6 juillet 1868, a parcouru, en 6 heures 30, les 72 kilomètres de Castres à Toulouse. Voir article : « Le vélocipède maîtrisé – Les premiers paris – 1868 »
Course de dames à Bordeaux le 1er novembre 1868 – Dessin M. A. Sainte-Marie Pricot.
Collection Michel-C Mahé
Bordeaux
La journée de dimanche 8 novembre 1868, fut superbe et 3000 personnes avaient envahi le Parc bordelais pour assister aux courses de vélocipèdes. Au programme quatre courses de gentlemen et, c’était une première, une course de femmes *.
* Seule cette course est commentée dans la presse parisienne démontrant l’étonnement qu’elle suscita. L’Hippodrome à Paris reprit l’idée pour sa saison de 1869 et elle attira une foule considérable. (Voir article « Les premières courses en 1868 et 1869 à l’Hippodrome ».)
Quatre dames ou demoiselles ont pris part à la lutte. Deux vêtues en pages des Huguenots, une en mousquetaire fantaisiste, et une autre, la vainqueresse, en corsage et jupe rouge très gênante pour ce genre d’exercice, la tête ornée d’une calotte à gland d’or retombant sur les épaules.
La course des dames, vitesse,
Trois prix : 1re, une montre en or ; 2e, une médaille d’or ; 3e, une médaille d’argent.
Quatre engagées Mlles Louise, Julie, Louisa, Amélie.
M. A. Sainte-Marie Pricot, vélocipédiste, la décrit ainsi :
« Au signal du départ, toutes s’élancèrent avec agilité, mais Mlle Louise prit, presque tout de suite, une avance qu’elle garda longtemps. Elle fut rejointe à cinquante mètres du but par Mlle Julie, qui courut alors de conserve avec elle et gagna, par un effort surhumain, la course de… 1/2 longueur de pédale.
Troisième, Mlle Louisa ; quatrième, Mlle Amélie. »
Les premières courses en 1868 et 1869 – À l’Hippodrome
Paris 1869 – L’Hippodrome.
Nouveau plan de Paris en 20 arrondissements – Migeon, éditeur – 1869 – Gallica BNF
L’hippodrome – Gallica BNF
L’hippodrome, ce théâtre parisien en plein air, avait pour vocation de présenter des spectacles très différents : des courses de chars antiques ; des ascensions en ballons captifs ; des reconstitutions de scènes de guerre ; des luttes diverses, des exhibitions de toutes sortes, à cheval, sur un fil, etc.
La mode du vélocipède* battant son plein et il fut bien naturel à la direction de l’établissement, toujours à la recherche de nouveautés, de mettre au programme des courses de vélocipèdes.
* On disait alors aussi « la manie »
En 1868
La première course*, à l’Hippodrome se déroula le dimanche 27 septembre 1868.
Le prix de l’administration était de 300 francs.
30 concurrents s’étaient inscrits, 12 se sont présentés.
Les courses de vitesse ont été divisées en trois séries de quatre coureurs.
Les vainqueurs de chaque série, MM. Castéra**, Colvin et Naquet, ont ensuite concouru entre eux pour la finale. C’est M. Castéra qui l’a emportée.
Après la course de vitesse, la course de lenteur fut gagnée par M. Michaux.
* Les chroniqueurs, en ce qui concerne l’Hippodrome, utilisaient parfois le terme « concours ».
**André Castéra, sera second lors de la fameuse course Paris-Rouen en 1869, derrière James Moore.
Elles se continuèrent tous les dimanches à 15 h 00, jusqu’à la fin d’octobre mais avec trois prix mis en jeu. Selon la même procédure, les vainqueurs de chaque série concouraient ensemble mais le premier arrivé au but gagnait le grand prix, le deuxième, le second, et le troisième, le troisième prix.
En 1869
Les représentations reprirent le 1er mai 1869 et durèrent tout l’été. Bien sûr, des courses de vélocipèdes étaient au programme mais les organisateurs devaient innover pour étonner le public. Ils abandonnèrent les courses de vitesse et de lenteur par des hommes et ils firent courir des dames faisant partie de la troupe.
Elles étaient connues par leur prénom : Mmes Eugénie, Camille, Marie, Ernestine, Louise, Aline, Jenny.
Un chroniqueur écrivait : « Les rires de la masse sont pour « la course en Vélocipèdes » par des demoiselles court-vêtues, lesquelles offrent la parodie de ce mode d’amusement, déjà si peu gracieux lorsqu’il est exécuté par des « vélocipédistes » sans vigueur, tels qu’on en rencontre tant par la ville.
Le jeudi 10 juin, après la course de dames, sous prétexte d’un défi, deux gentlemen M. le comte de M… et M. de H…, « très habiles à manœuvrer le vélocipède et vainqueurs en plusieurs concours », coururent masqués et franchirent deux rivières et une banquette irlandaise avec leurs vélocipèdes. Cela attira une foule considérable et à « la demande de la direction * », ils réitèrent le dimanche suivant 13 juin.
* Subtilité de langage à des fins publicitaires.
Le dimanche 13 juin, les courses furent ouvertes aux dames amateurs et l’on offrit une médaille d’or à la vainqueure. Neuf jolies femmes concoururent. La foule s’y pressa et dit-on, il était impossible de trouver place dans l’Hippodrome.
Le jeudi 24 juin, une course de vélocipèdes par deux dames du monde* masquées fut organisée. Une de ces dames reconnue par une de ses amies laissa échapper « Oh! Amanda! ousqu’est mon fusil ? », locution plutôt employée dans les faubourgs et le chroniqueur de conclure « M. Arnault** devrait dire à ces nobles dames de mieux garder leur incognito. C’est fouler au pied son blason. ». Elles réitèrent leur prestation le jeudi suivant *** puis on les vit se produire en juillet et début août.
* Le programme annonçait « Défi entre deux Dames masquées, montées sur leurs vélocipèdes. »
** Le directeur du vélodrome.
*** Sur le programme « Défi entre Mme G. P. et Mme B. D., masquées. »
Les premières courses en 1868 – Enghien, le Bois de Vincennes
Enghien
Enghien-les-Bains vers 1852* – Crédit Photo Gallica – Bnf
* en attendant mieux, en recherche de plan édité en 1868.
À 12 kilomètres de Paris, Enghien était à la fois un lieu de villégiature et une station thermale très fréquentée par l’aristocratie française et étrangère.
Le jour de la fête patronale à Enghien, le dimanche 23 août 1868, outres l’ascension d’un ballon, des régates sur le lac, un concert instrumental, un grand bal et un feu d’artifice, des courses de vélocipèdes étaient au programme.
Un chroniqueur dans un article de presse relatant ces courses, nous apprend qu’il était de bon ton d’utiliser le terme « vélo » car selon lui « vélocipède est devenu extrêmement ganache ».
Elles se déroulèrent sur la route d’Enghien, en face du lac et en prix aux vainqueurs : des médailles d’argent, une médaille d’or, (offerte par M. le sénateur-surintendant des Beaux-Arts, comte de Nieuwerkerke), un vélocipède d’honneur (offert par la maison Michaux et Cie*)
Les inscriptions étaient prises chez les fabricants de vélocipèdes, à Paris ; et à Enghien, chez M. Prot, libraire, 57, Grande- Rue.
Le programme
Cinq courses de vitesse disputées par une trentaine de vélos à deux ou trois roues ont concouru sur une distance de 1 500 mètres.
La dernière course était une course de lenteur pour les vélocipèdes à deux roues de toutes hauteurs. Distance à parcourir, 150 mètres.
Les résultats
Elles se sont déroulées sous la pluie, trois courses ont été courues.
Première course, une médaille d’argent a été gagnée par M. André Castéra *.
Deuxième course, une médaille d’argent grand module a été gagnée par M. Moret, sur un vélocipède de la fabrique Léger et Parmentier.**
Troisième course, une médaille en vermeil grand module a été gagnée par M. Triboust, sur un vélocipède de Léger et Parmentier.
*André Castera sera second lors de la fameuse course Paris-Rouen en 1869, derrière James Moore.
** Léger et Parmentier, fabrique de chevaux mécaniques et voitures d’enfants, voitures pour malades et vélocipèdes, 17 rue Bichat, Paris.
Les deux courses avec comme prix la médaille d’or, et le superbe vélocipède d’honneur, ont été reportées au dimanche 30 août.
Au bois de Vincennes
La ville de Charenton, le dimanche 6 septembre 1868, a organisé des courses dans les allées du bois de Vincennes.
Le programme
Deux courses de vitesse, une course de lenteur, une course d’adresse, sans le gouvernail *, et une course de longueur.
* Annoncée « en amazone » par le journal Le Temps. Sans gouvernail… que n’invente-t-on pas pour amuser le public ! Nous verrons dans les articles suivants que d’autres organisateurs iront plus loin encore.
Première course, vitesse, pour vélocipèdes de 90 cm.
Prix : une médaille d’or,
Distance à parcourir : 1800 m,
Meilleur temps : 5 min ; vitesse : 21,6 km/h.
Deuxième course, vitesse, pour vélocipèdes ne dépassant pas 1 m.
Prix : un objet d’art,
Distance : 1800 m,
Meilleur temps : 5 m 45 s ; vitesse : 18,8 km/h.
Troisième course, lenteur, pour vélocipèdes de toute hauteur.
Prix : un objet d’art,
Distance : 150 m,
Six vélocipédistes ont prix le départ, un seul à l’arrivée.
Quatrième course, adresse, sans le gouvernail, pour vélocipèdes de toute hauteur
Prix : coupe artistique,
Distance : 150 m,
Sept au départ, deux à l’arrivée.
5e course, longueur, pour vélocipèdes de 90 cm.
Inscription : 20 francs,
Grand prix de la poule : 300 francs,
Distance : 3600 m,
Meilleur temps : 9 m 10 s ; vitesse : 23,6 km/h
Les premières courses en 1868 – Le Pré Catelan, Raincy, la Garenne-Saint-Denis, la Varenne-Saint-Hilaire
Paris 1869 – 1) Bois de Boulogne ; 2) Pré Catalan
Nouveau plan de Paris en 20 arrondissements – Migeon, éditeur – 1869
L’engouement du public pour ces premières courses créa une émulation parmi les organisateurs de festivités à la recherche de nouveautés. Faisons un rapide état chronologique des manifestations qui suivirent les courses de Saint-Cloud en 1868.
Le Pré Catelan
Le Pré Catalan en 1860 – 1) Théâtre des Fleurs ; 2) Buffet ; 3) Brasserie ; 4) Photographie ; 5) Théâtre de Magie ; 6) Orchestre ; 7) Jeux divers ; 8) Aquarium ; 9) Cabinets d’aisances ; 10) Vacherie ; 11) Bureau de Tabac ;
12) Croix Catelan – Crédit Gallica BNF
Pour réaliser l’empierrement des routes du bois de Boulogne, une vaste carrière fut ouverte dans les terrains boisés, non loin d’un ancien carrefour du bois où s’élevait une petite pyramide connue sous le nom de Croix Catelan.
Lors de la transformation du bois, la municipalité avait projet de la combler, la niveler et de replanter l’endroit mais des investisseurs proposèrent de créer, à leurs frais, un jardin incluant des cafés-restaurants, des salles de concert, des théâtres, une laiterie, une brasserie pour y donner des fêtes de jour et de nuit, digne de l’élégant public qui fréquentait alors le bois de Boulogne. L’établissement du Pré Catelan ouvrit le 9 juin 1956. Son activité prit fin avec la guerre de 1970.
Une course fut annoncée dans la presse pour le dimanche 24 mai 1868 avec plusieurs prix offerts par l’administration du Pré Catelan et par M. Eugène Paz, président des courses hippiques. Les dates et heures d’inscription furent annoncées, mais je ne dispose, à ce jour, d’aucune information sur son bon déroulement.
C’est à cette époque que fut fondé le Veloce-Club*. Son siège était au Pré Catelan et ses soixante membres, faisant partie bien entendu de la meilleure société , se mesuraient dans des courses très disputées.
* À titre de documentaire sur la constitution des sociétés, vous trouverez l’intégralité d’un article publié dans le Manuel du vélocipède / publié par le Grand Jacques – 1869 (Bnf.- Gallica), relatant la création d’une autre société, « La Société pratique du vélocipède » à Paris en 1868. Il est composé de deux parties un extrait de l’arrêté du préfet de police et un extrait des statuts de la société. On remarquera que les réunions étaient particulièrement encadrées par la préfecture.
Extrait de l’arrêté de M. le Préfet de Police, du 22 décembre 1868 :
Article premier. L’Association dite : Société pratique du Vélocipède, est autorisée.
Art. 2. Sont approuvés les statuts de cette Société tels qu’ils sont annexés au présent acte.
Art. 3. Les membres de l’Association devront se conformer strictement aux conditions ci-après, à savoir :
1° N’apporter, sans notre approbation préalable, aucune modification aux statuts, tels qu’ils sont ci-annexés ;
2° N’admettre aucun étranger dans les réunions partielles ou générales, et ne s’occuper dans ces mêmes réunions d’aucune matière étrangère à l’objet rigoureusement indiqué par le but de l’Association ;
3° Fournir, chaque année, une liste nominative des personnes faisant partie de la Société ;
4° Se conformer à toutes les autres conditions que l’administration croirait ultérieurement devoir prescrire, notamment dans l’intérêt de la sécurité publique;
5° Faire connaître à la préfecture de police, au moins cinq jours à l’avance, le local, le jour et l’heure des réunions.
Art. 4. Cette autorisation pourra être retirée immédiatement, en cas d’infraction aux dispositions qui précèdent et qui devront être insérées dans les statuts.
Le reste de l’arrêter contient des formules administratives.
Extrait des statuts de la Société pratique du Vélocipède
Article premier.
La Société a pour but :
§ 1er. D’établir des relations entre tous ceux qui s’occupent de Vélocipèdes.
§ 2. De rechercher quels sont les meilleurs systèmes inventés jusqu’à ce jour.
§ 3. De favoriser la construction de nouveaux modèles.
§ 4. De créer des courses et des expositions à l’occasion desquelles elle décernera des récompenses.
§ 5. De propager le goût du vélocipède et d’en faire ressortir l’utilité et l’agrément par tous les moyens en son pouvoir
§ 6. D’acheter pour le compte des sociétaires des vélocipèdes qu’elle leur revendra suivant les conditions arrêtées par le conseil d’administration.
§ 7. De louer des remises pour les vélocipèdes appartenant aux sociétaires,
Art. 2.
§ 1er. La Société se compose de membres titulaires, payant une cotisation annuelle de douze francs, et de membres à vie qui paieront en une seule fois une somme de cent cinquante francs.
§ 2. Les membres titulaires et les membres à vie auront droit d’entrée à toutes les courses et expositions, mais ce droit sera tout à fait personnel.
(L’art. 3. a rapport à l’organisation hiérarchique de la Société, aux mesures d’ordre et à son administration.)
Art. 4.
§ 1. La Société tient ses séances tous les quinze jours, mais les membres peuvent se réunir pour faire des essais et des comparaisons entre les divers systèmes ; néanmoins, il ne sera décerné des récompenses que quand ces réunions auront été constituées en commission par un vote de la Société.
§ 2. Les séances sont présidées par le président, en son absence par le vice-président, et en leur absence par le membre du conseil qui a eu le plus grand nombre de voix.
§ 3. Les membres des commissions chargées d’expérimenter les vélocipèdes devront inscrire, chacun séparément leur avis sur des cartes, et le secrétaire de la commission sera chargé de faire connaître le contenu de ces cartes dans la plus prochaine séance, sans nommer les membres.
La Société pratique du Vélocipède est dirigée par M. Émile Royer, rue de Buci, 40, à Paris.
Une course de vélocipèdes au Pré Catelan en 1868 – Collection Michel-C Mahé
Course de vélocipèdes au bois de Boulogne en 1868 – Dessin de Henri de Montaut
Collection Michel-C Mahé.
Au Raincy
Le dimanche 14 juin 1868, au Raincy, vingt vélocipédistes ont couru. Petit problème : « Le programme annonçait des courses d’amateurs, et on s’est aperçu qu’il y avait dix-sept marchands ou ouvriers de la partie. Naturellement ce sont ces experts qui ont gagné presque tous les prix. »
La Garenne-Saint-Denis
Lors de la fête de la Garenne-Saint-Denis, le dimanche 12 juillet 1868, le programme comportait une course de vélocipèdes. Quarante concurrents ont pris le départ pour se disputer les médailles d’or, d’argent et de bronze. La présence du maire et les pompiers fut remarquée et consacra ce nouveau sport.
Trois concurrents chutèrent et se blessèrent « plus ou moins grièvement » selon le chroniqueur. Deux furent transportés à leur domicile, un autre le regagna, clopin-clopant, par ses propres moyens.
La Varenne-Saint-Hilaire
Le dimanche 2 août c’était à La Varenne-Saint-Hilaire.
Trois médailles pour les vainqueurs : deux en argent grand module, et une en or, valeur 50 fr.
Résultats :
1er prix : médaille d’argent ; vélocipède grandeur 0,90 m ; vainqueur M. Jules Janin (?).
2e prix : médaille d’or ; vélocipède de toutes grandeurs ; vainqueur, M. James Moore *.
3e prix : médaille d’argent ; course de lenteur ; cinq concurrents ; Vainqueur, M. James Colvin.
* Vainqueur de la deuxième course de Saint-Cloud, voir article « Les premières courses ».
Paris 1869 – 1) Cours la Reine ; 2) Avenue des Champs Elysées ; 3) Porte Maillot ; 4) Bois de Boulogne ; 5) Pré Catalan ; 6) La Muette ; 7) Avenue d’Antin ; 8) le Panorama.
Nouveau plan de Paris en 20 arrondissements – Migeon, éditeur – 1869
1867
Le journal le Vélocipède, annonça que le dimanche 8 décembre 1867, à dix heures du matin, des touristes vélocipédistes prendraient le départ pour parcourir plusieurs départements sur leur monture à deux roues.
On estimait, selon un chroniqueur, que le nombre des participants serait d’environ cent quatre-vingts à deux cents et, écrivait-il, « des personnes du meilleur monde, beaucoup d’artistes, quelques journalistes, – on les rencontre partout, – deux ou trois hommes politiques bien connus, et même, disons-le tout bas, un académicien ».
Une centaine de voyageurs partit, au jour et à l’heure prévus, de l’avenue d’Antin, aux Champs-Elysées, près du Panorama, pour Versailles la première étape et semble-t-il la dernière de leur périple qui n’offrit pas tous les agréments d’un voyage de plaisir surtout avec un hiver particulièrement rigoureux à cette période.
1868
Sur le Cours-la-Reine
Un petit entrefilet dans le Petit Journal fait référence à une course de vélocipèdes le 3 février 1868 sur le Cours-la-Reine, suivie par un grand nombre de curieux. Il est dit simplement que « Le coureur français a triomphé de son adversaire belge ».
À Saint-Cloud
Le dimanche 31 mai 1868, la mairie de Saint-Cloud organisa, dans le parc du même nom, une fête avec au programme outres la visite du Palais Impérial ; un concert par la musique des voltigeurs de la garde ; un feu d’artifice aux cascades ; une retraite aux flambeaux ; un bal de nuit dans le parc, elle inclut pour la première fois des courses de vélocipèdes*.
* Elles sont considérées comme les premières courses officielles de vélocipèdes. Une plaque fut apposée le 31 mai 1938 contre la grille du parc lors d’une cérémonie franco-anglaise organisée par le Touring-club de France pour commémorer cet événement. Elle porte la mention « Le 31 mai 1868, dans le parc de St-Cloud fut gagnée par James Moore la première course de vélocipèdes organisée en France. — Touring Club de France ».
M. James Moore gagna la première course «ville à ville», de Paris à Rouen, le 7 novembre 1869. Il parcourut les 123 km en 10 h 45 (11,4 km/h de moyenne).
Elles eurent lieu dans la grande allée du Parc, entre le bassin où se trouvait la tribune du jury jusqu’à la grille soit une distance d’environ 500 mètres. Les coureurs allant et revenant, ils parcoururent donc 1 000 mėtres *.
* On parle aussi de 1200 mètres sur d’autres documents.
L’organisation était calquée sur les courses de chevaux ; on vit même un des coureurs habillé complètement en jockey : toque et manches vertes, casaque jaune. La seule différence était que les coureurs se tenaient debout derrière leurs machines.
Au signal ils sautèrent en selle ce qui faisait dire à un chroniqueur « Heureux si du même coup leurs mains saisissaient le gouvernail, si leurs pieds rencontraient les points d’appui des appareils rotatoires. »
Parc de saint-Cloud vers 1850 – En rouge, localisation de la course.
1) Le Palais Impérial ; 2) Bassin des cascades ; 3) Grille – Crédit Photo BNF – Gallica
Le départ de la course de vélocipèdes à Saint-Cloud le 31 mai 1868 – Crédit Photo BNF – Gallica
Pour les prix, la ville de Saint-Cloud offrit une médaille pour chacune des quatre courses, une en or d’une valeur de 100 francs, deux en vermeil et une en argent.
Elles portaient sur l’avers l’image de l’Empereur, et le revers une inscription médiane, avec la mention de la course, et le nom du vainqueur, et tout autour : « Ville de Saint-Cloud, 1res courses de vélocipèdes, 31 mai 1868 ».
Les principaux constructeurs de Paris, MM. Michaux, Druault, Jacquet, étaient présents et bon nombre des coureurs faisaient partie de leur personnel.
Ce fut un succès mais on convint qu’une barrière pour empêcher le public de déborder sur la piste serait indispensable à l’avenir.
Résultats selon Le Petit Journal :
Vélocipèdes au-dessus d’un mètre * (médaille d’argent) : 1er M. Charles Bon** en 2 minutes 40 (22.5 km/h).
– Vélocipèdes d’un mètre (médaille de vermeil) ; cinq coureurs ont participé. 1er M. James Moore, en 2 minutes 35 (23,2 km/h).
– Courses de lenteur (50 mètres de piste); six concurrents. Le but était d’arriver dernier sans s’arrêter. Tous sont tombés à l’exception de M. Jules Durruthy ***, élève du Grand-Gymnase ****.
– Grande course. – (médaille d’or). – Trois coureurs ont participé. 1er M. Georges Polinini, en 2 minutes 33 (23,5 km/h).
* Diamètre de la roue avant supérieur à un mètre.
** Note de l’auteur : Ne serait-ce pas M. Charles Bon le gagnant de la première course de vélocipèdes en France ?
*** Corrigé et vérifié, Darenty dans l’article
**** Grand Gymnase, 34, rue des Martyrs à Paris, créé par M. Eugène Paz en 1865.
Info : Tout l’été nous pouvons nous rencontrer au Musée de la Marine de Saint-Brevin.
Le thème : « La traversée de la Loire »,
les mercredis 1er août, 15 août, 22 août, 2 séances, 15 h 00 à 16 h 00 et 16 h 00 à 17 h 00 – Musée de la Marine à Saint-Brevin-les-Pins.
Seulement 18 participants à chaque séance donc bien sûr les échanges, à tout moment, entre le locuteur et les participants sont fortement recommandés.
Le vélocipède maîtrisé – Les premiers paris – 1868
Paris 1869 – 1) Cours la Reine ; 2) Avenue des Champs Elysées ; 3) Porte Maillot ; 4) Bois de Boulogne ; 5) Pré Catalan ; 6) La Muette. – Nouveau plan de Paris en 20 arrondissements – Migeon, éditeur – 1869
L’appareil maîtrisé voilà le temps des confrontations entre les velocemen. Chacun voulant montrer son adresse, sa parfaite maîtrise de l’engin.
La plupart des jeunes hommes habitant près du bois de Boulogne possédaient leur vélocipède. On les rencontrait sur l’avenue Wagram, dans les allées du bois, autour de la Muette et dans les parcs riverains.
Dans le bois, fin juin 1868, l’administration a interdit la circulation des vélocipèdes dans l’après-midi sur les parties les plus fréquentées, soient : les allées des fortifications, de Longchamp, et celles qui font le tour des lacs. Les autres parties du bois restaient accessibles aux vélocipèdes à toute heure.
« C’est la crainte de voir écraser par les voitures les amateurs du vélocipède, ou ces derniers blesser les piétons pour lesquels la course rapide et la difficulté d’arrêt instantané de ce genre de véhicule crée un véritable danger » qui lui fit prendre ces mesures.
Sur le Cours-la-Reine et dans les avenues les moins fréquentées des Champs Élysées, des jeunes gens s’adonnaient à des numéros d’adresse suivis par de nombreux promeneurs et curieux.
Après avoir lancé leur véhicule à pleine vitesse, ils montaient debout dessus, se croisant les bras, se tenant sur un seul pied, prenant des poses à la manière des écuyers dans les cirques debout sur les chevaux.
Les premières expériences sur route – 1868
M. de Vésin *, qualifié de « roi des vélocipédistes », entreprit de faire le trajet d’Angers à Paris en vélocipède. Il alla jusqu’à Tours — 86 kilomètres – où son véhicule se brisa.
* M. de Vésin était coutumier des paris. On sait qu’il a été question d’une confrontation entre le prince Achille Murat à cheval et M. de Vésin en vélocipède.
Au bois de Boulogne, à cheval, M. de Vesin avait parié de franchir tous les obstacles de la piste, haies, fossés, barrière fixe, banquette irlandaise, etc., sans toucher à la bride. Il a gagné son pari.
Le Vélocipède par Nathaniel Currier and James M. Ives, 1869.
Crédit photo – Museum of the City of New York/Corbis
Deux membres du cercle Castrais ont engagé le pari de parcourir les 72 kilomètres qui séparent Castres à Toulouse. On dit que l’enjeu était considérable.
L’un, M. Carrère avec une voiture attelée d’un de ses chevaux, l’autre M. Carcanade, sur un vélocipède.
Partis tous les deux le lundi 6 juillet 1868 de Castres à Midi, M. Carrère arriva à 18 heures (12 km/h) et M. Carcane à 18 h25 (11,2 km/h).
Une diligence bien menée mettait à peu près le même temps, mais en relayant quatre fois.
Le lundi 21 septembre 1868, neuf jeunes gens ont quitté Rouen pour rallier Paris sur leurs vélocipèdes soit 176 kilomètres. Partis à 7 heures ils entrèrent à Paris à 21 heures soit 14 heures. Déduction faites des 3 heures de repos leur vitesse fut de 16 km/h.
Le Prytanée des Vélocipèdes — Vue prise de la porte Maillot. 1869 – Crédit photo BNF – Gallica
L’acquisition du vélocipède étant faite… encore faut-il pouvoir pratiquer. Lors de l’achat du vélocipède certains fabricants fournissaient une notice explicative pour apprendre à s’en servir en quelques heures, telles celles éditées par :
– M. Eugène Benon, du passage Jouffroy, à Paris. Elle fut quelque peu moquée par un chroniqueur car elle comportait quelques phrases un peu naïves du genre : « On arrive avant quelqu’un parce qu’on est allé plus vite » ou « L’appareil est en même temps une puissance et un frein. »
– M. A. Favre, fabricant à Voiron (Isère) : « Le vélocipède, sa structure, ses accessoires indispensables, le moyen d’apprendre à s’en servir en une heure » – 1868.
D’autres fabricants proposaient des cours gratuits. La maison Michaux et Cie offraient cinq heures aux acquéreurs de ses vélocipèdes. Pour cela elle ouvrit « un gymnase » 27 rue Jean-Goujon, « le plus grand, le plus vaste, le seul approprié de Paris pour l’étude du vélocipède » selon ses dires. Les cours commencèrent le jeudi 15 octobre 1868.
Elle avait fait paraître des encarts dans la presse, le premier était libellé « La Maison Michaux et Cie, désireuse de démontrer au public combien les vélocipèdes sont d’un maniement facile… ». Une erreur ayant été commise sur la date d’ouverture elle fit paraître un erratum « Messieurs les amateurs de vélocipèdes sont informés… », démontrant la cible privilégiée de cette publicité.
Il existait des cours pour en apprendre le maniement au Grand Gymnase Paz *.
* M. Eugène Paz. Né à Bordeaux en 1835, il vint à Paris où il débuta dans le journalisme sous la direction de M. Albert Millaud, le fondateur du Petit Journal. Il collabora par la suite à plusieurs journaux ; au Figaro, au Temps, au XIX’ Siècle, à La Liberté.
Pendant ses instants de loisir, épris d’exercices physiques, il fréquenta le gymnase Triat, situé avenue Montaigne. En 1858, il fonda avec quelques amis la société Les amis de la gymnastique. En 1865, il créa le Grand Gymnase au 34 de la rue des Martyrs.
Il écrivit une série d’ouvrages sur l’éducation physique : L’Hydro-gymnastique ; La Santé par la gymnastique ; La Gymnastique obligatoire ; La Gymnastique raisonnée ; L’Histoire de la Gymnastique.
En 1868, il fut chargé par M. Duruy, le ministre de l’Instruction publique, de réaliser une enquête sur l’enseignement de la gymnastique en Allemagne et en Autriche. Il conçut, à la suite de cette mission, l’idée de grouper en une fédération les sociétés de gymnastique de France. La guerre survint, le projet fut mis en sommeil.
Après la guerre, il fonda avec M. Ducret le Moniteur de la Gymnastique. Ce même M. Ducret créa en 1873, le journal Le Gymnaste et provoqua une réunion de délégués de neuf sociétés françaises au gymnase Paz. Ils posèrent les bases d’une fédération qui prit le nom d’Union des Sociétés de gymnastique de France. M. Paz fut nommé président de l’Union.
Il mourut en janvier 1901 à Paris, après avoir vu ses efforts en faveur de l’éducation physique couronnés de succès.
On vit aussi fleurir des livrets tel le « Manuel du vélocipède / publié par le Grand Jacques » en 1869.
Le costume
Pour les hommes
Le vélocipède était un plaisir comme le canotage et il comportait une tenue spéciale qui, selon le code de l’époque, n’était pas « habillée ». Ce qui faisait dire à un chroniqueur : « Si vous êtes ainsi vêtu et que vous descendiez de votre monture, où aller dans cet accoutrement ? ».
Voici quelques conseils préconisés à cette époque :
Le chapeau tuyau de poêle est à proscrire car une branche d’arbre, une secousse, la résistance de l’air peuvent avoir raison du couvre-chef. On se contentera d’une casquette ou d’un chapeau rond retenu par un ruban.
On portera des vêtements simples, justes, libérant la cuisse : le veston, le pantalon gris fer contre la poussière, avec un fond résistant, sera enfermé dans des bottes collantes ou demi-bottes.
Pour les femmes
Costumes de velocewomen et de ville. Manuel du vélocipède –
Illustration Emile Bénassit – Crédit Photo BNF – Gallica
Le Gamin La Fantaisie
Histoire générale de la vélocipédie / L. Baudry de Saunier – Crédit Photo BNF – Gallica
Comme pour les hommes il fallait une tenue spéciale. Autant les choses étaient faciles pour ces derniers, autant pour les femmes c’était compliqué. L’image montrant deux femmes en costume de ville regardant les deux velocewomen est très explicite et nous montre toute l’ambiguïté du problème : les jambes doivent-elles être montrées ? Alors des tailleurs ont réfléchi à la question et fait des propositions.
Le Gamin : blouse courte, casquette à visière basse, ceinture ; pantalon renfermé dans des demi-bottes.
Le Gandin : le costume porté par les hommes.
La Fantaisie : pour la tête et le buste : une toque russe à plumet droit, un justaucorps fourré ou passementé ; en bas, un maillot collant. Le créateur à terminer son exposé par cette proposition : « Quelques dames qui le préféreraient pourraient passer sur le maillot un pantalon de dentelle tombant sur le genou et dégageant la jambe, car la jambe doit se montrer quand elle est bien faite. »
Les moralistes, les religieux s’emparèrent de la question qui fut très longtemps âprement discutée.